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Yves Détraigne
Question écrite N° 14804 au Ministère de la justice.


Accès du conseil syndical à des parties communes à jouissance privative

Question soumise le 19 mars 2020

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M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de l'accès du conseil syndical d'une copropriété à des parties communes à jouissance privative. Ces dernières, définies à l'article 6-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 comme des « parties communes affectées à l'usage et à l'utilité exclusifs d'un lot », sont présentes dans de nombreuses copropriétés (jardins, cours, balcons, toit-terrasses…) et sont source d'un abondant contentieux. Ces espaces contiennent le plus souvent des effets et aménagements personnels. Certaines parties communes à jouissance privative sont accessibles par des parties privatives (appartements), d'autres par des parties communes (escalier, palier…). Dans ce dernier cas, ces espaces sont généralement fermés à clés (cas des toit-terrasses).

Si ce droit d'usage privatif n'interdit pas le syndic ni les hommes de l'art de pénétrer sur cet espace dans les conditions définies dans le règlement de copropriété, il lui demande si les membres du conseil syndical sont habilités à accompagner celui-ci et/ou un homme de l'art dans le cas d'une visite ou intervention technique se déroulant dans une partie commune à jouissance exclusive.

Il apparaît que deux principes juridiques doivent être conciliés :

- d'une part le principe à valeur législative en vertu duquel la mission du conseil syndical est d' « assister le syndic » (article 21 de la loi susmentionnée de 1965), à condition toutefois de considérer que cette mission d'assistance inclut des tâches à caractère opérationnel ou technique, ce qui ne semble pas ressortir de la rédaction de cet article tel que précisé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- d'autre part, le droit au respect de la vie privée et la protection du domicile, principes à valeur constitutionnelle et figurant à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Sur ce point, il est rappelé que la Cour de cassation estime, depuis un arrêt de principe du 26 février 1963, que « le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, qu'elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux ». Il semble donc qu'une partie commune à jouissance privative telle qu'un balcon, une terrasse ou un jardin entre dans cette définition.

En conséquence, la question se pose de savoir si les membres du conseil syndical peuvent, dans le cadre de leurs fonctions et en l'absence de dispositions le prévoyant dans le règlement de copropriété, pénétrer dans une partie commune à jouissance privative sans l'autorisation expresse préalable du titulaire de ce droit de jouissance.

Si elle devait répondre par la négative à cette question, il lui est demandé à quelles conditions et à quelles règles de majorité une telle présence du conseil syndical pourrait être autorisée par le syndicat des copropriétaires (vote en assemblée générale, modification du règlement de copropriété…).

Réponse

Cette question n'a pas encore de réponse.

1 commentaire :

Le 24/04/2020 à 07:13, David-David (expert juridique) a dit :

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Merci pour cette question fort intéressante qui, en effet, soulève la délicate question de la conciliation entre des principes juridiques qui ne n'apparaissent pas spontanément compatibles ! Cela dit,en l'occurrence, un principe semble plus fort que l'autre... Nous attendons avec intérêt la réponse de la chancellerie.

On pourrait ajouter des éléments d'analogie intéressants et des réponses à d'autres questions écrites, même si elles proviennent d'un autre ministère que celui de la justice.

En effet, le droit de visite des bâtiments prévu en matière d’urbanisme (art L.461-1 du code de l’urbanisme) permet de lutter contre la méconnaissance des règles d’urbanisme lors de la construction des bâtiments. Il s’exerce jusqu’à 6 ans après l'achèvement des travaux. Ce droit de visite des bâtiments est exercé par des agents préfectoraux commissionnés à cet effet et assermentés.

En réponse à des questions posées par des parlementaires en 2006 et 2010 sur l’application de cette disposition, les ministres compétents ont précisé que cette visites étaient subordonnées au consentement préalable de l’occupant :

« Sachant que la jurisprudence fait une appréciation extensive de la notion de domicile, lors des constatations effectuées à l'intérieur d'une propriété, l'agent verbalisateur doit préalablement rechercher l'accord manuscrit de l'occupant ou recueillir son accord verbal et le consigner dans le procès-verbal. En cas de refus d'accès à la propriété, l'agent doit consigner le refus opposé par l'occupant dans le procès-verbal et transmettre celui-ci au ministère public, qui peut saisir le juge d'instruction en vue d'ordonner une visite domiciliaire. »

L'accord préalable semble être un impératif avant de pénétrer dans un "domicile", sachant que cette notion est interprétée de manière très large par les juridictions françaises comme par la CEDH (voir l'arrêt de la CEDH du 16 mai 2019 / 5e section / n° 66554/14 à propos d'une salle de sport dans une résidence secondaire).

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