Déposé le 6 juin 2024 par : M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, Grégory Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris, Mélanie Vogel.
Supprimer cet article
Cet article prévoit la dépénalisation des atteintes aux espèces et espaces naturels protégés en cas d’infraction commise de manière non intentionnelle. Il constitue une régression environnementale majeure, qui pénalise en premier lieu les agriculteurs et agricultrices dont la nature est l’outil de travail, et ne répond aucunement aux enjeux actuels du monde agricole : améliorer le revenu, accroître le nombre d’installations, faire face au défi climatique…
Tout d’abord, le périmètre de cette disposition est très large : la présomption d’intentionnalité prévue dans cet article ne concernera pas que les travaux agricoles et forestiers, mais toutes les actions humaines (projets industriels, projets d’énergie renouvelable, mais aussi l’action des particuliers...).
Par exemple, l'entretien des voies SNCF est une obligation réglementaire, donc avec cet amendement, la destruction d’espèces protégées dans ce contexte sera une infraction présumée non intentionnelle, même si les travaux sont lancés en pleine nidification.
En outre, cet article est contraire à la directive européenne sur le droit pénal de l'environnement récemment actualisée : elle exige que le délit d'atteinte aux espèces protégées puisse être constitué par négligence grave. Cet article qui supprime la négligence dans la caractérisation de l’infraction est donc inconventionnel. Cela va aboutir à la multiplication de contentieux, donc à de l’instabilité juridique qui ne bénéficiera à personne et est tout l’inverse d’une simplification.
Par ailleurs, cet article constitue une grave atteinte à la protection des espèces : actuellement, dans l'immense majorité des dossiers pénaux de destruction d'espèces ou habitats d'espèces protégées, l'élément moral est caractérisé par l'imprudence ou la négligence. Il est extrêmement difficile de démontrer que l'auteur savait que les espèces étaient là, et qu'il avait l'objectif de les détruire. La caractérisation du manque de prudence passe par des éléments tels que la période de réalisation des travaux (par exemple la forte sensibilité pendant la nidification), l’existence d’inventaires naturalistes à proximité, le respect ou non de l’obligation de déclaration d'une destruction de haie au titre des BCAE...
Donc dans les faits, cet article aboutirait à ne plus sanctionner pénalement la destruction d’espèces protégées. Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, il s’agit d’un renoncement extrêmement grave, de nature à rendre impossible l’atteinte des objectifs que la France s’est engagée à atteindre lors des COP biodiversité. Cette invitation du gouvernement à détruire des espèces protégées en toute impunité est complètement incohérente avec la Stratégie Nationale pour la Biodiversité qu’il a présentée il y a peu.
Cet article est également totalement contradictoire avec les initiatives du gouvernement en faveur des haies puisque ceux qui les arrachent savent rarement précisément quelles espèces sont dans leurs haies et si elles sont ou non protégées. Avec cet amendement, le message est envoyé qu'ils peuvent les détruire, sauf si un inventaire naturaliste a été mené sur place. En conséquence, les destructions vont se multiplier et accélérer la tendance catastrophique en la matière.
Cet article va également complètement à l’encontre du rapport du groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement présidé par M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, qui souligne au contraire le besoin de renforcer les sanctions pénales pour améliorer l’application de ce droit.
Enfin, concernant la présomption de non-intentionnalité pour toutes les actions exécutées dans la cadre d’un plan de gestion forestière mise en place par l'article : les documents de gestion en forêt n’ont aucun caractère informatif ou prescriptif concernant les espèces et habitats protégés. Ils se limitent à une description de ces enjeux en termes généraux (plan simple de gestion), peu prescriptifs et, pour certains (règlement type de gestion ou code des bonnes pratiques sylvicoles), à l’échelle de la région naturelle et non à l’échelle de la propriété. Ils ne renseignent donc en rien sur la présence potentielle d’espèces protégées ou d'habitats naturels sur une parcelle forestière, ni sur les mesures à adopter pour les protéger (période de nidification, préconisations techniques pour réduire l’impact et le dérangement, etc.).
Pour toutes ces raisons, le groupe Ecologiste, Solidarité & Territoires souhaite supprimer cet article.
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