Amendement N° COM-90 (Adopté)

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Désignation de rapporteurs

Déposé le 13 septembre 2021 par : M. Bonnecarrère, Mme Canayer, rapporteurs.

Photo de Philippe Bonnecarrere Photo de Agnès Canayer 

Rédiger ainsi cet article :

I. Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 432-12, le mot : « quelconque » est remplacé par les mots : « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité » ;

2° Après l’article 432-12, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 432-12-1. - Constitue une prise illégale d’intérêts punie conformément à l’article 432-12 le fait, par un magistrat ou toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, dans une entreprise ou dans une opération à l’égard de laquelle elle a la charge de prendre une décision judiciaire ou juridictionnelle, un intérêt de nature à influencer, au moment de sa décision, l'exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction. »

II. L’article 6-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi modifiée :

a) Les mots : « d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale» sont remplacés par les mots : « d'une poursuite pénale ou d’une instance devant une juridiction impliquerait la violation d'une règle de procédure » ;

b) Après les mots : « de la poursuite », sont insérés les mots : «, de la décision intervenue » ;

c) La première phrase est complétée par les mots : « ou en application des voies de recours prévues par la loi ou le règlement » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est notamment applicable en cas de poursuites sur le fondement de l’article 432-12-1 du code pénal. »

Exposé Sommaire :

Les rapporteurs partagent le souhait d'aligner le régime pénal applicable aux magistrats sur celui applicable aux élus et aux fonctionnaires qui est cohérent avec la volonté d’une plus grande confiance dans la justice. Le traitement sur le plan uniquement déontologique des prises d’intérêts qui peuvent concerner les magistrats paraît effectivement en décalage avec le renforcement considérable des sanctions pénales pesant sur les élus et fonctionnaires et peut donner le sentiment d’une prise en compte insuffisante de ces questions par l’institution judiciaire.

Il paraît cependant préférable de mettre en place un régime spécifique qui tienne compte des particularités de la profession judiciaire et permette une définition précise de ce qui constitue une prise illégale d’intérêts, conformément aux préconisations du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Le présent amendement propose donc la réécriture de cet article afin d'insérer dans le code de procédure pénale un article spécifique relatif à la prise illégale d’intérêts dont pourraient se rendre coupables des magistrats.

Les actes susceptibles de constituer l’infraction sont étendus puisque seraient désormais visées toutes les décisions judiciaires ou juridictionnelles concernant une entreprise ou une opération et non plus seulement les jugements. Les personnes susceptibles de faire l’objet d’une sanction sont, par cohérence, non les seuls magistrats mais aussi toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles. Le champ de l’infraction est précisé puisque ne constitue une prise illégale d’intérêts que l’intérêt de nature à influencer, au moment de la décision, l'exercice indépendant, impartial et objectif de la fonction.

La rédaction proposée modifie par ailleurs par l’article 6-1 du code de procédure pénale afin d’éviter la mise en cause abusive de magistrats. Pour éviter des poursuites dilatoires.

Par coordination, l'amendement modifie également l'article 432-12 du code pénal relatif au délit de prise illégale d'intérêts applicable aux fonctionnaires aux élus. La modification reprend une proposition formulée par la HATVP dans son dernier rapport d'activité et par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, qui a rendu son rapport en 2011. La définition de l'infraction mérite en effet d'être précisée afin d'éviter que des élus ou des fonctionnaires soient poursuivis alors qu'il n'y a pas eu de véritable manquement à la probité. Pour ce faire, l'intérêt pris dans une entreprise ou dans une opération devrait être de nature à compromettre leur impartialité, leur indépendance ou leur objectivité et donc à nuire à l’exercice de leurs responsabilités publiques.

A plusieurs reprises, la Sénat a souhaité procéder à cette modification, dont il a encore récemment débattu dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Au fil du temps, la jurisprudence a évolué vers une conception de plus en plus formelle de la définition du délit de prise illégale d'intérêts, éloignée de l'esprit de la loi.

Le simple fait pour un élu d'assister à une réunion du conseil municipal dans laquelle est décidée l'attribution d'une subvention à une association dans laquelle il est impliqué peut lui valoir une condamnation. Encore récemment, des élus du Finistère ont été poursuivis parce qu'ils avaient assisté, sans prendre part au vote, à la réunion attribuant une subvention à une association organisant des épreuves cyclistes nationales. La jurisprudence fournit également l'exemple d'un adjoint au maire viticulteur de profession condamné pour avoir livré du vin à prix coûtant à la maison de retraite municipale. Le fait que l'élu n'ait retiré aucun bénéfice personnel de l'opération et que l'association serve un intérêt public qui n'est pas en contradiction avec l'intérêt communal est indifférent au regard de la qualification de l'infraction.

La notion d'intérêt est également interprétée de manière extensive puisqu'elle s'étend à l'intérêt moral ou affectif, un lien simplement amical entre l'élu et le bénéficiaire de la subvention ou du projet suffisant à caractériser l'infraction. Ces mises en cause risquent de décourager des élus locaux qui consacrent beaucoup de temps et d'énergie à leur collectivité et à des activités associatives.

Par la modification proposé, un meilleur équilibre serait assuré entre la lutte indispensable contre tous les manquements à la probité et la sécurisation de l'activité des responsables publics. Elle n'empêcherait pas de sanctionner les responsables publics qui abusent de leurs fonctions pour en retirer un avantage personnel ou qui font primer un intérêt privé sur l'intérêt public dont ils ont la charge.

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