Mme Marie-Arlette Carlotti demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice la levée du secret défense sur le dossier concernant le triple assassinat de militantes kurdes survenu à Paris le 9 janvier 2013.
Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, Fidan Dogan, Sakine Cansiz et Leyla Söylemez ont été assassinées à Paris. Ces militantes de la cause kurde ont été sauvagement assassinées pour les idées qu'elles défendaient : femmes-vie-liberté !
Certes les autorités françaises ont arrêté un suspect mais il est mort fin 2016, quelques semaines avant la tenue du procès.
Si depuis 2019, les familles des trois victimes du drame de janvier 2013 se sont portées partie civile et ont permis la réouverture de l'enquête, les autorités françaises refusent toujours la déclassification des informations détenues par les services de renseignement français. Qu'est ce qui le justifie ?
L'enquête en France avait pourtant souligné l'implication de membres de services secrets turcs dans ce triple assassinat.
Alors que dix ans après les faits, un nouvel assassinat sanglant, visant les Kurdes, était perpétré de nouveau à Paris, les Kurdes de France se mobilisent pour obtenir protection et vérité.
Toute la lumière sur ces assassinats doit être faite. Le Gouvernement doit avoir le courage politique de lever le secret défense sur tous les éléments de ce dossier. Le nouvel an kurde serait une occasion d'annoncer cette nouvelle et envoyer un signe politique aux familles qui attendent, depuis dix ans, des réponses à leurs questions.
Elle lui demande de s'engager à tout mettre en œuvre pour lever le secret défense afin que l'enquête puisse être réalisée, menée jusqu'à son terme et que justice soit rendue.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 432, transmise à M. le ministre des armées.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la secrétaire d'État, il y a dix ans, trois femmes, trois militantes de la cause kurde ont été assassinées en plein Paris. Sakine, Fidan et Leyla avaient été les premières à scander ce slogan, désormais symbole du courageux combat des femmes iraniennes : « Femme, vie, liberté ! »
Justice n'a pu être rendue, le principal suspect, qui a toujours nié les faits, ayant perdu la vie au mois de décembre 2016, à quelques mois de la date de son procès.
Depuis dix ans, les familles des trois victimes attendent la vérité – une vérité qu'on leur cache, et que l'on nous cache, puisque les autorités françaises refusent toujours la déclassification des documents détenus par les services secrets français.
Alors que la juge d'instruction antiterroriste qui a renvoyé aux assises Omer Güney pour ce triple assassinat a pointé les accointances du suspect avec les services secrets turcs, la Commission du secret de la défense nationale (CSDN) n'a autorisé la divulgation que de trente-six documents. Si le suspect était bel et bien écouté par les services secrets français, le contenu de ses conversations n'a pas été déclassifié.
L'enquête judiciaire n'est donc pas terminée : les avocats des victimes ont saisi le parquet pour que l'enquête reprenne, afin que soient identifiés les commanditaires. Nous ne pouvons accepter que des personnes soient liquidées sur le sol français.
Les 250 000 Kurdes vivant en France, qui ont été extrêmement marqués par ces assassinats, ont vu, dix ans après, leurs blessures rouvertes par un nouvel événement sanglant. La communauté kurde a été de nouveau attaquée à Paris le 23 décembre 2022. Des morts, encore des morts… Désormais, ses membres ont peur. Ils ont peur de vivre dans le pays où ils ont pourtant trouvé refuge : la France, pays des droits de l'homme et des Lumières.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement aura-t-il le courage de lever le secret-défense sur tous les éléments de ce dossier ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, je vous répondrai au nom de Sébastien Lecornu, ministre des armées, qui vous prie de bien vouloir l'excuser de son absence.
Le 9 janvier 2013, trois militantes kurdes ont été assassinées dans le Xe arrondissement de Paris, près de dix ans avant le drame qui a de nouveau endeuillé ce quartier au mois de décembre dernier. Nous avons une pensée pour ces victimes et leurs familles.
Depuis 2013, le ministère des armées est sollicité pour transmettre à la justice des éléments relatifs à ce crime. Ainsi, en 2015, le ministère des armées a déclassifié ses documents après avoir saisi la Commission du secret de la défense nationale.
Cette commission est une autorité administrative indépendante, qui a été créée pour émettre un avis indépendant sur les déclassifications et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification. Elle est constituée d'un conseiller d'État, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un magistrat de la Cour des comptes, d'un député et d'un sénateur.
Ainsi, le ministère des armées indique qu'il ne détient plus de documents pouvant concourir à la manifestation de la vérité.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Le 21 mars aura lieu le nouvel an kurde. À cette occasion, nous espérons vraiment une réponse positive.
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