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Il ne s’agit pas de disposer de la mort d’autrui ; il s’agit, et je citerai André Gide, de « penser la mort pour mieux aimer la vie ». Faut-il l’aimer envers et contre tout, cette vie ? Je ne le crois pas forcément. Ces éléments de réflexion me conduisent par conséquent à me prononcer, comme la très grande majorité du groupe socialiste, en faveur de l’assistance médicalisée à mourir.
...sse aucun espoir d’amélioration. Leur vie est souvent un calvaire, et on ne peut que comprendre leur désir d’en finir. On se doit donc de répondre efficacement à leur souffrance. D’un autre côté, et quelles que soient les précautions dont on s’entoure pour s’assurer qu’elle est réclamée en toute connaissance de cause et qu’elle procure une mort sans souffrance, la décision d’aider une personne à mourir aboutit à commettre consciemment un acte qui donne la mort, et c’est pourquoi je pense qu’il n’appartient pas au législateur de franchir le pas.
...nt dit cela, je suis bien conscient que laisser un malade subir une torture inutile et dégradante n’est pas plus acceptable, surtout s’il a lui-même demandé qu’on y mette fin et qu’il n’y a plus d’espoir. C’est pour cela qu’il faut que nous nous donnions réellement les moyens de rendre applicable partout sur le territoire la loi Leonetti afin que les personnes malheureusement condamnées puissent mourir dans la dignité, sans souffrances inutiles et en bénéficiant vraiment des soins palliatifs indispensables.
...eurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à féliciter Jean-Pierre Godefroy pour son excellent rapport et pour son courage. Je remercie Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, d’avoir soutenu cette proposition de loi. Pour commencer mon discours, je souhaite citer un passage du philosophe André Comte-Sponville sur les six raisons de légiférer sur l’aide active à mourir. « Certes, c’est la vie qui vaut, mais elle vaut d’autant plus qu’elle est davantage libre. C’est en ce sens que le Comité consultatif national d’éthique a raison de parler d’une exception d’euthanasie. Qui dit exception dit règle. La règle, évidemment, c’est le respect de la vie humaine, mais respecter vraiment la vie humaine c’est aussi lui permettre de rester humaine jusqu’au bout, c’est-à-di...
...ertains ont parlé de la réponse que la mort donnée, la mort assistée pourrait constituer ; pour ma part, je crois qu’en aucun cas la mort donnée ne peut être, sur le plan éthique, une réponse. Je pense en effet que l’euthanasie blesse irrémédiablement un principe fondateur extrêmement fort de notre société, celui du respect de la vie et de l’inviolabilité de celle-ci. Sous-tendue par l’idée que mourir pourrait être un bien et vivre un mal, …
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout d'abord, je remercie ceux qui ont permis cette discussion. Quels que soient les opinions défendues et le résultat du scrutin, le Parlement est pleinement dans son rôle, dans un grand débat de société. Sénèque a écrit : « Y a-t-il plus cruel supplice que la mort ? Oui, la vie quand on veut mourir. » Ce dossier est pour beaucoup celui de la souffrance et de la détresse marquant la fin de la vie. Or, aujourd'hui, nous le savons tous ici, l’aide active à mourir existe dans les faits. Doit-elle être légalisée ? Tel est le débat qui nous anime. Vie et mort sont indissociablement liées, et le passage de l’une vers l’autre est la grande question qui préoccupe l’homme depuis que son évolution l’...
...icale. En fait, il s’agissait alors d’abstention thérapeutique. Trente ans ont passé, et la loi Leonetti a constitué une avancée remarquable ; d'ailleurs, il conviendrait selon nous qu’elle soit mieux connue et qu’un bilan de son application soit réalisé. Toutefois, ce dont il est question aujourd’hui ressortit à une problématique différente : c’est la reconnaissance d’un droit à l’aide active à mourir, déjà admis par plusieurs pays européens. Nous comprenons les oppositions de principe, les réticences, les doutes suscités par ce texte. Fallait-il faire évoluer la loi Leonetti, une nouvelle loi est-elle en l’état justifiée ? Pour nous, le serment d’Hippocrate a un sens, le respect de la vie tout autant. Mais quelle signification donner à cette dernière si l’on n’est pas maître de sa destinée,...
...nt les unes et les autres que je voudrais partager avec vous en cet instant. Ma première certitude est que, lorsque l’épreuve arrive, alors la belle assurance se fissure : ma conscience a peine à répondre en raison du refus de porter le fardeau au détriment de mon petit confort personnel. Mes chers collègues, il m’est impossible aujourd’hui de jurer devant vous que cette demande d’aide active à mourir, je ne la formulerai en aucun cas pour moi-même ou pour un de mes proches lorsqu’une telle difficulté me concernera. §Du reste, pourquoi ne le ferai-je pas si la loi me l’autorise, si le droit-créance ainsi créé fait peser sur tous le devoir de le rendre effectif, déplaçant les interdits anthropologiques qui fondent notre société ? Je sais également que le coma ou la maladie peuvent me rendre ét...
À l’heure de la réduction de la dette et de la prise en charge financière de la dépendance, peut-on sincèrement consacrer un droit à l’aide active à mourir en pensant qu’il n’y aura pas de dérives ? Ma troisième certitude est que prendre appui sur le principe de liberté individuelle, c’est articuler notre droit autour de la volonté du patient. Toutefois, l’ouverture d’un droit objectif peut-elle répondre à la complexité des situations extrêmes de fin de vie et se fonder sur une volonté présentée comme inébranlable ? En effet, chacun sait, pour l’a...
