M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, mes chers collègues, madame la Première ministre, jeudi dernier, l'Assemblée nationale s'est prononcée, par 205 voix pour et 1 contre, en faveur de la proposition de loi du groupe socialiste visant à la nationalisation du groupe EDF. Elle s'est également prononcée en faveur de l'incessibilité du capital d'EDF détenu par l'État.
Par conséquent, EDF ne pourrait plus être démantelée ou être livrée au marché à la découpe. En outre, parce que les filets de sécurité que vous avez mis en place, madame la Première ministre, sont très insuffisants pour sauver les entreprises, notamment les entreprises artisanales comme les boulangeries, le texte leur permettrait à toutes d'accéder aux tarifs régulés.
Courageusement, les députés de la majorité gouvernementale ont quitté l'hémicycle au moment du vote sur ce texte, ce qui en dit long sur leur respect de la démocratie parlementaire…
Plus profondément encore, madame la Première ministre, cette attitude est le reflet de l'impensé politique du Gouvernement s'agissant de son projet industriel pour EDF comme de ses objectifs concrets de réforme du marché de l'électricité dans l'intérêt général des Français et de toutes nos entreprises.
Madame la Première ministre, si ce texte, à présent déposé sur le bureau du Sénat, ne vous convient pas, quelles sont vos propositions de substitution pour EDF ? Comment entendez-vous répondre immédiatement aux difficultés de nombreuses d'entreprises dont l'existence est en jeu et dont les dirigeants, avec leurs salariés, se trouvent dans un grand désarroi ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, je vais vous dire le fond de ma pensée au sujet de ce texte (Ah ! sur les travées des groupes SER et CRCE.) : je ne vois pas ce qu'il apporte, mais je vois très bien ce qu'il coûte, à savoir 18 milliards d'euros.
Je ne vois pas ce qu'il apporte, parce que nous avons engagé la prise de participation d'EDF par l'État à hauteur de 100 % ; au moment où je vous parle, nous détenons 96 % des titres. Je ne vois donc pas à quoi il sert de faire un texte de loi pour nationaliser EDF, alors que l'État détiendra 100 % des titres d'ici à quelques semaines !
Vous allez me répondre en citant le projet Hercule et en répétant que nous voulons démanteler EDF… Dans quelle langue faudra-t-il dire que le projet Hercule est mort et enterré et que nous voulons préserver l'unité d'EDF ?
(Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Pourquoi voudrions-nous reprendre les titres d'EDF et contrôler à 100 % cette entreprise si c'est pour la démanteler ensuite ? Cela n'aurait absolument aucun sens ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE. – M. Xavier Iacovelli applaudit.) Je veux que les choses soient claires et entendues : nous voulons en faire un grand service public.
J'en viens aux 18 milliards d'euros que coûterait l'application de ce texte.
Imaginons que l'on étende, comme le vise cette proposition de loi, l'ensemble des tarifs régulés d'électricité, non seulement aux petites et très petites entreprises, mais aussi aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, c'est-à-dire à presque tout le tissu économique français. Monsieur le sénateur, croyez-vous sérieusement que toutes les entreprises françaises ont besoin que 18 milliards d'euros d'argent public du contribuable soient mis à contribution pour les soutenir face à la crise de l'électricité ?
Je pense que c'est tout simplement un gigantesque gaspillage d'argent public !
(Mme Céline Brulin proteste.)
M. Éric Kerrouche. C'est déjà le cas avec les 60 milliards d'euros d'aide des entreprises !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous dites toujours que nous en faisons trop pour les entreprises. Eh bien, là, je puis vous dire que ce serait infiniment trop !
Nous allons prendre le contrôle à 100 % d'EDF. Nous allons demander à l'entreprise de remettre en état les réacteurs nucléaires qui doivent l'être et de s'engager totalement sur la construction de six nouveaux EPR (réacteurs pressurisés européens), et nous allons maintenir l'unité du groupe (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.). Voilà la feuille de route qui a été attribuée au nouveau président d'EDF.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. À l'inverse, je vous rejoins sur la réforme du marché européen de l'énergie. Nous livrons cette bataille avec Mme la Première ministre et nous la gagnerons, pour que nos compatriotes paient leur énergie au prix de l'électricité d'origine nucléaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, vous n'avez pas vraiment répondu à la question de l'organisation de l'entreprise EDF. Depuis des mois, les ministres chargés du dossier nous bercent de paroles lénifiantes et aucune mesure un tant soit peu efficace ne se profile en France et en Europe.
Ce qui est ici en question, c'est la capacité du Président de la République et de votre gouvernement à peser sur la réforme du marché de l'électricité dans l'Union européenne.
L'entreprise nationale EDF doit être au cœur de la reconquête de la souveraineté économique française. Le groupe socialiste du Sénat soutiendra la proposition de loi déposée par Philippe Brun. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
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