Séance en hémicycle du 25 janvier 2011 à 22h10

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dignité
  • l’euthanasie
  • malade
  • mort
  • mourir
  • médecin
  • médicalisée
  • palliatif
  • souffrance

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, le débat que nous abordons ce soir, à vingt-deux heures dix, aurait mérité, me semble-t-il, un meilleur traitement.

Quels que soient le jugement, le sentiment, la position de chacun, nous sommes nombreux à considérer, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, que le Sénat se serait honoré d’examiner les questions qui vont être abordées à une autre heure, afin de leur apporter une plus grande clarté.

On prétend vouloir réhabiliter le Parlement, faire en sorte que la voix du Sénat porte ; or, malheureusement, nous devons nous exprimer cette nuit, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. … je ne sais jusqu’à quelle heure, sur un sujet de cette importance. Cette façon de procéder n’est pas à la hauteur des enjeux, et n’est tout simplement pas digne de la Haute Assemblée !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, à mon tour, au nom du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, je veux dire que notre assemblée se serait honorée de programmer ce débat, qui a un caractère historique eu égard à l’importance du sujet traité, au cours d’une séance de l’après-midi, quitte à le poursuivre le soir.

Les règles applicables aux semaines d’initiative parlementaire ont prévalu et nous regrettons vivement que ce débat, qui va certainement se prolonger bien au-delà de minuit, ait lieu dans ces conditions, en catimini. Quoi qu’il en soit, nous ferons en sorte que nos travaux se déroulent dans la plus grande dignité.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, le groupe UMP exprime le même regret, compte tenu de l’enjeu du débat et ce, comme l’a dit Jean-Pierre Bel, quelles que soient nos positions sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir (propositions de loi n° 65 [2008-2009], 659 [2009-2010] et 31, texte de la commission n° 229, rapport n° 228).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est à l’honneur du Sénat d’avoir ce soir ce débat sur un sujet aussi sensible que celui de la fin de vie, sujet qui fait appel à des convictions morales, religieuses, philosophiques ou éthiques ; et c’est à l’honneur de la commission des affaires sociales, et de sa présidente, d’avoir permis cette discussion en séance publique dont on voit bien qu’elle intéresse énormément nos concitoyens. Je souhaite, tout comme M. le Premier ministre, que ce débat soit calme et serein, dans le respect des convictions de chacun.

Saisie de trois propositions de loi, celle de notre collègue Alain Fouché, membre de l’UMP, celle de notre collègue Guy Fischer et de plusieurs membres du groupe CRC-SPG et celle que j’ai moi-même présentée avec plusieurs membres du groupe socialiste, la commission des affaires sociales a adopté un texte de synthèse relatif à l’assistance médicalisée pour mourir, qui est ce soir soumis au Sénat.

Il n’est ni politiquement ni idéologiquement partisan. Il est issu de propositions de sénateurs de groupes politiques différents, et ne reflète la position unanime d’aucun groupe. Il nous renvoie chacun à nos convictions personnelles en même temps qu’à notre responsabilité de législateur.

La question de la mort assistée relève indissociablement de l’intime et des libertés publiques. C’est donc en revenant au fondement de notre droit que les auteurs des propositions de loi et la commission des affaires sociales ont choisi de l’aborder. Ce fondement, c’est l’autonomie de la volonté.

Consacré en matière civile depuis la Révolution, ce principe a été progressivement étendu à tous et à l’ensemble des aspects de notre vie. Depuis 2002, la loi l’a affirmé comme base de la relation entre le médecin et le malade. Le consentement libre et éclairé est désormais requis pour les actes de soins. Le patient n’a plus à subir passivement les traitements ; il en est acteur à part entière. On doit les lui expliquer, et il peut les refuser ou les accepter. Il est un individu autonome, libre de ses choix et traité en tant que tel.

La proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir marque l’aboutissement du mouvement qui reconnaît la primauté du respect de la volonté individuelle comme principe fondamental de l’organisation de notre société et de la mise en œuvre du soin. En effet, elle vise à mettre fin au paradoxe selon lequel une personne peut prendre l’ensemble des décisions qui orienteront son existence, indiquer par testament ce qu’il doit advenir de ses biens après son décès, mais serait privée d’un tel droit à la fin de sa vie, au moment de sa mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Les éléments favorables et défavorables à la mise en place de la possibilité d’une assistance médicalisée pour mourir sont bien connus. Cela fait trente ans que le débat agite la société française, et le Sénat lui-même a eu l’occasion d’en discuter tant en séance publique qu’au travers des auditions, travaux de réflexion et rapports réalisés par la commission des affaires sociales. Je n’entends pas reprendre l’ensemble des arguments échangés. En revanche, je voudrais simplement insister sur un point : contrairement à ce que l’on entend souvent, l’assistance médicalisée pour mourir ne s’oppose pas aux soins palliatifs !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il est incontestable que la logique des soins palliatifs et celle de l’assistance médicalisée pour mourir sont distinctes.

Les soins palliatifs visent à apaiser la douleur, même si leur délivrance implique éventuellement d’accélérer le moment du décès. L’assistance médicalisée pour mourir tend pour sa part à mettre fin à la souffrance résultant de la perception que la personne a de sa propre situation et à lui ouvrir la possibilité de choisir, le moment venu, les conditions de sa fin de vie. Il existe donc non pas des contradictions, mais des réponses différentes à des demandes qui sont différentes.

D’ailleurs, la présente proposition de loi confie la mission de mettre en œuvre l’aide médicalisée pour mourir non pas aux équipes de soins palliatifs, mais au médecin traitant ou au médecin saisi de la demande, si l’amendement de Mme Dini, la présidente de la commission des affaires sociales, est adopté par notre Haute Assemblée.

Pourquoi les soins palliatifs seraient-ils la seule solution offerte aux personnes en fin de vie ? Pourquoi ceux – ce ne sont évidemment pas les plus nombreux – pour qui l’apaisement de la douleur ne mettra pas fin à leur souffrance et qui décideront, en toute connaissance de cause, de ne pas ou de ne plus recourir aux soins palliatifs ne pourraient-ils pas faire respecter leur volonté de décider du moment de leur mort ?

Mes chers collègues, la lutte contre la douleur est évidemment primordiale, et elle doit le rester. Ce qui favorise la vie et la volonté de vivre doit toujours être privilégié sur le choix de la mort. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti », a marqué un progrès important en ce sens. La mise en œuvre de ce texte, qui a pour objet de permettre l’accès universel aux soins palliatifs, est un combat qui, je le crois, nous unit tous.

Mais, pour certains, qui sont en fin de vie, les soins palliatifs, ou du moins leur seule perspective, ne suffiront pas. Pour eux, si telle est leur volonté libre, éclairée, réfléchie et réitérée, dans des conditions strictement encadrées, nous demandons qu’une assistance médicalisée pour mourir soit possible.

C’est donc le double respect de la vie et de la volonté des personnes qui sous-tend la proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales.

Respect de la vie d’abord, car la procédure de mise en œuvre de l’aide que nous avons prévue est strictement définie et encadrée. La demande devra être examinée par des médecins dont le regard sera extérieur et dépassionné ; elle devra être dûment confirmée. Évidemment, elle sera révocable à tout moment.

La commission a également renforcé la priorité donnée aux soins palliatifs en prévoyant que le médecin saisi d’une demande d’assistance médicalisée pour mourir non seulement devra informer le malade – c’est une nouveauté – des possibilités que lui offrent les soins palliatifs, mais également prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre effectivement en œuvre ces soins si la personne marque son intérêt. La demande d’assistance médicalisée ne sera donc pas le choix par défaut de ceux qui n’auront pas eu accès aux soins palliatifs.

Respect de la volonté ensuite, car c’est seulement aux personnes majeures et capables que la possibilité de demander une assistance médicalisée pour mourir sera réservée. Aucun mineur, aucune personne légalement protégée ne pourra valablement formuler une telle demande.

La faculté de solliciter une assistance médicalisée sera ouverte à ceux qui, pleinement conscients, en feront la demande quand ils se trouveront dans la situation prévue par la loi du 22 avril 2005, à savoir au stade avancé ou terminal d’une maladie grave et incurable causé par une pathologie ou un accident. En fait, nous ne sortons pas de la loi Leonetti ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… nous la prolongeons.

La même possibilité sera également offerte, par l’intermédiaire des personnes de confiance, aux malades devenus inconscients mais ayant laissé des directives anticipées en ce sens s’ils n’étaient plus en mesure d’exprimer eux-mêmes leur volonté le moment venu. C’est donc toujours la volonté de la personne qui sera respectée, et l’acte délibéré qui lui permettra une mort rapide et sans douleur n’est qu’une faculté mise à sa disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Pourquoi instituer une assistance médicalisée, c’est-à-dire mise en œuvre sous le contrôle et en présence d’un médecin qui aura accepté ?

Tout d’abord parce que, face à la demande de mourir, il faut un regard capable d’évaluer la situation médicale de la personne, un regard suffisamment étranger à l’entourage du malade pour comprendre si la demande d’assistance est véritablement libre, éclairée et réfléchie, le regard d’une personne apte à interrompre à tout moment la procédure d’assistance.

Selon nous, les options consistant à laisser l’assistance à mourir dans la clandestinité, comme c’est malheureusement parfois le cas, ou à la confier au monde associatif, comme cela se pratique en Suisse, sont porteuses de trop d’incertitudes et de risques pour qu’un tel choix puisse être effectué en conscience.

La proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales comporte sept articles.

L’article 1er ouvre aux personnes majeures capables la possibilité d’une aide médicalisée pour mourir, dans le cadre que j’ai précédemment indiqué. Il peut s’agir du stade avancé ou terminal d’une pathologie grave et incurable, quel que soit l’âge, ou d’une souffrance physique ou psychique ne pouvant pas être apaisée ou jugée insupportable par la personne.

L’article 2 offre la faculté aux malades conscients de demander cette aide et définit la procédure applicable : saisine par la personne de son médecin, qui s’adjoint deux de ses confrères pour examiner le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande et la situation médicale du malade.

La première mission de ces médecins sera, je le répète, de proposer, voire d’organiser, l’accès de la personne aux soins palliatifs. Telle est d’ailleurs la pratique actuelle, que nous avons tenue à maintenir et à réaffirmer dans le présent texte.

Si c’est en pleine connaissance de cause que la personne refuse ces soins, les médecins remettront dans les huit jours un rapport écrit pour juger si son état de santé correspond aux critères définis par la loi. Si le rapport est favorable et si, lors de sa remise, le malade persiste dans cette demande en présence de sa personne de confiance, alors seulement l’assistance pourra être mise en œuvre à partir de huit jours plus tard.

Seize jours, c’est une durée longue pour les personnes en fin de vie, mais il faut donner tout le temps à la réflexion pour, le cas échéant, laisser à ce qu’il reste de vie la possibilité de reprendre ses droits. Pour ceux qui estimeront trop long un tel délai, parce qu’ils sont convaincus d’avoir atteint le terme de leur existence, la proposition de loi ouvre la possibilité d’un délai plus court, avec l’accord du médecin.

L’article 3 de ce texte offre la faculté à une personne majeure capable de laisser des directives anticipées, afin que soit demandée pour elle une assistance médicalisée pour mourir si elle est devenue inconsciente.

L’article 4 définit la procédure d’examen de la demande, qui repose sur l’initiative, puis sur la confirmation de la requête par les personnes de confiance. Le délai pour la remise du rapport est le même, mais celui pour la mise en œuvre de l’assistance est plus court – il est de deux jours, et pourra être porté à huit jours, si l’amendement qui a été déposé sur ce point est adopté –, la volonté de la personne inconsciente ayant été établie.

L’article 5 définit la procédure de contrôle mise en œuvre sur les actes d’assistance médicalisée pour mourir. Il instaure une commission nationale et des commissions régionales chargées d’examiner les rapports transmis par les médecins après la mise en œuvre d’une assistance médicalisée. Ce système, fondé sur l’exemple belge, aboutit à la saisine du juge en cas de doute sur le respect des dispositions légales relatives à l’assistance médicalisée pour mourir. Encadrées par la loi et contrôlées par le juge, les pratiques d’assistance médicalisée ne seront pas susceptibles d’entraîner des dérives, comme on pourrait le craindre et comme cela arrive parfois aujourd'hui.

Par ailleurs, l’article 5 prévoit que les personnes ayant été assistées pour mourir dans le cadre de la loi seront réputées mortes de mort naturelle, afin d’éviter toute ambiguïté juridique s’agissant des contrats auxquels elles sont parties. Je vous proposerai sur ce point un amendement de coordination.

L’article 6 dispose qu’aucun professionnel de santé n’est tenu de participer à une assistance médicalisée pour mourir. Cette clause de conscience est usuelle et naturelle, dès lors qu’il s’agit d’un acte ne relevant pas de la thérapeutique ou du soin.

Enfin, l’article 7 prévoit qu’une formation à l’assistance médicalisée pour mourir sera dispensée.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite insister sur un dernier point. La reconnaissance du principe de l’assistance médicalisée pour mourir serait un pas important pour les libertés publiques. Elle permettrait à chacun de rester maître de ses choix et de son corps jusqu’au terme de l’existence.

En conclusion, je suis persuadé que le présent texte apporte une quadruple réponse.

Premièrement, il répond aux souhaits de la personne en lui permettant de rester maître de toutes les décisions concernant la fin de son existence et de la manière dont elle souhaite la vivre avant de disparaître. La volonté du patient doit être absolument respectée.

Deuxièmement, il répond aux médecins confrontés à ces cas douloureux et leur offre un cadre juridique dans lequel ils pourront, en respectant leur clause de conscience, répondre à cette demande d’une manière humaine, sans pour autant se mettre eux-mêmes dans l’illégalité, ce qui est le cas aujourd'hui. En effet, nous le savons bien, il arrive parfois que des médecins accèdent par compassion à la sollicitation pressante de leur patient.

Troisièmement, la proposition de loi répond aux proches, qui finissent parfois par accéder aux souhaits de la personne malade, par amour, en se mettant eux-mêmes en danger devant la justice. En effet, si cette dernière est généralement clémente, elle n’en poursuit pas moins pour meurtre. Il faut mettre un terme à cette situation horrible, le malade, avant de fermer les yeux, réclamant ce geste d’amour tout en ne sachant pas ce qu’il adviendra judiciairement à celui qui va l’aider.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Quatrièmement, le texte que nous examinons répond aux juges, qui souvent font preuve de clémence, mais qui doivent pouvoir apporter une réponse au nom du peuple français, et non pas simplement en leur âme et conscience.

