Déposé le 31 mai 2024 par : Mme Poncet Monge, MM. Dossus, Benarroche, Grégory Blanc, Dantec, Fernique, Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, Mélanie Vogel.
Alinéas 7 à 10
Supprimer ces alinéas.
L'article 19 du présent projet de loi vise à accélérer les procédures d'attribution et de refus des permis exclusifs de recherche (PER) des mines en modifiant une disposition qui, même pas en vigueur, devait s'appliquer en juillet 2024 suites aux ordonnances prises après la loi Climat et Résilience en 2021. L'article 19 permet aussi la prolongation exceptionnelle d'un PER "en cas de circonstances exceptionnelles liées à des aléas de la recherche minière indépendants du titulaire du titre, entravant la mise en œuvre du programme de travaux", lesquelles sont susceptibles de concerner la quasi-totalité des PER en cours puisqu'ils ont souvent été ralentis par l'épidémie de COVID. En dehors des circonstances de 2020, la formulation floue de "circonstances exceptionnelles" indépendantes du titulaire ouvre la voie à de trop nombreuses et trop simples prolongation de PER. Il semble évident que le législateur tente ici de permettre une prolongation rapide des nombreux PER en cours à moindre frais, malgré les modifications positives du Rapporteur en Commission.
Cette prolongation des PER sous l'invocation de "circonstances exceptionnelles" sera d'autant plus facilitée que la Commission a ajouté un alinéa 25 au présent article, lequel permet au pétitionnaire de la prolongation du PER, "d'opter pour qu’elle soit déposée, instruite et délivrée suivant la rédaction de l’article L. 114-2 du code minier résultant de l’ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au code minier ou de la présente loi.", qui introduit précisément l'invocation de circonstances exceptionnelles.
Cet amendement vise donc à supprimer ces dispositions en soulignant que la Guyane fait l'objet d'une véritable prédation minière allant à l'encontre des objectifs de préservations de l'environnement et de la biodiversité du pays. Selon un rapport de SystExt, l’exploitation d’une mine d’or correspond à la consommation annuelle d’électricité et d’énergies fossiles de 31 000 foyers français et 3 000 voitures particulières pendant un an. Pire « les rejets annuels de gaz à effet de serre correspondraient à la quantité de CO2émise par 190 000 voitures particulières françaises pendant un an ». S’y ajoutent de nombreux dommages écologiques, car une mine nécessite des routes, des moyens de transports lourds et parfois des usines de raffinage en sus. Même les Permis de recherche, bien que ne déforestant et n’abimant qu’une faible surface sont hautement néfastes. Ainsi une étude publiée en 2022 dans la revue Nature portant sur 74 sites naturels dans le bassin du fleuve Maroni démontre que même une déforestation faible génère un impact significatif sur la biodiversité à plusieurs dizaines de kilomètres. Ainsi les chercheurs ont montré que la biodiversité aquatique baissait (moins 25% des espèces de poissons), que la biodiversité terrestre s’effondrait (moins 41% des espèces) même lorsque la déforestation ne concernait “que” 11% du couvert végétal situé en amont des sites étudiés. Pourtant, entre 2013 et 2020, les autorités ont délivrés 36 permis exclusifs de recherche, dont vingt en Guyane, lesquels s’étalent sur environ 2000 kilomètres carrés en 2019.
La prédation minière en Guyane concernant l’or, mais aussi le coltan ou encore le lithium, menace l’un des couverts forestiers les plus riches du monde, pour des retombées sociales souvent nuls, car, comme l’avait démontré le cabinet Deloitte en 2018 à propos des mines d’or, « Le secteur aurifère a les effets d’entraînement les plus faibles, il génère une augmentation de valeur ajoutée et d’emplois quatre fois inférieure à celle du secteur de la construction. ». A contrario, le WWF avait identifié six autres filières durables en Guyane qui pourraient aboutir à la création de 18 000 à 20 000 emplois au total sur dix ans comme le développement de l'agroforesterie, des énergies renouvelables ou du tourisme durable. Cette prédation minière menace une forêt primaire qui constitue un puits de carbone de plusieurs milliards de tonnes et un refuge pour des milliers d'espèces vivantes, parfois en voie d'extinction.
Ainsi, tous ces projets miniers, pour le lithium ou le coltan, au nom de la transition écologique, sont un non-sens car les surfaces boisées de Guyane, en raison de leur forte densité de biomasse, absorbent 50 % de carbone de plus que les autres types de forêts. Lorsqu’elles sont détruites, elles relâchent le carbone absorbé, ce qui participe au dérèglement climatique. Les projets aurifères sont bien pires car contrairement à ce que déclarent les exploitants, les mines ne protègent pas contre le développement de l’orpaillage illégal. De fait, selon une étude du WWF, « sur la période de 2013 à 2022, il apparaît que 50% des sites miniers illégaux se situent en moyenne à moins de 4 km d’une mine officielle et 25% à moins de 2km, en moyenne ».
En plus des conséquences écologiques, le sud de la Guyane héberge aussi des populations autochtones, les Wayana, les Wayampi, les Lokono, les Teko, les Pahikweneh et les Ka’lina, qui préservent les espaces naturels, dépendent de la forêt et dont l’existence est menacée par les projets miniers. Ils en constituent les premières victimes, et parfois les premiers opposants, sans que leur consentement libre et éclairé ne soit pris en compte.
Pour toutes ces raisons, la Convention Citoyenne pour le Climat s’était prononcée à 94% en faveur d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane. Une proposition qui, contrairement aux promesses du Président de la République, n’a pas été reprise.
Suivant donc les objectifs d'un moratoire sur l'exploitation minière industrielle en Guyane, cet amendement vise à supprimer les dispositions du présent article facilitant la prolongation de PER, qui plus est, sous des prétextes trop facilement invocables.
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