M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
(Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, lors de ses vœux, en 2021, le Président de la République louait les première, deuxième et troisième lignes qui avaient tenu notre pays durant la pandémie. Parmi ces engagés, ces solidaires, se cachent votre sœur, votre voisin, vos amis, des milliers d'anonymes, nous disait-il.
Marie, infirmière, Fouad, animateur, Rosalie, vendeuse, Thibaud, agent d'entretien, Florence, auxiliaire de vie, etc. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : ces héros de notre République étaient hier dans la rue, ils y seront samedi et les jours suivants, ils ne lâcheront pas !
Ils ne lâcheront pas, car ils ne comprennent pas votre acharnement à leur prendre deux années de leur vie.
(Mêmes mouvements.)
Ils ne lâcheront pas, car ils ne comprennent pas vos contradictions.
Ils ne lâcheront pas, car ils ne comprennent pas le sens de votre obstination.
Et je l'avoue, madame la Première ministre, je ne vous comprends pas non plus : rien de tout cela ne vous ressemble.
Vous nous disiez lors de votre déclaration de politique générale : « Les Français ont élu une Assemblée sans majorité absolue. Ils nous invitent à des pratiques nouvelles, à un dialogue soutenu et à la recherche active de compromis. »
Les pratiques nouvelles ? Le 47-1 ! Le dialogue ? Le 49.3 ! Les compromis ? « C'est non négociable » ! En résumé : déni, mépris !
Madame la Première ministre, vous savez que l'on ne gouverne pas contre le peuple.
Cessez d'appliquer une consigne que vous savez absurde, cessez de vouloir passer en force, cessez d'ignorer les syndicats, les parlementaires et le peuple, cessez d'ignorer une société qui change !
Marie, Fouad, Rosalie, sont fatigués, mais ils ne lâcheront pas.
Ils ne lâcheront pas, parce que leur combat est juste – et vous le savez.
Une seule question les taraude : quand ? Quand allez-vous retirer ce projet de loi aussi inutile qu'injuste ?
(Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Guillaume Gontard, une fois de plus, vous avez multiplié les phrases définitives et les caricatures…
(Exclamations sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
Alors, une fois de plus, dans un esprit de responsabilité, je veux vous rappeler les faits : le nombre de personnes qui travaillent et qui cotisent diminue…
M. Pierre Laurent. Et les exonérations de cotisations ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … par rapport au nombre de retraités.
Dès lors, si nous ne faisons rien, les déficits vont se creuser, menaçant la pérennité de notre système de retraite par répartition.
(Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
La question qui se pose au sujet de cette réforme est la suivante : voulons-nous, oui ou non, conserver notre système de retraite par répartition ?
(Oui ! sur des travées du groupe SER.)
M. Fabien Gay. Vous étiez pour la retraite à points !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour y parvenir, il est vrai que nous demandons un effort aux Français. C'est le seul chemin pour assurer l'équilibre de nos retraites.
(Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Ce chemin, le Sénat ne le découvre pas. Il y a en effet de réelles convergences entre notre projet et les travaux de votre assemblée, illustrées par votre adoption répétée, depuis plusieurs années, d'amendements tendant à reporter à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite.
(Exclamations sur les travées du groupe SER, où l'on pointe l'autre côté de l'hémicycle.)
M. Patrick Kanner. Ce n'est pas nous !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. En revanche, monsieur le président Gontard, je mesure parfaitement ce que travailler plus longtemps représente pour beaucoup de Français. C'est pourquoi nous avons mené, pendant plusieurs semaines, des concertations avec les organisations syndicales et patronales, ainsi qu'avec les groupes parlementaires.
(Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme Monique Lubin. Pour quel résultat ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je le redis : aux termes de notre projet, quatre Français sur dix – ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui exercent des métiers pénibles – n'auront pas à travailler jusqu'à 64 ans.
Alors, je ne doute pas que Fouad, Marie et Rosalie font partie de ces Français qui n'auront pas à travailler jusqu'à 64 ans.
Or que proposez-vous à ces Français, monsieur Gontard ? Proposez-vous une baisse drastique des pensions, fruits d'une vie de travail ? (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Ou bien proposez-vous une augmentation des impôts et des cotisations, ce qui conduirait inéluctablement à une baisse du pouvoir d'achat et à une hausse du chômage !
(Mêmes mouvements.)
M. Pascal Savoldelli. Et l'égalité salariale ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Alors, monsieur Gontard, vous vous trompez de cible, car les plus riches auront toujours une retraite, même sans notre réforme. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) En revanche, pour les classes moyennes, pour les plus modestes, ce serait plus de chômage et moins de pouvoir d'achat. Ce que nous proposons, c'est le plein emploi et de meilleures retraites !
Monsieur Gontard, je l'ai dit et je le répète : notre projet n'est pas figé, il a d'ailleurs déjà évolué, grâce aux concertations menées avec les organisations syndicales et patronales, avec les groupes parlementaires…
(Huées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Quel mensonge !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Il évoluera et s'enrichira encore grâce au débat parlementaire.
Certes, je sais que la dirigeante de votre parti a appelé à faire du Parlement une « zone à défendre », une ZAD, mais j'ai confiance dans la responsabilité de chacun pour offrir aux Français un débat de bonne tenue, un débat d'idées, un débat respectueux. Je ne doute pas que le Sénat y sera particulièrement attentif.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, tout d'abord, ce sont nos retraites qui sont une zone à défendre ! Oui, il y a d'autres solutions ! Il suffit d'écouter, d'écouter les syndicats, d'écouter les parlementaires. Il suffit de regarder…
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
De grâce, ne nous dites pas aujourd'hui qu'il n'y a pas d'argent dans notre pays, que ce n'est pas possible aujourd'hui. Oui, on peut taxer le capital et les dividendes ! Oui, il y a d'autres possibilités ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
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