Amendement N° COM-259 (Adopté)

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « égalité et citoyenneté »

Commission mixte paritaire

Déposé le 8 septembre 2016 par : M. Frassa.

Photo de Christophe-André Frassa 

Supprimer cet article.

Exposé Sommaire :

Le présent amendement tend à supprimer une disposition additionnelle adoptée à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, insatisfaisante techniquement et juridiquement. En effet, cette disposition est déjà largement satisfaite par l’état du droit et fait en partie double emploi avec la proposition de loi, en cours de navette, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, issue elle aussi de l’Assemblée nationale.

L’article 62 du projet de loi veut procéder à une transposition partielle de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises, laquelle prévoit l’obligation pour les sociétés de plus de 500 salariés de joindre au rapport du conseil d’administration aux actionnaires une déclaration non financière comprenant des informations sur les questions environnementales, sociales, de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption, sur les politiques suivies par la société dans ces domaines ainsi que sur les procédures de diligence raisonnable mises en œuvre sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement pour prévenir les risques dans ces domaines.

La rédaction retenue par l’Assemblée nationale consiste, pour l’essentiel, à reprendre sans modification le texte de la directive, avec quelques ajouts. Or, le droit français satisfait déjà en large partie les exigences de cette directive (article L. 225-102-1 du code de commerce notamment), de sorte qu’on ne peut se contenter de simplement la recopier dans le code de commerce, sans au demeurant s’intégrer correctement dans notre droit des sociétés, au risque de créer des incohérences et des doublons.

De plus, l’article 62 du projet de loi, tel que modifié en séance publique à l’initiative du Gouvernement, comporte une entrée en vigueur différée du dispositif et une habilitation à transposer la directive d’ici là par ordonnance. La coexistence dans le même article de cette habilitation et du dispositif de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, qui n’entrerait en vigueur qu’après l’expiration du délai d’habilitation et donc après la publication de l’ordonnance, est une incohérence manifeste. En effet, ce dispositif entre dans le champ de l’habilitation et devra être supprimé par l’ordonnance, avant même son entrée en vigueur.

Il faut certes déplorer que le Gouvernement n’ait pas encore, à ce jour, proposé au Parlement de procéder à la transposition de la directive, alors que le délai de transposition est fixé au 6 décembre 2016. Pour autant, le temps que le présent projet de loi soit promulgué, procéder par ordonnance prendra beaucoup plus de temps que légiférer directement, d’autant que les travaux préparatoires du Gouvernement sont bien engagés, sur un sujet important qui justifie un examen direct par le Parlement.

À cet égard, le Sénat devrait examiner prochainement, en deuxième lecture, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, dont l’objectif correspond tout à fait à celui de la directive. Cette proposition de loi veut rendre obligatoire l’établissement d’un plan de vigilance par les grandes sociétés, comportant des mesures de vigilance raisonnable pour prévenir les risques en matière sociale et environnementale, de droits de l’homme, de santé et de sécurité ainsi que de corruption, résultant de l’activité de la société et de celle de ses filiales et sous-traitants. La notion de plan de vigilance s’apparente largement à celle de procédure de diligence raisonnable prévue par la directive : les deux notions ont vocation à être traitées simultanément par le législateur et donc à converger dans un même texte.

Si cette proposition de loi, dans sa rédaction première, soulève des difficultés juridiques et économiques ayant conduit à son rejet par le Sénat fin 2015, la poursuite de la navette devrait permettre de la faire converger avec la transposition de la directive. En effet, en l’état, cette proposition de loi constitue un doublon tant avec le contenu de l’article 62 du présent projet de loi qu’avec le contenu de la directive elle-même.

Faute d’un texte spécifique, la proposition de loi relative au devoir de vigilance est un texte plus approprié que le présent projet de loi pour assurer de façon cohérente la transposition de la directive et renforcer la contribution des grandes entreprises au respect des normes sociales et environnementales et à la prévention des atteintes aux droits de l’homme.

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