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Marie-Pierre de La Gontrie
Question d'actualité au gouvernement N° 332 au Ministère de l'intérieur


Doctrine de maintien de l'ordre

Question soumise le 30 mars 2023

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Tout le monde ici condamne les violences (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), d'où qu'elles viennent et quelles qu'en soient les victimes, que ce soit les manifestants ou les forces de l'ordre, dont nous saluons encore l'engagement. C'est pourquoi les faits commis par la brigade de répression de l'action violente motorisée (Brav-M) la semaine dernière, à Paris, sont inacceptables.

Je reprends quelques témoignages.

Valentin, 19 ans : « Je suis projeté au sol, et une moto me roule sur la jambe gauche, occasionnant un hématome de 56 centimètres. »

Souleymane, 23 ans, s'est vu répondre : « T'as tellement de chance d'être assis là. Je te jure que je te pétais les jambes au sens propre. Je peux te dire qu'on en a cassé, des coudes et des gueules. »

Salomé, 22 ans, a entendu les mots suivants : « Ta vie ne tient qu'à un fil. Je vois la peur dans ton regard, et j'aime ça ! »

Enfin, Paul Boyer, journaliste, 25 ans, a été frappé au visage avec une matraque, sans un mot, par un agent de la Brav-M. Diagnostic : traumatisme crânien et fracture de la main gauche.

M. Philippe Pemezec. Vous entendez ce que vous avez envie d'entendre !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le ministre, vous engagez-vous ici, aujourd'hui, à adresser à l'ensemble des forces de l'ordre la lettre du 29 mai 1968 de Maurice Grimaud, alors préfet de police de Paris ?
(M. Philippe Pemezec s'exclame.)

Je vous en livre un extrait : « Nous n'avons pas le droit de passer sous silence les excès dans l'emploi de la force. Frapper un manifestant à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Vous devez faire une guerre impitoyable à tous ceux qui, par leurs actes inconsidérés, accréditeraient l'image déplaisante que l'on cherche à donner de nous. »
(Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Réponse émise le 30 mars 2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice de La Gontrie, qu'il y ait, comme dans toutes les professions, des policiers et des gendarmes qui ne respectent pas les valeurs, le droit ou la déontologie, c'est une évidence.

D'ailleurs, j'en ai sanctionné plus que vous lorsque vous étiez aux responsabilités. Sous le quinquennat de François Hollande, il y a eu en effet des moments marqués par des manifestations difficiles ; je pense à l'examen de la loi Travail de Mme El Khomri. Et vous avez rencontré des difficultés de maintien de l'ordre ; je pense au barrage de Sivens, dont j'entends peu parler dans les interventions du groupe socialiste.
(Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Oui, madame la sénatrice, j'ai sanctionné des policiers et gendarmes, parfois en leur retirant l'uniforme, car j'estime qu'ils doivent être exemplaires.

M. Hussein Bourgi. Ce n'est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. En revanche, je ne serai jamais comme vous dans la démagogie, madame la sénatrice.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En quoi est-ce de la démagogie que de citer Maurice Grimaud ?

M. Gérald Darmanin, ministre. La démagogie consiste à mettre sur le même plan les « violences » de la police et les violences des casseurs. Quand on vous écoute, on a l'impression que ces manifestations sont un conflit opposant des personnes qui méritent une égalité de traitement. Or, pour nous, il n'y a pas de signe « égal ».

Le parti socialiste a oublié Clemenceau. Le parti socialiste a oublié M. Cazeneuve. Le parti socialiste a oublié M. Badinter.
(Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. Nous voulons oublier M. Dussopt !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je n'irai pas jusqu'à vous rappeler que vous avez mis en place un schéma de maintien de l'ordre que nous avons été obligés de corriger pour qu'il soit validé par le Conseil d'État.

Madame la sénatrice, devant vos « oui, mais », je ne puis m'empêcher de penser à ma grand-mère, qui était femme de mineur et qui disait que, quand il y a un « oui, mais »…

M. Hussein Bourgi. Mme de La Gontrie n'a pas dit cela ! Écoutez la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr, monsieur le sénateur ! Nous avons tous compris que la Nupes avait beaucoup de mal à soutenir les forces de l'ordre. L'opinion publique commence à le voir.

Les policiers ne veulent pas de « oui, mais ». Ou plutôt, leur « oui » s'adresse à l'exigence que nous avons pour eux et leur « mais » exprime une demande de soutien, parce que ce sont des femmes et des hommes, fort mal payés malheureusement, qui protègent nos concitoyens et qui permettent à chacun de manifester dans de bonnes conditions, comme ils l'ont encore montré hier.

Madame la sénatrice, je le répète, je suis prêt à répondre plus longuement devant la commission des lois de votre assemblée, quand son président me le demandera. Mais le procès que vous intentez aux policiers de la République n'est pas digne d'un grand parti de gouvernement comme le vôtre.
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur Darmanin, être ministre de l'intérieur, ce n'est pas seulement être le ministre de la police. Vous êtes chargé de la paix civile. Vous devez non seulement défendre les policiers et les gendarmes, mais aussi veiller au respect de l'État de droit. C'est ce que les Français attendent : le respect de l'ordre, mais dans la justice !

Puisque vous vous référez à de grands ministres de l'intérieur de gauche, permettez-moi de citer Pierre Joxe, avec lequel j'ai eu l'honneur de travailler. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Plan quinquennal de modernisation de la police, création de la direction de la formation, instauration du code de déontologie,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … Déclaration des droits de l'homme affichée dans les commissariats : voilà ce qu'il a fait et voilà le modèle que vous devriez suivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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