Déposé le 16 juin 2014 par : M. J.P. Michel, rapporteur.
Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
I – Le code pénal est ainsi modifié :
1°) Au premier alinéa de l’article 131-5-1, au premier alinéa de l’article 131-6, au premier alinéa de l’article 131-8 et au premier alinéa de l’article 131-8-1, après les mots : « d’emprisonnement » sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale » et après les mots : « l’emprisonnement » sont insérés les mots : « ou de la contrainte pénale » ;
2°) A la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 131-21, après le mot : « punis » sont insérés les mots : « d’une contrainte pénale ou » ;
3°) A l’article 311-3, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;
4°) A l’article 313-5, les mots : « de six mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;
5°) Le troisième alinéa de l’article 321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsqu’il concerne le délit de vol défini à l’article 311-3, le recel est puni d’une contrainte pénale et de 375 000 euros d’amende. » ;
6°) A l’article 322-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;
7°) A l’article 434-10, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».
II – Au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, les mots : « d’un an d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».
III – Au premier alinéa de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « de deux mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».
IV – Le code de la route est ainsi modifié :
1°) Aux articles L. 233-1 et L. 233-2, les mots : « de trois mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;
2°) Aux articles L. 234-1, L. 234-8, L. 234-16 et L. 235-3 et au premier alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;
3°) Au deuxième alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».
V – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 62-2, après le mot : « emprisonnement » sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale » ;
2° Au premier alinéa de l’article 138, après le mot : « correctionnel » sont insérés les mots : «, une contrainte pénale »
3° Au deuxième alinéa de l’article 395, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « ou si le délit est puni à titre principal d’une contrainte pénale ».
Le projet de loi crée une nouvelle peine de contrainte pénale, exécutée en milieu ouvert, destinée à permettre un suivi socio-éducatif renforcé du condamné propre à permettre sa réinsertion et à prévenir la réitération.
Toutefois, en en faisant une simple alternative à l’emprisonnement, venant s’ajouter à la liste des peines alternatives que le juge a d’ores et déjà le droit de prononcer à la place de la peine d’emprisonnement, le projet de loi n’atteint pas totalement l’objectif fixé, qui est de déconnecter la peine de probation de l’idée d’emprisonnement. De fait, telle que la conçoit le projet de loi, elle se distingue peu de la mesure de sursis avec mise à l’épreuve.
Enfin, si le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit que la contrainte pénale s’appliquera, six mois après l’entrée en vigueur de la loi, à l’ensemble des délits punis de cinq ans d’emprisonnement au plus, puis, à compter du 1erjanvier 2017, à l’ensemble des délits, se pose la question des moyens pour mettre en œuvre ce suivi « individualisé et soutenu», compte tenu de l’état actuel de surcharge des SPIP et du temps de formation des nouveaux personnels recrutés (ainsi les personnes recrutées grâce aux 400 postes ouverts en loi de finances en 2014 ne seront-elles opérationnelles qu’à compter de septembre 2015).
L’ensemble de ces difficultés a convaincu votre rapporteur de la nécessité de procéder par étapes, en proposant de faire de la contrainte pénale une peine autonome, encourue à titre de peine principale pour une série de délits précisément identifiés et pour lesquels, de ce fait, la peine d’emprisonnement ne serait plus encourue.
Il s’agit des délits suivants :
- vol simple(art. 311-3 du code pénal) et recel de vol simple(art. 321-3 du code pénal) – 24 331 condamnations (pour infraction unique) inscrites au casier judiciaire en 2012, dont 11 662 avec emprisonnement (dont 5 544 avec emprisonnement ferme);
- filouterie(art. 313-5 du code pénal) – 662 condamnations en 2012 pour infraction unique, dont 258 avec emprisonnement (dont 155 avec emprisonnement ferme);
- destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes commises sans circonstance aggravante(art. 322-1 du code pénal) – 8 026 condamnations en 2012 pour infraction unique, dont 1733 avec emprisonnement (dont 696 avec emprisonnement ferme);
- délit de fuite(art. 434-10 du code pénal), sauf si ce délit accompagne un homicide involontaire ou des blessures involontaires – 2 455 condamnations en 2012, dont 473 avec emprisonnement (dont 104 avec emprisonnement ferme);
- délit d’usage de stupéfiantscommis par un particulier (art. L. 3421-1 du code de la santé publique) – 31 950 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 3 781 avec emprisonnement (dont 1 431 avec emprisonnement ferme);
- délit d’occupation des halls d’immeubles(art. L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation) – 77 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 20 avec emprisonnement (dont 8 avec emprisonnement ferme);
- délits prévus par le code de la route(à l’exclusion des délits d’homicide involontaire et de blessures involontaires réprimés par le code pénal et des faits commis dans des circonstances exposant autrui à un risque de mort ou de blessures graves) – 153 626 condamnations pour infraction unique en 2012, dont 33 923 avec emprisonnement (dont 6 364 avec emprisonnement ferme).
