Déposé le 8 juin 2021 par : Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon, les membres du groupe Écologiste - Solidarité, Territoires.
Après l’article 69
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre III du livre II du code de l’environnement est complété par des articles L. 231-… à L. 231-… ainsi rédigés :
« Art. L. 231-…. – Dans le cas où les infractions prévues aux articles L. 231-1, L. 231-2, L. 231-3 et L. 231-4 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français, la loi française est applicable en toutes circonstances, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du code pénal, et l’article 113-8 du même code n’est pas applicable.
« Art. L. 231-…. – Lorsque les faits décrits aux articles L. 231-1, L. 231-2 et L. 231-3 sont commis, directement ou indirectement, de façon intentionnelle, le maximum de la peine est porté à :
« 1° Cinq ans d’emprisonnement années lorsqu’il est prévu trois ans ;
« 2° Sept ans d’emprisonnement lorsqu’il est prévu cinq ans ;
« 3° 500 000 € d’amende, celle-ci pouvant être portée jusqu’au quadruple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction au regard de la gravité de l’atteinte lorsqu’il est prévu 300 000 € d’amende ;
« 4° Un million et cinq cent mille euros d’amende, celle-ci pouvant être portée jusqu’au sextuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction au regard de la gravité de l’atteinte lorsqu’il est prévu un million d’euros d’amende.
« Art. L. 231-…. – I. – Les présidents, les directeurs généraux et les gérants d’une société employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros sont tenus de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits incriminés par les articles L. 231-1, L. 231-2, L. 231-3 et L. 231-4.
« Cette obligation s’impose également :
« 1° Aux présidents et directeurs généraux d’établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe public dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros ;
« 2° Selon les attributions qu’ils exercent, aux membres du directoire des sociétés anonymes régies par l’article L. 225-57 du code de commerce et employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.
« Lorsque la société établit des comptes consolidés, les obligations définies au présent article portent sur la société elle-même ainsi que sur l’ensemble de ses filiales, au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce, ou des sociétés qu’elle contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du même code. Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au présent I sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle, au sens du même article L. 233-3, met en œuvre les mesures et procédures prévues au II du présent article et que ces mesures et procédures s’appliquent à l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elle contrôle.
« II. – Les personnes mentionnées au I du présent article mettent en œuvre les mesures et procédures suivantes :
« 1° Un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de mise en danger de l’environnement, d’atteinte à l’environnement ou d’écocide. Ce code de conduite est intégré au règlement intérieur de l’entreprise et fait l’objet, à ce titre, de la procédure de consultation des représentants du personnel prévue à l’article L. 1321-4 du code du travail ;
« 2° Un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ;
« 3° Une cartographie des risques prenant la forme d’une documentation régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition de la société à des risques d’atteinte à l’environnement, de mise en danger de l’environnement et d’écocide, en fonction notamment des secteurs d’activités et des zones géographiques dans lesquels la société exerce son activité ;
« 4° Des procédures d’évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;
« 5° Un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques d’atteinte à l’environnement, de mise en danger de l’environnement et d’écocide ;
« 6° Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de conduite de la société ;
« 7° Un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
« Indépendamment de la responsabilité des personnes mentionnées au I du présent article, la société est également responsable en tant que personne morale en cas de manquement aux obligations prévues au présent II.
« III. – L’Agence contrôle le respect des mesures et procédures mentionnées au II du présent article.
« Le contrôle est réalisé selon les modalités prévues au IV. Il donne lieu à l’établissement d’un rapport transmis à l’autorité qui a demandé le contrôle et aux représentants de la société contrôlée. Le rapport contient les observations de l’agence sur la qualité du dispositif de prévention et de détection des risques mis en place au sein de la société contrôlée ainsi que, le cas échéant, des recommandations en vue de l’amélioration des procédures existantes.
« IV. – En cas de manquement constaté, et après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses observations, le magistrat qui dirige l’agence peut adresser un avertissement aux représentants de la société.
« Il peut saisir la commission des sanctions afin que soit enjoint à la société et à ses représentants d’adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des risques d’atteinte à l’environnement, de mise en danger de l’environnement et d’écocide.
« Il peut également saisir la commission des sanctions afin que soit infligée une sanction pécuniaire. Dans ce cas, il notifie les griefs à la personne physique mise en cause et, s’agissant d’une personne morale, à son représentant légal.
« V. – La commission des sanctions peut enjoindre à la société et à ses représentants d’adapter les procédures de conformité internes à la société destinées à la prévention et à la détection des faits d’atteinte à l’environnement, de mise en danger de l’environnement et d’écocide, selon les recommandations qu’elle leur adresse à cette fin, dans un délai qu’elle fixe et qui ne peut excéder trois ans.
« La commission des sanctions peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques et un million d’euros pour les personnes morales.
« Le montant de la sanction pécuniaire prononcée est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.
« La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision d’injonction ou de sanction pécuniaire ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne physique ou morale sanctionnée.
« La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ni injonction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué.
« Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de fonctionnement de la commission, notamment les conditions de récusation de ses membres.
« VI. – L’action de l’Agence se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été constaté si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la sanction de ce manquement.
« VII. – Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction.
« VIII. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi n° du portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. »
Dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a posé une première pierre dans l’extraterritorialité de la réglementation environnementale. Il convient de lutter contre la délocalisation des pollutions à l’aide de dispositifs juridiques permettant de sanctionner les entreprises montrant patte blanche sur le territoire national, mais profitant de législations moins-disantes pour commettre à l’étranger des infractions inacceptables à l’étranger. Pour ce faire, les amendements qui suivent adaptent les dispositions applicables en matière de corruption à la matière environnementale.
En premier lieu, le nouvel article L. 230-7 propose de faciliter la poursuite de délits environnementaux commis par des sociétés françaises à l’étranger en simplifiant les conditions d’engagement des poursuites de ces délits par le juge français : l’ouverture d’une enquête pénale pour ces délits est aujourd’hui dépendante d’une requête du ministère public, de la condition de double incrimination des faits poursuivis et d’une plainte de la victime ou une dénonciation de l’État où les faits ont été commis. Le présent amendement a pour objet de suivre l’exemple des infractions de corruption et de faire en sorte que les conditions précitées (requête du ministère public, double incrimination et plainte de la victime ou dénonciation de l’État).
En second lieu, le nouvel article L. 230-8 du code de l’environnement permet d’étendre l’extraterritorialité aux filiales étrangères des sociétés-mères françaises qui commettraient les infractions de façon intentionnelle.
En troisième lieu, afin d’améliorer la responsabilité civile des entreprises pour leurs activités exercées à l’étranger, le présent amendement propose un nouvel article L. 230-9 du code de l’environnement qui met à la charge de certaines sociétés une obligation de vigilance environnementale, sur le modèle de l’obligation de vigilance anticorruption de la loi Sapin II. Cette obligation est plus contraignante que l’obligation issue de la loi relative au devoir de vigilance, mais son champ d’application est plus restreint. Elle est assortie d’une amende administrative importante.
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