Interventions sur "chef de l’État"

30 interventions trouvées.

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

L’article 68 de la Constitution constitue le corollaire de l’article 67 relatif au statut juridictionnel du chef de l’État. Les dispositions de ces deux articles résultent de la loi constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution, inspirée du rapport de la commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République présidée par le professeur Pierre Avril. La présente proposition de loi organique a pour simple objet de combler une lacune, et non des moindres, qu...

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

... et en 2007. Concernant le régime de la responsabilité du Président de la République, un principe simple avait été retenu : ce qui relève du politique doit être évalué dans un cadre politique ; ce qui engage la responsabilité personnelle du titulaire de la fonction doit être jugé par les voies juridictionnelles ordinaires. Ainsi, la réforme constitutionnelle a précisé le statut juridictionnel du chef de l’État à l’article 67 en préservant le principe de l’irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en qualité de chef de l’État. À l’époque, Robert Badinter, et bien d’autres qui sont présents ce soir dans cet hémicycle s’étaient opposés à cette « immunité » quasi totale conférée au Président de la République. Mais notre démarche en l’instant n’est pas de viser une réforme pl...

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

...r la qualification pénale du manquement ; ce n’est pas son rôle. Il statue seulement sur l’atteinte portée à la dignité de la fonction, afin de rendre le Président de la République à la condition de citoyen ordinaire. Cette possibilité de destitution est donc une procédure dépénalisée, et j’insiste sur ce terme. Pour la Haute Cour, il s’agit non pas de se substituer à la justice afin de juger le chef de l’État – tel n’est pas notre rôle, mes chers collègues, je le répète –, mais de se prononcer sur la capacité de ce dernier à poursuivre son mandat compte tenu des manquements qui lui seraient reprochés. Aussi les parlementaires ne deviennent pas des juges politiques ; ce sont des représentants prenant une décision politique afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation. Aujourd’hui, le chef d...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Il y en a donc au moins deux ! Il est vrai qu’il en existe davantage, monsieur Gélard. Je dirai tout d'abord un mot de l’article 67, qui a donné lieu à de nombreux débats. Cet article organise l’immunité pénale du chef de l’État.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Cependant, cette décision ne nous empêche pas de nous interroger sur le champ d’application de l’article 67. Que le chef de l’État bénéficie de l’immunité juridictionnelle, du début à la fin de son mandat, cela se conçoit. En revanche, on peut se demander, nonobstant l’arrêt de la cour d’appel, si cette immunité s’applique aux collaborateurs du chef de l’État ; cela ne constituerait-il pas une conception extensive, et tout à fait préjudiciable, de l’immunité présidentielle ?

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Par exemple, les membres du cabinet du chef de l’État et les fonctionnaires de l’Élysée sont-ils tenus d’appliquer le code des marchés publics ? S’il apparaît que tel ou tel ne respecte pas les dispositions de ce code, n’y a-t-il pas un problème ? Peut-on exciper de l’article 67 pour conclure que toute personne travaillant à l’Élysée, ou seulement proche de l’Élysée, en contact avec le chef de l'État, serait protégée par l’immunité juridictionnelle ...