M. Axel Kahn conclut ainsi son livre L’ultime liberté : « Il existe sans doute des circonstances particulières exceptionnelles poussant en conscience quelqu’un, médecin ou proche, à transgresser cette dernière règle », c'est-à-dire « l’interdiction de donner la mort à autrui ». Mais, contrairement à lui, qui suggère d’« instruire leurs cas avec humanité selon le principe d’une société sachant à la fois s’accorder sur des principes et pardonner qui en transgresse la lettre plus que l’esprit », j’estime pour ma part que c’est au législateur de fixer les règles permettant un tel acte de compassion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. C’est justement pour apporter une réponse républicaine, humaine et humaniste que nous avons l’honneur de vous présenter cette proposition de loi dont nous sommes convaincus qu’elle est l’aboutissement logique d’une réflexion en marche depuis de très nombreuses années. Elle est bien évidemment amendable tant ici qu’à l’Assemblée nationale.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas un débat comme un autre. J’ai déjà participé à de nombreuses discussions dans cet hémicycle qui se sont tenues à des heures aussi avancées qu’aujourd'hui ; il n’y avait pas toujours autant de monde.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme je vous l’ai dit juste avant de monter à la tribune, monsieur Godefroy, je ne partage pas la position que vous avez exprimée, mais je la respecte. Toutes les personnes qui nous regardent vont assister à un débat digne.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué un certain nombre de sujets sur lesquels nous aurons certainement l’occasion de revenir dans les prochaines heures. Il en est un qui m’a marqué particulièrement : vous avez insisté sur l’autonomie de la volonté. C’est le cœur de votre démonstration, mais c’est aussi sa limite.

MM. Alain Gournac et Paul Blanc opinent.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En effet, dans un certain nombre de cas, il n’est pas possible d’établir l’autonomie de la volonté. Je pense aux victimes de la maladie d’Alzheimer. Même si une déclaration anticipée a été faite, comment, au moment crucial, peut-on parler de l’autonomie de la volonté ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’ai été sensible à la sincérité de votre démonstration, monsieur le rapporteur, mais votre raisonnement porte en lui sa propre limite comme celle du débat. En définitive, l’enjeu est simple : souhaite-t-on cesser un traitement maintenant un patient en vie – c’est la situation actuelle – ou souhaite-t-on autoriser un acte volontaire en vue d’abréger la vie du patient ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce soir, notre droit peut basculer. Pour ma part, je ne souhaite pas qu’il en aille ainsi.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’en suis intimement convaincu, il ne s’agit pas d’un débat comme un autre. Pour un ministre, ce n’est pas un débat que l’on aborde comme un autre débat : c’est un débat qui marque, pour lequel il convient de recenser de nombreux témoignages d’élus et de citoyens. Dans les jours qui l’ont précédé, il m’a été impossible de ne pas demander à mes différents visiteurs comment ils envisageaient la question.

J’ai été étonné de constater – je reviendrai sur la lecture que l’on peut faire des différents sondages – que nos concitoyens, contrairement à l’idée première qui laisserait accroire qu’ils seraient largement favorables à l’euthanasie afin d’abréger les souffrances

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… se satisfont en définitive de la législation actuelle si tant est qu’elle puisse être appliquée partout et pour tous ceux qui le souhaitent.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

C’est ce que disent les gens qui ne sont pas médecin ! Vous n’avez pas vécu avec des malades !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir, adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat, traite d’une question difficile : celle de la fin de vie et, plus précisément, de l’autorisation à donner volontairement la mort.

Cet acte n’est pas présenté comme une possibilité ultime et exceptionnelle, il est présenté comme une solution de remplacement aux soins palliatifs. La question à laquelle nous devons répondre ce soir est donc celle de savoir si notre société veut décider de légiférer pour s’accorder le droit de donner la mort.

C’est une question radicale.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce texte expose, en outre, à des dérives incontrôlables non seulement les personnes les plus vulnérables, par exemple des malades d’Alzheimer qui ne pourraient plus exprimer leur volonté de façon libre et éclairée

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comme on pouvait le craindre, en voulant apporter des réponses simples à ces questions éminemment complexes, le dispositif prévu par ce texte introduit de la confusion et, pour tout dire, un vrai risque sur un sujet qui n’est pas comme un sujet les autres.

Le texte donne plusieurs définitions de la fin de vie et des procédures applicables, ce qui est source d’insécurité juridique. De plus, les conditions selon lesquelles l’acte de donner la mort pourrait être mis en œuvre ne sont pas assez précises : la proposition de loi ne prévoit aucune obligation explicite de consultation ni même d’information de la famille du malade.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Non seulement le dispositif introduit de la confusion, mais de surcroît il est porteur de vrais risques. Il est dangereux, d’abord, pour les droits des personnes en fin de vie : dans la proposition de loi, le contrôle de l’acte de donner la mort serait effectué a posteriori par une commission. Chacun voit bien le risque d’un contrôle aussi tardif, vu le caractère irréversible de l’acte accompli.

Le dispositif prévu est également porteur de risques pour les soignants. S’il s’avère que les exigences du décès assisté par le médecin n’ont pas été respectées, le médecin verra sa responsabilité pénale engagée. Le Conseil national de l’ordre des médecins a d’ailleurs exprimé son rejet de cette proposition de loi.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il est clair que ce texte ne serait pas sans conséquences dans la relation de confiance entre le soignant et le soigné.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je reprendrai sur ce sujet les propos du professeur Lantieri, auteur de la première greffe totale du visage : « voter une loi autorisant l’euthanasie, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. … c’est nier les possibles progrès de la médecine. […] Notre tâche est d’accompagner le patient vers sa mort, et non de la provoquer ».

Applaudissementssur la plupart des travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Voilà pourquoi, au-delà des réserves de principe sur le bien-fondé d’une telle autorisation à donner la mort, cette proposition de loi ne saurait répondre aux questions posées par la fin de vie.

Soyons clairs, il ne s’agit nullement pour qui que ce soit, et surtout pas pour le Gouvernement, de nier la souffrance des personnes en fin de vie et de leurs proches. Nous avons tous en mémoire certains cas douloureux comme celui de Vincent Humbert. Mais nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître que même un tel texte n’aurait pas permis d’apporter une solution dans ce cas précis.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Mais si !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Absolument pas !

Le principe d’autonomie de la volonté, encore et toujours ! Devant de tels drames humains, j’en ai bien conscience, l’émotion et la compassion sont légitimes. Pour autant, nous ne devons pas nous tromper de débat.

J’entends dire que les Français seraient majoritairement favorables à l’euthanasie.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

D’après les sondages, 94 % des Français approuvent une législation qui permettrait l’euthanasie, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… mais 36 % d’entre eux, seulement, pensent que la mesure ne devrait s’appliquer qu’en cas de souffrance insupportable et insurmontable !

Si l’on examine les sondages dans le détail et que l’on précise le sens des mots, 60 % des Français préfèrent le développement des soins palliatifs à la légalisation de l’euthanasie. §Par ailleurs, 68 % des Français, soit plus des deux tiers d’entre eux, ne savent pas aujourd'hui qu’il existe une loi interdisant l’acharnement thérapeutique.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Telle est la réalité !

Ces chiffres nous permettent de mesurer les avancées à réaliser, mais aussi les difficultés rencontrées pour faire connaître la loi Leonetti du 22 avril 2005. Quoi qu’il en soit, je préfère mesurer le chemin qu’il reste à parcourir plutôt que de me tromper de chemin. Voilà aussi le choix que le Gouvernement souhaite proposer !

Applaudissements sur la plupart des travées de l ’ UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les Français veulent que l’on accompagne la fin de vie en soulageant le plus possible la souffrance, ils ne souhaitent pas que l’on donne la mort, et ce n’est pas du tout la même chose !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce qui est en jeu, c’est, pour chacun d’entre nous, l’angoisse de souffrir. L’euthanasie est synonyme d’apaisement des souffrances.

Mme Raymonde Le Texier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Or les soins palliatifs permettent d’apaiser ces souffrances. Concrètement, il y a trois aspects cruciaux sur lesquels les soins palliatifs permettent d’agir efficacement : soulager la douleur physique, accompagner la peur de la solitude et prendre en compte le sentiment d’indignité, c’est-à-dire le sentiment terrible de ne plus servir à rien, de peser sur son entourage, d’être une charge pour la société. Là, l’accompagnement psychologique, mais aussi, bien sûr, l’accompagnement de la famille et des proches jouent un rôle essentiel. Les soins palliatifs savent faire cela.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’une loi qui autorise à donner la mort, c’est d’une application de la loi actuelle, celle du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Applaudissementssur de nombreuses travées de l’UMP. – M. Guy Fischer s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je l’ai dit : plus des deux tiers des Français ignorent que cette loi existe.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Un sénateur du groupe socialiste. C’est la faute de l’opposition !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Elle apporte pourtant des réponses adaptées aux situations de fin de vie. Elle proscrit l’obstination déraisonnable de soins, elle autorise la limitation ou l’arrêt de traitements, ainsi que l’usage des antalgiques. Cette loi reconnaît également le droit du malade à demander une limitation ou un arrêt du traitement. Les choses sont prévues dans la loi.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Lorsque le malade est inconscient, la loi dispose que sa volonté doit être respectée telle qu’elle a été exprimée préalablement ou au travers du témoignage de sa famille et de ses proches.

La volonté du Gouvernement est donc claire : développer les soins palliatifs et refuser l’acharnement thérapeutique.

Mme Raymonde Le Texier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous allons donc poursuivre le programme de développement des soins palliatifs et la prise en charge des personnes en fin de vie.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Président de la République a fait du pilotage du programme de développement des soins palliatifs une priorité absolue en juin 2008.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Avec tant d’autres !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si au moins sur un sujet comme celui-ci nous nous écoutions !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le pilotage du programme de développement des soins palliatifs…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. … a été confié au docteur Régis Aubry, spécialiste reconnu dans la prise en charge palliative. Il prévoit, en particulier, d’augmenter en quatre ans, de 2008 à 2012, significativement le nombre de patients en fin de vie pris en charge et de créer 1 200 lits de soins palliatifs dans les hôpitaux. Nous sommes en train d’atteindre ce dernier objectif

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

, notamment en fléchant des crédits pour la mise en place des soins palliatifs dans les établissements de santé. L’idée est d’éviter d’attribuer des crédits qui, au dernier moment, pour des questions de priorités locales, seraient alloués à d’autres missions.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le rapporteur, un des enjeux est de permettre aux soins palliatifs – dont vous parlez – d’être une réalité dans les établissements.

Mme Raymonde Le Texier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’ai bien conscience, au moment où nous avons ce débat, que nous devons prendre des engagements renforcés sur ce point. Il ne s’agit pas pour moi d’annoncer l’ouverture de 1 200 lits, il s’agit de faire en sorte que les patients et les familles concernés puissent en bénéficier.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement s’est également engagé à appliquer les recommandations issues du rapport de Jean Leonetti de décembre 2008 sur la fin de vie. Ainsi, la loi du 2 mars 2010 a institué une allocation d’accompagnement d’une personne en fin de vie. C’est important pour certains aidants.

Nous devons aussi approfondir le débat sur la prise en charge de la fin de vie. Je compte sur l’Observatoire national de la fin de vie, créé en février 2010, pour promouvoir les travaux de recherche sur l’euthanasie et le suicide assisté. Vous le savez, certaines études sont d’ailleurs déjà en cours, dont nous connaîtrons les résultats dès le mois de septembre prochain, soit très rapidement. Nous devons notamment analyser attentivement les expériences étrangères : en Belgique, par exemple, cette pratique est légale, mais seulement 53 % des cas d’euthanasie sont rapportés au comité de contrôle. Cela signifie donc que 47 % des euthanasies sont pratiquées en dehors du cadre légal. Chacun doit par conséquent bien mesurer les risques encourus si nous adoptions un dispositif moins précis que celui qui est aujourd’hui en vigueur en Belgique.

Les études indépendantes dont nous disposons, réalisées dans d’autres pays, permettent de porter un regard objectif sur ce qui s’est passé dans les pays d’Europe qui ont changé non pas le système de prise en charge de la fin de vie, mais le système de fin de vie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons bien conscience : derrière les textes, il est avant tout question de situations de souffrance, insupportables pour les malades et pour leurs proches. Nous avons tous reçu de nombreux témoignages – vous êtes élus, je le suis également. Bien souvent, ce sont des témoignages que l’on porte dans sa chair ou dont on se dit que l’on devra un jour les rapporter, pour soi-même ou pour ses proches.

Il est important aussi, ce soir, de faire preuve d’une réelle pédagogie sur ce sujet. Marie de Hennezel disait en effet que « les propositions de loi sur l’euthanasie fleurissent sur le terreau de la méconnaissance ». En tant que parlementaires, vous connaissez le dossier ; vous-même, monsieur le rapporteur, vous le suivez depuis longtemps. Voilà pourquoi je respecte la position que vous défendez, même si je ne la partage pas. Quelles que soient nos convictions, nous devons, bien entendu, écouter avec respect les arguments de chacun et ne pas nous en tenir à des idées toutes faites, dans ce débat qui, à mon sens, n’a rien de partisan. Je me souviens d’ailleurs qu’avant l’adoption de la loi Leonetti un travail avait été réalisé en commun par deux parlementaires, Nadine Morano et Gaëtan Gorce, ce qui montre bien que ce sujet dépasse et transcende les clivages politiques. Quelles que soient nos opinions, nous devons choisir de privilégier la réflexion et la conviction, plutôt que l’émotion et la précipitation.

En effet, notre responsabilité consiste à mieux répondre aux souffrances, à protéger les personnes vulnérables, et non à donner volontairement la mort à autrui. C’est ainsi que nous répondrons de la façon la plus juste et la plus digne au difficile débat sur la fin de vie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet ainsi que MM. Gilbert Barbier et Jean-Marie Bockel applaudissent également.

Mmes Fabienne Keller et Christiane Kammermann ainsi que M. Pierre Hérisson applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du débat, permettez-moi de vous dire à quel point j’apprécie d’avoir rejoint les rangs de la commission des affaires sociales.

Sur les trois propositions de loi qui ont été soumises à discussion commune, notre débat en commission a été, je tiens à le dire, respectueux des personnes et des convictions. Je tiens à remercier notre présidente, Mme Dini, qui a su maintenir cet esprit de sérieuse réflexion. Les législateurs que nous sommes ont pleinement conscience que ce sujet est grave et qu’il mêle intimement l’éthique, le juridique et le sociétal.

Permettez-moi également de saluer, avec beaucoup d’émotion, le travail tout à fait remarquable effectué par le président Nicolas About, …

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Même mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

… dont le jugement perspicace, la capacité d’écoute et le souci d’apporter des solutions mesurées vont, à n’en pas douter, nous manquer. Mais la réflexion engagée par le groupe de travail sur la fin de vie constitué sur son initiative demeure. Ce groupe de travail a apporté une contribution très riche à ce débat et je tenais à le remercier de la justesse des pistes qu’il a tracées.

Enfin, permettez-moi aussi de saluer la qualité du travail de notre rapporteur, Jean-Pierre Godefroy. Quelle que soit l’issue finale de nos débats, sa contribution pour faire avancer la prise en compte de la fin de vie dans un sens toujours plus respectueux des volontés exprimées par les patients ajoute une pierre utile à notre réflexion commune.

Revenons à la question de l’aide médicalisée à mourir. Ce débat est, je le crois, nécessaire, et c’est tout à l’honneur de notre Haute Assemblée d’avoir eu le courage de l’ouvrir.

Cette question n’a pas surgi par hasard : elle s’est développée avec les progrès indéniables de la médecine. Une vision parfois très technicienne de celle-ci s’est avérée de plus en plus inadaptée au moment de la fin de vie, où la possibilité de soigner pour guérir n’existe plus. La médecine a dû s’adapter : la mort survient désormais, le plus souvent, au terme d’un long processus de souffrance et de déchéance physique, parfois dans une détresse psychique et morale qui atteint le malade comme ses proches. Qui ne connaît l’état d’épuisement des accompagnants, au point que nous avons choisi, à juste de titre, d’instaurer un congé spécifique et, depuis la loi du 2 mars 2010, de le rémunérer, grâce une allocation d’accompagnement de la personne en fin de vie ?

