Déposé le 30 octobre 2023 par : M. Retailleau.
Supprimer cet article.
L’article 3 du projet de loi, en prévoyant au niveau législatif la remise de plein droit d’un titre de séjour à l’étranger travaillant dans les « métiers en tension », indépendamment de la légalité de sa présence sur le territoire national, procède à un renversement préoccupant de la logique présidant aux régularisations des sans-papiers.
La régularisation s’effectue actuellement sur la base de l’évaluation individualisée des situations par le préfet, dans le cadre d’une procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Cette formulation reflète bien la nature du titre de séjour accordé : celui-ci l’est sur la base de divers critères, mais à la discrétion de l’autorité administrative. L’article L.435-1 du CESEDA mentionne pour cela de manière assez flexible les considérations humanitaires et autres « motifs exceptionnels ». Cette faculté, bien encadrée, serait remplacée ici pour les étrangers sans titre de séjour travaillant dans les métiers en tension par un droit au séjour de ces derniers, clairement opposable à l’administration. La possibilité de celle-ci d’effectuer une évaluation au cas-par-cas serait par conséquent sévèrement limitée. Cela traduit donc un affaiblissement de la capacité des pouvoirs publics à mener une politique de l’immigration et de l’intégration.
Pire, établir une telle voie de régularisation revient à acquiescer à la fraude, pourvu que celle-ci fut suffisamment longue et habilement dissimulée. Or, cela va directement à l’encontre d’un principe juridique très ancien, suivant lequel « la fraude corrompt tout » (« fraus omnia corrumpit »), qui trouve aussi bien à s’appliquer en matière civile qu’administrative (Conseil d'Etat, Sect., Joly, 7 octobre 1994, n°90344 et 102049, publié au recueil Lebon ; Conseil d'Etat, Sect., Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, 29 novembre 2002, n°223027, également publié au recueil Lebon).
Par ailleurs, indépendamment de la nature expérimentale et – pour l’instant – bornée dans le temps de ce dispositif, il convient de s’interroger sur l’effet incitatif à l’immigration irrégulière potentiellement généré par l’ouverture d’un tel droit à la régularisation. L’envoi de ce signal parait entièrement inopportun.
Les auteurs du présent amendement proposent par conséquent de supprimer l’article 3.
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