Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

La réunion

Source

Claude Birraux, député, président de l'OPECST

Notre Office est habitué à traiter, lors de ses auditions publiques, les sujets les plus divers, et à recevoir, dans ce cadre, des spécialistes de disciplines elles-mêmes des plus variées. L'audition du 8 mars dernier, intitulée « Les enjeux des métaux stratégiques : le cas des terres rares » n'a pas dérogé à cette forme d'éclectisme, puisqu'elle a réunie des scientifiques, des économistes, mais aussi des industriels, dont deux français et un australien, un expert des questions géopolitiques ainsi que des responsables gouvernementaux. C'est que de nombreux décideurs ont pris conscience, en 2010, de l'importance de ce sujet, à l'occasion d'un incident de frontière survenu entre la Chine et le Japon qui a conduit, pendant quelques mois, à une situation d'embargo menaçant l'activité industrielle de ce dernier pays.

Si cette question inquiète tant les responsables politiques et industriels, c'est que l'extraction de ces métaux se trouve souvent sous le contrôle d'un nombre réduit de pays, parfois d'un seul. Ainsi, pour les terres rares, la Chine assure aujourd'hui plus de 95% de la production mondiale, alors même qu'elle ne possède qu'un tiers des réserves. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle n'a pas hésité à utiliser son monopole comme moyen de pression vis-à-vis du Japon et qu'elle l'utilise constamment comme une arme commerciale, pour obliger les industries consommatrices à déplacer leur production en Chine. De fait, la Chine réduit chaque année ses quotas d'exportation et deviendra un jour importatrice nette de ces matières.

A l'occasion de cette audition, nous avons constaté que les métaux stratégiques, peu connus du grand public, sont devenus indispensables au développement de nombreuses nouvelles technologies, en raison de propriétés physico-chimiques très spécifiques. C'est le cas pour les énergies renouvelables. L'éolien peut très difficilement se passer de néodyme, un métal de la famille des terres rares, utilisé dans la fabrication des turbines les plus performantes. C'est tout aussi vrai des panneaux solaires en couche mince, plus performants et plus prometteurs que les panneaux traditionnels à base de silice.

Des différentes interventions, deux principaux axes d'amélioration intéressant directement notre Office se sont clairement dégagés.

Le premier concerne l'insuffisance et le morcellement de la formation et de la recherche sur les métaux stratégiques, et plus particulièrement sur les terres rares. Ce problème affecte en réalité l'ensemble de la métallurgie. A ce sujet, il est significatif que plus aucune école d'ingénieur ne comporte le terme métallurgie dans son intitulé! La métallurgie n'a certes pas totalement disparue des formations et des recherches, mais elle se trouve désormais diluée, notamment au sein des cursus et laboratoires tournés vers l'étude des applications des matériaux. Cette situation apparaît d'autant plus insatisfaisante que la formation et la recherche en métallurgie perdurent aux Etats-Unis et se développent en Chine comme au Japon. Une solution, en ce domaine, serait d'inscrire la formation et la recherche sur les métaux stratégiques, plus largement sur la métallurgie, dans la logique des Alliances, d'où elle est absente aujourd'hui.

Le second axe d'amélioration concerne la réduction de notre dépendance vis-à-vis de ces métaux. En ce domaine, les recherches en cours concernent pour l'essentiel le recyclage des métaux stratégiques. Un industriel français, Rhodia Terres Rares, nous a présenté, à ce sujet, des résultats tout à fait impressionnants. Mais cette solution trouvera forcément ses limites, résultant des propriétés mêmes de ces matières qui conduisent à les utiliser en faibles quantités dans des alliages, un peu comme des vitamines. Ceci constitue évidemment une difficulté pour leur recyclage. Qui plus est, certains usages, dits dispersifs, par exemple dans les cosmétiques, les ancres ou encore les colorants, interdisent tout recyclage. C'est pourquoi nous suggérons de compléter les recherches en cours sur le recyclage des métaux stratégiques, par l'étude des possibilités de substitution de ces métaux, à l'égal de ce qui se fait au Japon.

Enfin, sur le plan sociétal, l'exemple des métaux stratégiques ou critiques montre encore une fois, s'il en était besoin, que l'intérêt des avancées technologiques doit être évalué de façon plus globale, en prenant en compte leurs impacts en amont et en aval de leur production ainsi que l'ensemble des coûts induits, sur le plan environnemental et social. Ce n'est qu'au prix de ce changement des comportements que nos sociétés pourront conserver de façon durable leur capacité à innover. A défaut, nous risquons de nous trouver piégés dans un véritable cercle vicieux, l'extraction des métaux nécessitant de plus en plus d'énergie, dont l'obtention mobilise elle-même des infrastructures toujours plus consommatrices en métaux. Aussi, l'éco-conception doit-elle devenir la norme et la traçabilité des produits et alliages utilisant des métaux stratégiques doit-elle être mise en place afin de favoriser le recyclage.

D'autres axes d'amélioration, comme l'identification des besoins de l'industrie ou la reconstitution des réserves stratégiques, auxquelles la France avait renoncé au milieu des années 90, relèvent plus directement de l'action du Gouvernement. A l'occasion de l'audition organisée par notre Office, M. Eric Besson, ministre de l'Industrie, a annoncé la création du Comité pour les métaux stratégiques et l'extension des missions du BRGM. Le Secrétaire général du COMES a d'ailleurs présenté les premières actions engagées en ce domaine.

En conclusion, si nous saluons l'action ambitieuse engagée par le Gouvernement pour assurer l'approvisionnement de nos industries en métaux stratégiques, nous estimons que cette démarche gagnerait à être accompagnée, dans le domaine scientifique, par une meilleure coordination et un renforcement des moyens consacrés à la formation et à la recherche en métallurgie ainsi que par une investigation poussée des solutions de substitution.

Les conclusions de l'audition publique ont été adoptées à l'unanimité des membres présents.