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 68 de la Constitution institue une procédure de destitution du chef de l’État. Le dernier alinéa de cet article est très clair : il impose que le législateur adopte une loi organique définissant ses conditions d’application. Aussi la question n’est-elle pas de savoir si nous devons légiférer sur cette question. La Constitution nous l’impose et c’est l’objet de la présente proposition de loi organique. Cela a été rappelé, ce texte a déjà fait l’objet d’un examen par le Sén...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...onfrontés à la violence sociale et à la dureté de la période, veulent une République exemplaire et ils ont raison. Le Président de la République la leur avait promise, parlant de « République irréprochable ». Nous en sommes loin ! Or cette exemplarité doit commencer à la tête de l’État. Comment afficher une rectitude de l’État ? Comment prétendre à la probité de ceux qui gouvernent le pays si le chef de l’État peut échapper à la justice durant son mandat pour des actions commises sans rapport avec sa fonction ? Cette question de la responsabilité du chef de l’État n’est pas nouvelle. En 2001, la majorité de l’époque a adopté à l'Assemblée nationale un projet de loi établissant clairement une responsabilité de droit commun pour le Président de la République en dehors de ses fonctions, mais y compris d...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...i une refonte de son régime de responsabilité, en dehors de sa fonction, bien évidemment. Est-il possible de revendiquer une présidence « normale » sans choisir cette voie de la révision ? À cet égard, le groupe CRC avait déposé, le 21 septembre 2011, une proposition de loi constitutionnelle n° 798, qui visait à établir cette responsabilité de droit commun, tout en garantissant, bien entendu, au chef de l’État les protections exigées par son exposition. Nous rappelions, dans l’exposé des motifs, cet anachronisme qui maintient le président français dans le confort du roi constitutionnel de 1791, époque où la Constitution affirmait que « la personne du Roi est inviolable et sacrée. »

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … déposé sur le bureau l’Assemblée nationale, mais pas encore inscrit à l’ordre du jour, a le mérite de permettre l’application de la Constitution, sans laisser l’article 68 encore en suspens pendant un temps indéterminé. C’est le seul moyen actuel de sortir du système d’irresponsabilité absolue du chef de l’État, qui est très critiquable. Nous n’allons donc pas nous y opposer. Je tenais néanmoins à vous faire part, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, de notre façon un peu différente d’appréhender cette question par rapport à nos partenaires de la majorité sénatoriale.

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, non seulement la définition extensive de l’irresponsabilité du chef de l’État résultant de la révision constitutionnelle de 2007 n’est pas digne d’une démocratie, mais la seule disposition permettant d’en atténuer la portée – la possibilité de destituer un Président de la République ayant manifestement manqué aux devoirs de sa charge, prévue par l’article 68 – est toujours inopérante à défaut de la loi organique nécessaire à sa mise en œuvre. Cinq ans après, les amis de l...

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Le Conseil constitutionnel, alors présidé par Roland Dumas, avait conclu, chacun s’en souvient, que la responsabilité pénale du chef de l’État ne pouvait être engagée que devant la Haute Cour, pour crime de haute trahison. Le deuxième problème est que l’inviolabilité du chef de l’État s’est progressivement étendue à ses collaborateurs et à ses proches, comme on l’a vu dans l’affaire dite des « sondages de l’Élysée », évoquée tout à l’heure, ou dans celle, que j’aime beaucoup, des « infirmières bulgares ». Mme Cécilia Sarkozy avait alo...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la responsabilité du chef de l’État, ou du chef de l’exécutif, a toujours constitué un problème, au regard aussi bien de la séparation des pouvoirs que de la définition de la démocratie. En effet, il faut faire en sorte que le chef de l’État puisse exercer la plénitude de ses prérogatives sans toutefois être gêné dans son rôle de représentant de la nation et de l’État. À l’origine, ce sont les Britanniques qui ont inventé la noti...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

...a eu aucun cas de condamnation, soit qu’un arrangement ait été trouvé préalablement, soit que le président ait démissionné avant, mettant un terme à la procédure. La tradition juridique française est tout à fait différente. Nous avons d’abord eu l’expérience de la Révolution française, qu’a rappelée Mme Borvo tout à l'heure. La Constitution de 1791 avait prévu une procédure de suspension du roi, chef de l’État, dans l’hypothèse où celui-ci ne respecterait pas la Constitution. Mais, comme vous le savez, la Convention ne va pas se comporter conformément aux règles constitutionnelles. Elle sera tiraillée entre une application erronée du tyrannicide et une conception faussée de la souveraineté nationale ou populaire. Il faudra attendre encore quelque temps pour que soit reconnue une véritable responsabili...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

