Déposé le 22 mars 2024 par : M. Brossat, Mme Cukierman, les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen, Écologiste - Kanaky.
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du neuvième alinéa de l’article 706-160 du code de procédure pénale, les mots : « peut mettre » sont remplacés par les mots : « met en priorité », les mots : « le cas échéant » sont supprimés et les mots : «, un bien immobilier » sont remplacés par les mots : « et sauf décision motivée de son conseil d’administration, les biens immobiliers ».
Le présent amendement vise à rendre prioritaire l’affectation publique et sociale des biens confisqués.
L'Etat doit pouvoir démontrer aux citoyens que les fruits du crime organisé leurs sont rendus, que le crime organisé ne l'emporte pas sur la défense du bien commun, que l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas un vain mot.
En Italie, où la confiscation est obligatoire, depuis 1982, près de 40 000 biens immeubles ont été confisqués (maisons, terrains, locaux). Depuis 1996, la réutilisation publique et sociale des biens saisis ou confisqués aux mafias italiennes est devenue systématique. Comme l’écrit l’association CRIM’HALT sur son site : “les biens immeubles ne peuvent pas être revendus et doivent être redistribués aux institutions (forces de l’ordre, justice ou sécurité civile) ou aux citoyens (associations et coopératives). La plupart du temps, les biens sont versés au patrimoine inaliénable des collectivités territoriales qui s’occupent de mettre à disposition le bien à une organisation d’intérêt général. Longtemps, les biens confisqués n’étaient pas mis à disposition de la société civile : seulement 34 mis à disposition pour 1.263 confiscations au cours de la période 1982-1996. A contrario, pour la seule année 2019, 1.512 biens confisqués ont été distribués aux collectivités territoriales et institutions”
L’exemple italien prouve qu’il est possible d’accroître rapidement le nombre de biens mal acquis affectés à des associations et à des collectivités.
En France, la loi du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale introduisait la possibilité de mettre à disposition les biens confisqués à disposition d’associations, de fondations d’utilité publique ou de sociétés foncières d’intérêt général. Or, trois ans après sa promulgation, la proportion de biens confisqués à des associations demeure extrêmement faible, malgré les efforts déployés par l’AGRASC. L’aliénation des biens confisqués demeure la règle et l’affectation sociale l’exception.
Les associations commencent à être familiarisées à ce dispositif. Le processus d’acculturation est avancé. Toutefois, l’Agrasc n’est pas en capacité de connaître les acteurs de chaque territoire. Seules les collectivités territoriales bénéficient d’une connaissance fine de terrain. Elles sont les plus à même de savoir quels acteurs seraient pertinents pour développer des projets dans les biens mis à disposition par l’Agrasc, demeurant propriétés de l’Etat. Pour cette raison, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité en décembre 2023 en faveur d’un élargissement du périmètre d’affectation aux collectivités territoriales.
Le présent amendement encourage l’Agrasc à faire de l’usage public ou social la priorité et de la vente des biens confisqués une solution de repli, dans la continuité logique du processus législatif engagé en 2021. L’Agrasc conserverait la possibilité de mettre aux enchères des biens pour lesquels l’usage public ou social n’est pas envisageable, ou pour lesquels aucune association ou collectivité ne s’est portée volontaire.
En adoptant cet amendement, le Sénat ferait un grand pas dans la lutte contre le crime organisé. Il donnerait aux acteurs locaux la capacité de faire régner la culture de la légalité sur l’ensemble du territoire national. Il garantirait également aux collectivités et aux associations des moyens supplémentaires considérables, qui permettraient de développer des projets innovants répondant aux besoins des administrés, malgré leurs budgets contraints.
Cet amendement ne crée pas de charge pour l'État ou pour les collectivités. Les potentielles pertes de recettes sont gagées.
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