Faisant suite à plusieurs textes, dont la proposition de loi adoptée sur l’initiative de notre ancien collègue Lucien Neuwirth, qui avait été un précurseur, la loi du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti », s’est attachée à stopper l’acharnement thérapeutique, à mieux informer le patient, à mieux prendre en compte aussi sa volonté et à promouvoir un accès généralisé aux soins palliatifs. Cette loi constitue une avancée majeure. Puis-je rappeler que l’ensemble du groupe de l’Union centriste avait, en 2005, apporté son soutien à ce texte ?

Que constatons-nous, six ans après l’adoption de cette loi ? Malgré le volontarisme du Gouvernement et les plans successifs pour augmenter le nombre de places dans les services de soins palliatifs, beaucoup de malades et de leurs proches ne trouvent ni l’information dont ils ont besoin ni une prise en charge adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Trop peu sont entourés de personnels formés et capables de leur apporter le réconfort psychique comme physique dont ils ont cruellement besoin.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Tout est dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. Nous constatons également un trop grand décalage entre l’affichage de créations de places nouvelles et, dans les faits, des moyens trop insuffisants fléchés spécifiquement sur les soins palliatifs.

M. Bernard Piras s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

… qui pourraient être parfois tentés de les utiliser à d’autres fins, parce qu’ils font face à des urgences de toute nature. Il faut donc réaffirmer la nécessité d’être présent à ce rendez-vous, cet aspect me paraît très important.

Nous constatons enfin que trop peu de professionnels se sont approprié cette loi dans toutes ses dimensions.

Si ce débat sur ce que beaucoup ont choisi de renommer « légalisation de l’euthanasie » perdure, c’est bien le signe que les progrès accomplis n’ont pas encore permis de prendre en compte toutes les détresses de la fin de vie. Pour ma part, je ne crois pas que la commission des affaires sociales, en examinant ces propositions de loi, ait choisi d’ouvrir un débat sur l’euthanasie en général.

Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

En instaurant la généralisation des soins palliatifs, nous avons, en même temps, reconnu que le patient en fin de vie avait droit à la parole et qu’il était acteur de sa vie jusqu’au bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Cela suppose que, dans ces situations, la décision ne soit plus seulement entre les mains des soignants : cette décision se partage. À n’en pas douter, une véritable évolution culturelle doit faire son chemin : un patient qui accepte d’être davantage maître de son destin, un soignant attentif à la volonté exprimée par le soigné.

Tels sont, pour moi, les termes du débat. Ils méritent d’être abordés en évitant, de part et d’autre, les crispations, les anathèmes et les caricatures. Oui donc au débat, parce que nous nous rassemblons tous sur un point : nous voulons collectivement que notre société permette aux personnes de « bien » mourir et que la mort cesse d’être escamotée, mais puisse au contraire être partagée, accompagnée, réintégrée dans le processus de la vie dont elle ne constitue que l’ultime étape. Telles sont les raisons qui m’ont incitée, tout comme Nicolas About dont je partageais l’avis, à voter l’article 1er de la présente proposition de loi en commission.

En votant cet article, j’ai aussi souhaité que l’on reconnaisse les « zones grises » que notre législation a laissé perdurer. Notre collègue Sylvie Desmarescaux nous a proposé, hier soir, de visionner un témoignage sur le fonctionnement de la maison médicale Jeanne Garnier. Ce film, Les yeux ouverts, comprend une séquence où une équipe médicale choisit, à la demande d’un malade, d’interrompre un traitement, entraînant trois jours plus tard le décès de la personne. N’est-ce pas, si l’on veut bien y réfléchir, une certaine forme d’assistance à mourir ? Celle-ci est légale, d’autres ne le seraient pas. Pour moi, la limite entre les deux doit cependant susciter notre interrogation, car elle appelle la réflexion et le débat. Mais pour qu’il y ait débat, encore faut-il savoir quelle est exactement la situation aujourd’hui en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. Nous avons besoin d’un état des lieux qui permette de connaître quelles sont les pratiques, quelles sont les dérives, quelles conséquences nous serions en droit d’attendre d’un changement de la législation. À ce niveau-là, il faut reconnaître que nous ne disposons pas d’une photographie précise de ce qui se passe.

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’Observatoire de la fin de vie, créé en 2010 seulement, ne dispose pas encore des données suffisantes pour nous renseigner.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. Nous avons donc besoin d’études complémentaires afin de nous permettre de nous positionner avant l’adoption d’un texte comme celui que nous examinons ce soir. Aujourd’hui, rien n’est réglé. Il nous faut maintenant, parce que de nombreuses situations demandent effectivement…

Nouvelles marques d’impatience sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

ni le démontrer, je conclurai par deux phrases.

Il y a encore place pour la réflexion, afin que les prescriptions d’une telle loi apportent toutes les garanties face à des situations d’infinie fragilité où doivent se combiner protection et respect des volontés de la personne. Les débats autour de la loi Leonetti montrent bien qu’il reste des situations auxquelles la législation actuelle ne répond pas complètement. Tôt ou tard, cette loi devra être complétée.

Le mérite du Sénat est d’ouvrir le débat. Nous devons continuer à le faire vivre jusqu’à ce que se dégage un consensus suffisamment fort. C’est la raison pour laquelle, bien que favorable au principe contenu dans l’article 1er de cette proposition de loi, je m’abstiendrai lors du vote final

Ah ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

, tout simplement parce que je pense que la loi Leonetti doit être complétée et mieux appliquée.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ Union centriste et du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. Jacques Blanc applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui n’est pas, loin s’en faut, le premier sur la fin de vie, mais, parce qu’il nous renvoie à nos convictions profondes, à notre approche personnelle – je dirais même viscérale – de la vie et de la mort, il reste toujours aussi vif et lourd de sens pour chacun d’entre nous.

Les heures que nous consacrons à ce thème difficile de la fin de vie sont utiles et ne sont pas sans nous rappeler ce qu’Albert Camus appelait « l’absurdité de la condition humaine ». Finalement, ce qu’il y a de plus révoltant dans la vie, c’est la mort – la nôtre, évidemment, mais aussi, et peut-être surtout, celle de nos proches. En dehors de toute considération religieuse, c’est bien la conscience de cette mort inéluctable qui permet aussi à l’homme de goûter les moments présents.

Les auteurs des propositions de loi, réunies en un seul texte, veulent légaliser une procédure d’euthanasie prônant des principes de respect et de dignité de la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

À mon sens, cette approche de la fin de vie n’est ni complète ni sereine. Rendre effectif et équitable l’accès aux moyens antalgiques, accompagner les personnes et leurs proches lorsque la vie arrive à son terme et favoriser le développement des soins palliatifs me semblent, en effet, davantage coïncider avec une approche « globale » de la fin de la vie. Autour de ces défis, mes chers collègues, nous avons un combat profondément « politique » à mener, une vision du « vivre ensemble » à défendre et à faire progresser. Tels me semblent être les engagements à tenir ; nous le devons, en tant que législateurs, à nos concitoyens.

La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a permis, chacun en convient, de réelles avancées en consacrant, notamment, le principe d’obstination déraisonnable et le droit au refus d’un traitement.

En 2005, l’hypothèse d’une légalisation de l’euthanasie, c’est-à-dire de l’injection de substances létales visant délibérément à faire mourir, avait été écartée. Parce qu’elle est constitutive du socle sur lequel notre société repose, cette différence éthique fondamentale entre le fait de donner la mort et celui de ne pas l’empêcher à tout prix doit être maintenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Mme Sylvie Desmarescaux. Notre rôle de législateur sera rempli si nous appréhendons le débat sur la fin de vie de façon générale, et non au travers du seul prisme de l’euthanasie.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Il n’est, à mon sens, ni du rôle de la loi ni de notre devoir de parlementaires de mettre en place, sans connaissance préalable des conséquences qu’ils emportent, des mécanismes permettant de mettre délibérément un terme à la vie. Celle-ci est un bien trop précieux !

Depuis quelques années, on observe les prémices d’une véritable diffusion de la « culture palliative ». Tout doit être mis en œuvre pour continuer à avancer dans cette voie. Les actions en matière de développement de l’offre de soins palliatifs, à l’hôpital, en ville, dans les établissements d’accueil pour personnes âgées ou handicapées, doivent effectivement être poursuivies.

Je tiens d’ailleurs à saluer ici le travail formidable réalisé par ces équipes auprès des patients et de leur famille en termes d’accompagnement et de soutien. Au regard de la qualité des soins dispensés aux patients et de l’accompagnement proposé aux proches, il n’est pas rare de constater qu’une personne qui demande à mourir change d’avis quelques jours plus tard.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, mes chers collègues, je l’ai vécu avec ma fille. Mes propos ne sont donc pas des paroles rapportées. Notre fille est morte dans la dignité parce qu’elle a fini sa vie entourée de personnes convaincues de sa dignité, malgré sa maladie et en dépit de ses souffrances.

Pour les raisons que je vous ai exposées, il ne me semble pas que le débat sur la fin de vie doive se résumer à la question de la légalisation, ou non, de l’euthanasie. En revanche, il doit être appréhendé dans son ensemble, avec toute l’humanité que nous devons au sujet.

De plus, nous ne disposons pas en l’état actuel de connaissances suffisantes pour investir de façon optimale ce débat. Des données factuelles précises devraient émerger des travaux de l’Observatoire national de la fin de vie, mis en place en septembre dernier.

Loin de sondages reflétant une réalité aléatoire, il est également essentiel, à mon sens, qu’un débat sociétal puisse avoir lieu et que les avis des acteurs du système de soins, mais également des malades eux-mêmes, soient connus. Il ne s’agit d’ignorer ni la souffrance ni la douleur ; il est question de prendre le recul nécessaire pour poser les bonnes questions et y apporter des réponses, certes concrètes, mais aussi – et surtout – mesurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Mme Sylvie Desmarescaux. Aussi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai pas ce texte.

Applaudissements sur la plupart des travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme cela vient d’être rappelé par M. Xavier Bertrand, 94 % des Français seraient favorables à une légalisation de l’euthanasie, selon un sondage de l’IFOP réalisé en octobre dernier.

Ce chiffre se veut convaincant pour certains, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

… mais chacun ici sait que le résultat est souvent affaire de formulation. Quand on propose la mort sans souffrance, je suis personnellement surpris que 57 personnes sur les 956 interrogées se prononcent contre.

A également été évoqué le sondage d’OpinionWay dans lequel 60 % des Français déclarent préférer le développement des soins palliatifs à la légalisation de l’euthanasie, 52 % estimant même qu’une loi légalisant cette démarche comporterait des risques de dérives.

Mes chers collègues, je ne pense pas qu’on peut sérieusement se fier aux sondages pour répondre à un problème aussi complexe et aussi sensible que celui que rencontre chacun d’entre nous face à la mort. Le sujet dont nous traitons aujourd’hui mérite un peu plus de dignité et de respect !

J’ai par exemple entendu, dans mon département, le président de l’association défendant cette proposition de loi dénoncer régulièrement les « voleurs de liberté » que seraient notamment les médecins parlementaires, « sourds à la souffrance de leurs semblables et partisans de l’acharnement thérapeutique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

J’étais médecin, je suis parlementaire et je m’oppose à la légalisation de l’euthanasie : je serais donc un « voleur de liberté »… Soit, mais qu’il me soit permis au moins d’en donner les raisons !

En réalité, nombre de nos concitoyens trouvent une justification à l’euthanasie dans une analyse ou une tentative d’analyse de leur propre mort. Les sondages nous disent une seule chose, toute simple : « je ne veux pas souffrir ». Nous sommes à peu près tous dans cette disposition.

Toutefois, la question posée aujourd’hui n’est pas celle de notre propre mort, dont Freud disait qu’il nous est absolument impossible de nous la représenter car « toutes les fois que nous l’essayons, nous nous apercevons que nous y assistons en spectateurs [et], dans son inconscient, chacun est persuadé de sa propre immortalité ».

La question est de savoir si la société doit reconnaître un droit à l’aide active à mourir – soyons clairs, un droit de tuer §Appelons les choses comme elles doivent l’être ! – au nom de la dignité du malade et du respect de sa volonté.

Il s’agit bien de cela dans la proposition de loi qui nous est présentée. Au-delà des intentions sans doute sincères, au-delà des précautions de langage, reste le fait que c’est bien un tiers qui dispose d’une vie qui n’est pas la sienne, fût-ce dans des circonstances limitées et avec l’accord de l’intéressé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

C’est pour le moins curieux dans un pays qui a voté, voilà trente ans, l’abolition de la peine de mort !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Ce ne sont pas les termes « assistance médicalisée » qui permettent de s’affranchir de la violence de l’acte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Dans Une mort très douce, Simone de Beauvoir disait à propos de sa mère, une vieille femme au bout du temps : « Il n’y a pas de mort naturelle. [Toute mort est] une violence indue. » Bien qu’athée, elle avait bien noté la contradiction essentielle de la condition humaine : même naturelle, la mort est un scandale.

Alors, en quoi une fin de vie rapide, donnée par autrui, garantit-elle une fin de vie calme et digne ?

L’amalgame que font certains entre euthanasie et droit à mourir dans la dignité est d’ailleurs inacceptable. Qui s’aviserait de dénier ce droit à quiconque ? Faut-il rappeler que la dignité est un caractère intrinsèque de toute personne, qu’elle est la même pour tous et n’admet pas de degré ? Selon le philosophe Paul Ricœur, cette notion renvoie à l’idée que « quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain ».

On veut respecter la volonté des personnes, mais le souhait d’en finir pour ne souffrir ni physiquement ni psychiquement relève d’une forme de névrose obsessionnelle

M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Quoi qu’il en soit, ce souhait peut varier en fonction de tel ou tel soulagement, information ou événement extérieur. Les malades en fin de vie peuvent vouloir épargner leurs proches par une demande qui ne correspond pas forcément à leur désir profond.

Enfin, on aurait pu croire que ce texte satisfasse les idéologues voulant sortir la société de l’obscurantisme du corps médical et laisser l’individu maître de sa destinée. En fait, il n’en est rien ! La proposition de loi remet encore la décision finale et le geste de l’euthanasie sous la responsabilité des médecins, dans une procédure bien complexe d’ailleurs.

Il leur appartiendra donc toujours, au-delà des lois, de respecter ou non le serment d’Hippocrate qui, dans sa version originale, dit : « jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d’y recourir ».

Il y a bien d’autres points à développer dans cette discussion et je ne manquerai pas de les aborder lors de l’examen des articles, en toute indépendance d’esprit, car je ne suis à la solde de personne.

Mes chers collègues, je respecte les opinions de chacun d’entre nous dans ce débat de société. Je m’exprime ici en confiance, comme je l’ai fait en 1979, par exemple, en soutenant Simone Veil dans son combat en faveur de l’interruption volontaire de grossesse, l’IVG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Ma position ne se veut pas fermée à toute détresse et dans ma profession, croyez-moi, j’en ai rencontré.

