Déposé le 21 mars 2015 par : M. Pillet, rapporteur.
A. – Alinéas 2 à 17
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 631-19-2. – I. – Dans le cas prévu au troisième alinéa du I de l’article L. 631-19, lorsque les assemblées mentionnées à l’article L. 626-3 ont rejeté le projet de plan et lorsque le redressement de l’entreprise le requiert et qu’il n’existe aucune autre solution sérieuse pour éviter une cessation d’activité de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale, le tribunal, sur la demande du ministère public ou de l’administrateur judiciaire et après avoir examiné la possibilité de cession totale ou partielle de l’entreprise, peut ordonner la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital des associés ou actionnaires opposants, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le plan. Le II de l’article L. 631-19 est applicable.
« Le tribunal statue en présence du ministère public, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan, les associés ou actionnaires opposants, les autres associés ou actionnaires et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
« En l’absence d’accord entre les parties, le prix de cession est fixé à dire d’expert dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, dans un délai fixé par le tribunal.
« II. – Le tribunal subordonne l’arrêt du plan à l’engagement des cessionnaires de conserver les droits sociaux pour une durée qu’il fixe, ne pouvant excéder celle du plan, ainsi qu’à la présentation par les cessionnaires de garanties correspondant à leurs engagements figurant dans le projet de plan.
« Le plan est arrêté sous la condition du paiement comptant du prix par les cessionnaires. À défaut, le tribunal prononce, à la demande du ministère public ou d’un associé ou actionnaire cédant, la résolution de la cession.
« III. – Les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan sont tenues de racheter les droits sociaux des autres associés ou actionnaires si ceux-ci le demandent dans un délai fixé par le tribunal. Le troisième alinéa du I est applicable.
« IV. – Si les cessionnaires n’exécutent pas leurs engagements, le tribunal peut, à la demande du ministère public ou, après avoir recueilli l’avis du ministère public, à la demande du commissaire à l’exécution du plan, des représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et de tout intéressé, prononcer la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.
« V. – Le présent article est applicable :
« 1° Lorsque le débiteur est une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
« 2° Lorsque le débiteur a établi des comptes consolidés conformément à l’article L. 233-16 et que l’ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation représente un nombre de salariés, un chiffre d’affaires ou un total de bilan correspondant au 1°.
« Il n’est pas applicable lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. »
B. – Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° bisLes décisions statuant sur la cession ordonnée en application de l’article L. 631-19-2 de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part des associés ou actionnaires cédants ou cessionnaires ; »
C. – Alinéa 22
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
III. – Les articles L. 631-19-2 et L. 661-1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
IV. – Le présent article est applicable aux procédures de redressement judiciaire ouvertes à compter de la publication de la présente loi.
Le présent amendement vise à mieux encadrer la procédure de « dilution forcée » ou de « cession forcée » instaurée par l’article 70 du projet de loi en cas de redressement judiciaire, à l’encontre des actionnaires opposés à un plan de redressement prévoyant l’entrée au capital de personnes s’engageant à mettre en œuvre le plan. Il s’agit d’en limiter les risques tant d’ordre constitutionnel, au regard du droit de propriété, que d’ordre conventionnel, au regard du droit européen en matière de droits des actionnaires.
En premier lieu, la possibilité pour le tribunal d’ordonner une augmentation de capital malgré l’opposition majoritaire des actionnaires serait supprimée. En effet, une telle « dilution forcée » semble clairement incompatible avec le droit européen. La directive 77/91/CEE, reprise dans la directive 2012/30/UE, disposant que « toute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée générale», est strictement interprétée par la Cour de justice comme réservant cette prérogative aux actionnaires eux-mêmes et non à une instance extérieure comme ce serait ici le cas, y compris dans une hypothèse d’entreprise en difficulté dont il s’agirait d’assurer la continuation (arrêts Vasko du 24 mars 1992 et Pafitis du 12 mars 1996). De plus, une augmentation forcée de capital constitue une atteinte au droit de vote des actionnaires, attribut de leur droit de propriété, sans contrepartie.
Le tribunal pourrait seulement ordonner la cession des titres des actionnaires opposants au plan de redressement, dans l’hypothèse où celle-ci constituerait la seule solution sérieuse permettant d’éviter une cessation d’activité de nature à causer un « trouble grave à l’économie nationale ou régionale». Le tribunal devra le justifier. En tout état de cause, la « cession forcée » permettrait d’aboutir au même résultat de la « dilution forcée », c’est-à-dire l’éviction des actionnaires opposants au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le plan.
En outre, au nom du principe de proportionnalité, le seuil des entreprises concernées serait relevé de 150 à 250 salariés (entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises), pour garantir l’existence d’un objectif d’intérêt général suffisant, c’est-à-dire le redressement des entreprises les plus importantes, permettant de justifier une telle atteinte au droit de propriété des actionnaires ainsi expropriés. Ce seuil correspondrait également à la compétence des tribunaux de commerce spécialisés, telle que proposée par l’amendement à l’article 66, ce qui serait un élément objectif de cohérence.
Par ailleurs, le présent amendement vise à réécrire la procédure pour la rendre plus claire, simple et lisible, sans remettre en cause les garanties prévues pour les actionnaires dont les parts font l’objet de la cession ordonnée par le tribunal, tout en reprenant les mécanismes procéduraux existant déjà en matière de procédures collectives.
Il exige que les personnes qui s’engagent à exécuter le plan de redressement présentent des garanties suffisantes correspondant à l’ensemble de leurs engagements, pas uniquement financiers, et conservent leurs parts pour une certaine durée. Il confirme que les actionnaires restants pourront se défaire de leurs parts après la cession auprès de ces personnes.
Il lève également certaines difficultés, par exemple l’obligation pour le tribunal de statuer par un seul jugement sur la cession et la valeur des parts ainsi cédées, alors que l’évaluation de la valeur de ces parts ne peut se faire utilement en pratique qu’après la décision de cession.
Il supprime enfin des dispositions inutiles ou redondantes à raison des dispositions du livre VI du code de commerce déjà applicables au redressement judiciaire.
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