Déposé le 19 octobre 2006 par : MM. Mortemousque, Pierre, Murat.
Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où un contrat d'achat a été conclu pour l'achat d'électricité produite par une installation, située dans une zone de fragilité des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, qui utilise des techniques énergétiques performantes, cette installation peut alimenter directement un consommateur industriel final raccordé aux réseaux publics. Une telle alimentation occasionnelle est autorisée pendant les périodes présentant des risques de perturbations des réseaux publics concernés si elle permet d'éviter des investissements de renforcement de ces réseaux. Dans ce cas, le contrat d'achat est suspendu, pour une durée égale à la durée de l'îlotage de l'installation de production, et sa date d'échéance demeure inchangée. L'électricité ne peut être vendue dans ces circonstances que si un contrat d'îlotage avec l'exploitant de l'installation de production a été préalablement conclu avec l'accord du gestionnaire de réseau concerné. La Commission de régulation de l'énergie, l'autorité administrative et Électricité de France ou le distributeur non nationalisé avec lequel a été conclu le contrat d'achat doivent être informés de ce contrat d'îlotage avant sa signature. Le refus du gestionnaire de réseau ne peut être motivé que par des raisons liées à la sécurité, à la sûreté et au bon fonctionnement des réseaux. Les contrats visés à l'article 50 de la présente loi bénéficient également de ces dispositions. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent alinéa. »
Aux termes de l'article premier de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général » ; dans le cadre de la politique énergétique, il « contribue » notamment à « la compétitivité de l'activité économique », il « concourt » au « développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement » et « le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ».
En outre, la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique dispose en son article 2 que l'action de l'Etat vise à limiter l'impact paysager des lignes électriques et que, « afin de garantir la cohésion sociale et territoriale, le droit d'accès à l'énergie, et en particulier à l'électricité, dans des conditions indépendantes du lieu de consommation, élément constitutif de la solidarité nationale, doit être préservé ».
Or, les unités industrielles installées en milieu rural sont parfois pénalisées par rapport aux unités industrielles concurrentes implantées en agglomération, du fait d'une moindre densité et d'une moindre qualité des réseaux publics d'acheminement de l'électricité. Les gestionnaires de ces réseaux publics accordent en effet une priorité aux investissements dans les zones de consommation dense et croissante, de sorte que les ouvrages implantés en milieu rural connaissent de plus fréquentes coupures et surtout ne permettent parfois de délivrer qu'une énergie de qualité insuffisante pour satisfaire aux exigences qui sont désormais celles de process industriels complexes et fragiles. Il en va notamment ainsi lorsque l'alimentation, même si elle n'est pas interrompue, subit des creux de tension, sous l'effet de la foudre ou du vent. Les conséquences économiques de ces défaillances du système électrique constituent un désavantage concurrentiel inéquitable pour ces installations ; elles représentent dès lors une sérieuse menace pour l'industrie et l'emploi dans ces zones et, par suite, une contradiction au regard des objectifs d'aménagement du territoire de la politique énergétique.
Le renforcement du réseau électrique approvisionnant les unités industrielles en milieu rural demeure la meilleure réponse de long terme et la plus conforme aux exigences de service public. Mais, en tout état de cause, le renforcement des réseaux publics en haute et très haute tension est aujourd'hui coûteux, aléatoire pour des raisons environnementales et il prend de toute façon des années.
C'est pourquoi le recours à la production d'énergie décentralisée, notamment à partir d'unités de co-génération existantes situées à proximité de ces installations de consommation industrielle, constitue la meilleure solution de court terme. A l'heure actuelle, toutefois, les exploitants de telles unités de production n'ont pas intérêt à vendre leur énergie à ces industriels, même lorsqu'ils sont installés sur le même site, car les tarifs de l'obligation d'achat par EDF ou par les distributeurs non nationalisés demeurent supérieurs aux prix de marché.
Le présent amendement propose une solution à ce paradoxe. Cette solution est neutre pour l'utilisateur des réseaux publics redevable de la CSPE, comme pour EDF et les DNN ou encore pour l'équilibre global des flux sur le système électrique. Elle permet de résoudre le problème spécifique de ces industriels en milieu rural, en donnant du temps aux gestionnaires pour réaliser le renforcement des réseaux publics. Elle consiste, pendant les périodes météorologiques présentant un risque avéré de perturbations sur le réseau, à îloter conjointement le cogénérateur et le consommateur industriel, de sorte que l'énergie produite par le premier soit livrée au second, EDF ou le DNN territorialement compétent prenant en charge le différentiel entre le tarif d'achat et le prix de vente avant d'en être remboursé par la CSPE.
Il va de soi que cette dérogation au dispositif de l'obligation d'achat suppose un étroit contrôle, à la fois de la part de l'autorité administrative sur les aspects techniques et réglementaires et de la Commission de régulation de l'énergie sur la dimension économique.
Il convient de préciser que le nombre de sites industriels, dans des bassins ruraux mono-activités, situés dans des zones de fragilité du réseau de transport, sensibles aux creux de tension et susceptibles de s'iloter avec une installation existante de co-génération est de l'ordre de quelques unités. Le remboursement par la CSPE de l'énergie achetée dans les périodes d'îlotage est de l'ordre d'un million d'euros pour les unités industrielles les plus consommatrices d'énergie.
Les quelques sites industriels concernés sont les premiers employeurs dans des bassins industriels isolés. Ils concourent, de manière non substituable, à l'échelle nationale, départementale, régionale et locale de façon exceptionnelle, à la pérennité des savoir-faire industriels et à la taxe professionnelle.
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