Déposé le 19 mars 2015 par : MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère, Longeot, Mme Morin-Desailly.
Alinéa 7
- Supprimer le II de cet article
Cet article vise à faire peser sur la Ministre de la justice une obligation de délégationen lieu et place de la « possibilité » qui est inscrite à ce jour dans le Code de commerce.
Il est contraire à l’avis du Conseil d’Etat, incompatible avec le droit européen et source de conflit d’intérêt.
Un article qui va à l’encontre de l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi
Initialement prévue dans le projet de texte élaboré par les services du Ministère de l’Economie, cette disposition a été disjointe (retirée) par le Conseil d’Etat, lequel indique expressément dans son avis les points suivants :
« En premier lieu, le comité technique spécial de la direction des services judiciaires du Ministère de la justice n’a pas été consulté alors que la mesure a pour objet même de modifier profondément l’organisation des greffes des tribunaux mixtes de commerce. Les dispositions de l’article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat ont donc été méconnues.
En second lieu, la faisabilité du dispositif proposé, déjà inscrit dans la loi sous forme facultative, et qui vient s’ajouter aux dispositions législatives et réglementaires prévoyant la possibilité de nommer des greffiers de tribunaux de commerce dans les tribunaux mixtes de commerce concernés, est incertaine, dès lors que la séparation entre le contrôle des actes et des extraits du registre, d’une part, la gestion matérielle du registre, d’autre part, apparaît très difficile à mettre en œuvre, ces opérations étant largement confondues. »
Le Gouvernement semblait avoir pris acte de l’avis négatif du Conseil d’Etat en retirant cette disposition du texte adopté en Conseil d’Etat puis transmis à l’Assemblée nationale.
Il l’a toutefois réintroduit en dernière minute, sans doute suite au lobbying des intérêts corporatistes des CCI, et en opposition frontale avec l’avis exprimé par la haute juridiction administrative.
Un article inconciliable avec le droit européen
L'attribution du contrôle de légalité des sociétés en vertu du droit européen (article 11 de la directive 2009/101/CE) n'est pas compatible avec le statut des chambres de commerce. En effet, le code de commerce (notamment l'article L. 710-1) leur attribue "en tant que corps intermédiaire de l'Etat" une "fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères".
Elles ne peuvent donc être considérées comme une autorité administrative ayant l'indépendance requise pour assurer le contrôle de légalité des sociétés commerciales visées par la directive 2009/101/CE.
C’est pour cette raison que l’article 14 § 6 de la directive 2006/123/CE, applicable aux départements d’Outre-mer, interdit aux chambres de commerce de délivrer des autorisations individuelles administratives, afin d’éviter les conflits d’intérêt et l’obstruction de l’accès des commerçants au marché intérieur. Cette directive oblige les Etats à supprimer cette intervention de leur système juridique et leur interdit d’introduire de telles exigences à l’avenir.
Un article qui va remettre en cause l’indépendance de la justice commerciale dans les DOM
Il n’est pas concevable de confier le contrôle des registres légaux aux chambres de commerce et d’industrie, car comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, la gestion matérielle se confond avec le contrôle du registre.
La Chambre de commerce est Centre de formalités des entreprises pour les commerçants, elle est chargée de conseiller les entreprises sur les formalités. Confier la gestion de cette formalité à la Chambre revient à remettre toute la chaine de création d’entreprise dans les DOM à un seul acteur, créant un souci de neutralité.
Par ailleurs, la chambre de commerce a pour mission de représenter les intérêts des commerçants, le président est un chef d’entreprise élu. Elle ne peut, sans créer de conflit d’intérêt, représenter les entreprises et être le garant de la régularité des formalités et des actes juridiques accomplis pour exercer leur activité.
Un article qui va lourdement peser sur les finances publiques
Enfin, les chambres de commerce ne disposent pas des infrastructures matérielles et logicielles pour la gestion du registre du commerce et des sociétés. Des investissements conséquents devront donc être mis en œuvre, sans garantie de réussite dans la mesure où ces entités ne disposent pas de l’expertise technique de gestion du registre.
Il convient également de souligner que depuis 2014, le Ministère de la Justice a mis à la disposition des tribunaux mixtes d’Outre-mer des ressources humaines et matérielles supplémentaires. Les fonds publics ainsi mobilisés ne devraient servir au bénéfice des Chambres de commerce et d’industrie.
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