La loi Leonetti de 2005 et l’article 37 du code de déontologie médicale, récemment complété, condamnent l’obstination déraisonnable et recommandent l’utilisation de tous les moyens nécessaires au soulagement des douleurs et à l’apaisement des angoisses terminales. Ces moyens existent et, s’ils ne sont pas mis en œuvre, c’est par méconnaissance des dispositions légales ou même manque de culture palliative. Ce n’est pas pour cette raison que, demain, il faut autoriser à tuer ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme d’autres viennent de l’exprimer, je fais le vœu que le débat qui nous réunit aujourd’hui soit le plus apaisé possible, que de part et d’autre on évite les anathèmes, les amalgames grossiers, les raccourcis dangereux, et que l’on considère tous les intervenants, dans la pluralité de leurs propos et de leurs convictions, pour ce qu’ils sont : des femmes et des hommes ayant des positions personnelles en la matière et souhaitant les défendre.

Je voudrais d’ailleurs, avant d’entrer dans le vif du sujet, remercier chacun des membres de mon groupe pour avoir, durant nos propres échanges, donné corps à ce principe. Je veux leur dire que, par respect pour celui qu’ils m’ont témoigné, je comprends leurs questionnements et leurs doutes.

À vous tous, mes chers collègues, ainsi qu’à celles et ceux qui suivent aujourd’hui nos débats – ils sont nombreux, j’en suis certain –, je dirai qu’en intervenant devant vous je me fais seulement le porte-parole d’hommes et de femmes partageant certaines convictions, et non celui d’un groupe ou d’un parti.

C’est la raison pour laquelle je me retrouve dans les interventions ou les prises de position de certains de mes collègues du groupe UMP ou de l’Union centriste, avec qui nous sommes très souvent en opposition dès lors qu’il s’agit d’économie, de fiscalité, de politique des territoires ou de droits sociaux.

Naturellement, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait rendu possible, et ce par une majorité importante de ses membres, l’examen de cette proposition de loi. Il s’agit d’un texte de consensus issu des trois propositions de loi initialement déposées, celle de M. Jean-Pierre Godefroy et d’une partie des membres du groupe socialiste, celle de M. Alain Fouché et celle que j’ai moi-même déposée, avec mon ami François Autain et quelque dix-huit autres membres du groupe CRC-SPG.

L’adoption par la commission des affaires sociales de la proposition de loi que nous sommes appelés à examiner ce soir ainsi que le débat qui va suivre ne marqueront pas la victoire d’un camp sur un autre. Si nous avons été nombreux à nous réjouir du sort que la commission a réservé aux textes que nous avions déposés, c’est parce que, d’une part, la commission n’a pas entravé par son vote le droit des parlementaires à légiférer et que, d’autre part, elle a permis que soit abordé en séance publique un sujet aussi important pour chacun d’entre nous, quelle que soit notre position.

Mes chers collègues, c’est en républicain, en laïc et en citoyen que je m’exprime devant vous pour défendre cette proposition visant à inscrire dans la loi la possibilité pour celles et ceux de nos concitoyens qui, « en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, [leur] infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou [qu’ils jugeraient] insupportable » voudraient, en pleine connaissance de cause, bénéficier dans des conditions très particulières, précises et encadrées d’une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort sans douleur et plus rapide que celle qui peut survenir naturellement.

Je veux m’en expliquer, d’abord en républicain.

Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je suis attaché à notre République. Cet attachement est fondé sur un double pilier : d’une part, l’état de droit et, d’autre part, les principes propres à notre République, qui sont inscrits aux frontons de nos écoles et de nos mairies : liberté, égalité, fraternité.

Mon engagement en tant que militant politique et qui se poursuit aujourd’hui au Sénat a toujours été, et demeure, celui d’une œuvre législative respectant nos concitoyens et, devrais-je même dire, les plaçant au cœur de notre politique, au-delà de tout autre intérêt, fût-il commercial, économique ou politique. L’État de droit n’a de sens pour moi que si les lois servent à l’émancipation des femmes et des hommes, une émancipation qui n’est naturellement pas étrangère à la notion d’égalité.

Or plus personne ne l’ignore aujourd’hui, malgré les volontés affichées ou les déclarations péremptoires de certains, nous ne sommes pas égaux devant la mort, que celle-ci survienne naturellement ou qu’elle soit choisie. Car celles et ceux qui font, en pleine connaissance de cause, le choix de mettre médicalement un terme à leur vie et qui disposent tout à la fois des informations et des moyens financiers nécessaires peuvent s’offrir une mort choisie dans l’un des pays voisins du nôtre l’autorisant. L’expression « pouvoir s’offrir une mort choisie », je le sais, vous interpelle. Mais les témoignages multiples, médiatisés ou plus confidentiels l’attestent : il y a aujourd’hui, d’un côté, ceux qui disposent des possibilités techniques et matérielles de choisir une mort digne et rapide et, de l’autre, ceux qui, plus démunis, ne disposent pas de cette possibilité.

Pour ceux-là, le droit à une mort choisie s’apparente plus à un bricolage, composé d’attentes, de renoncements, de craintes ou de solutions violentes.

Ce n’est pas sans nous rappeler la situation que supportaient les femmes avant l’adoption – et dans les conditions que l’on connaît – de la loi du 17 janvier 1975 légalisant l’avortement, dite loi Veil, du nom de la ministre qui la défendit courageusement. Souvenons-nous qu’avant cette date l’avortement clandestin n’était pas sans risque. Ceux qui les réalisaient encouraient la peine capitale, et tout le monde se souvient du sort terrible qui fut réservé à Marie-Louise Giraud, jugée coupable d’avoir réalisé plusieurs avortements et qui fut décapitée en 1943. Les femmes prenaient de leur côté d’importants risques sanitaires et les décès post-avortement étaient nombreux.

Soixante-huit ans plus tard, d’importantes similitudes subsistent entre les deux situations. Même s’il est rare que les personnes qui optent pour une mort volontaire n’y parviennent pas, à quel prix le font-elles ? Elles le payent parfois d’une souffrance physique importante et souvent d’une souffrance morale que l’on a du mal à mesurer. Cette souffrance repose beaucoup sur le sentiment des personnes voulant être accompagnées dans une mort qu’elles ont choisie de réaliser un acte mal perçu par notre société, un acte si abominable aux yeux des autres et de la loi qu’il est réalisé dans la clandestinité et le secret et demeure interdit au point que ceux qui assistent les personnes désirant mourir encourent une peine criminelle pour assassinat.

C’est en laïc ensuite que je défendrai cette proposition de loi.

Bien évidemment, tous ceux qui s’opposent aujourd’hui à ce que soit légalisée l’assistance médicalisée à mourir ne le font pas sur des fondements religieux. À l’inverse, je sais pertinemment qu’il existe des croyants parmi ceux qui plaident en faveur d’une telle évolution législative. Mais je reconnais aussi parmi les associations qui s’opposent vigoureusement au droit à mourir dans la dignité les mêmes associations « pro vie » – comme si nous étions, de notre côté, des défenseurs de la mort – qui s’opposent au droit à l’avortement.

Ce sont, pour l’aide active à mourir comme pour l’avortement, les mêmes discours, selon lesquels ce serait nuire à la dignité humaine que de décider du moment de sa mort, une mort qui par nature ne peut être naturelle et que les femmes et les hommes ne pourraient que subir. Pour les tenants de ces discours, les êtres humains sont en quelque sorte extérieurs à leur mort, qui ne peut être programmée que par celui qu’ils vénèrent.

Entendant ces discours, je ne peux que me dire que notre pays, paradoxalement Terre des lumières après avoir été fille aînée de l’Église, a tout à gagner à ce que notre débat soit assis sur un principe simple : le corps des hommes n’appartient à aucune autre entité que l’homme lui-même, dans le respect des règles propres à garantir des protections collectives.

Mme Odette Terrade applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Une propriété associée au principe d’inaliénabilité du corps humain qui, à juste raison, prévoit que si l’on peut décider en droit du sort que l’on veut réserver à son propre corps on ne peut pour autant, au nom d’un principe légitime de protection des droits collectifs, décider d’en faire commerce. Le corps de chacun est ainsi exclusivement partagé entre la volonté individuelle et les droits collectifs.

Cette question de la propriété abordée ici n’a pas pour objet de souligner certaines divergences. Elle nous renvoie toutefois à une autre question selon moi incontournable : « la législation relative à la vie doit-elle imposer une règle générale qui est bonne par définition ou bien doit-elle intégrer l’idée d’exception ? ».

À cette question, c’est en citoyen ou plutôt, devrais-je dire, en homme libre que je veux répondre.

Cette proposition de loi ne tend pas à faire de l’assistance médicalisée à mourir la seule mort possible. Elle ne tend pas à la généraliser ou à l’imposer à toutes et à tous. Elle n’a pour objectif que de permettre à celles et ceux qui le souhaitent de partir dignement. C’est-à-dire de partir avant que la souffrance physique ou psychique ne soit trop forte, avant que la maladie et les dégradations qui l’accompagnent l’emportent sur l’humanité.

Il s’agit, comme le précise le journaliste et écrivain François de Closets, « d’offrir et non pas d’imposer un recours contre cette mauvaise mort. Non pas en prenant en charge les destins individuels, mais en permettant aux volontés de chacun de s’exprimer et d’être respectées ».

Certains y verront une œuvre libérale, au sens philosophique du terme. J’y vois personnellement une réponse humaniste et solidaire face à une situation que l’écrivain Viviane Forestier a parfaitement décrite en ces termes : « Être devenu un lieu terrible pour soi-même, un enfer, une prison. Y être maintenu de force, enfermé sans espoir, alors qu’il serait possible d’en soustraire ceux qui le demandent, ceux qui en font le choix, tel est le sort auquel sont condamnés beaucoup de vivants ».

Mes chers collègues, le XXe siècle a été, en termes de droits individuels, de conquête des droits de l’homme sur lui-même, marqué par la reconnaissance – ô combien légitime – du droit des femmes à s’approprier leur avenir en décidant, avec les méthodes modernes de contraception, le moment qu’elles estiment opportun pour donner la vie. Le XXe siècle leur a également permis de refuser une maternité qu’elle ne voulait pas.

C’est dans cette continuité que s’inscrit la présente proposition de loi, à l’instar de la loi légalisant l’avortement, qui ne contraint personne à avorter mais qui élargit simplement le champ des libertés individuelles. Aucun médecin ne sera contraint de pratiquer un tel acte, soit parce qu’il transmettra le dossier de son patient à un confrère, soit parce que le patient pourra accomplir le geste salvateur lui-même dans un acte de suicide assisté. Cette proposition de loi donne la possibilité à celles et ceux qui le souhaitent, par goût de la vie, de la quitter sereinement.

Véronique Neiertz, ancienne secrétaire d’État aux droits des femmes, le dit avec ces mots, sobres et généreux : « C’est le droit de disposer de son corps sans avoir de permission à demander à personne et sans que cela puisse entraîner de sanction pour quelque soignant que ce soit. »

Mes chers collègues, je sais que cette proposition de loi peut susciter en vous nombre d’interrogations voire d’inquiétudes, mais, je le crois, l’examen des articles qui la constituent sera de nature à lever vos craintes tant ils sont protecteurs.

Pour conclure, je voudrais vous dire qu’il ne faut pas chercher à opposer sur ce sujet nos concitoyens. En l’état actuel de sa rédaction, la proposition de loi permet, pour reprendre les mots de Louis Bériot, que soit respectée l’idée selon laquelle la conception de l’existence ne doit pas être exclusive et que celles et ceux qui veulent choisir librement le moment de leur mort ne soient pas excommuniés.

Je vous rappelle que dans notre législation l’assistance au suicide reste pénalisée, par le biais soit de la non-assistance à personne en danger, soit de la fourniture d’un produit vénéneux. Le corps de Chantal Sébire a dû subir une autopsie et une enquête a été diligentée pour savoir qui lui avait fourni le produit.

Cette proposition de loi ne repose pas sur un projet de société. C’est en revanche un important débat dans notre société, et la différence n’est pas mince. Il ne s’agit pas de dessiner un modèle unique reposant sur un refus des soins palliatifs. Ceux-ci sont naturellement incontournables et nous n’imaginons pas – cette proposition de loi le prévoit clairement – qu’il puisse être satisfait à la demande d’un patient de disposer d’une assistance médicalisée à mourir sans que lui soient auparavant proposées des thérapeutiques destinées à éviter les souffrances.

Mais s’agissant de celles et ceux pour qui les soins palliatifs ne sont pas suffisants ou sont sans effet sur des douleurs plus lourdes encore que celles qu’ils ressentent dans leur chair – je pense aux douleurs psychiques –, il faut avoir le courage de les laisser partir, comme ils le souhaitent, comme ils le demandent.

S’agissant de celles et ceux pour qui, actuellement, la fin de vie passe d’abord par un refus de soins, puis un refus d’alimentation et d’hydratation, ce que l’on appelle la sédation, et qui s’accompagne d’interminables souffrances, d’une lente agonie, de l’attente pesante d’une libération tant espérée, il est de notre responsabilité, parce que nous souffrons quand les autres souffrent, de les aider à partir. Nous devons faire preuve du même courage que celles et ceux qui demandent à quitter cette vie en reconnaissant avec eux que « le prolongement de cette vie n’est pas une fin en soi et qu’il est honorable de savoir y mettre un terme ».

Pour toutes ces raisons, je vous invite avec conviction, avec courage et avec émotion à voter en faveur de cette proposition de loi qui, venant s’inscrire dans la continuité des lois réaffirmant les droits des patients et plus légalement les droits individuels, constitue une réponse, parmi d’autres, à celles et ceux qui souffrent.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat montre une nouvelle fois son ouverture sur des questions de société qui mobilisent l’intérêt d’un grand nombre de Français, tous clivages confondus.

Aussi, je suis heureux en tant qu’auteur d’une proposition de loi déposée sur ce sujet voilà plus de deux ans de contribuer à ce débat. Ce n’est pas sans déchirement que le chrétien que je suis est parvenu, après une longue et mûre réflexion, à admettre la nécessité de légiférer sur une matière aussi sensible.

Lorsque je pense à cette phrase adressée par Vincent Humbert au Président de la République : « je vous demande le droit de mourir », je ne peux rester indifférent à sa souffrance, à sa volonté et à sa dignité. Ne pas répondre à cette demande revient à mettre à l’écart ces personnes atteintes de maux atroces et à les forcer à agir seules, en catimini, dans l’illégalité.

Est-ce là la place que nous voulons pour ces personnes ? Je ne le souhaite pas comme nombre de Français qui sont favorables à la légalisation de l’aide active à mourir dans les cas de pathologies graves et avancées.

Légaliser, c’est donner à ces personnes toute leur place dans la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Sommes-nous en train de nous arroger le droit de mettre fin à la vie d’une personne ? Ce n’est nullement ma conviction.

Tout comme les pères de l’Église – saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin et d’autres – ont, avec le concept de guerre juste, tenté de limiter les conséquences d’un fléau pourtant ardemment combattu par l’Église – « tu ne tueras point » –, cette proposition de loi ne vise qu’à mettre un terme, dans des conditions très strictes, très limitées et très encadrées par le droit et la morale, aux souffrances indicibles endurées par des personnes qui n’ont plus aucun espoir de guérison.

