Déposé le 28 janvier 2014 par : M. Desplan, au nom de la commission des lois.
Supprimer cet article.
Le présent amendement vise à supprimer l’application automatique des droits de vote doubles dans les sociétés cotées, en raison de son absence d’effet réel significatif, voire de ses effets négatifs. Cette disposition suscite une réprobation quasi unanime des acteurs concernés.
D’une part, compte tenu des conséquences qu’aurait l’application automatique du droit de vote double dans les sociétés cotées sur la répartition des droits en vote en assemblée générale, de nombreux investisseurs, notamment des investisseurs étrangers, généralement hostiles au droit de vote double, feraient inscrire à l’ordre du jour des prochaines assemblées générales des résolutions en vue d’écarter l’application de la loi. De ce fait, un grand nombre de sociétés cotées ne pratiquant pas aujourd’hui le droit de vote double ne le pratiqueraient pas davantage après l’entrée en vigueur de la loi, tandis que celles qui le pratiquent déjà ne seraient pas affectées par cette modification législative. Dès lors, le présent texte ne trouverait à s’appliquer que dans un nombre très restreint de sociétés cotées.
D’autre part, l’application automatique du droit de vote double peut susciter des effets négatifs à plusieurs titres.
Dans la mesure où les droits de vote doubles sont contestés par nombre d’investisseurs institutionnels et étrangers, le présent texte affecterait l’image de la place de Paris à l’étranger, déjà réputée selon l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour faire des entorses aux principes communément admis de la démocratie actionnariale, en particulier le principe de l’égalité entre les actionnaires (« une action, une voix »).
Dans certains cas, en présence d’actionnaires souhaitant prendre le contrôle d’une société contre le gré des autres actionnaires ou des dirigeants, le présent texte pourrait renforcer le risque de prise de contrôle rampante, que d’autres dispositions du texte visent justement à réduire. Plus largement, cela peut avoir un effet déstabilisateur sur l’actionnariat et sa répartition dans le cas où la nouvelle règle ne serait pas écartée par l’assemblée générale.
Cette disposition pourrait également fragiliser la législation française vis-à-vis de la Commission européenne et vis-à-vis des autres États membres de l’Union européenne, dont les principaux (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie…) n’admettent pas dans leur législation de telles dérogations au principe de l’égalité entre les actionnaires et contestent leur existence dans les législations européennes où elles existent. Le caractère automatique et non plus optionnel du droit de vote double le rendrait plus critiquable.
Enfin, on peut s’interroger sur l’atteinte portée au principe d’égalité entre les actionnaires, dans la mesure où l’on basculerait d’un régime dans lequel les associés, dans les statuts, ou les actionnaires, réunis en assemblée générale extraordinaire, peuvent librement décider de l’attribution de droits de vote double, et donc modifier les conditions d’exercice de leur droit de propriété en dérogeant au principe d’égalité, vers un régime d’application automatique de droits de vote double prévue par la loi, sauf décision contraire.
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