Déposé le 31 mai 2024 par : Mme Poncet Monge, MM. Dossus, Benarroche, Grégory Blanc, Dantec, Fernique, Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, Mélanie Vogel.
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – Le code du commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 141-23, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » ;
2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 23-10-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » ;
Modifié en Commission par la rapporteure, le présent article vise à supprimer les dispositions de la loi Hamon facilitant la reprise d'une entreprise par ses salariés. Si la présente disposition constitue en effet la continuité logique de l'esprit initial du texte proposé par le gouvernement, limitant la durée d'information des salariés à un mois, au lieu de deux, rendant ainsi les projets de reprise par les salariés extrêmement difficiles, sinon impossibles, elle semble tout aussi inadaptée pour répondre correctement aux enjeux face au nombre conséquent d'entreprise à reprendre dans les 10 prochaines années, évalué selon CCI France à 350 000 dont 10 % à 15 % feront l'objet d'une reprise en interne soit familiale, soit par les salariés.
A l'heure actuelle, selon l'observatoire BPCE, chaque année, plus de 60.000 entreprises changent de mains. Parmi elles, près de 50 000 TPE, 10 500 PME et 700 ETI. Or, près de 6% des dirigeants de TPE-PME décident chaque année de céder leur entreprise à un ou plusieurs salariés. Pour ces TPE-PME, l'enjeu d'une reprise par les salariés est d'autant plus important que selon CCI France, ces entreprises ne correspondent pas aux souhaits des repreneurs extérieurs : "La plupart des repreneurs visent une entreprise ayant au minimum 10 salariés et réalisant plus d’1 million d’euros de chiffre d’affaires annuel, mais les entreprises ayant de telles caractéristiques représentent moins de 10 % des offres disponibles sur le marché ouvert."
La reprise par les salariés est donc bien une solution viable car comme le souligne BPI France, les salariés sont "les mieux positionnés pour reprendre le flambeau", "sont souvent les mieux placés pour payer le juste prix au cédant", "ont bénéficié de formations pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise", et ces reprises par les salariés permettent de "protéger les emplois en limitant considérablement les risques de découpage des activités et les risques de délocalisation". La reprise par les salariés conduit à la naissance de nombreuses coopératives. En 2017, on dénombre ainsi la création de 19 SCOP issues de reprises d'entreprises en difficultés et 55 issues d'une transmission d'entreprise saine. Cela correspond à 74 entreprises sauvegardées et des centaines d'emplois, lesquelles sont préservés de façon durable car le taux de pérennité à 5 ans est de 76 % pour les SCOP contre 61 % pour les autres entreprises françaises.
De fait, les exemples de reprises par les salariés, en SCOP ou non, représentant un succès sont très nombreux.
Ainsi, l'entreprise 2MI dans l'Allier, en redressement judiciaire en 2019, reprise par 13 salariés en SCOP, affiche désormais un chiffre d’affaires de 2 millions d'euros en 2023.
Dans le Finistère, en 2018, l'entreprise Le Berre Joncour est en redressement judiciaire. Elle est reprise par 5 salariés qui parviennent à sauver 41 emplois. En 2021, 4 ans plus tard, l'entreprise affiche 5, 51 millions de chiffre d’affaires, dont 3, 98 millions de marge brute.
Dans les bouches du Rhône, le site Fralib de Gémenos, appartenant à Unilever est repris en 2014 par ses salariés qui fondent l'entreprise SCOP-TI. Dix ans plus tard, les 36 salariés à la tête de leur propre marque de thé (1336) est en passe d'afficher un chiffre d'affaires record de 4, 5 millions pour l'année 2024.
Présentement, des reprises par des salariés se multiplient :
En hauts-de-Seine, 90 salariés reprennent l'entreprise Eco CO2 en 2023, après le départ en retraite du président fondateur de l'entreprise.
Dans les Côtes-d'Armor, l'entreprise Noba est reprise par trois salariés en 2023 après le départ du chef d'entreprise en retraite, préservant 62 emplois.
Dans le Tarn, l'entreprise Hiemstra a été reprise par ses salariés en janvier 2023 après le départ à la retraite de sa fondatrice. Un an plus tard, elle affiche 1 million de chiffre d'affaires, 10% de plus que l'année précédente.
En Vendée, Alubat Chantier Naval est reprise par 7 salariés en 2023. L'entreprise qui était devant le tribunal de commerce en 2013, emploie désormais 47 salariés et affiche huit millions de chiffre d’affaires.
Si toutes les reprises ne sont évidemment pas des succès, elles sont un élément essentiel pour la préservation des emplois et le maintien du dynamisme du tissu économique de nombreux territoires. Le succès de ces reprises dépend néanmoins d'un facteur essentiel qui est celui du temps nécessaire pour être en mesure de monter le dossier, soulignant l'enjeu d'un délai d'information des salariés suffisant. L'Etude d'Impact du présent projet de loi se contente de noter que les reprises par les salariés stagnent à 50 par an environ depuis 2014 à partir du nombre d'entreprises bénéficiaires du crédit pour le rachat des entreprises par les salariés, sans préciser que ces mêmes entreprises bénéficiaires étaient au nombre de 20 en 2011 avant le passage de la loi Hamon pour faciliter les reprises, et sans expliciter les raisons éventuelles de cette stagnation, parmi lesquelles le délai actuel de deux mois qui est trop contraint.
Un rapport d'information du Sénat d'octobre 2022précisait qu'à côté des 60 000 transmissions annuelles d'entreprise, 30 000 disparitions d'entreprise devaient « être regrettées ». De même, et à titre d'exemple, en Ile-de-France, 137 000 entreprises employant au moins un salarié ont à leur tête un dirigeant âgé de 55 ans ou plus, qui sera donc concerné par la transmission ou la cession de son entreprise à moyen terme. Faute de trouver un repreneur, une partie de ces entreprises, qui emploient 841 000 salariés, pourraient disparaître.
Or s'il est donc important de lutter contre la disparition des entreprises et de permettre d'activer des leviers de reprises, il semble en conséquence inopportun de supprimer les dispositions de la Loi Hamon ou même de réduire les délais d'information des salariés. Au contraire, l'augmentation de cette durée pourrait permettre de consolider les projets de reprise et d'en assurer ainsi le succès, pour la préservation de l'emploi de centaines de milliers de salariés.
En conséquence, cet amendement se propose de porter l'obligation d'information des salariés en cas de reprise à 4 mois.
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