...ent de la République soit injoignable, du fait d’une prise en otage ou d’un isolement : que se passerait-il ? Combien de temps durerait l’intérim provisoire ? La question n’est pas résolue dans la Constitution. Or elle mériterait de l’être. La deuxième hypothèse est celle qui est évoquée l’article 53-2 de la Constitution, auquel renvoie d’ailleurs l’article 67 : il s’agit de la responsabilité du chef de l’État dans le domaine très particulier des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Là encore, je ne suis pas convaincu de la bonne rédaction de la Constitution. En effet, il existe une certaine contradiction entre les deux articles que je viens de mentionner : l'article 67 protège, pendant la durée de son mandat, le chef de l’État de tout acte de procédure, alors que l’application de l’artic...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

...aine, qui exclut toute procédure juridictionnelle et laisse, en fin de compte, les deux chambres se partager la charge d’organiser la mise en cause de la responsabilité. L’instauration d’une commission de l’instruction relève, en fin de compte, du juridictionnel. En outre, il y a, dans ce dispositif, une certaine incompatibilité avec l’article 18 de la Constitution, qui prévoit désormais que le chef de l’État peut prendre la parole devant le Congrès. Le Président de la République peut-il donc être convoqué pour s’exprimer devant le Parlement tout entier ?

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Je le sais bien. Il n’en demeure pas moins que les articles 18 et 68 de la Constitution sont, à mes yeux, incompatibles, car c’est le chef de l’État, et lui seul, qui décide s’il y a lieu, ou non, de venir se présenter devant ce qui constitue la Haute Cour. Le système que nous avons mis en place se révèle compliqué et n’est pas forcément fondé sur le plan juridique. Il ne manquera pas de poser des problèmes. Je pense, en vérité, qu’il ne pourra jamais être mis en œuvre, d’autant que la majorité des deux tiers est requise. Je vois donc mal co...

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Sur le fond, personne ne remet en cause la nécessité de l’immunité du chef de l’État pendant la durée de son mandat. Cette irresponsabilité et cette inviolabilité existent d’ailleurs sous différentes formes dans la plupart des démocraties, en tout cas dans la plupart des démocraties occidentales, sous réserve – cela a été rappelé tout à l’heure – des cas de haute trahison ou de crime contre l’humanité. Je préciserai tout de même que la tradition française comporte quelques diffé...

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

...s démocraties comparables relève, selon moi, d’une inspiration monarchique. Il y avait, dans notre droit ancien, une devise selon laquelle « le roi ne peut mal faire ». J’ai l’impression qu’on retrouve cette idée dans le texte. Et c’est bien en toute matière que « le roi ne peut mal faire ». Robert Badinter l’a d’ailleurs magnifiquement démontré en expliquant que, dans notre système, l’épouse du chef de l’État est la seule femme de France à ne pas pouvoir divorcer sans le consentement de son mari ! Nous le savons, l’immunité judiciaire du chef de l’État s’étend aux procédures civiles, y compris le divorce. Le souhaitons-nous vraiment ? Souhaitons-nous maintenir un système aussi archaïque ou voulons-nous avancer ? Ainsi, non seulement l’épouse du Président de la République ne peut pas engager une procé...

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

...olitique a servi de leçon pour leurs successeurs, de sorte qu’elle ne fut plus ensuite utilisée autrement qu’avec la plus grande sagesse. Jusqu’en 2007, les décisions prises par le Président de la République ne pouvaient être mises en cause, sauf à invoquer la haute trahison. Il s’y ajoute heureusement, depuis la réforme de 2007, un dispositif nouveau qui, tout en garantissant l’inviolabilité du chef de l’État en matière pénale et civile, organise sa responsabilité sur le plan politique. On peut discuter cette réforme, et cela a été fait dans cet hémicycle. Robert Badinter a notamment argué que le chef de l’État se voyait, par l’article 67 de la Constitution, protégé contre toute forme d’action civile, y compris en matière de divorce. Encore que, s’agissant du divorce d’avec les Français, j’ai le sent...