Déposé le 31 mai 2024 par : Mme Poncet Monge, MM. Dossus, Benarroche, Grégory Blanc, Dantec, Fernique, Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, Mélanie Vogel.
Alinéas 23 et 24
Supprimer ces alinéas.
L'article 19 du présent projet de loi vise à accélérer les procédures d'attribution et de refus des permis exclusifs de recherche (PER) des mines en modifiant une disposition qui, même pas en vigueur, devait s'appliquer en juillet 2024 suites aux ordonnances prises après la loi Climat et Résilience en 2021. Parmi ces dispositions, celles découlant de l'ordonnance du 10 novembre 2022 créant l'article L621-22 du Code Minier qui dispose que la délivrance de l'autorisation de recherches minières est subordonnée à l'accord préalable de l'Office National des Forêts. Le texte initial du présent projet de loi, avant la Commission, supprimait l'accord préalable de l'ONF avant toute autorisation de recherches minières. Or malgré les modifications positives du rapporteur en Commission, cette disposition est restée inchangée.
Sous prétexte de simplification, cette suppression de l'accord préalable de l'ONF correspond en réalité à une demande de la fédération des opérateurs miniers de Guyane exprimée en 2023 et qui tentent, par ce biais, d'outrepasser l'Office National de la Forêt, dont le rôle de protection d'une zone forestière de près de 6 000 000 d'hectares sur les 7 900 000 d'hectares de forêts publiques en Guyane, est perçu comme une gêne au développement sans frein de l'activité minière.
Or cette prédation minière en Guyane concernant l’or, mais aussi le coltan ou encore le lithium, menace l’un des couverts forestiers primaires les plus riches du monde qui constitue un puits de carbone de plusieurs milliards de tonnes et un refuge pour 1581 espèces d’arbres, 100 000 espèces d’insectes, et selon la DGTM Guyane « 217 espèces de mammifères, 301 espèces de reptiles et d'amphibiens, 691 espèces d'oiseaux et 500 espèces de poissons d'eaux douces et saumâtres, soit autant d'espèces de vertébrés que l'Europe entière pourtant 45 fois plus grande. ». Le couvert est si riche que certains hectares de forêts abritent parfois jusqu'à 210 espèces différentes d'arbre et de plantations. Cette diversité empêche les espèces envahissantes de proliférer, sauf, selon l'observatoire des forêts françaises, dans les anciens sites miniers : "seules quelques zones ouvertes en forêt sont touchées et l’impact négatif, réel ou potentiel, sur la biodiversité indigène de ces espèces exotiques envahissantes concerne surtout les savanes et l’ensemble des écosystèmes fragilisés. Parmi ces espèces exotiques envahissantes, l’Acacia mangium, utilisé pour la réhabilitation des sols miniers dégradés et en arbre de haie et d’ombrage dans les milieux agricoles et pastoraux, présente une expansion rapide sur l’ensemble des savanes (fragilisées comme intactes) et fait l’objet de recommandations préconisant son éradication."
Ce dernier élément démontre que, face à un couvert forestier qu'il faut absolument conserver à l'heure même où, selon le programme des Nations Unies pour l'environnement plus de 80 % des forêts originelles ont été abattues, l'ouverture d'une mine ou même l'octroi d'un simple PER, bien que ne déforestant et n’abimant qu’une faible surface, n'est pas une opération anodine car elle est hautement néfaste pour la biodiversité. Ainsi une étude publiée en 2022 dans la revue Nature portant sur 74 sites naturels dans le bassin du fleuve Maroni démontre que même une déforestation faible génère un impact significatif sur la biodiversité à plusieurs dizaines de kilomètres. Ainsi les chercheurs ont montré que la biodiversité aquatique baissait (moins 25% des espèces de poissons), que la biodiversité terrestre s’effondrait (moins 41% des espèces) même lorsque la déforestation ne concernait “que” 11% du couvert végétal situé en amont des sites étudiés.
Le rôle de l'ONF est donc crucial et selon l'Office lors des auditions organisées par le Groupe Ecologie Solidarité et Territoire, les autorisations sont délivrées assez vite, sauf celles qui concernent des espaces particulièrement à risque.
Ainsi, il semble contradictoire de maintenir les avis environnementaux lors de l'octroi ou de la prolongation de PER, comme a pu le faire le rapporteur de façon pertinente, et dans le même temps, de ne pas réintégrer l'accord préalable de l'ONF, garant de la protection de la biodiversité et du couvert forestier en Guyane, dans la délivrance de l'autorisation de recherche.
Afin donc de maintenir les missions de l'ONF, qui n'ont d'ailleurs de cesse d'être réduites et attaquées alors qu'elles sont, en particulier en Guyane, d'une importance cruciale pour maintenir nos objectifs en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité, cet amendement se propose de maintenir la rédaction du L621-22 telle que prévue dans l'ordonnance du 10 novembre 2022 et de soumettre ainsi la délivrance de l'autorisation de recherches minières à un accord de l'ONF.
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