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Annie Le Houerou
Question d'actualité au gouvernement N° 272 au Ministère de la santé


Abus de l'intérim médical

Question soumise le 2 mars 2023

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, malgré le Ségur de la santé et ses promesses d'attractivité pour l'hôpital public, ce dernier continue de faire face à un absentéisme important et à de nombreux postes vacants.

Si l'intérim médical est nécessaire pour répondre aux difficultés temporaires de recrutement, l'usage abusif qui en est fait conduit – je vous cite – à un « intérim cannibale qui rémunère injustement le nomadisme professionnel et détruit la cohésion des équipes ».

Certains professionnels sont devenus de véritables mercenaires de la santé : ils font monter les enchères du marché de l'intérim à 2 000 euros par jour, voire 3 000 euros dans certaines périodes tendues.

En comparaison, un jeune praticien à l'hôpital perçoit un salaire mensuel d'environ 4 500 euros pour un engagement sans limite auprès de ses patients.

Pour répondre à cette injustice, loi Rist de 2021 (loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification) a encadré les tarifs de l'intérim médical avec un plafond fixé par décret à 1 170 euros brut pour une mission de vingt-quatre heures. L'application de cette mesure, prévue pour octobre 2021, a été décalée afin de prévenir les dysfonctionnements.

À un mois de la nouvelle échéance, fixée au 1er avril, nous sommes alertés par les praticiens hospitaliers, notamment dans les services d'urgence, qui peinent à boucler les plannings faute d'intérimaires acceptant les nouveaux tarifs.

Avez-vous envisagé, pour éviter des fermetures de lits ou de services d'urgences, la réquisition de ceux qui profitent du système au mépris du serment d'Hippocrate ?

Quelles mesures avez-vous prises pour éviter un nouveau recul dans le respect du temps de travail des praticiens hospitaliers titulaires et des patients, qui ne doivent pas être les victimes collatérales de cette guerre de tranchées entre le ministère et ces mercenaires ?
(Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Réponse émise le 2 mars 2023

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Le Houerou, la régulation de l'intérim médical est une constante préoccupation du législateur depuis au moins deux mandatures.

Je sais que votre assemblée surveille de près l'application des lois et je me suis engagé à ce que les décrets d'application de l'article portant sur l'intérim médical de la loi Rist de 2021 – vous en avez parlé – entrent en vigueur dès le début du mois d'avril.

Naturellement, cela ne vise pas l'intérim médical de manière générale, mais bien ses dérives, qui sont – fort heureusement – minoritaires. C'est d'abord une question d'éthique !

Il faut rappeler quelques chiffres. Le coût de l'intérim médical pour les hôpitaux s'est élevé à 359 millions d'euros en 2021. Vous parliez de rémunérations allant jusqu'à 3 000 euros pour vingt-quatre heures ; sachez que cela va même jusqu'à 5 000 euros ! Pourtant, vous l'avez rappelé, le plafond actuel est de 1 170 euros.

Au-delà de l'aspect financier, ces dérives contribuent à détruire les équipes hospitalières et l'engagement des praticiens : deux médecins font le même travail, mais l'un est payé trois, quatre ou cinq fois plus que l'autre pour la même période !

Il y a plus d'un mois, j'ai demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour affiner les diagnostics, établissement par établissement.

Je leur ai également demandé de construire des solutions avec les professionnels de santé du territoire, mais également avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les établissements sièges de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont c'est la responsabilité.

J'en ai enfin appelé aux acteurs du secteur privé, notamment les cliniques : ils se sont engagés envers moi à nous suivre sur la voie d'une rémunération raisonnée de ces périodes d'intérim médical.

Je suis bien sûr avec une attention très particulière l'ensemble des établissements, en particulier ceux qui connaissent des fragilités, et je peux vous assurer qu'aucun territoire ne sera laissé sans solution.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Entendez le cri d'alarme des professionnels, monsieur le ministre !

Je crains qu'il soit impossible de mettre en œuvre le plafonnement de la rémunération de l'intérim comme vous l'envisagez. Cela démontrerait, une fois de plus, l'échec de votre politique de santé qui nécessite d'être revue de fond en comble avec les professionnels.

Je crains que le respect du nouveau tarif ne soit qu'un poisson d'avril au mépris de ceux qui s'engagent auprès des patients pour l'intérêt général et sans reconnaissance ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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