Amendement N° COM-22 (Adopté)

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Immigration et intégration


( amendements identiques : COM-1 COM-1 )

Déposé le 11 décembre 2023 par : Mme Josende, rapporteure.

Photo de Lauriane JOSENDE 

Texte de loi N° 20232024-111

Article 4

Supprimer cet article.

Exposé Sommaire :

Le présent amendement tend à supprimer l’article 4 qui prévoit, en l’état de sa rédaction, de réprimer la provocation à l’abandon de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé, que la provocation ait été suivie ou non d'effet.

S’il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l’abandon de soins pourtant nécessaires à la santé ou l’adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle à une réponse ferme des pouvoirs publics, cette disposition frappe par sa fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles comme pratiques qu’elle emporte. En effet, d’un constat partagé avec le Conseil d’État, « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».

En premier lieu, de nombreuses incriminations existantes, telles que l’exercice illégal de la médecine, l’homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses, sont déjà réprimées et plus sévèrement que ce que propose l’article 4 : la nécessité de légiférer sur ce point n’est donc pas établie. De surcroit, ces dispositions nouvelles ne sanctionneraient que d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende un tel comportement alors que des incriminations existantes, approuvées par le juge constitutionnel et éprouvées dans la pratique, permettent de sanctionner plus sévèrement de telles pratiques commises sur le fondement de l’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses. S’il est admis que ces incriminations doivent être actualisées, notamment eu égard au développement des moyens numériques, la nécessité de légiférer en la matière est établie non pas s’agissant de la répression de nouveaux comportements fautifs, mais bien davantage à raison des moyens susceptibles d’être employés pour commettre de telles infractions. Les amendements du rapporteur après l'article 3 répondent à cette préoccupation légitime.

En second lieu, en l’état de la rédaction de cet article, un discours général et impersonnel, sans condition de pressions ou de contacts directs ou répétés entre l’auteur et la victime, assurant la promotion de pratiques dites « non conventionnelles » ou contestant l’état actuel des pratiques thérapeutiques pourrait être réprimé. Dès lors, une telle rédaction n’atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l’exercice de la liberté d’expression et la liberté de choix et de refus des soins, et l’objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d’autres incriminations, moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soient suffisantes pour atteindre cet objectif.

Paradoxalement les tentatives du Gouvernement pour répondre aux critiques du Conseil d'Etat aboutissent à un texte à la fois trop large et inefficace. Il apparait particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins dans les conditions définies par l'article 4. De simples précautions dans la formulation de leur discours pourront prémunir les promoteurs de dérives sectaires, en général particulièrement bien informés de l'état du droit, contre cette infraction. A l'inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l'auteur du propos pourra donc être sanctionnée.

Au regard des demandes légitimes formulées avec constance par les services enquêteurs et les associations de défense des victimes des dérives sectaires, l’article tel qu’il résulte des arbitrages du Gouvernement est donc particulièrement insatisfaisant. Il ne peut dès lors qu’être proposé la suppression de cet article d’une fragilité juridique et opérationnelle si manifestes, au profit d’autres dispositions juridiques robustes et adaptées aux évolutions numériques de notre temps.

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