Amendement N° 45 (Rejeté)

Loi de finances rectificative pour 2021

Discuté en séance le 17 novembre 2021
Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Défavorable

Déposé le 16 novembre 2021 par : Mme Taillé-Polian, MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Mmes de Marco, Poncet Monge, M. Salmon, Mme Mélanie Vogel.

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Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sont assujettis à une contribution sur leurs bénéfices exceptionnels perçus au cours de l’année 2021.

Cette contribution exceptionnelle est égale à 50 % du bénéfice exceptionnel réalisé, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution sur les bénéfices exceptionnels. La contribution sur les bénéfices exceptionnels n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

II. – Le bénéfice exceptionnel auquel il est fait référence aux deux premiers alinéas du I correspond au bénéfice net au sens de l’article 39 du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature, retranché d’un bénéfice normal correspondant à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2017, 2018 et 2019.

Pour les personnes morales n’ayant pas été redevables de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2017, le bénéfice normal correspond à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2018 et 2019. Pour les sociétés n’ayant pas été redevables pour l’exercice 2018 ou pour l’exercice 2019, le bénéfice normal est calculé à partir d’une valeur de référence correspondant à 8 % du capital social de la société.

III. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

IV. – Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du I s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

V. – Les redevables peuvent obtenir un crédit d’impôt égal à leur contribution sur les bénéfices exceptionnels s’ils font la preuve, par tous moyens à leur disposition, que ces bénéfices exceptionnels sont sans lien, direct ou indirect, avec l’épidémie de la covid-19 ou avec les mesures générales ou particulières prises par la puissance publique pour faire face à celle-ci.

VI. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

VII. – La contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle sont établies, contrôlées et recouvrées comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

Exposé Sommaire :

Cet amendement du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires vise à créer une contribution de solidarité nationale de 50 % sur les seuls bénéfices exceptionnels réalisés par les plus grandes entreprises (plus de 750 M€ de chiffre d’affaires) du fait de la crise du Covid-19. Les bénéfices exceptionnels sont calculés en comparaison de la moyenne des bénéfices réalisés dans les trois dernières années ou, à défaut, d’un taux de rendement de référence du capital.

En effet, bien qu’elle soit dévastatrice pour l’économie, certains groupes sont parvenus à profiter de la crise de la Covid-19. Ces bénéfices représentent une profonde injustice économique : Ayant favorisé les grands groupes et certains secteurs d’activité, ils fragilisent les ménages précaires. Le directeur général de l'INSEE, a récemment souligné, lors de la publication d'une étude sur la pauvreté en France, que la pauvreté s'est intensifiée. De plus, il rappelle que l'étude de l’INSEE exclut de son champ les publics les plus fragiles comme les étudiants, les personnes sans domicile ou encore ceux dont la source de revenu est le travail informel. Ainsi, il n’est que légitime que l’Etat taxe ces bénéfices, dans un idéal de justice sociale et de redistribution, afin d’aider la population la plus durement frappée.

L’importance du caractère rétroactif de l’amendement réside dans « l’effet de surprise » qu’il représente, afin de prévenir les montages financiers habituels avec lesquels les grandes entreprises parviennent à éviter l’impôt.

Un tel impôt est loin d’être sans précédent, en particulier en temps de crise : En 1916, la « taxe Briand » avait mis à contribution les entreprises qui avaient bénéficié d’un effet d’aubaine généré par la guerre. De même, en 1917, aux Etats-Unis, un taux progressif de 20 à 60 % avait été appliqué sur tous les bénéfices supérieurs à l’avant-guerre. En 2020, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman conseillèrent au Gouvernement américain de mettre en place une taxe sur les bénéfices exceptionnels liés à la crise de la Covid-19.

Enfin, dans une tribune au « Monde » du 11 novembre 2020, l’économiste Pierre-Cyrille Hautcoeur rappelait le rôle de la forte taxation des « bénéfices extraordinaires » après les deux guerres mondiales dans l’atténuation du sentiment et de la réalité de l’injustice.

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