Amendement N° COM-77 (Retiré)

Commission des affaires sociales

Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat


( amendement identique : COM-50 )

Déposé le 25 juillet 2022 par : M. Cuypers.

Photo de Pierre Cuypers 

Supprimer les alinéas 11 à 18.

Exposé Sommaire :

Les alinéas 11 à 18 de la section I. de l’article 9 prévoient d’augmenter les peines d’emprisonnement pour toute pratique commerciale trompeuse ou agressive (c’est-à-dire les « pratiques commerciales déloyales ») et le délit de tromperie.

Ces alinéas doivent être supprimés pour les raisons suivantes :

1. Il n’y a aucun lien, même indirect, entre l’aggravation de peines d’emprisonnement et la protection du pouvoir d’achat.

2. Les pratiques commerciales déloyales sont déjà très sévèrement réprimées :

Les pratiques commerciales déloyales (ainsi que la plus grave d’entre elles, l’abus de faiblesse, pourtant non visée dans le présent projet de loi) et la tromperie, mais aussi l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesseet l’escroquerie, sont déjà sévèrement réprimés par le code pénal et le code de la consommation :

Outre la peine d’emprisonnement, les contrevenants encourent une amende pénaledont le montant peut être porté à 10 % du chiffre d'affaires annuel. Des peines complémentairesd’interdictions sont prévues pour les personnes physiques. Les personnes moralesencourent aussi des peines spécifiques (interdictions, confiscation, etc.). L'inobservation d’une décision judiciaire ordonnant la cessation de la pratique déloyale est elle-même punie d'un emprisonnement de 2 ans et d'une amende de 300 000 euros.

3. Absence de toute statistique justifiant une aggravation des peines d’emprisonnement :

Ni l’exposé des motifs ni l’étude d’impact du projet de loi ne contiennent de statistiques récentes portant sur les réclamations des consommateurs ou le traitement judiciaire de celles-ci justifiant le durcissement des peines d’emprisonnement pour les « pratiques commerciales déloyales ».

Au contraire, dans le Bilan d’activité 2021de la DGCCRF, présenté ce 11 juillet 2022, les chiffres infirment catégoriquement la nécessité de légiférer :

· Sur 4 061 dossiers pénaux ouverts en 2021, seules 541 procédures ont été initiées pour pratiques trompeuses (Bilan, page 24).

· Sur un total de 38 603 031 d’euros d’amendes administratives notifiées en 2021, 194 750 d’euros ont été infligés pour des pratiques commerciales interdites et réglementées, soit 0, 5% (Bilan, pages 24-25).

Le Bilan d’activité 2021 de la DGCCRF ne contient aucune demande pour une aggravation des peines ni le moindre constat que les sanctions existantes sont insuffisantes pour réprimer les infractions visées.

Quant à l’invocation par le Gouvernement du nombre de plaintes en rénovation énergétique, elle est sérieusement démentie par le « Bilan des travaux et des aides entre 2016 et 2019 Résultats définitifs » sur la « RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS » publié en mars 2022 par l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ce Bilan dresse le panorama des rénovations énergétiques en France le plus complet à ce jour : page 5/120). Dans le dossier « La rénovation énergétique des maisons individuelles Résultats de l’enquête Tremi 2020 » annexé à ce Bilan, on peut lire en page 91/120 que « Les ménages concernés se déclarent globalement satisfaits des artisans ou des entreprises ayant réalisé des travaux dans leurs logements. Plus des quatre cinquièmes considèrent que ces travaux se sont bien déroulés et près des trois quarts estiment que les professionnels les ont conseillés de manière efficace».

4. La circonstance aggravante de « bande organisée » :

Il n’est pas souhaitable d’étendre la circonstance aggravante de « bande organisée» en dehors des infractions les plus graves qui relèvent réellement de la criminalité organisée.

Sur le plan procédural, la qualification de « bande organisée » entraîne un aménagement de nombreuses règles comme la garde à vue (dont la durée est doublée par rapport au droit commun, l’intervention de l’avocat étant en outre reportée), les perquisitions (autorisées en dehors des heures fixées par le droit commun), etc. Sur base des excès signalés en droit des affaires, on peut sérieusement craindre la même utilisation abusive de cette qualification en droit de la consommation, notamment au stade de l’enquête dès lors que 3 personnes (exemple : un commercial, un technicien et un gérant) auront été identifiées lors de toute réclamation d’un consommateur.

Les conséquences seraient dévastatrices pour les acteurs économiques : désorganisation de l’entreprise, atteintes graves à la réputation par la publication d’informations dans les médias et les réseaux sociaux, stigmatisation, etc.

L’importance de ces questions et leur impact sur les libertés fondamentales imposent qu’elles ne soient pas traitées dans l’urgence.

Il n’est pas acceptable de modifier le droit répressif sans une concertation préalable avec l’ensemble des acteurs judiciaires (magistrats, avocats, etc.), des criminologues et spécialistes du droit pénal, des organisations professionnelles et autres parties concernées. Cette concertation n’a pas eu lieu.

5. Absence de proportionnalité :

L’article 13 de la directive la directive 2005/29/CE (dite « directive sur les pratiques commerciales déloyales ») impose que les sanctions soient effectiveset dissuasivesmais aussi proportionnées.

Le nouveau quantum des peines est disproportionné eu égard aux infractions visées.

6.Absence de toute concertation préalable :

Les alinéas 11 à 18 de la section I. de l’article 9 n’ont fait l’objet d’aucun échange préalable avec les organisations professionnelles.

Pourtant, lors de la discussion du projet de loi d’habilitation de la directive (UE) 2019/2161 Omnibus en séance publique à l’Assemblé nationale le 7 octobre 2020, le Gouvernement s’était engagé à une « concertation approfondie ».

Durant l’année 2021, au cours de laquelle s’est déroulé le processus d’adoption de l’Ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs (c’est donc l’Ordonnance de transposition de la directive Omnibus), pas une seule fois le Gouvernement et l’Administration n’ont fait savoir qu’il était nécessaire d’augmenter les peines d’emprisonnement pour les PCD.

7. Le Gouvernement vient de légiférer au sujet des pratiques commerciales déloyales :

Il est absolument prématuré de légiférer à nouveau alors que, dans le cadre du projet de loi de ratification n° 474 déposé au Sénat le 9 février 2022, le Parlement n’a même pas encore examiné les dispositions de l’Ordonnance « Omnibus » n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, précitée.

Si le Gouvernement a introduit de nouvelles dispositions (les infractions de grande ampleuret l’amende civile: articles 5 et 8, 1° de l’Ordonnance) ou augmenté le montant des amendes administratives(art. 8, 2°; 9, 6° et 9, 7° de l’Ordonnance) dans l’Ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, il n’a en revanche pas estimé nécessaire d’aggraver les peines d’emprisonnement pour les pratiques commerciales déloyales.

Pour l’ensemble de ces raisons, il est proposé de supprimer la section I. de l’article 9.

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