Déposé le 5 juin 2006 par : Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, les membres du Groupe Communiste Républicain, Citoyen.
Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°Au mineur étranger recueilli régulièrement en vertu d'une décision de kafala judiciaire par un ressortissant de nationalité française et à la charge de ce dernier » ;
La loi du 6 février 2001 dispose que «
l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».
Par conséquent, les enfants nés dans les pays de droit coranique ne peuvent être adoptés par des candidats de nationalité française. Or ces enfants sont d'ores et déjà accueillis par des couples français dans le cadre d'une kafala judiciaire, qui est «
le recueil légal des enfants abandonnés ou dont les parents s'avèrent incapables d'assurer l'éducation ».
Avant l'introduction de cette disposition dans l'article 370-3 du code civil, le juge appréciait au cas par cas la situation des enfants et prononçait le plus souvent une adoption, qu'elle soit simple ou plénière.
Depuis 2001, la France s'interdit d'accepter ces enfants sur son territoire dans le cadre de la procédure d'adoption.
Dans son rapport annuel pour 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dénonce cet état de fait : «
Il s'agit d'un véritable recul dans la prise en compte de l'intérêt de ces enfants, pour lesquels la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ouvrait cette possibilité. [...] Dans le cas d'un projet d'adoption par des ressortissants français d'un enfant sans filiation établie, abandonné au Maroc ou en Algérie, et dans la mesure où le tuteur public de cet enfant donne son accord, ce qui est fréquent, il est tout à fait discutable que l'on veuille continuer d'appliquer la législation marocaine ou algérienne à un enfant potentiellement français. »
Par ailleurs, les pratiques en matière de délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour sont très diverses pour les enfants recueillis régulièrement en kafala judiciaire par nos concitoyens. Saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France demandée pour des enfants recueillis en kafala dans le cadre de la procédure du regroupement familial, le Conseil d'Etat a annulé ces refus en rappelant, conformément aux principes de la convention internationale des droits de l'enfant et de la convention européenne des droits de l'homme, que :
« Si les dispositions combinées de l'article 15 et de l'article 29 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 prévoient que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour une enfant n'appartenant pas à l'une des catégories mentionnées, ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, selon lesquelles « dans toutes les décisions qui concernent les enfants l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » (CE, 24 mars 2004 et CE, 16 janvier 2006).
De plus, la loi du 26 novembre 2003 a mis en place une « période de stage» de 5 ans avant que puisse être déposée une
demande de nationalité française, pour l'enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française, et de 3 ans pour un enfant qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance.
Avant l'adoption de ces dispositions, la possibilité de réclamer la nationalité française était donnée à ces enfants, dès lors qu'ils résidaient sur le sol français et n'était assortie d'aucune condition de durée.
En raison de l'ensemble de ces dispositions, les familles françaises ayant accueilli des enfants en kafala judiciaire, et tout particulièrement les enfants, subissent une discrimination intolérable.
Or, la kafala judiciaire, reconnue par les conventions internationales, est considérée par les autorités des pays d'origine et des pays d'accueil, y compris par des représentants de la France au Maroc et en Algérie, comme une procédure « structurée, encadrée et sécurisée ».
Enfin, nous tenons à souligner qu'en Europe, la France fait figure d'exception dans ce domaine.
Les principaux pays européens ont en effet voulu et su régler, les différents aspects du recueil d'enfants en kafala par leurs citoyens.
Tel est le cas de l'Espagne, de la Suisse, et tout récemment de la Belgique qui, par une loi en date du 6 décembre 2005, vient de modifier son code civil pour permettre l'entrée sur le territoire belge et l'adoption d'enfants « dont l'Etat d'origine ne connaît ni l'adoption, ni le placement en vu d'adoption ».
La situation actuelle fait de ces enfants qui ne sont pas adoptables tout en étant abandonnés, des enfants au «
milieu du gué », pour reprendre une expression utilisée en 1996 par le Professeur Jean-François Mattei dans son rapport établi au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.
L'objet de cet amendement est de mettre fin à cette discrimination et de permettre à l'enfant recueilli en kafala judiciaire par une personne de nationalité française de bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.