Déposé le 4 novembre 2010 par : M. Gouteyron.
Après l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du premier alinéa du VII de l’article 33 de la loi 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2004, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette mesure tient, notamment, compte des écarts de coûts résultant d’obligations légales et réglementaires différentes dans la détermination des charges sociales et fiscales supportées par les catégories d’établissements visés à l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, lorsqu’à défaut de la correction desdits écarts de coûts, les tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I du même article sont identiques pour les établissements visés au a, b et c de l’article L. 162-22-6 dudit code d’une part, et lorsque des tarifs nationaux des prestations pour l’ensemble des catégories d’établissements visés à l’article L. 162-22-10 du même code sont établis sur la base d’une convergence totale, à périmètre tarifaire comparable, d’autre part. »
II. Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa du I de l'article L. 162-22-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Un coefficient correcteur, s'appliquant aux tarifs nationaux et aux forfaits annuels mentionnés au 1° et 2° du I, correspondant aux écarts de charges financières résultant d'obligations légales et réglementaires particulières en matière sociale et fiscale, lorsqu’à défaut de la correction desdits écarts de charges financières, les tarifs nationaux des prestations et les forfaits annuels susvisés sont identiques pour les établissements visés au a, b et c de l’article L. 162-22-6 dudit code d’une part, et lorsque des tarifs nationaux des prestations pour l’ensemble des catégories d’établissements visés à l’article L. 162-22-10 du même code sont établis sur la base d’une convergence totale, à périmètre tarifaire comparable, d’autre part. »
2° En conséquence, à la première phrase du II de l'article L. 162-22-9, les références : « 1° à 3° » sont remplacés par les références : « 1° à 4° ».
Le présent amendement vise à intégrer explicitement, dans la conduite de la convergence tarifaire intra et inter-sectorielle, les écarts de coûts résultant d’obligations légales et réglementaires différentes dans la détermination des charges sociales et fiscales entre établissements de santé publics, d’une part, et des établissements de santé privés, non lucratifs et de statut commercial, d’autre part.
Il s’agit, en effet, de contraintes exogènes pesant inégalement sur ces diverses catégories d’établissements.
Il est proposé, en conséquence, qu’un coefficient correcteur soit instauré afin de tenir compte de ce différentiel qui résulte, au même titre que le coefficient géographique déjà prévu par la loi, « de contraintes spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente, et substantielle le prix de revient de certaines prestations ».
Lors des débats parlementaires successifs pour la loi de financement de la sécurité sociale depuis 2008, plusieurs parlementaires de toutes appartenances ont interpellé la Ministre sur :
- Le caractère objectif et documenté par un rapport de l’IGAS datant de mars 2007 sur le différentiel de charges sociales supporté par les établissements privés à but non lucratif par rapport aux établissements publics de santé, alors qu’ils relèvent de la même échelle tarifaire ;
- L’impossibilité de toujours renvoyer à plus tard, au motif d’études complémentaires, dans le cadre des études relatives aux modalités de mise en œuvre de la convergence tarifaire.
Compte-tenu de l’annonce faite par la Ministre d’un report des échéances de la convergence à 2018, à l’occasion des débats sur la loi HPST, il apparaît qu’il n’est plus possible désormais de demander aux établissements privés non lucratifs d’attendre cette date lointaine pour compenser ce désavantage tarifaire très important. L’étude de l’IGAS de 2006 l’a établi à 4, 05 % de la masse salariale des établissements privés non lucratifs, incluant la taxe sur les salaires, compte non-tenu qui plus est du différentiel correspondant aux autres charges fiscales.
Ce sont les raisons pour lesquelles, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le Sénat puis la commission mixte paritaire ont accepté l’amendement créant un coefficient correcteur pour le différentiel de charges sociales et fiscales. Malheureusement, le Ministère de la Santé s’y est opposé et le coefficient correcteur a été supprimé lors du vote solennel de la LFSS 2010. A cette occasion, le Ministère a annoncé de nouvelles études sur le sujet, qui ont été communiquées en septembre 2010 (DREES). Cette étude est venu confirmer l’importance du différentiel de charges sociales entre établissements de santé publics et privés non lucratifs en le chiffrant à 6, 18 %, donc sur une valeur supérieure au rapport de l’IGAS précité, alors que les rémunérations nettes dans le privé non lucratif sont inférieures de 2, 44 % dans le secteur public. Le Ministère avance aujourd’hui qu’au moyen de retraitements statistiques sur la structure des effectifs des deux secteurs, il est possible d’atténuer fortement ce constat objectif, mais il n’apporte aucune démonstration de ses dires.
Aussi il serait logique d’avancer sur une première étape en 2011, pour ce qui concerne les charges sociales, et de compléter en 2012 avec des études sur les autres composantes fiscales du différentiel de charges, sachant que la base législative du coefficient correcteur serait complètement établie dans le cadre de la LFSS 2011 avec cet amendement. La mise en place législative d’un coefficient correcteur de charges sociales et fiscales est en effet la première étape nécessaire de cette progressivité. Cette mesure ne crée aucune charge supplémentaire pour l’assurance-maladie, mais constitue un rééquilibrage, à activités équivalentes, entre les recettes et les charges des établissements de santé publics et privés.
Par rapport au libellé de l’amendement adopté en 2010 par la commission mixte paritaire, après son adoption par le Sénat, la rédaction a été adaptée pour intégrer aussi la nécessité de tenir compte également du différentiel de charges sociales pour les tarifs – 21 en 2010 - qui sont désormais en convergence totale entre les trois secteurs d’hospitalisation.