Ne rien faire, mes chers collègues, c’est abandonner le problème à des initiatives personnelles, clandestines, sans débat et sans contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

En France, il est estimé qu’environ 15 000 actes par an ont pour objectif d’abréger les souffrances d’un malade ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

… selon une étude publiée dans un magazine de santé, 50 % des décès dans les services de réanimation sont le fait d’un arrêt du traitement sans l’avis du médecin traitant ni de la personne concernée.

C’est pourquoi nous devons créer un cadre légal à cette pratique, afin d’en limiter les abus.

Je tiens à préciser à ceux qui sont en désaccord et qui agitent contre la dépénalisation le danger d’un accroissement des dérives que toute loi comprend un risque d’abus. Mais n’est-il pas préférable de fixer des règles plutôt qu’ignorer la réalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Aussi, ne pensez-vous pas qu’il est temps de sortir du flou juridique qui entoure la question ? C’est notre rôle de parlementaire que d’assurer la sécurité juridique ! Le droit en vigueur est souvent inadapté ; ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les nombreuses décisions judiciaires contradictoires dans ce domaine qui le montrent.

Le constat est simple : le dispositif actuellement en vigueur a ses limites.

La loi Leonetti de 2005 a été une avancée majeure dans le domaine de la fin de vie, notamment pour les soins palliatifs. Cependant, même si ce texte inscrit dans notre arsenal juridique l’arrêt de la vie, il ne permet pas à une personne de décider de mourir au moment où elle le souhaite et selon ses volontés.

C’est le sens de la proposition de loi soumise à notre examen ce soir.

J’entends bien ceux qui ne veulent pas légaliser l’aide active à mourir ; cependant, mes chers collègues, le pas a déjà été franchi. La législation de 2005 envisage déjà de hâter la mort puisqu’un patient en phase terminale peut bénéficier, sur la seule décision de son médecin, de la sédation profonde ou du double effet de la morphine.

Le présent texte va plus loin : la personne peut choisir elle-même une assistance médicalisée pour une mort rapide et sans douleur lorsque son état médical révèle un mal grave et incurable dont l’avancement est tel qu’il lui inflige une souffrance physique ou psychique insupportable.

Néanmoins, il n’est pas envisageable de permettre cette pratique sans la contrôler. Dès lors, il est prévu que la demande du patient soit soumise à l’expertise d’un collège de médecins, qui inclut le médecin traitant si celui-ci souhaite prendre part à la procédure.

Le texte prévoit que tout médecin a la possibilité de demander à un autre confrère de se prononcer. Les médecins seront chargés de vérifier le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande du patient.

Dans les cas où la personne n’est pas en état d’exprimer sa volonté, la proposition de loi rappelle évidemment l’existence des directives anticipées créées par la loi Leonetti.

Ainsi, le geste d’apaisement sera issu d’une volonté intime, réitérée et lucide, contrôlée par le corps médical et sera accompagné par une personne de confiance.

Enfin, ce texte inscrit explicitement l’obligation du médecin d’informer le patient sur les diverses possibilités de soins palliatifs. Cette information est essentielle, monsieur le ministre, car la loi de 2005 reste bien trop souvent méconnue et, malheureusement, seuls 15 % à 20 % des malades peuvent accéder à ces soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Cette proposition de loi a déjà l’avantage d’avoir fait comprendre au Gouvernement qu’il fallait faire mieux en matière de soins palliatifs. En moyenne, il n’y a que 9, 5 lits pour 100 000 habitants ; un chiffre qui ne nécessite aucun commentaire.

Quel que soit le choix de la personne, il s’agit de bien faire comprendre à cette dernière, ainsi qu’à son entourage, les différentes démarches thérapeutiques qui s’offrent à elle.

Et pour que l’accompagnement soit le meilleur possible, il faut indéniablement que cette légalisation soit conduite en étroite liaison avec une politique en faveur d’un accès universel aux soins palliatifs.

Arrêtons de mettre en concurrence légalisation de l’aide active à mourir et soins palliatifs ! Un récent rapport montre que la dépénalisation en Belgique n’a pas entraîné de diminution des demandes de soins palliatifs.

À l’heure actuelle, on ne peut malheureusement pas apaiser toutes les souffrances, qu’elles soient physiques, psychiques ou psychologiques.

Certains patients ne souhaitent pas entamer un parcours de soins palliatifs jusqu’à ce que la maladie ait raison d’eux. Ils n’ont tout simplement pas envie d’assister au spectacle de leur propre déchéance et préfèrent être maître de leur fin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

M. Alain Fouché. C’est pourquoi – et je conclurai sur ce point – le législateur doit croire en son travail en votant cette proposition de loi qui encadre et protège tout en permettant l’égalité de nos concitoyens face à un tel droit.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat que nous avons ce soir porte sur la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir, et non sur l’euthanasie. Il ne s’agit pas de donner la mort, il s’agit d’accompagner une mort choisie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Ce n’est pas la première fois que le Parlement français débat en séance publique de ce sujet, qui est particulièrement sensible et douloureux. La dernière fois, c’était en novembre 2009 à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité, déposée par notre collègue député et président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault.

Cependant, le débat que nous menons ce soir au Sénat est inédit ; il est historique.

En effet, jusqu’à présent, jamais des parlementaires de sensibilités politiques différentes n’avaient réussi à porter une initiative commune sur ce sujet délicat ; c’est pourtant ce qu’ont fait nos collègues Guy Fischer, Alain Fouché et Jean-Pierre Godefroy en déposant chacun une proposition de loi légalisant l’aide active à mourir.

Je tiens à saluer leur initiative ainsi que leur très fort engagement personnel sur le sujet difficile de la fin de vie.

Le texte dont nous allons débattre est une synthèse de ces trois propositions de loi.

La problématique de l’aide médicalisée à mourir est tout à la fois philosophique, éthique et médicale. Elle peut aussi, pour certains d’entre nous, – l’orateur qui m’a précédé l’a mentionné – relever de convictions religieuses, et je respecte ces dernières.

Toutefois, personnellement, je considère qu’il s’agit avant tout d’une problématique politique au sens noble du terme et qui ne doit pas être caricaturée.

L’assistance médicalisée à mourir est une question de société. Et au même titre que la société, elle est un sujet qui évolue, mûrit et doit se concrétiser.

Apporter des réponses à la question du choix de sa propre mort – car c’est bien de cela qu’il s’agit – et à la question de la souffrance, c’est dire vers quelle société nous souhaitons aller.

Voilà plus d’une trentaine d’années que ces questions trouvent écho dans notre société.

Au sein de cet hémicycle, nous croyons tous à l’importance du législateur et en particulier à la fonction du Sénat : voilà bien un sujet sur lequel notre Haute Assemblée doit s’honorer de débattre, et ce dans le plus profond respect des opinions de chacun.

C’est d’ailleurs l’esprit qui a présidé aux travaux de la commission des affaires sociales sous la présidence de Muguette Dini.

Je regrette simplement l’heure tardive à laquelle ce texte majeur est examiné.

Léon Blum a écrit : « L’homme libre est celui qui n’a pas peur d’aller jusqu’au bout de sa pensée. » C’est ce à quoi le texte qui nous est soumis nous invite.

Chaque année, en France, plusieurs milliers de malades se trouvent dans la situation extrême qui est envisagée dans la présente proposition de loi.

Certes, des progrès ont été réalisés dans l’accompagnement de la fin de vie. Les traitements anti-douleurs, les soins palliatifs, l’arrêt de l’acharnement thérapeutique autorisé par la loi de 2005 apportent des solutions dans de nombreux cas.

Pour autant, l’accès aux soins palliatifs est loin d’être universel. Seuls 20% de ceux qui en auraient besoin en bénéficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Mes chers collègues, force est de constater que la loi Leonetti présente des insuffisances et des limites.

En effet, les contours de la notion d’acharnement thérapeutique sont flous et complexes à évaluer.

Il demeure ainsi des centaines d’hommes et de femmes pour lesquels il n’existe réellement aucune solution, soit parce que leurs douleurs physiques ne peuvent pas être soulagées, soit parce que leur souffrance psychique ne peut pas être levée.

Par conséquent, la loi de 2005 ne peut être considérée comme suffisante et satisfaisante : ni par les patients, ni par les familles, ni par le corps médical.

La politique du « laisser mourir » est intolérable.

Mes chers collègues, ces dernières années, un certain nombre de témoignages particulièrement émouvants et douloureux m’ont conduit à m’interroger sur la fin de vie. Je pense notamment aux cas de Vincent Humbert ou Chantal Sébire. Je pense à leur famille, aux médecins qui les ont soignés.

Que traduisent tous ces témoignages ?

Tout d’abord, une grande détresse et une certaine culpabilité face à l’impuissance à soulager les souffrances d’un être cher.

Et, face à une telle épreuve, l’honnêteté doit nous conduire à reconnaître que tous les malades ne sont pas égaux. Une infime partie d’entre eux, ceux qui en ont les moyens financiers

Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. … trouvent à l’étranger – en Belgique ou en Suisse – une solution qui est alors légale.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Les autres dépendent de la décision prise par les soignants de tel ou tel établissement, décision intervenant souvent en dehors de tout cadre légal, les souffrances étant abrégées sans que le malade lui-même ou sa famille se prononcent. Quelle belle hypocrisie !

Mme Gisèle Printz applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Ces témoignages, ces échanges d’expériences poignants mettent en exergue un constat indéniable : la situation actuelle ne peut perdurer.

Je partage les propos de Nicolas Sarkozy qui, devant ses comités de soutien, en février 2007, c’est-à-dire postérieurement au vote de la loi Leonetti, déclarait : « on ne peut pas rester les bras ballants face à la souffrance d’un de nos compatriotes qui appelle à ce que ça se termine, tout simplement parce qu’il n’en peut plus ».

Alors, que prévoit le texte que nous examinons ce soir ?

Tout d’abord, il place – enfin ! – le patient au cœur du processus décisionnel.

En effet, la principale disposition est la reconnaissance du droit à demander une assistance médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable infligeant une souffrance physique ou psychique qu’elles jugent insupportable. J’insiste : nous parlons de personnes en véritable souffrance.

Les conditions d’acceptation d’une telle demande sont clairement encadrées : en plus du médecin traitant, deux autres praticiens sans rapport avec le patient sont appelés à examiner le cas afin d’évaluer les recours médicaux et de s’assurer du caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande, demande qui peut d’ailleurs être révoquée à tout moment.

Il est aussi prévu la possibilité pour toute personne de rédiger des directives anticipées concernant la fin de sa vie au cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté.

Les médecins pourront faire jouer leur clause de conscience et refuser de participer à une telle procédure.

On le voit, le dispositif retenu offre toutes les garanties de transparence et de contrôle, je tiens à le réaffirmer avec force.

Mes chers collègues, la question qui se pose à nous est donc bien la suivante : ou bien nous continuons de fermer les yeux et nous acceptons hypocritement que de nombreuses euthanasies soient pratiquées sans règle ni contrôle ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… ou bien nous optons pour le choix d’une fin de vie encadrée par des règles définies et précises qui constituent une protection pour le malade et pour le corps médical.

Ne laissons pas ce dernier seul avec le poids d’une telle responsabilité et les tourments qui peuvent s’ensuivre.

Le choix est donc non pas entre une situation satisfaisante aujourd’hui et une législation dangereuse demain, mais entre une situation confuse et hypocrite aujourd’hui et l’adoption pour l’avenir de règles respectueuses de notre devise républicaine : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Ayant fait moi-même ce cheminement intellectuel qui, je le reconnais, bouleverse mes convictions, j’ai choisi de soutenir cette proposition de loi.

Il m’est apparu urgent de décriminaliser l’aide médicale à mourir afin de protéger à la fois le médecin qui pose l’acte, la personne qui en fait la demande et qui en est le bénéficiaire ainsi que les membres de son entourage.

C’est parce que la vie est précieuse que nous avons le devoir de la respecter jusqu’à son terme, y compris dans la décision de chacun d’en choisir la fin.

Certains nous objectent que la société n’est pas prête et que les sondages vont à l’encontre du présent texte. Cependant, plus de 80 % des Français se déclarent régulièrement favorables à une loi républicaine.

D’ailleurs, depuis dix ans, nos voisins belges et hollandais appliquent une telle législation et personne n’en demande l’abrogation.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Il ne s’agit pas de disposer de la mort d’autrui ; il s’agit, et je citerai André Gide, de « penser la mort pour mieux aimer la vie ».

Faut-il l’aimer envers et contre tout, cette vie ? Je ne le crois pas forcément.

Ces éléments de réflexion me conduisent par conséquent à me prononcer, comme la très grande majorité du groupe socialiste, en faveur de l’assistance médicalisée à mourir.

Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’avoue que, comme beaucoup d’entre vous sans doute, j’ai longtemps hésité sur la position à prendre dans ce débat.

D’un côté, on ne peut pas être indifférent aux « appels au secours » que peuvent émettre des malades souffrant d’un mal qui provoque des douleurs insupportables et ne leur laisse aucun espoir d’amélioration. Leur vie est souvent un calvaire, et on ne peut que comprendre leur désir d’en finir. On se doit donc de répondre efficacement à leur souffrance.

D’un autre côté, et quelles que soient les précautions dont on s’entoure pour s’assurer qu’elle est réclamée en toute connaissance de cause et qu’elle procure une mort sans souffrance, la décision d’aider une personne à mourir aboutit à commettre consciemment un acte qui donne la mort, et c’est pourquoi je pense qu’il n’appartient pas au législateur de franchir le pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Comment, en effet, le législateur, qui, en 2007, a ajouté un article à la Constitution pour inscrire dans celle-ci que « nul ne peut être condamné à la peine de mort », s’interdisant ainsi de donner la mort aux criminels les plus abjects et les plus dangereux pour la société, pourrait-il accepter que l’on puisse donner la mort à un malade ?

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Il répondrait certainement à une attente, mais il ouvrirait surtout une terrible brèche.

Or je crois qu’il y a un principe absolu qui ne peut être transgressé, surtout dans une société en manque de repères comme la nôtre : nous ne pouvons pas inscrire dans la loi la possibilité pour l’homme d’ôter la vie à un autre homme.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Il ne s’agit pas de ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ayant dit cela, je suis bien conscient que laisser un malade subir une torture inutile et dégradante n’est pas plus acceptable, surtout s’il a lui-même demandé qu’on y mette fin et qu’il n’y a plus d’espoir.

C’est pour cela qu’il faut que nous nous donnions réellement les moyens de rendre applicable partout sur le territoire la loi Leonetti afin que les personnes malheureusement condamnées puissent mourir dans la dignité, sans souffrances inutiles et en bénéficiant vraiment des soins palliatifs indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

C’est comme cela, me semble-t-il, que notre société se grandira, sans renier un de ses principes fondateurs, le respect de la vie d’autrui, et en prenant réellement en compte les appels à l’aide de ceux qui souffrent et n’ont plus d’espoir.

Cela signifie que je ne suis pas pour en rester à ce statu quo où 20 % seulement des gens qui ont besoin de soins palliatifs y ont accès. Je suis au contraire pour que cesse une certaine « bonne conscience » liée au vote de la loi Leonetti et pour que l’on se donne les moyens d’imposer la mise en œuvre des dispositions de celle-ci.