Cette liste, qui prend appui sur celle des infractions susceptibles d’être jugées par ordonnance pénale (article 495 du code de procédure pénale), exclut les délits d’atteintes aux personnes (tout comme les atteintes aux biens commises avec violence) ainsi que les délits commis pour un motif discriminatoire.
Elle représente, d’après les données extraites du casier judiciaire, un « volume » d’environ 220 000 condamnations en 2012, soit près du tiers de l’ensemble des condamnations prononcées par les juridictions pénales (10% si l’on excepte le contentieux routier), et un peu plus de 50 000 condamnations à un emprisonnement ferme ou avec sursis en 2012 (15 000 si l’on excepte le contentieux routier).
Une telle solution, préconisée par M. Dominique Raimbourg dans son rapport d’information intitulé « penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale», avait été écartée par le Gouvernement qui l’a considérée comme trop réductrice. En outre, la logique de la contrainte pénale, qui implique un suivi renforcé, adapté à la situation et à la personnalité de l’auteur, devrait conduire les magistrats à prononcer cette peine en considération de la personnalité de l’auteur et non nécessairement de la qualification juridique des faits commis.
La voie proposée par votre rapporteur paraît toutefois la seule à même d’identifier clairement la contrainte pénale comme nouvelle peine de référence en matière correctionnelle. En outre, un grand nombre d’auteurs de délits de faible gravité peuvent présenter un besoin de suivi socio-éducatif renforcé : ainsi les plus forts taux de récidive légale concernent-ils les délits de vol et de recel (17% des condamnés pour ces délits en 2010 étaient en état de récidive légale) et de conduite en état alcoolique (16%). Une étude réalisée par la direction de l’administration pénitentiaire a également montré que 45% des réitérants et des récidivistes condamnés pour délit en 2007 l’ont été pour un délit routier, 19% pour un délit de vol ou de recel.
Afin de réserver la contrainte pénale aux personnes ayant réellement besoin d’un suivi socio-éducatif renforcé, l’amendement propose de permettre à la juridiction, lorsqu’elle estime qu’une contrainte pénale ne se justifie pas, de prononcer, en plus ou à la place d’une peine d’amende, l’une des peines alternativesprévues en matière correctionnelle (stage de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droit, TIG, sanction-réparation). La peine de confiscationserait également encourue de plein droit pour ces délits.
Une évaluation réalisée dans quelques années permettra de dresser un bilan de l’application de cette nouvelle peine et, le cas échéant, d’envisager son extension à d’autres délits.
Par ailleurs, cet amendement tire les conséquences des modifications proposées sur la procédure pénale.
En effet, la contrainte pénale ne doit pas être conçue comme une peine plus douce que la peine d’emprisonnement mais comme un mode de sanction plus adapté au traitement de certaines formes de délinquance. La suppression, pour les délits identifiés par l’amendement, de la peine d’emprisonnement encourue ne doit pas conduire à diminuer l’efficacité de la réponse judiciaire à ce type de faits.
Pour cette raison, le présent amendement prévoit que la garde à vue sera possible pour les délits punis à titre principal d’une peine de contrainte pénale, pour une durée maximale de 24 heures(en revanche, la prolongation de la mesure jusqu’à 48 heures, aujourd’hui réservée aux crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an, ne sera plus possible).
Par ailleurs, la comparution immédiate pourra être mise en œuvre en cas de flagrant délit.
Si cela est nécessaire, la personne pourra être placée sous contrôle judiciaireen attendant l’audience de jugement.
En revanche, la détention provisoire sera exclue, dès lors que l’infraction n’est pas sanctionnée par une peine d’emprisonnement.
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