Déposé le 4 mars 2024 par : Mme Gatel, rapporteur.
I. – Alinéa 5
A. – Au début, remplacer les mots :
La responsabilité prévue au premier alinéa
par les mots :
Cette responsabilité
B. – Remplacer les mots :
, quelle qu’en soit la nature, préexistant à l’installation de la personne lésée, qui sont
par les mots :
économiques existant antérieurement à l’acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage mentionné au premier alinéa,
C. – Après le mot :
poursuivies
insérer les mots :
, sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime,
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une activité économique à l’origine du trouble mentionné au premier alinéa du présent article a été autorisée par l’autorité administrative, le juge peut accorder des dommages et intérêts et ordonner les mesures permettant de réduire ou faire cesser ce trouble, sous réserve qu’elles n’aient ni pour objet ni pour effet de contrarier les prescriptions édictées ou de priver d’effet les autorisations ainsi délivrées par l’autorité administrative.
III. – Compléter l’article par deux alinéas ainsi rédigés :
Après l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 311-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-1-1. – La responsabilité prévue au premier alinéa de l’article 1253 du code civil n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles qui se sont poursuivies, postérieurement à l’acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage, dans des conditions nouvelles résultant de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements.
Le présent amendement tend à modifier l’article unique de la présente proposition de loi à une triple fin.
En premier lieu, il vise à prévoir une modalité spécifique d’application du régime juridique ainsi créé aux activités agricoles. Comme l’ont montré certains cas particulièrement emblématiques, l’application aux exploitants agricoles d’un régime excessivement strict de responsabilité civile en matière de troubles anormaux de voisinage peut conduire à des situations difficilement acceptables. C’est tout particulièrement le cas lorsqu’un exploitant agricole voit sa responsabilité engagée pour un trouble anormal de voisinage résultant de la modification des conditions d’exercice de son activité en raison de la nécessaire mise en conformité de son exploitation à des normes obligatoires, particulièrement nombreuses et exigeantes en matière agricole. Or la disposition exonératoire de la responsabilité extracontractuelle sans faute prévue par le premier alinéa de l’article 1253 du code civil créé par l’article unique de la proposition de loi ne serait pas applicable, alors même que le critère de conformité aux lois et règlements serait ainsi satisfait, dès lors que les conditions d’exercice de l’activité auraient été modifiées.
Afin de résoudre cette difficulté et d’éviter que les exploitants agricoles soient contraints de choisir entre la mise en conformité aux normes nouvelles et l’exonération de leur responsabilité, le présent amendement prévoit une disposition exonératoire spécifique. Ainsi, dès lors qu’une exploitation agricole modifierait les conditions d’exercice de son activité pour mettre en conformité celles-ci aux lois et règlements, le trouble anormal en résultant serait insusceptible d’engager la responsabilité de l’exploitant.
En deuxième lieu, le présent amendement vise à compléter la codification de la jurisprudence à laquelle procède la présente proposition de loi, en prévoyant les conditions, actuellement déterminées par la jurisprudence, dans lesquelles le juge judiciaire saisi d’une action en recherche de la responsabilité civile pour trouble anormal de voisinage peut accorder des dommages et intérêts au demandeur et ordonner au défendeur des mesures visant la réduction ou la cessation du trouble lorsque ce dernier résulte d’une activité autorisée par l’administration.
Déjà envisagée dans un avant-projet de réforme de la responsabilité civile datant de 2016, cette disposition serait néanmoins assortie de deux conditions : d’une part, ne seraient concernées que les activités économiques – qui constituent les principaux cas à l’origine de contentieux, tels que celui relatif à l’installation des antennes-relais – ; d’autre part, s’agissant des mesures visant à réduire ou faire cesser le trouble qu’il ordonnerait, le juge judiciaire ne pourrait « contrarier les prescriptions édictées ou de priver d’effet les autorisations ainsi délivrées par l’autorité administrative », comme en dispose une décision du Tribunal des conflits (TC, 14 mai 2012, n° C3844), afin que par de telles mesures, le juge ne soit pas conduit à substituer son appréciation à celle de l’administration, enfreignant ainsi le principe de séparation des pouvoirs.
En dernier lieu, le présent amendement vise à sécuriser juridiquement la rédaction de la disposition exonératoire de responsabilité, à deux égards.
D’une part, l’indétermination relative de la notion d’activité pourrait poser une difficulté d’interprétation pour la jurisprudence. En effet, une « activité » génératrice d’un trouble anormal mais exercée à titre privé, au domicile d'un particulier, y compris lorsqu’elle ne peut être connue du « voisin » s’installant à proximité du fonds sur lequel ladite activité s’exerce, ne paraît pas devoir bénéficier de la disposition exonératoire prévue. Il appartiendra alors à la jurisprudence de préciser ce qui est entendu par ce terme, ce qui pourrait engendrer une relative insécurité juridique. Le présent amendement vise donc à apporter une précision nécessaire en limitant aux seules activités « économiques » le bénéfice de cette exonération, notion qui pourrait être appréciée sans difficulté excessive par le juge, notamment par référence à l’article 256 A du code général des impôts relatif à la détermination de l'assiette des activités assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Si certaines activités seraient donc exclues du champ de la disposition exonératoire, ce dernier engloberait déjà un périmètre d’activités plus large que celui prévu à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, permettant une conciliation aussi équilibrée que possible entre les principes constitutionnels de liberté d’entreprise et de droit à l’indemnisation d’un préjudice.
D’autre part, la notion d’installation, qui a notamment pour fonction de déterminer la date à compter de laquelle la préexistence de l’activité génératrice du trouble et sa poursuite dans des conditions n’étant pas à l’origine d’une aggravation de celui-ci s’apprécient, semble problématique. Mal définie, elle présente l’inconvénient de ne pas renvoyer à un acte juridique mais à l’occupation par le nouveau « voisin » des lieux. Or l’appréciation d'une telle installation pourrait être sujette à interprétation – le simple déménagement de meubles dans une maison nouvellement acquise sans y résider est-il constitutif d'une installation ? – et l’on pourrait imaginer le cas où, postérieurement à l'obtention du titre autorisant la jouissance du fonds par le demandeur à l’action mais antérieurement à toute installation sur celui-ci, l’activité génératrice du trouble soit modifiée, aggravant le trouble et dévaluant la propriété du demandeur.
Afin de pallier cette difficulté, le présent amendement renvoie donc à « l’acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage », notion qui présente le double avantage de présenter une datation précise et de renvoyer à une réalité juridique plus objective et conforme au principe selon lequel « celui qui vient aux nuisances ne peut s’en plaindre » que celle d’installation.
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