C’est ce que nous attendons de vous, monsieur le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à féliciter Jean-Pierre Godefroy pour son excellent rapport et pour son courage.

Je remercie Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, d’avoir soutenu cette proposition de loi.

Pour commencer mon discours, je souhaite citer un passage du philosophe André Comte-Sponville sur les six raisons de légiférer sur l’aide active à mourir.

« Certes, c’est la vie qui vaut, mais elle vaut d’autant plus qu’elle est davantage libre. C’est en ce sens que le Comité consultatif national d’éthique a raison de parler d’une exception d’euthanasie. Qui dit exception dit règle. La règle, évidemment, c’est le respect de la vie humaine, mais respecter vraiment la vie humaine c’est aussi lui permettre de rester humaine jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort inclusivement. »

Depuis quelques années, le vif débat que suscite en France l’aide active à mourir témoigne du besoin de légiférer sur la question.

La proposition commune de loi qui nous est présentée aujourd’hui est une progression, que nous devons notamment à Vincent et Marie Humbert.

Elle s’inscrit dans le prolongement d’une suite d’avancées réelles qui ont eu lieu ces dernières années, notamment grâce à la loi de juin 1999 garantissant l’accès de tous aux soins palliatifs, à la loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades et, enfin, en 2005, à la loi Leonetti, dont l’objet est d’éviter l’acharnement thérapeutique en autorisant l’arrêt des traitements et de permettre au médecin de traiter la souffrance des malades.

Cependant, si la loi Leonetti a prévu un dispositif autorisant à mettre fin à l’alimentation artificielle, elle ne va pas assez loin et ne répond pas au vœu des personnes qui, tout en souhaitant mourir, ne veulent pas pour autant interrompre l’alimentation artificielle. Tel était le cas du jeune Vincent Humbert, qui souhaitait mettre un terme à une vie qui lui était devenue insupportable, mais ne voulait pas mourir de faim ou souffrir ; il souhaitait partir le jour et au moment où il l’avait décidé.

En l’état actuel des choses, la loi permet au patient qui déciderait de l’arrêt des traitements de se laisser mourir de faim, mais il est difficile d’accepter de laisser un patient mourir par arrêt des traitements – y compris par arrêt de l’alimentation – avec la possibilité d’une agonie qui dure un certain temps. Bien souvent, les malades ne veulent pas agoniser et perdre leur dignité.

Aujourd’hui, notre législation permet donc de « laisser mourir », mais interdit toujours que l’on provoque délibérément la mort, même à la demande du malade.

Si les soins palliatifs visent à soulager ou à atténuer la souffrance, on sait aujourd’hui qu’ils n’ont en aucun cas pour objet de prendre en compte la demande d’aide à mourir.

La proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir apporte une réponse aux personnes qui, comme l’était le jeune Vincent Humbert, sont confrontées à une situation médicale grave et sans issue.

Cependant, ne nous trompons pas de débat. Il ne s’agit pas ici de légaliser l’euthanasie pour tout le monde. Cette aide active à mourir ne concerne que des personnes qui sont dans une situation médicale grave et sans issue, dans de grandes souffrances, et qui souhaitent partir en en faisant la demande. Ces personnes font un choix. On parle bien ici de situations exceptionnelles.

Lorsqu’on est en phase terminale, la douleur physique ou psychologique est parfois insupportable. On peut alors vouloir ne plus vivre et donc réclamer une aide active à mourir, et non pas des soins palliatifs. La décision de répondre à cette demande est une responsabilité qui ne peut peser exclusivement ni sur les épaules des médecins, ni sur celles des proches des malades.

Faire une loi sur l’assistance médicalisée à mourir est la seule façon de contrôler efficacement cette assistance et de combattre d’éventuelles et réelles dérives. Réglementer, c’est éviter que des patients conscients ne soient euthanasiés sans qu’on leur demande leur avis. Nous devons reconnaître que l’euthanasie existe et est pratiquée de manière clandestine ; légiférons justement pour combattre ce genre de dérive et pour instaurer un certain nombre de contrôles.

Nous ne pouvons laisser aux médecins non plus qu’aux proches des malades le poids d’une telle responsabilité. La loi permettra d’assumer collectivement cette responsabilité afin que les médecins et les proches puissent ensuite supporter individuellement la charge qui leur revient.

De plus, la loi aura pour effet non pas la dépénalisation pure et simple de l’euthanasie mais la reconnaissance d’une exception d’euthanasie strictement encadrée par le code de la santé publique.

Je comprends, bien sûr, les inquiétudes des personnes qui ne sont pas favorables à ce texte, car nous sommes là face aux problèmes de la fin de vie et à une réflexion éthique complexe.

Cependant, la proposition de loi qui nous est présentée encadre l’assistance médicalisée pour mourir : le médecin sollicité par le malade doit en effet non seulement saisir deux confrères, mais il doit aussi proposer au patient les soins palliatifs disponibles comme alternative à sa décision. Le choix du patient reste en outre « révocable à tout moment ».

Chaque médecin aura la possibilité de refuser de fournir lui-même cette assistance, qui sera donc délivrée par des professionnels de santé volontaires, lesquels devront suivre « une formation sur les conditions de réalisation d’une assistance médicalisée pour mourir ».

Par ailleurs, la présente proposition de loi ne marque pas la fin du développement des soins palliatifs. Bien au contraire, ce texte confirme l’obligation de proposer à tous les malades l’accès aux soins palliatifs adaptés à leur situation.

Oui, accompagner la mort dans la dignité est un acte d’amour, qu’il s’agisse d’accompagner des personnes âgées atteintes de maladies dégénératives à l’évolution inexorable, des personnes, malheureusement jeunes parfois, foudroyées par des affections incurables ou encore des victimes d’accidents ayant entraîné des lésions irréversibles, empêchant tout espoir de retour à un minimum d’autonomie de vie.

On sait très bien qu’en France on pratique aujourd'hui des aides actives à mourir dans la clandestinité : bien que les évaluations soient difficiles à réaliser, on estime ainsi que le nombre d’euthanasies se situe entre 1 500 et 1 800 par an.

Pourquoi ne pas agir en toute transparence afin de ne plus être dans l’illégalité et ainsi accompagner le malade et son entourage avec une équipe médicale formée ? Une société ne doit pas vivre avec un décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue. Nous ne pouvons pas rester dans l’hypocrisie.

Enfin, j’insisterai sur l’importance de la vie. En effet, à tout moment la volonté de vivre doit l’emporter sur celle de mourir. Cependant, il peut arriver un moment où la volonté de mourir l’emporte sur l’intérêt de vivre parce que l’individu est parvenu aux limites du supportable. C’est à ce moment qu’il importe de prendre en compte la volonté du patient dans une situation médicale grave et sans issue et celle de sa famille.

Pour avoir travaillé en milieu hospitalier, je peux vous assurer que parfois, face à certaines détresses, quand tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable, la demande de délivrance devient un droit : elle doit être l’expression de notre dernière liberté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mes chers collègues, je veux, dans le bref temps de parole qui m’est imparti, à savoir deux minutes, dire pourquoi je ne voterai pas ce texte mais dire aussi que la fermeté de mes convictions sur ce sujet n’empêche absolument pas le profond respect que j’ai pour celles et ceux qui sont venus à cette tribune pour soutenir une position très différente de la mienne.

Certains ont parlé de la réponse que la mort donnée, la mort assistée pourrait constituer ; pour ma part, je crois qu’en aucun cas la mort donnée ne peut être, sur le plan éthique, une réponse.

Je pense en effet que l’euthanasie blesse irrémédiablement un principe fondateur extrêmement fort de notre société, celui du respect de la vie et de l’inviolabilité de celle-ci.

Sous-tendue par l’idée que mourir pourrait être un bien et vivre un mal, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. … elle contredit aussi le sens commun.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Sur le plan médical ensuite – vous y avez fait allusion, monsieur le ministre –, l’euthanasie ne peut pas être une option parmi d’autres parce que la nécessaire relation de confiance entre le médecin et son patient pourrait subir des conséquences dommageables incalculables.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Elle n’est pas davantage admissible sur le plan de la société. Pour tenir debout, mes chers collègues, une société doit en effet s’adosser sur des principes.

L’ordre juridique doit être unique et commun à tous, ce qui n’exclut ni la pluralité des croyances, ni la diversité des opinions, mais sommes-nous prêts à cette transgression radicale ?

Avons-nous envisagé l’intolérable, peut-être l’inhumaine pression sur ces êtres malades, en état de vulnérabilité, qui se considèrent comme une gêne pour leur entourage ? Si l’euthanasie était autorisée, ces personnes ne seraient-elles pas en effet amenées à considérer comme une évidence qu’il leur appartient de demander, pour soulager leur entourage, cette mort que vous souhaitez assistée ? Je ne crois pas que nous ayons considéré ce risque.

Enfin, sur le plan législatif, autoriser l’euthanasie serait un renoncement.

Le choix n’est pas entre la souffrance et la mort assistée, entre l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie : avec la loi Leonetti, la France a opté pour une législation avancée ; elle a choisi la voie de la sagesse et de l’équilibre. Nous n’avons pas à abdiquer devant la souffrance et nous n’avons pas non plus, dans la lutte contre la souffrance, à abdiquer nos valeurs.

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il vous revient à vous, monsieur le ministre, de nous sortir de ce dilemme en dotant notre pays des moyens nécessaires pour développer cette solution alternative que sont les soins palliatifs.

Applaudissements sur de nombreuses travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si c’est lié aux moyens qui peuvent être mis à disposition par le ministre, l’affaire est réglée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout d'abord, je remercie ceux qui ont permis cette discussion. Quels que soient les opinions défendues et le résultat du scrutin, le Parlement est pleinement dans son rôle, dans un grand débat de société.

Sénèque a écrit : « Y a-t-il plus cruel supplice que la mort ? Oui, la vie quand on veut mourir. » Ce dossier est pour beaucoup celui de la souffrance et de la détresse marquant la fin de la vie. Or, aujourd'hui, nous le savons tous ici, l’aide active à mourir existe dans les faits. Doit-elle être légalisée ? Tel est le débat qui nous anime.

Vie et mort sont indissociablement liées, et le passage de l’une vers l’autre est la grande question qui préoccupe l’homme depuis que son évolution l’a fait se lever, réfléchir et parler. La mythologie avait imaginé que la descente vers les Enfers se faisait en traversant des fleuves, dont le Styx, c'est-à-dire en passant d’une rive à l’autre.

Certains croient à une vie après la mort, d’autres non. Qu’il s’agisse d’une fin ou d’un commencement, chacun d’entre nous aspire à ce que ce moment puisse se dérouler dans la sérénité, pour soi et ses proches.

Les progrès considérables de la connaissance sur l’origine de l’univers comme sur celle de la vie n’ont pas répondu à toutes ces questions ; ils en ont fait apparaître de nouvelles et n’arrivent point à effacer tant de siècles d’obscurantisme.

Au travers des progrès scientifiques et techniques, notre société a subi davantage de bouleversements en un siècle qu’au cours de toutes les époques passées. De ce fait, les débats d’éthique et de bioéthique, relatifs à la procréation, à la santé et à la mort deviendront de plus en plus prégnants, d’autant qu’ils seront, dans la pratique, de plus en plus indifférents aux frontières des États. L’exemple de la Suisse montre d'ailleurs que nombreux sont ceux qui sont prêts à franchir les frontières pour aller au devant d’une mort assistée.

Parmi ces débats, celui qui porte sur l’aide active à mourir prend une acuité particulière, parce que la médecine a fait des progrès immenses, parce que la durée de la vie a augmenté considérablement – elle est passée de 27 ans au début du XIXe siècle à plus de 80 ans aujourd’hui –, parce que de plus en plus nombreux sont ceux qui vieillissent en subissant un effondrement de leurs qualités physiques et intellectuelles, parce que, aussi, de plus en plus, grande vieillesse va de pair avec grande solitude, eu égard à la distension accélérée des liens familiaux.

Ce débat n’est pas récent, mes chers collègues. La Haute Assemblée a déjà examiné en séance publique, le 7 mai 1980, une proposition de loi du sénateur Henri Caillavet relative au droit de vivre sa mort, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… avec un rapport du sénateur Jean Mézard.

Déjà, obligation d’information, consentement du malade par acte authentique et responsabilité médicale faisaient l’objet de propositions, finalement rejetées par le Sénat au motif que le problème posé relevait de l’éthique individuelle et médicale. En fait, il s’agissait alors d’abstention thérapeutique. Trente ans ont passé, et la loi Leonetti a constitué une avancée remarquable ; d'ailleurs, il conviendrait selon nous qu’elle soit mieux connue et qu’un bilan de son application soit réalisé.

Toutefois, ce dont il est question aujourd’hui ressortit à une problématique différente : c’est la reconnaissance d’un droit à l’aide active à mourir, déjà admis par plusieurs pays européens.

Nous comprenons les oppositions de principe, les réticences, les doutes suscités par ce texte. Fallait-il faire évoluer la loi Leonetti, une nouvelle loi est-elle en l’état justifiée ?

Pour nous, le serment d’Hippocrate a un sens, le respect de la vie tout autant. Mais quelle signification donner à cette dernière si l’on n’est pas maître de sa destinée, libre de décider pour soi et de choisir de ne pas aller au-delà de telle souffrance physique, de ne pas supporter telle déchéance inéluctable ?

C’est cette liberté fondamentale dont nous demandons la reconnaissance. Dans ce domaine, comme dans celui de la procréation ou de l’IVG, les dogmes religieux ou philosophiques ne sauraient s’imposer à la liberté individuelle. De la même façon, il ne serait pas admissible d’attenter à la liberté du médecin, ou de tout auxiliaire médical, de refuser son concours.

La liberté est indissociable de la validité du consentement, sachant que l’approche de la mort peut modifier ce dernier, comme il arrive qu’elle convertisse in fine un athée en un croyant. Ce consentement doit être explicite, incontestable, avec une personne « en phase avancée ou terminale d’une pathologie grave et incurable. »

Ce qui est en jeu à ce niveau, c’est l’importance de la mission d’information par le médecin sur la pathologie et sur les soins palliatifs, car l’articulation entre ces derniers et le droit à la mort assistée est primordiale.

La vraie liberté de choix impose une information loyale et complète. Nous ne pourrions accepter que la volonté d’anticiper la mort soit le fruit d’un moment de désespoir, ni qu’elle soit émise par une personne dont les facultés de jugement seraient altérées. Ce qui peut apparaître comme une procédure lourde est indispensable ; cet encadrement est nécessaire pour éviter ce que l’on appelle pudiquement les « dérives », qui existent d’ailleurs aujourd’hui en l’absence de cette loi. C’est d’autant plus indispensable que la mort assistée doit impérativement être l’exception et ne peut en aucun cas devenir la norme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mes chers collègues, je suis conscient des imperfections du texte qui nous est soumis. Je respecte profondément toutes les opinions, très diverses, qui s’expriment, y compris au sein de mon groupe. Si j’émets personnellement un vote favorable en privilégiant le principe de liberté de chacun de faire cesser sa propre vie, ce n’est pas sans qu’une part de moi-même freine cet élan dans un débat qui, sous diverses formes, est de tous les âges.

