Amendement N° 1933 (Rejeté)

Convocation du parlement en session extraordinaire

Discuté en séance le 25 juin 2021
Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Défavorable

Déposé le 10 juin 2021 par : M. Labbé, Mme Benbassa, MM. Dantec, Salmon, Fernique, les membres du groupe Écologiste - Solidarité, Territoires.

Photo de Joël Labbé Photo de Esther Benbassa Photo de Ronan Dantec Photo de Daniel Salmon Photo de Jacques Fernique 

I. – Alinéas 2, 6 et 11

Remplacer les mots :

et durable

par les mots :

ou significative

II. – Alinéas 3, 7 et 12

Supprimer ces alinéas.

Exposé Sommaire :

Cet amendement propose d’améliorer la rédaction actuelle de l’article 67 afin de le rendre opérationnel.

Cet article vise à réprimer les comportements qui font courir un danger grave à l’environnement, indépendamment de la réalisation du dommage, ce qui est louable, puisqu’en matière environnementale, il est souvent complexe voire impossible de réparer le dommage. Sanctionner les comportements faisant courir un risque grave à l’environnement pour prévenir les atteintes est donc nécessaire. L’obligation de prévenir les atteintes à l’environnement est en effet prévue à l’article 3 de la Charte de l’environnement.

Cependant la rédaction actuelle de l'article demande, pour réprimer le risque, de démontrer en amont que l'atteinte à l'environnement, si elle avait eu lieu, aurait été “grave et durable”, cette durabilité étant fixée à au moins 7 ans.

Les deux adjectifs « grave » et « durable » s’inspirent de la rédaction de l’article 223-1 du code pénal sur la mise en danger d’autrui : le risque est dans ce cas défini par les conséquences demeurant virtuelles du comportement incriminé (mort, mutilation, infirmité).

Mais pour la mise en danger de l’environnement, reprendre ces qualificatifs est inopérant.

Ainsi, le terme “durable” n’est pas pertinent puisqu’il est impossible d’anticiper en même temps l’étendue des conséquences virtuelles d’un comportement faisant courir un risque à l’environnement, et les moyens qui auraient été nécessaires pour y remédier.

L’évolution permanente des moyens techniques de réparation du dommage, le caractère plus ou moins sensible du milieu exposé au risque, les différences de réaction des diverses composantes d’un même milieu, la conjonction des risques pour l’environnement et pour la santé, sont des éléments difficiles à caractériser, d’autant plus pour un dommage qui n’a pas eu lieu.

Cela fait craindre une approche subjective de cet élément constitutif de l’infraction, et par conséquent la censure du Conseil constitutionnel ou, plus en aval, des difficultés considérables d’application du texte par les magistrats judiciaires.

Un autre problème est lié au fait que l'atteinte doit être à la fois grave et durable pour rentrer dans le champ de l’article : le cumul des critères de gravité et de durabilité revient à exclure des atteintes graves dont la durée pourrait être relativement courte ou difficile à caractériser dans le temps : il existe des dommages graves, qui ne s’étendent pas dans le temps, en tout cas pas dix ans. Notamment, suite du naufrage de l’Erika, les experts ont établi que les atteintes ont duré deux ans, et pour Lubrizol, personne ne peut aujourd’hui dire quelle sera la durée des atteintes, les données étant encore incertaines.

Réciproquement, il existe des dommages naturellement réversibles, qui ne rentrent donc pas dans le qualificatif “grave” mais qui empêchent le milieu naturel de se reconstituer rapidement et sont donc durables.

Par ailleurs, l’air et l’eau étant des milieux à fort potentiel de dilution, la caractérisation d'atteintes graves de plus de 7 ans y sera nécessairement plus complexe que dans les sols, et même impossible dans de nombreux cas. Ce qualificatif de “durable” revient à acter que ces milieux seront de fait moins protégés. Or, ces dommages peuvent être graves : par exemple, les milieux aquatiques sont décloisonnés, ce qui rend difficile la remédiation. Ils favorisent la diffusion des polluants dans tous les compartiments de l'environnement, parfois très loin en aval de la pollution. Les espèces inféodées aux milieux aquatiques, sont les plus menacées au vu de la liste rouge de l'UICN, aussi il convient de ne pas acter, par cet article, leur moindre protection.

Enfin cet article propose une rédaction qui ne semble pas en conformité avec le droit européen : la Commission européenne a en effet édicté des lignes directrices sur la définition du dommage environnemental, tel qu’il est visé par la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale (Communication de la Commission Lignes directrices permettant une compréhension commune du terme «dommage environnemental» tel que défini à l’article 2 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux 2021/C 118/01).

Il y est rappelé que pour faire référence à des dommages affectant « gravement » l’environnement, les modifications négatives et la détérioration doivent être « mesurables ». Le terme « mesurable » signifie que les dommages doivent pouvoir être quantifiés ou estimés, et que la situation avant et après un événement dommageable doit pouvoir être comparée de manière significative.

L’annexe I de la directive 2004/35/CE mentionne les « dommages significatifs » et les lignes directrices donnent les éléments permettant de définir cette notion sans que soit fixé un seuil minimum.

Il s'agit donc, dans l'amendement, de retenir pour la rédaction la prise en compte des dommages grave et / ou significatif, afin de mieux prendre en compte les spécificités du dommage environnemental.

L’amendement propose donc de substituer aux qualificatifs “grave et durable” le qualificatif “grave ou significatif” et de supprimer la durée d'au moins 7 ans qualifiant la durabilité de l'atteinte.

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