Amendement N° COM-9 (Adopté)

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Protection des victimes de violences conjugales

Déposé le 2 juin 2020 par : Mme Marie Mercier, rapporteur.

Photo de Marie Mercier 

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 207 du code civil est ainsi modifié :

1° Au second alinéa, après le mot : « débiteur », sont insérés les mots : « ou envers l’un des ascendants, descendants ou frères et sœurs du débiteur » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Peuvent se voir totalement ou partiellement déchargés de leur dette alimentaire le débiteur victime, ses frères et sœurs, ainsi que les ascendants et descendants de la victime, par une mention expresse du jugement pénal condamnant l’un des époux, parents ou autres ascendants créancier de l’obligation alimentaire, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit commis sur la personne de l’autre époux ou parent, ou sur la personne d’un descendant. » ;

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après l’article 221-5-5, il est inséré un article 221-5-6 ainsi rédigé :

« Art. 221-5-6. –En cas de condamnation pour un crime ou un délit prévu à la présente section, commis par l’un des époux, parents ou autres ascendants, sur la personne de l'autre époux ou parent, ou sur la personne d’un descendant, la juridiction de jugement se prononce sur la décharge totale ou partielle des débiteurs de leur dette alimentaire à l’égard de l’auteur, coauteur ou complice des faits, en application du troisième alinéa de l’article 207 du code civil. Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;

2° Après l’article 222-48-2, il est inséré un article 222-48-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-48-3. –En cas de condamnation pour un crime ou un délit prévu aux sections 1, 3 ou 3 bis du présent chapitre, commis par l’un des époux, parents ou autres ascendants, sur la personne de l'autre époux ou parent, ou sur la personne d’un descendant, la juridiction de jugement se prononce sur la décharge totale ou partielle des débiteurs de leur dette alimentaire à l’égard de l’auteur, coauteur ou complice des faits, en application du troisième alinéa de l’article 207 du code civil. Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;

3° Après l’article 222-31-2, il est inséré un article 222-31-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-31-3. –Lorsque le viol incestueux ou l'agression sexuelle incestueuse est commis contre un mineur par un ascendant, la juridiction de jugement se prononce sur la décharge totale ou partielle de la victime et de ses frères et sœurs de leur dette alimentaire à l’égard de l’auteur, coauteur ou complice des faits, en application du troisième alinéa de l’article 207 du code civil. Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;

4° Après l’article 227-27-3, il est inséré un article 227-27-4 ainsi rédigé :

« Art. 227-27-4. –Lorsque l'atteinte sexuelle incestueuse est commise contre un mineur par un ascendant, la juridiction de jugement se prononce sur la décharge totale ou partielle de la victime et de ses frères et sœurs de leur dette alimentaire à l’égard de l’auteur, coauteur ou complice des faits, en application du troisième alinéa de l’article 207 du code civil. Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. »

Exposé Sommaire :

L’article 6 de la proposition de loi vise à décharger automatiquement de sa dette alimentaire le débiteur ascendant ou descendant de la victime d’un crime ou d’un délit portant atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne commis par un parent sur l’autre parent ou sur un descendant.

Tout en souscrivant aux objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de la loi, le rapporteur estime que ce dispositif présente une forte fragilité constitutionnelle dès lors qu’il institue une sanction automatique et définitive infligée à toute personne condamnée pour certaines infractions.

Or, le Conseil constitutionnel censure depuis 2005 toute peine automatique sur le fondement du principe d’individualisation des peines. Il implique qu’une sanction pénale ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Cette jurisprudence conduit à la prohibition des peines accessoires appliquées automatiquement.

Le présent amendement propose donc un nouveau dispositif qui répond à la souffrance des victimes sans risque d’inconstitutionnalité. Il a deux objets.

Il étendrait tout d’abord, à l’article 207 du code civil, à certains proches du débiteur les manquements graves commis par le créancier qui permettent au juge aux affaires familiales de décharger le débiteur de sa dette, si le créancier introduit une action en réclamation d’aliments. De cette façon, le juge pourrait statuer sans ambiguïté sur un manquement grave commis par l’un des parents sur l’autre sans qu’il y ait eu de condamnation pénale ; et décharger l’enfant de sa dette d’aliments s’il estime que cela est proportionné.

Il imposerait ensuite aux juridictions répressives, lors de la condamnation pour un large spectre de crimes ou délits[1], commis entre époux, parents ou sur un descendant, de se prononcer sur la décharge de la dette alimentaire des enfants et parents de la victime, de l’enfant victime et, le cas échéant, de ses frères et sœurs. La juridiction pénale disposerait également de la faculté de se prononcer pour tous les autres crimes ou délits commis dans les mêmes conditions, ce que le droit ne permet pas non plus aujourd’hui.

Ce dispositif, qui ne présente aucun caractère d’automaticité découlant d’une condamnation pénale, permet d’inclure de manière large les crimes et délits. Il s’inspire du dispositif existant pour le retrait de l’autorité parentale, qui n’a pas été modifié sur ce point par la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. Il reviendra à la juridiction pénale, tenue de se prononcer, de déterminer si cette sanction est proportionnée.

Il ajoute enfin au texte de l’Assemblée nationale l’hypothèse de la complicité et inclut les cas de dispense de dette d’aliments pour l’enfant victime d’un crime ou délit par un ascendant et, le cas échéant, pour ses frères et sœurs.

[1]Infractions d’atteintes volontaires à la vie (articles 221-1 à 221-5-5 du code pénal), d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (articles 221-1 à 222-18-3 du même code), d’agressions sexuelles (222-22 à 222-48-2 dudit code) et de harcèlement moral (222-33-2 à 222-33-2-2 du même code).

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