Pour ce qui concerne la dynamique de convergence intra-sectorielleentre établissements publics de santé et établissements privés non lucratifs rémunérés sur la même échelle tarifaire « ex-DG », la mise en place du coefficient correcteur ne comporte aucune charge supplémentaire pour l’assurance- maladie, mais se traduit par un rééquilibrage des recettes, qui demeure interne à l’enveloppe :
- De 77, 1 millions d’eurossi l’on retient comme hypothèse basse la conclusion du rapport IGAS d’un différentiel de charges sociales de +4, 05 %, soit un coefficient correcteur des tarifs des établissements privés non lucratifs de + 2, 8% pour tenir compte du poids relatif de la masse salariale dans les budgets (70%) ;
- De 130 millions d’eurossi l’on retient comme hypothèse haute la conclusion du récent rapport DREES-Aumeras de + 6, 18 %, soit un coefficient correcteur des tarifs des établissements privés non lucratifs de +4, 3 %, toujours pour tenir compte du poids relatif de la masse salariale.
- Bien évidemment, ce coefficient a vocation à être actualisé régulièrement, en fonction des taux obligatoires appelés de charges sociales dans les deux secteurs privés et publics.
Pour ce qui concerne la dynamique de convergence inter-sectorielleentre établissements publics, privés non lucratifs et de statut commercial, la rédaction de l’amendement proposé tient compte désormais de la mise en place en 2010 de 21 tarifs nationaux de prestations en convergence dite « ciblée » et d’application totale à périmètre tarifaire comparable (en intégrant dans la comparaison notamment, à défaut de pouvoir le faire dans un « tarif tout compris » directement, les honoraires et dépassements d’honoraires). Logiquement et dans ce cas de figure, le coefficient correcteur de charges sociales doit être appliqué aussi, en tenant compte pour son évaluation des volumes respectifs de recettes concernés (soit pour les 21 tarifs convergés en 2010) :
- Une assiette de recettes de 528 millions d’euros de recettes pour le secteur hospitalier public, d’une part,
- De 92 millions d’euros pour le secteur privé non lucratif,
- Et de 490 millions d’euros pour le secteur privé de statut commercial.
Le coefficient correcteur appliqué aux tarifs en convergence inter-sectorielle totalene comporte aucune charge supplémentaire pour l’assurance-maladie mais se traduit par un rééquilibrage des recettes qui demeure interne à l’enveloppe allouée entre le secteur public d’une part, et le secteur privé non lucratif et lucratif d’autre part, soit sur la base (pour les 21 tarifs convergés en 2010 et à partir des activités 2009):
- Un rééquilibrage des recettes de 14 millions d’eurosau bénéfice des tarifs des établissements privés, non lucratifs et de statut commercial, sur la base de l’hypothèse basse du rapport de l’IGAS (confer supra), soit un coefficient correcteur des tarifs publics convergés de 0, 973 pour prendre en compte et neutraliser l’avantage concurrentiel du secteur public en termes de charges sociales plus faibles.
- Un rééquilibrage des recettes de 23 millions d’eurosau bénéfice des tarifs convergés des établissements privés, non lucratifs et de statut commercial, sur la base de l’hypothèse haute du rapport DREES-Aumeras (confer supra), soit un coefficient correcteur des tarifs publics convergés de 0, 958 pour prendre en compte et neutraliser l’avantage concurrentiel du secteur public en termes de charges sociales plus faibles.
- Bien évidemment, ce coefficient a vocation à être actualisé régulièrement, en fonction des taux obligatoires appelés de charges sociales dans les deux secteurs privés et publics, d’une part, et de l’évolution de la liste des tarifs en convergence totale d’autre part.
La FEHAP tient à rappeler que ces deux mesures, qui n’entraînent aucune charge nouvelle pour l’assurance-maladie, peuvent être compensées au sein du périmètre des établissements publics de santé par :
- La suppression du double paiement par l’assurance-maladie de l’activité libérale des praticiens hospitaliers (dont la rémunération est intégrée dans les tarifs et budgets d’une part, mais dont les actes sont remboursés en sus aux patients consultant en secteur privé), soit une enveloppe annuelle de 200 millions d’euros de sur-paiements ;
- La suppression de la prise en charge par l’employeur AP-HP de 50 % de certaines charges sociales relevant des salariés, au titre de l’attitude patriotique durant la Libération, soit une enveloppe annuelle de 53 millions d’euros.
Par ailleurs et au regard des réserves énoncées par le Ministère de la Santé lors des débats du PLFSS 2010, il y a lieu de rappeler que ce coefficient correcteur de charges sociales n’a pas pour conséquence de créer une nouvelle et troisième échelle tarifaire. En effet, le mécanisme du coefficient correcteur est d’ores et déjà appliqué pour certaines zones géographiques (5% pour la Corse, 7% pour l’Ile de France, 25 % pour les DOM et 30% pour la Réunion), sur l’échelle nationale des tarifs, afin de l’adapter à ces situations particulières, sans que cela ne se traduise pratiquement par 6 échelles de tarifs.
La prise en compte du différentiel de charges sociales entre établissements publics et privés comporte également un autre enjeu en termes de relance de la coopération sanitaire. Le différentiel étant désormais une question bien identifiée et reconnue par les différents opérateurs publics et privés, apparaît désormais un argument anormal des partenaires publics dans des GCS : ils demandent que celui-ci soit de droit public, quand bien même la majorité des apports et du capital serait privée, pour éviter d’avoir à assumer financièrement un niveau de charges sociales plus élevé pour les personnels que le GCS serait susceptible d’employer. La neutralisation économique du différentiel de charges par l’application d’un coefficient correcteur participe donc aussi d’une mesure nécessaire au pluralisme du système de santé et de l’équilibre entre les différents secteurs de l’hospitalisation.
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