M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne les quartiers disciplinaires.
Ces lieux ne sont pas perçus par hasard comme des lieux de moindre droit. Les conditions de vie y sont plus dures qu'en détention générale. Les garanties comme la superficie minimale des cellules, la possibilité de promenade ou la possibilité de contact avec l'extérieur par le droit de visite ou par le téléphone semblent parfois oubliées.
L'État français ne brille pas par l'état de ses prisons ni par les conditions de détention. Les quartiers disciplinaires sont le reflet exacerbé de ces problèmes, et le Comité européen pour la protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe, le CPT, a établi de nouveau, lors de sa visite, des constats qui ne nous font pas honneur.
Actuellement, la durée maximale y est de trente jours. Le Comité recommande de nouveau aux autorités françaises de prendre les mesures législatives nécessaires pour assurer que le placement à l'isolement disciplinaire ne dépasse pas quatorze jours pour une infraction donnée commise par un adulte et qu'il soit de préférence d'une durée inférieure.
Ces recommandations nous paraissent nécessaires et constituent le début d'une réelle prise en compte des difficultés au sein des quartiers disciplinaires. Je me dois d'évoquer certains doutes concernant d'éventuels mauvais traitements et un manque de transparence et de traçabilité, ce qui entretient des suspicions, notamment, sur les circonstances de certains suicides.
Les suicides semblent aussi plus nombreux dans ces lieux, où les privations peuvent créer des conditions favorables aux passages à l'acte.
Le CPT regrette que le recours à la force, qui peut parfois se justifier, ne soit pas systématiquement répertorié et que les données le concernant ne permettent pas de démontrer en quoi il se révèle strictement nécessaire et appliqué dans le respect du principe de proportionnalité.
Aussi, je souhaite savoir si le ministère compte rendre disponibles les chiffres sur les quartiers disciplinaires – nombre de séjours, durées, durées moyennes, nombre de suicides –, afin de permettre un état des lieux de la situation et d'enclencher une réforme de ces lieux.
Monsieur le garde des sceaux, je souhaite aussi connaître votre avis sur la possibilité d'aménager les restrictions aux conséquences trop importantes sur les détenus des quartiers disciplinaires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Benarroche, je vous communiquerai très volontiers les chiffres ; je demanderai à la direction de l'administration pénitentiaire de me les transmettre.
De grâce, ne laissons pas entendre que le quartier disciplinaire, autrement appelé « mitard », serait le lieu de l'arbitraire absolu. Je le rappelle, un détenu, lorsqu'il est envoyé au mitard, comparaît devant une commission composée du directeur de l'établissement pénitentiaire et d'un assesseur venant de la société civile. Il peut également être défendu par un avocat.
Nous avons évoqué au Sénat, dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi déposée par M. François-Noël Buffet,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Par l'excellent François-Noël Buffet !
(Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … les conditions indignes, auxquelles nous sommes particulièrement sensibles, qui concernent la détention ordinaire comme les quartiers disciplinaires.
À ce titre, je vous indique que nous avons consacré plus de 130 millions d'euros par an à la rénovation des prisons. Reste que les choses ne se font pas en un claquement de doigts ! J'ai déjà eu, hélas ! le déplaisir de le dire, la justice a subi un abandon de trois décennies sur les plans humain, budgétaire et politique.
Par ailleurs, s'agissant des suicides, le quartier disciplinaire peut bien évidemment constituer un facteur « favorisant », si j'ose dire. Nous sommes très attentifs à ce point. Le personnel pénitentiaire prend un certain nombre de dispositions et nous faisons venir des médecins. Vous l'avez compris, le suicide d'un détenu, c'est un échec.
Monsieur le sénateur, je vous ouvre la porte de la Chancellerie, afin de vous communiquer très prochainement les chiffres sur ce sujet. Nous réfléchirons ensemble à ce que vous avez proposé. Toutefois, je le dis, ce point n'est pas, pour le moment, à l'ordre du jour.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux. Simplement, certains processus administratifs sont susceptibles de créer des problèmes.
Par exemple, des détenus sont au quartier disciplinaire parce que leurs téléphones portables ne sont pas ceux qui sont mis à disposition par l'administration. Or, en vertu de contrats passés par le ministère, le coût d'un appel autorisé est dix fois plus élevé que celui d'un appel ordinaire ! Il faut donc prendre les mesures nécessaires, y compris s'agissant des marchés publics conclus pour ces matériels.
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