Aussi, mes chers collègues, conclurai-je comme j’ai commencé, en me référant au sage Sénèque dans ses Lettres à Lucilius : « Pour la vie, on a des comptes à rendre aux autres ; pour la mort, à soi-même. La meilleure mort : celle que l’on choisit. »

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes tous venus ici avec notre interrogation face à la dernière heure. Et non sans une certaine impudeur, je monte à cette tribune avec ce que j’ai vécu et ce que je n’ai pas vécu, avec mes convictions et mes certitudes, mais aussi avec mes doutes. Ce sont les unes et les autres que je voudrais partager avec vous en cet instant.

Ma première certitude est que, lorsque l’épreuve arrive, alors la belle assurance se fissure : ma conscience a peine à répondre en raison du refus de porter le fardeau au détriment de mon petit confort personnel.

Mes chers collègues, il m’est impossible aujourd’hui de jurer devant vous que cette demande d’aide active à mourir, je ne la formulerai en aucun cas pour moi-même ou pour un de mes proches lorsqu’une telle difficulté me concernera. §Du reste, pourquoi ne le ferai-je pas si la loi me l’autorise, si le droit-créance ainsi créé fait peser sur tous le devoir de le rendre effectif, déplaçant les interdits anthropologiques qui fondent notre société ?

Je sais également que le coma ou la maladie peuvent me rendre étrangère à moi-même ou me rendre étrangers ceux que j’accompagne à la fin de leur vie. Pour autant, l’enjeu, ici, c’est le rapport d’humanité, et plus encore de fraternité, qui doit subsister, même quand le malade n’est plus que l’ombre de lui-même. Comment puis-je rester le frère, la sœur en humanité de celui qui me dit ne plus être lui-même ou craindre de ne plus l’être ? Et pour qu’il soit présent à lui-même, doit-il aligner son existence sur mes propres critères de dignité ou, au contraire, dois-je réajuster le sens de mon existence pour percevoir ce qui, chez lui ou chez elle, reste fondamentalement humain ?

La dignité n’a-t-elle pas, plutôt, une dimension ontologique accordée à chaque homme dans sa singularité, comme l’a proclamé la Déclaration universelle des droits de l’homme ?

Affirmer le contraire ou juger de l’identité ou de l’humanité de l’autre à l’aune de critères médicaux, n’est-ce pas ouvrir la voie à une discrimination entre les êtres humains, qui toucherait avant tout les plus vulnérables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Mme Marie-Thérèse Hermange. Faudra-t-il voir se produire des phénomènes similaires à ceux que constate l’ordre des médecins allemands ? Celui-ci fait état de l’installation croissante en Allemagne de personnes âgées néerlandaises, qui craignent que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

À l’heure de la réduction de la dette et de la prise en charge financière de la dépendance, peut-on sincèrement consacrer un droit à l’aide active à mourir en pensant qu’il n’y aura pas de dérives ?

Ma troisième certitude est que prendre appui sur le principe de liberté individuelle, c’est articuler notre droit autour de la volonté du patient.

Toutefois, l’ouverture d’un droit objectif peut-elle répondre à la complexité des situations extrêmes de fin de vie et se fonder sur une volonté présentée comme inébranlable ? En effet, chacun sait, pour l’avoir vécu, que, en cet instant, on oscille en permanence entre le souci d’en finir et le désir de se battre, puisque la vie de l’homme est toujours entrebâillée par l’espérance. C’est d’ailleurs cette dernière qui est refusée au condamné à mort.

Légiférer, n’est-ce donc pas demander à la loi, générale par définition, de claquer la porte, de faire cesser, pour un autre, cet entrebâillement, cette capacité à dire : « Je veux vivre ». La question se pose d’autant plus que, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, cette autonomie de choix postule, paradoxalement, l’intermédiaire d’un autre pour se faire entendre.

Chers Alain Fouché et Jacques Mézard, pour moi la vie est un don, même si, mes chers collègues, je ne peux partager cette certitude avec chacun d’entre vous. En revanche, vous pouvez souscrire à ces propos de Robert Badinter, selon lesquels le droit à la vie est le premier des droits de l’homme, garanti non seulement par les textes onusiens et européens, mais aussi par notre Constitution, puisque, en abolissant la peine de mort, nous avons consacré le droit à la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Dès alors, celui que notre droit à mourir va désormais soustraire de la vie ne sera-t-il pas présent partout pour nous interroger sur nos contradictions juridiques ? Comment cette aide active à mourir s’articulera-t-elle avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement » ? Comment ce droit à mourir s’accordera-t-il avec la prohibition de la provocation au suicide, la poursuite de la non-assistance à personne en danger et de l’abus de faiblesse, ou encore avec le droit à la santé ?

J’ai aussi la certitude que, après le questionnement anthropologique et juridique, le médecin nous rappellera que ce texte va à l’encontre de la déontologie qui est la sienne, comme l’ont souligné plus de 8 000 praticiens : « Quels que soient les choix que notre société pourrait faire dans le futur, donner la mort ne relève en aucune façon de la compétence du médecin et […] nous […] n’assumerons pas ce rôle. » Comment en effet concilier ce nouveau devoir d’assistance médicalisée avec le serment d’Hippocrate et l’article R. 4127-38 du code de la santé publique qui impose au médecin de ne pas « provoquer délibérément la mort » ?

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

J’ai la certitude aussi que différentes autorités, notamment médicales, ainsi que celles et ceux qui m’ont fait l’honneur de me donner mandat pour siéger dans cette assemblée m’interrogeront : « Vous ai-je élue pour voter une loi donnant le droit à la mort ? Pourquoi ajouter encore aux textes existants ? Ne convient-il pas plutôt de faire appliquer la législation actuelle ? » C’est aussi pour pouvoir leur répondre que je ne voterai pas cette proposition de loi.

Je souhaite enfin remercier Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer et Alain Fouché de me donner la possibilité de dire, dans cette enceinte, qu’il n’y a pas de réponse simple et que nous sommes peut-être en train d’évoquer un des rares problèmes sur lesquels aucune loi n’aura jamais aucune prise.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Voilà ce que vous nous avez donné à vivre ce soir au travers de ce débat, et cela nous devons vous en remercier.

Si je partage vos interrogations, je n’adhère pas à la réponse que vous leur apportez.

Je fais ainsi écho à ceux que nous n’entendons pas. Je pense, par exemple, à Mme Pavageau, qu’au sein de cette assemblée, monsieur le président du Sénat, par l’intermédiaire de Monique Papon, vous avez décorée de la Légion d’honneur, pour son combat en faveur des personnes handicapées.

Cette femme, âgée de cinquante-cinq ans, tient les propos suivants : « Il y a vingt-six ans, en dix minutes, j’ai basculé de la parfaite santé à la dépendance totale. […] Je ne parle qu’avec difficulté. […] J’utilise l’ordinateur avec deux doigts. […] Il me faut avoir à tout moment la patience de mes impatiences. […] Il a pu m’arriver de souhaiter mourir, mais c’était pour entendre quelqu’un autour de moi me donner une raison de vivre. […] Si un jour je traverse une période de découragement intense, est-ce qu’on va m’euthanasier en rebaptisant cet acte “geste d’amour” ? »

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat débat aujourd'hui de l’opportunité de légaliser l’euthanasie. Je souhaite revenir avec vous sur deux notions invoquées par les auteurs de la proposition de loi : la dignité et la liberté.

En premier lieu, la dignité ne serait-elle vue qu’à travers le seul prisme du regard de l’autre et ne dépendrait-elle que de facteurs extérieurs tels que l’âge, la santé, la beauté ou encore la productivité ? À partir de quand estime-t-on une vie non digne d’être vécue ? Y a-t-il un seuil de déchéance à partir duquel une vie humaine serait qualifiée d’indigne ? Si oui, ce seuil serait-il objectif ou laissé à l’appréciation de chacun ?

Ne soyons pas dupes de la fausse compassion qui prévaut en la matière. Certes, les intentions des uns et des autres peuvent être sincères et la question qui nous occupe est pour le moins délicate.

Mais donner la possibilité à un malade de demander au médecin d’abréger ses jours, sous le prétexte qu’à partir d’un certain seuil sa vie serait devenue indigne, revient à inscrire dans la loi le caractère relatif de la dignité humaine.

Pour les partisans de l’euthanasie, il existe des situations où la dignité de la vie humaine peut être mise en doute, mesurable à l’aune de critères variables. Ainsi, certaines vies ou fins de vie, « dégradées » par la maladie, n’auraient plus vraiment de valeur, au point que, dans ces cas, le geste euthanasique constituerait un bien pour celui qui serait en train de perdre sa dignité et qui demande d’en finir.

On peut d’ailleurs se demander si l’entourage des malades et, au-delà, la société tout entière ne sont pas, pour une bonne part, responsables de l’image que chacun se forme de sa propre dignité.

C’est ce que dit Axel Kahn : « Une personne peut craindre de devenir indigne de l’image qu’elle a de la dignité. Mais je pense qu’elle a surtout peur de se voir comme indigne dans les yeux des autres ».

N’est-ce pas en raison de l’image de cette « indignité », dont nous voudrions être épargnés, que les grands malades et les mourants, victimes de la « déchéance », sont écartés de la scène publique ? Le statut du mourant n’est-il pas problématique dans nos sociétés ?

Si l’on ne peut nier, sur le plan psychologique, que le malade, voyant se flétrir son corps et ses facultés, puisse éprouver le « sentiment d’une dignité diminuée », on ne doit pas perdre de vue qu’au-delà de nos appréciations subjectives, le malade possède une dignité inhérente à son être même, fondée sur le seul fait d’appartenir au genre humain. La dignité est bien un principe intangible et indiscutable : par le seul fait qu’il existe, l’être humain a une dignité.

Le philosophe et ancien ministre Luc Ferry s’emporte contre ceux qui font de la dignité un attribut que l’on peut perdre : « L’idée même qu’un être humain puisse perdre sa dignité, parce qu’il serait faible, malade, vieux et par là dans une situation d’extrême dépendance, est une idée intolérable sur le plan éthique, à la limite des plus funestes doctrines des années trente ».

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Et de plaider pour « […] un discours de compréhension et d’assistance, pour ne pas dire d’amour […] ».

Il n’existe aucun droit sur les plans philosophique et juridique qui justifierait le fait d’être euthanasié au nom de la dignité.

N’est-ce pas également en raison de la portée du principe de dignité que la France s’apprête à rejeter avec fermeté la légalisation de la gestation pour autrui ? Même avec son consentement, la « mère porteuse » n’est pas libre de s’exiler de l’humanité et d’abdiquer sa dignité.

N’est-ce pas la première forme de respect que nous devons aux plus vulnérables ?

Poussant plus loin la réflexion, je me demande si l’on n’est pas saisi par la tentation de rejeter la condition humaine avec toute la part de déchéance qu’elle comporte inévitablement, surtout lors du grand âge.

Refuser de vieillir, cela peut être aussi refuser de vivre, puisque la vieillesse fait partie intégrante de la condition humaine.

Dès lors, je me demande si ce n’est pas notre regard sur la vieillesse qui ne serait pas assez pur. Dans une société qui valorise l’image et l’apparence, multiplie les crèmes antirides et les produits de beauté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

… ne devient-on pas esclave d’une image artificielle de l’homme que favorisent le show-biz et la publicité, au risque de rejeter l’évolution naturelle de l’espèce humaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Pourquoi refuse-t-on de vieillir aujourd’hui en France ? Et quel signal renvoie-t-on alors au monde de la vieillesse en dévalorisant ainsi un âge jugé indigne ?

En second lieu, je poursuivrai mon propos par une analyse de la notion de liberté, au cœur de la revendication des partisans de l’euthanasie.

La thèse avancée pour autoriser l’euthanasie consiste à dire qu’elle serait un droit fondamental de l’individu dès lors qu’elle est librement choisie par un adulte en pleine possession de ses facultés.

Nous pouvons émettre deux objections. D’abord, on oublie complètement que l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté ne sont pas, et ne seront jamais, le lieu d’exercice d’une liberté purement individuelle. En effet, comme le soulignent Luc Ferry et Axel Kahn, les promoteurs de l’euthanasie se focalisent sur la demande et les procédures garantissant le bien-fondé du consentement libre de la démarche du malade, oubliant l’autre moitié du contrat : la réponse qu’il faut apporter à cet appel.

Autrement dit, en faisant peser sur des tiers, en l’occurrence les médecins, l’obligation de rendre effectif un droit à mourir, on se trouve devant le paradoxe d’une liberté qui a besoin de l’autre et n’est finalement que l’expression de l’impuissance d’un individu qui a besoin de la puissance d’agir des autres pour être effective.

Ensuite, la seconde objection consiste à rappeler que la liberté revendiquée d’un malade qui souffre n’existe pas pleinement. La demande de mort n’est la plupart du temps que l’expression d’un appel désespéré, d’un appel au secours.

Je comprends d’ailleurs parfaitement l’angoisse d’un malade qui, en proie à une souffrance qu’il n’estime plus supportable, en vient à demander sa propre mort. Ne doit-on pas reformuler sa demande et estimer qu’il s’agit d’un cri de détresse devant une souffrance devenue insupportable ?

Je pense que, loin de devoir donner la mort, le rôle du médecin consiste à tenir compte du contexte de violence extrême dans lequel s’effectue cette demande, pour la reformuler ensuite en termes médicaux, par exemple, en une demande de soins palliatifs.

La vraie liberté serait celle de choisir entre la vie et la mort, en l’absence de toute contrainte liée aux circonstances de l’existence, qu’elles soient d’ordre physique, notamment en cas de maladie ou d’invalidité, ou psychologique et morale, en particulier dans les situations de deuil ou de rupture affective. Elle supposerait aussi de connaître parfaitement les termes du choix afin de se déterminer en toute connaissance de cause. Un tel choix est-il possible, mes chers collègues, à partir du moment où la mort reste pour nous la grande inconnue ?

Sans entrer dans un tel débat philosophique, j’attire votre attention sur l’imposture qui consiste à présenter l’euthanasie comme une liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Pour Axel Kahn, « la demande de mort émane toujours d’une personne pour qui la vie est devenue insupportable, et qui estime qu’elle n’a pas d’autre choix que de l’interrompre. »

C’est donc parce qu’il est indispensable de promouvoir la dignité inaliénable et absolue de toute personne humaine quels que soient son âge, sa vigueur et sa santé, et parce que, par ailleurs, l’euthanasie ne peut, à mon sens, constituer un choix libre et raisonnable que je voterai contre ce texte, qui tend selon moi à instaurer un permis légal de tuer, car la seule solution digne d’une société humaine comme la nôtre est le développement des soins palliatifs.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur de nombreuses travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « Ce n’est pas dans la légalité que les abus ont lieu, mais bel et bien dans l’illégalité ». C’est avec ces mots que Jean Huss, notre collègue député Vert luxembourgeois, a défendu la loi qui a permis au Grand-Duché de légaliser l’aide à mourir.

J’espère que nous suivrons aujourd’hui l’exemple de nos voisins du Benelux et je remercie mon collègue socialiste Jean-Pierre Godefroy, mon collègue du groupe CRC-SPG Guy Fischer et mon collègue de la majorité Alain Fouché d’avoir eu le courage d’ouvrir à nouveau ce débat.