Dès alors, celui que notre droit à mourir va désormais soustraire de la vie ne sera-t-il pas présent partout pour nous interroger sur nos contradictions juridiques ? Comment cette aide active à mourir s’articulera-t-elle avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement » ? Comment ce droit à mourir s’accordera-t-il avec la prohibition de la pro...
... son combat en faveur des personnes handicapées. Cette femme, âgée de cinquante-cinq ans, tient les propos suivants : « Il y a vingt-six ans, en dix minutes, j’ai basculé de la parfaite santé à la dépendance totale. […] Je ne parle qu’avec difficulté. […] J’utilise l’ordinateur avec deux doigts. […] Il me faut avoir à tout moment la patience de mes impatiences. […] Il a pu m’arriver de souhaiter mourir, mais c’était pour entendre quelqu’un autour de moi me donner une raison de vivre. […] Si un jour je traverse une période de découragement intense, est-ce qu’on va m’euthanasier en rebaptisant cet acte “geste d’amour” ? »
... comme le soulignent Luc Ferry et Axel Kahn, les promoteurs de l’euthanasie se focalisent sur la demande et les procédures garantissant le bien-fondé du consentement libre de la démarche du malade, oubliant l’autre moitié du contrat : la réponse qu’il faut apporter à cet appel. Autrement dit, en faisant peser sur des tiers, en l’occurrence les médecins, l’obligation de rendre effectif un droit à mourir, on se trouve devant le paradoxe d’une liberté qui a besoin de l’autre et n’est finalement que l’expression de l’impuissance d’un individu qui a besoin de la puissance d’agir des autres pour être effective. Ensuite, la seconde objection consiste à rappeler que la liberté revendiquée d’un malade qui souffre n’existe pas pleinement. La demande de mort n’est la plupart du temps que l’expression d’u...
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « Ce n’est pas dans la légalité que les abus ont lieu, mais bel et bien dans l’illégalité ». C’est avec ces mots que Jean Huss, notre collègue député Vert luxembourgeois, a défendu la loi qui a permis au Grand-Duché de légaliser l’aide à mourir. J’espère que nous suivrons aujourd’hui l’exemple de nos voisins du Benelux et je remercie mon collègue socialiste Jean-Pierre Godefroy, mon collègue du groupe CRC-SPG Guy Fischer et mon collègue de la majorité Alain Fouché d’avoir eu le courage d’ouvrir à nouveau ce débat. Il existe aujourd’hui une absurdité dans notre code pénal : aucune distinction n’est faite entre la mort donnée par compas...
Alors que se passe-t-il ? Allons-nous laisser souffrir les malades qui demandent à mourir ? Allons-nous laisser les citoyens sans repère, quitte à ce que certains se retrouvent devant les tribunaux ? Allons-nous laisser les médecins enfreindre la loi encore longtemps ? Allons-nous laisser les magistrats face à ce vide juridique ? De toute façon, comment punir ceux qui ont aidé leurs proches ? Le procès de Marie Humbert s’est conclu par un non-lieu. Cela fait trente ans que les França...
… soit plus de 75 % qui meurent dans la solitude. Pourtant, que souhaitent la plupart de nos concitoyens ? Mourir chez eux sereinement, entourés de leurs proches à qui ils peuvent dire au revoir.
Prenons un exemple européen. Cela fait dix ans que les Pays-Bas autorisent l’aide à mourir et la jurisprudence en tolérait la pratique depuis vingt ans. Il n’y a pas d’abus à déplorer. Dans ce pays, où l’aide médicalisée à mourir concerne 2 % des décès, et ce taux a tendance à légèrement diminuer, on meurt le plus souvent à domicile.
Mon souhait est que ce vœu profond de délivrance puisse également être accompagné et encadré en France. Car mourir dignement est un droit fondamental. C’est à nous, parlementaires, de faire en sorte que l’État protège le pluralisme moral. Les législations des États qui autorisent l’aide médicalisée à mourir n’obligent évidemment personne à demander ces interventions, mais elles n’interdisent pas non plus à certains citoyens d’y recourir et de vivre ainsi selon leurs convictions morales. Elles vont dans le s...
Tous font référence à des valeurs de solidarité, mais, ici, on rejette des contraintes collectives. L’affirmation d’une liberté individuelle à mourir nécessite pour les mêmes le recours au monde médical et à la loi afin de déresponsabiliser l’acte de mort. Il n’y a pas de liberté de choix de mourir, selon Axel Kahn, pour qui « la demande de mort émane toujours d’une personne pour qui la vie est devenue insupportable et qui estime qu’elle n’a pas d’autre choix que de l’interrompre ». On ne retrouve plus affiché dans le présent texte le concept...
La légalisation de l’euthanasie ne contribue en rien à la moralisation de l’acte de mort. Prenons deux figures. La femme à la rue, en grande souffrance, ne pouvant assumer une vie normale et dont les conditions d’existence ne lui permettent plus d’assumer son identité : que répondez-vous en cas de demande d’aide à mourir ? L’étranger gravement malade, qui se verrait refuser son droit de séjour et demandant à en finir : est-ce au médecin de régler les conséquences de décisions politiques ?