Amendement N° COM-665 (Rejeté)

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Convocation du parlement en session extraordinaire

Déposé le 25 mai 2021 par : Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon, les membres du groupe Écologiste - Solidarité, Territoires.

Photo de Esther Benbassa Photo de Ronan Dantec Photo de Jacques Fernique Photo de Joël Labbé Photo de Daniel Salmon 

Rédiger ainsi cet article :

I. Au sein du Livre V du code pénal, après le titre 1er, il est inséré un nouveau titre ainsi rédigé :

« Titre ... Des infractions en matière de santé publique et d’environnement

Chapitre …. : Des infractions en matière d’environnement

Section …. : De la mise en danger délibérée de l’environnement

« Art. L. 512-1 : I. Le fait d’exposer directement l’environnement à un risque immédiat de dégradation substantielle de la faune, la flore, les milieux terrestres y compris les sols et sous sols, l’air les milieux aquatiques d’eau douce souterrains ou de surfaces et les milieux marins dans la limite des eaux territoriales, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
« II. La peine mentionnée au I est portée à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée, au sens de l’article 132-71 du code pénal. »

II. Au sein du Livre V du code pénal il est inséré un article L. 512-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 512-2 : « Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’article L. 512-1 encourent également les peines suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article L. 131-27, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect, dans les conditions prévues à l’article L. 131-21 du code pénal ;
« 3° L’immobilisation, pendant une durée qui ne peut excéder un an, du véhicule, du navire, du bateau, de l’embarcation ou de l’aéronef dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ;
« 4° L’affichage ainsi que la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article L. 131-35 du code pénal. »

III. Au sein du Livre V du code pénal est inséré un article L. 512-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 512-3 : Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article L. 121-2, des infractions définies à l’article L. 512-1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l’article L. 131-9 du code pénal ».

IV. Le deuxième alinéa de l’article L. 121-3 du code pénal est complété par les mots : « ou de l’environnement ».

V. L’article L. 706-73-1 du code de procédure pénale est complété par un 12° ainsi rédigé : « 12° Délit relatif à la mise en danger délibérée de l’environnement mentionné au I de l’article 512-1 du code pénal commis en bande organisée. »

Exposé Sommaire :

Cet amendement propose une réécriture globale de la rédaction actuelle de l’article 67 afin d’améliorer son oppérationnalité.

La création d’un délit de mise en danger de l’environnement est louable et figure parmi les recommandations de la mission d’inspection conjointe IGJ/CGEDD au sein du rapport « Une justice pour l’environnement » d’octobre 2019, avec l’objectif “d’assurer une forme de prévention pour éviter que des dommages écologiques irréversibles ne se produisent”.

Ainsi, l’esprit de l’article 67, à savoir viser le comportement d’exposer l’environnement à un danger manifestement grave, en l’absence de dommages, est pertinent dans la mesure où, dans de nombreux cas, les atteintes à l'environnement sont extrêmement difficiles voire impossibles à réparer. Sanctionner les atteintes à l’environnement ne peut donc suffire, il faut avoir les moyens de prévenir ces atteintes, en rendant possible de réprimer non seulement la pollution ou le dommage, mais aussi le comportement susceptible de provoquer le dommage.

En revanche la rédaction proposée par le présent article pose plusieurs problèmes :

Tout d’abord, le champ d’application de ce délit de mise en danger de l’environnement sera subordonné à ce que les faits poursuivis soient soumis à un régime de déclaration, d’autorisation ou de dérogation, ainsi qu’à la caractérisation d’un non-respect d’une mesure individuelle de l’administration (fermeture, suspension, remise en état, interdiction, mise en demeure, etc.). Son efficacité sera donc conditionnée au renforcement des contrôles administratifs, inspection des installations classées ou police de l’eau, seuls susceptibles de caractériser le non-respect de telles prescriptions. Or, la mission d’information sur l’incendie de Lubrizol avait révélé la diminution importante de ces contrôles sur les 10 dernières années.

De plus, l'édiction d’une autorisation, d’un agrément ou d’une homologation ne crée ni ne constitue par elle-même une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Une situation administrative irrégulière ne saurait par elle-même caractériser un risque immédiat pour l’environnement. Ce sont les conditions légales ou réglementaires elles-mêmes d’exercice d’une activité qui comportent des obligations de sécurité ou de prudence dont la méconnaissance expose directement l’environnement à un risque de dommage substantiel.

Autre problème posé par la rédaction actuelle : les sols n’étant pas visés parmi la catégorie des intérêts protégés, il sera nécessaire, par exemple, en matière de stockage irrégulier de déchets, de caractériser un risque supplémentaire pour l’eau, la faune ou la flore, compliquant encore le travail des enquêteurs.

Enfin, il faudra démontrer que le dommage - qui n’est pas survenu, aurait été grave et durable, cette durabilité étant définie comme un dommage qui perdure au moins dix ans. Or, même dans le cas du naufrage du pétrolier Erika, en 1999, les experts avaient estimé que le dommage n’avait pas perduré plus de deux ans. On peut donc douter de l'opérationnalité de la rédaction actuelle de l’article 67, alors que l’une des plus grandes catastrophes écologiques de ces trente dernières années ne rentre pas dans la définition de ce nouveau délit. De même, concernant l’incendie de l’usine Lubrizol, à ce jour, il est impossible de déterminer la durée du dommage.

Cette rédaction est donc à la fois juridiquement contestable, car possiblement contraire à l’objectif à valeur constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi pénale, et scientifiquement inadaptée.

Le but de la réécriture de l’article 67 proposée par l’amendement est de pouvoir respecter l'objectif initial du projet de loi, à savoir créer une nouvelle infraction en droit pénal visant à réprimer des comportements délibérés mettant gravement en danger l’environnement indépendamment de la réalisation d’un dommage ou d’une mise en demeure de l’autorité administrative.

La création d’une « incrimination générale d’un risque en matière d’environnement » proposée prend pour « modèle » l’actuel délit de risque causé à autrui, car c’est la seule catégorie d’infraction qui s’en rapproche. En raison des difficultés propres à ce délit, la rédaction proposée est plus souple en matière d’environnement. Il s’agit ici aussi d’une recommandation du rapport “Une Justice pour l’environnement” précité.

En raison de la gravité des atteintes potentielles, et de la nature des comportements qui y conduisent, le parti a été pris d’intégrer cette infraction directement dans le Code pénal.

Cette proposition s’inspire de celle du rapport de l’OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et la Santé des Populations) de février 2020 en lui proposant quelques modifications concernant l’environnement ciblé.

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