Déposé le 15 juillet 2020 par : M. Delahaye.
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 268 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée » sont supprimés ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le calcul de la base d’imposition visé au premier alinéa s’applique à la seule condition que l’acquisition, par le cédant, du bien faisant l’objet de la livraison n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. »
II. – La perte de recettes résultant du I pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le droit européen (article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA) instaure un régime spécifique, appelé TVA sur la marge, applicable, sous certaines conditions, aux opérateurs publics et privés ayant produit du foncier à bâtir.
Ce mécanisme dispose que la TVA ne se calcule pas sur la totalité du prix de vente du foncier mais seulement sur la fraction représentant les travaux de viabilité (voirie et réseaux souterrains) réalisés sur la parcelle vendue, ces travaux constituant la valeur ajoutée taxable.
Transposé à l’article 268 du Code général des impôts, dont la rédaction résulte de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, il déroge ainsi au régime général défini aux articles 257 et 266, b° 2° du même code.
Les dispositions tirées du droit européen ci-dessus rappelées, et incidemment l’article 268 du Code général des impôts, ne soumettent cette dérogation qu’à deux conditions.
Premièrement, l'acquisition du terrain, avant réalisation des travaux d’aménagement, ne doit pas avoir ouvert de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au bénéfice de l’opérateur-vendeur. En d’autres termes, il suffit de démontrer que le vendeur du terrain à bâtir n’a pas acquis la parcelle en cause auprès d’un assujetti ayant participé à la chaîne de la TVA.
Secondement et de façon évidente, le système européen de TVA sur marge est réservé aux cessions de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente.
Conformément à ces dispositions, et aux textes européens qu’elles transposent, de nombreuses décisions des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ont assis le bien-fondé de la TVA sur marge sur les seules conditions prévues par la loi, en particulier sur celle tenant à l’absence de droit à déduction de la TVA lors de l’achat du bien par l’opérateur.
Cependant, une doctrine administrative développée par les autorités fiscales ajoute une condition, dite d’identité juridique, excluant l’application de l’article 268 précité dès lors que l’opérateur ayant réalisé les travaux a, à cette occasion, procédé à la démolition d’un bâti qui figurait sur la parcelle en cause.
Techniquement, cette doctrine supra-légale se traduit par une assiette de TVA constituée de la totalité du prix de revente de la parcelle après travaux de viabilité, alors que cette assiette devrait se limiter à la différence entre, d’une part, ce prix de revente (et des charges associées) et, d’autre part, les sommes versées pour l’acquisition du terrain avant réalisation desdits travaux.
Contre toute attente, un arrêt du Conseil d’État (Promialp n° 428234) du 27 mars 2020 a suivi la position de l’administration fiscale, en contrariété directe avec le droit européen et les décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (dernièrement un arrêt du 4 septembre 2019 - aff. C-71/18).
Cette position surprend au demeurant en raison de son incohérence avec le principe de sobriété foncière s’attachant à l’objectif Zéro artificialisation nette promu par le plan Biodiversité adopté en comité interministériel le 4 juillet 2018.
Ce plan appelle à privilégier le recyclage des parcelles artificialisées, lesquelles comportent inévitablement des éléments bâtis voués à la démolition. Il apparait en définitive que la doctrine adoptée par l’administration fiscale promet à l’échec la volonté portée au niveau interministériel par le plan Biodiversité.
On ajoutera que l’extension de l’assiette de la TVA à la totalité du prix de revente entraînera une inflation mécanique des prix du foncier, contaminant par transitivité celui des logements. Elle mettra finalement en cause les politiques publiques menées en la matière pour soutenir l’accession et la location.
Au surplus, elle induit une perte importante de ressources pour les communes et les départements au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). L’application de la TVA selon le régime de droit commun, c'est-à-dire sur la totalité du prix de revente après travaux de viabilité, s’accompagne effectivement de l’exigibilité des DMTO au taux réduit (article 1594 F quinquies du Code général des impôts). En cette période où la crise sanitaire impacte dramatiquement les collectivités et menace leur équilibre budgétaire, considérant que l’objectif assigné au présent PLFR tend à en compenser les effets, il n’est pas concevable d’admettre une doctrine administrative qui aura pour conséquence d’accentuer de telles pertes de recettes.
Ainsi et afin d’éviter ces conséquences désastreuses, il est proposé de clarifier et d’affermir l’application du régime de TVA sur la marge lors de la revente d’un terrain à bâtir, y compris dans les cas il ce dernier fut initialement acquis comme terrain bâti, dès lors que cette acquisition ne lui a pas ouvert un droit à déduction de la TVA.
Tel est l’objet du présent amendement.
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