M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, j'associe mon collègue Laurent Somon à ma question.
Voilà trois mois, alors que le vice-président du Sénat Roger Karoutchi vous interrogeait sur le rapatriement des femmes et des enfants de djihadistes, vous avez répondu : « En réalité, notre doctrine n'a pas changé. » Était-ce ironie ou mépris ?…
Depuis 2009, chaque situation était étudiée au cas par cas pour les enfants, dans une logique purement humanitaire. Quant aux femmes, le principe de la tolérance zéro leur était appliqué.
Or, même si je ne veux pas employer le terme de « rapatriement », car il s'agit de revenants, nous avons appris par la presse que 15 femmes et 32 enfants sont rentrés, sans compter les 31 femmes et les 67 enfants revenus l'année dernière. Assumez-vous ce changement de doctrine, à savoir l'abandon du cas par cas et le choix des retours massifs ?
Comment assurez-vous la prise en charge de ces enfants par les services de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, déjà au bord de l'asphyxie, comme l'enfermement de ces femmes dans nos prisons, déjà saturées, alors qu'elles sont parfois considérées comme des héroïnes ? Comment pouvez-vous garantir la sécurité des Français face à ces personnes qui haïssent toujours la France ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Boyer, il n'y avait ni ironie ni mépris ; votre champ lexical aurait sans doute pu vous permettre d'envisager d'autres points de vue.
Nous n'avons pas changé notre position, qui est extrêmement claire et précise. Ceux qui ont choisi Daech doivent être jugés au plus près des lieux où ils ont commis leurs crimes, mais, et ce n'est pas un petit « mais », il y a des enfants, madame la sénatrice, qui n'ont rien choisi et qui doivent être traités avec humanité et vigilance !
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
Je parle d'humanité, parce que ce sont des enfants, et des enfants français, ne vous en déplaise ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Et je parle de vigilance, parce qu'ils sont susceptibles d'être traumatisés à vie, avec toutes les séquelles que cela peut causer.
Non, nous n'avons pas changé de doctrine ! Nous rapatrions à la demande, chaque fois que cela est possible, des femmes avec des enfants, en ayant à l'esprit la sécurité de nos forces de l'ordre qui se trouvent sur place, car nous ne maîtrisons pas tout.
Les femmes ont toutes fait l'objet d'une judiciarisation. Quant aux enfants, ils sont placés parfois auprès de leurs grands-parents, qui sont des gens parfaitement intégrés, parfaitement honnêtes et, je le redis, parfaitement français, madame la sénatrice.
Ces enfants font l'objet d'un suivi sanitaire, d'un suivi médical et d'un suivi psychologique. Fermeté pour les femmes, humanité et vigilance pour les enfants : nous pourrions tomber d'accord sur ce point. Ce n'est ni de l'ironie ni du mépris !
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Vous n'avez pas le monopole de l'humanité, monsieur le ministre ! Personne, ici, ne peut le nier, nous souhaitons également traiter les enfants avec humanité.
(Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
En revanche, la doctrine du cas par cas avait été adoptée par votre prédécesseur, Mme Belloubet, et M. Le Drian. Qu'en est-il aujourd'hui ? Pourquoi avez-vous changé de doctrine, en optant pour des migrations mortifères massives ?
(Protestations sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
M. Mickaël Vallet. Ils sont français !
Mme Valérie Boyer. Le président Macron a lui-même estimé ces retours trop dangereux pour la sécurité des Français. Qu'en est-il aujourd'hui des personnes qui restent ? Combien sont-elles ? Vous injectez dans la population française des djihadistes, alors que notre pays est déjà gangrené par le salafisme !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – M. le garde des sceaux manifeste son indignation.)
N'oublions pas que la France, avec 1 400 individus, est le premier pays européen et le deuxième pays au monde à avoir fourni des terroristes à l'État islamiste. Des femmes se sont engagées pour aller combattre en Syrie et en Irak, contre la France.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Avons-nous les moyens d'une telle politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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