Il existe aujourd’hui une absurdité dans notre code pénal : aucune distinction n’est faite entre la mort donnée par compassion à autrui, à sa demande, et l’assassinat, puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Le cas de Vincent Humbert a montré les lacunes de notre droit.

La responsabilité du décès ne doit pas incomber aux familles ou aux médecins. C’est à la personne en fin de vie de choisir. C’est un acte individuel fort. C’est le droit à disposer de soi-même.

Quand allons-nous reconnaître l’exercice du droit fondamental de chaque être humain sur sa propre vie ? L’opinion publique semble prête. Que fera cette nuit la représentation nationale ?

La majorité se repose sur la loi de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti ». Malheureusement, cette loi est trop souvent ignorée, mal connue et pas toujours appliquée. §Les médecins ne sont pas toujours correctement formés, les patients pas toujours bien informés et l’acharnement thérapeutique existe toujours.

Mais, surtout, cette loi est insuffisante, car elle laisse trop peu de place à l’autodétermination des patients. C’est à chaque malade de choisir : faire le choix de vivre encore ou de mettre un terme à ses douleurs, à sa souffrance. Ce n’est ni à l’entourage ni à l’équipe médicale de décider.

D’ailleurs, que peut faire l’équipe médicale ? Aujourd’hui, elle se cantonne à laisser mourir les malades, puisque l’on interdit au médecin d’aller au bout de son acte. On augmente les doses de morphine, on enlève les perfusions, mais, officiellement, on ne donne pas la mort. Quelle hypocrisie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La loi n’est donc pas adaptée, car elle ne satisfait pas celles et ceux qui arrivent en fin de vie ni leurs proches ni les soignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Alors que se passe-t-il ? Allons-nous laisser souffrir les malades qui demandent à mourir ? Allons-nous laisser les citoyens sans repère, quitte à ce que certains se retrouvent devant les tribunaux ? Allons-nous laisser les médecins enfreindre la loi encore longtemps ? Allons-nous laisser les magistrats face à ce vide juridique ? De toute façon, comment punir ceux qui ont aidé leurs proches ? Le procès de Marie Humbert s’est conclu par un non-lieu.

Cela fait trente ans que les Français attendent une loi. C’est aujourd’hui au législateur d’assumer sa responsabilité.

C’est tout de même étrange d’entendre certains dire aujourd’hui qu’il y a un vrai problème et qu’il faut y réfléchir encore. Une décision est à prendre, c’est tout !

Nous avons entendu ceux qui nous expliquent que si les personnes en fin de vie souffraient moins physiquement, il n’y aurait pas besoin d’assistance médicalisée pour mourir.

Ce sont deux questions différentes. D’un côté, il faut impérativement généraliser l’accès aux soins palliatifs, nous sommes tous d’accord sur ce point. Or, monsieur le ministre, à l’heure actuelle, ces soins ne sont accessibles qu’à 15 % ou 25 % de ceux qui en ont besoin. C’est vraiment très peu !

En revanche, d’un autre côté, la délivrance de la mort doit être également un choix, car les soins palliatifs et l’aide à mourir sont des choix complémentaires.

La douleur des personnes en fin de vie n’est pas tout. Elle s’accompagne parfois d’un désespoir lucide qui va au-delà de la douleur. Certaines personnes ne supportent pas l’idée de devenir complètement dépendantes et n’acceptent plus leur déchéance.

Il faut partir des réalités d’aujourd’hui : 70 % à 75 % des décès ont lieu à l’hôpital ou en maison de retraite, dans des conditions le plus souvent jugées inacceptables par les soignants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et seules 24 % des personnes qui meurent à l’hôpital sont accompagnées par leurs proches, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… soit plus de 75 % qui meurent dans la solitude.

Pourtant, que souhaitent la plupart de nos concitoyens ? Mourir chez eux sereinement, entourés de leurs proches à qui ils peuvent dire au revoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Prenons un exemple européen.

Cela fait dix ans que les Pays-Bas autorisent l’aide à mourir et la jurisprudence en tolérait la pratique depuis vingt ans. Il n’y a pas d’abus à déplorer. Dans ce pays, où l’aide médicalisée à mourir concerne 2 % des décès, et ce taux a tendance à légèrement diminuer, on meurt le plus souvent à domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

En France, 70 % des personnes meurent à l'hôpital !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mon souhait est que ce vœu profond de délivrance puisse également être accompagné et encadré en France. Car mourir dignement est un droit fondamental.

C’est à nous, parlementaires, de faire en sorte que l’État protège le pluralisme moral.

Les législations des États qui autorisent l’aide médicalisée à mourir n’obligent évidemment personne à demander ces interventions, mais elles n’interdisent pas non plus à certains citoyens d’y recourir et de vivre ainsi selon leurs convictions morales. Elles vont dans le sens du pluralisme moral, ce que la loi Leonetti ne permet pas aujourd’hui.

Ceux qui, pour des raisons éthiques ou religieuses, veulent lutter jusqu’au bout de leurs forces doivent considérer que d’autres peuvent faire un autre choix et accepter que la loi les y autorise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est donc une loi républicaine que nous avons la possibilité de consacrer aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est une loi de liberté, qui respecte la volonté du malade, mais aussi celle du médecin, qui peut accompagner ou ne pas accompagner vers la mort.

C’est une loi d’égalité, car les Français seront enfin égaux devant ce choix ultime. Il n’y aura plus ceux qui ont les moyens d’aller en Suisse et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est enfin une loi de fraternité, pour permettre aux malades et à leurs proches d’affronter le plus sereinement possible ces moments douloureux.

C’est pour ces raisons que les écologistes voteront pour ce progrès en faveur des libertés individuelles. Les sénatrices et les sénateurs Verts soutiennent la proposition de loi !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

… est du domaine de l’émotion.

Oui, j’ai eu honte pour le Sénat !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

C’est un appel à la sérénité du débat…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Voilà un texte militant dont nous montrerons les faiblesses. Sa dangerosité a pour seul mérite de renforcer nos convictions, d’inciter à la réflexion, à la recherche, à accorder les moyens nécessaires, par exemple aux unités de soins palliatifs, aux équipes mobiles, à l’hospitalisation à domicile et aux structures d’accueil.

Le tragique du débat est qu’il mobilise souvent les mêmes arguments contre la dépénalisation ou à l’appui de la légalisation. Il ne s’agit pas d’un débat éthique où nous pourrions cheminer non vers un consensus, mais dans la discussion, en échangeant des convictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Les positions sont contradictoires et irréversibles ; elles engagent la perception de la liberté. Être libre de décider du moment de sa mort, être libre du jugement que l’on porte sur soi-même et sur sa dignité, être libre de décider du seuil de la souffrance supportable : tout cela est un leurre.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Il n’a jamais vécu ce qu’il se passe à l'hôpital !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Tous font référence à des valeurs de solidarité, mais, ici, on rejette des contraintes collectives. L’affirmation d’une liberté individuelle à mourir nécessite pour les mêmes le recours au monde médical et à la loi afin de déresponsabiliser l’acte de mort. Il n’y a pas de liberté de choix de mourir, selon Axel Kahn, pour qui « la demande de mort émane toujours d’une personne pour qui la vie est devenue insupportable et qui estime qu’elle n’a pas d’autre choix que de l’interrompre ».

On ne retrouve plus affiché dans le présent texte le concept de dignité. Ce concept ouvre trop le débat, en particulier celui de l’indignité à définir, à identifier parmi nos semblables. Pour Jacques Ricot, « mourir dans la dignité signifie ici exactement le contraire de ce qu’on fait dire à l’expression, puisque, en provoquant la mort d’une personne dont on estime qu’elle a perdu sa dignité, on la conforte dans la dépréciation d’elle-même et l’on nie sa dignité ontologique ».

Légaliser, c’est s’engager vers un risque de pression morale sur les plus fragiles et les plus pauvres, c’est faire du médecin un décideur radical par son jugement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

… et un exécuteur de la sentence aboutissant à la division des professions de santé.

Nous devons nous en tenir aux textes législatifs en notre possession, en particulier à la loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti. Le principe de non-abandon retenu nécessite que l’on écoute, que l’on accompagne, que l’on soulage la personne en grande détresse devant la mort. Mais l’interdit doit rester. Tuer serait immoral pour certains et accordé à d’autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

La légalisation de l’euthanasie ne contribue en rien à la moralisation de l’acte de mort.

Prenons deux figures.

La femme à la rue, en grande souffrance, ne pouvant assumer une vie normale et dont les conditions d’existence ne lui permettent plus d’assumer son identité : que répondez-vous en cas de demande d’aide à mourir ?

L’étranger gravement malade, qui se verrait refuser son droit de séjour et demandant à en finir : est-ce au médecin de régler les conséquences de décisions politiques ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

L’euthanasie ou la possibilité de mort médicalement assistée est une menace pour les personnes fragilisées et dépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

L’image d’inutilité, de coût que s’inflige la personne vulnérable est accentuée par cette offre mortifère que lui donnerait la loi.

Ce texte me paraît d’autant plus injustifié qu’il est issu de personnes respectables, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

… avec lesquelles nous pouvons partager des valeurs. (M. Guy Fischer s’exclame.)

Il nous est proposé toute une organisation bureaucratique : commission, fichier, formation, exécutants. Nous sommes devant un texte « allégé », censé préparer le futur.

L’aide à mourir, relevant du code de la santé publique, pose déjà le problème de l’articulation avec des sanctions pénales pour provocation au suicide ou abus de faiblesse.

Nous entrerons, après d’inévitables dérapages, dans un système totalitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

M. Jean-Louis Lorrain. Et le politique, grâce à l’administration contrainte, soutenu par quelques intellectuels de haut rang, s’attaquera aux handicapés, aux déments, trop coûteux...

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ce sont ces propos-là qui font honte au Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Ce risque pose la question de l’exception. Les situations extrêmes – mais lesquelles ? – sont toujours extrêmes pour celui qui va mourir. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mes chers collègues, la parole est à M. Lorrain, et à lui seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Elles doivent être prises en considération – on n’abandonne pas un être en souffrance –, mais elles ne peuvent exiger la transgression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

L’évolution législative devrait permettre, selon Emmanuel Hirsch, « l’exonération de la culpabilité d’un acte transgressif. » Le « Tu ne tueras pas » de Levinas et des autres ne nous permet pas de balayer, même avec précaution, les impératifs kantiens et hippocratiques.

Cette proposition de loi est irrecevable et malsaine.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

M. Jean-Louis Lorrain. En voulant lier l’assistance médicalisée pour mourir aux soins palliatifs, les auteurs marquent leur préférence pour le meurtre compassionnel tout en invoquant la complémentarité.

Mme Brigitte Bout applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

M. Jean-Louis Lorrain. De ce fait, il n’y a aucun lien, ni philosophique, ni technique, ni médical, avec les soins palliatifs, qui relèvent de la sollicitude, de l’accompagnement et du non-abandon.

Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

J’aimerais souligner le rôle de l’Observatoire national de la fin de vie, présidé par le professeur Aubry : il est proposé de développer des connaissances sur la fin de vie, sur les pratiques du soin, d’apporter des données objectives fiables et de promouvoir la recherche. Dans ce registre, la Société française des soins palliatifs a en outre défini de bonnes pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

M. Jean-Louis Lorrain. Nous devons nous réapproprier notre mort, déléguée au milieu hospitalier, car nous avons médicalisé la vie : de l’assistance médicale à la procréation à l’assistance médicalisée à mourir, nous nous sommes dépossédés de notre existence, nous conduisant à invoquer le droit à la mort, qui ne correspond pas à un combat éthique.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG martèlent leurs pupitres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

L’euthanasie est pour certains un engagement politique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

M. Jean-Louis Lorrain.… mais il ne s’agit que d’acharnement à vouloir légiférer et à obtenir le droit à une injustifiable violence, celle du « faire mourir » ; il s’agit, selon le philosophe, de faire de la mise à mort un droit.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

L’eugénisme le plus sournois, monsieur le ministre chargé de la santé, est celui que l’on demande à soi-même. Il devient norme pour le politique totalitaire et ouvre la porte à la barbarie.

Avec le sage, nous pensons que nous devons tendre à vivre dignement, pour soi et pour les autres

Protestations continues sur les mêmes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

, même dans les situations extrêmes, dans la sollicitude et dans le non-abandon !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’avais compris qu’il ne s’agissait pas de jouer une nouvelle version de la querelle des Anciens et des Modernes, d’opposer les adeptes du progrès et les autres.

Je dois vous dire que nous sommes nombreux à avoir eu honte d’entendre les propos qui viennent d’être tenus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. J’estime que les paroles que nous venons d’entendre se situent à la limite de la dignité, à la limite de ce que nous sommes capables de supporter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Comme l’a écrit dans Le Monde notre Premier ministre, M. Fillon, « aucune conviction n’est indigne ».

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Toutes les convictions sont respectables.

Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En face d’une situation si complexe, il est légitime que le législateur s’interroge. Le sujet que nous abordons est suffisamment important pour éviter de nombreux écueils, du discours manichéen opposant le bien et le mal au débat caricatural.

Monsieur le ministre, permettez que nous nous mettions d’accord sur les termes : cette proposition de loi n’est pas un texte sur l’euthanasie. §Il ne faut pas détourner le débat.

Cette proposition de loi concerne l’accompagnement d’un malade en fin de vie, pour écourter ses souffrances, lui rendre sa dignité lorsque la pathologie est grave ou incurable. Ce n’est pas lui donner la mort, c’est le soulager : voilà la différence, et c’est bien cela qui est écrit dans l'article 1er de cette proposition de loi !

Une majorité de la commission des affaires sociales s’est retrouvée, la semaine dernière, autour d’un texte équilibré. Le Sénat peut en être fier. Ce soir, les sénateurs voteront en leur âme et conscience, comme ils l’entendent, peut-être en dehors des clivages politiques.

Monsieur le président du Sénat, c’est l’honneur de notre République et de la Haute Assemblée que ce débat ait lieu, ici même, quelle que soit l’issue du débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce type d’initiative témoigne vraiment de la vigueur du Parlement. Bien sûr, nous en sommes tous conscients, cette proposition de loi attise les passions. Mais le fait que le débat vive dans cette enceinte comme au sein de la société, qu’il soit sans cesse étayé et serein, comme nous l’espérions, est la marque d’une bonne démocratie.

Le monde qui nous entoure s’est toujours construit autour de grands débats, qui l’ont fait évoluer. En 1944, ce fut le droit de vote accordé aux femmes. En 1975, ce fut l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse. En 1981, ce fut l’abolition de la peine de mort. En 1999, ce fut l’adoption du pacte civil de solidarité.

Tous ces débats se sont déroulés avec beaucoup de force : ce fut une chance pour notre démocratie. En 1975 comme en 1981, il n’y avait pas une majorité de Français pour suivre les parlementaires dans leur vote. Il ne s’agit pas aujourd'hui de s’appuyer sur les sondages. Chacun peut, tour à tour, citer des enquêtes d’opinion en faveur de telle ou telle position. Ce qui compte, c’est la réalité de ces grands sujets de société qui sont débattus au Parlement.

Alors, oui, l’adoption de la loi Leonetti a constitué un pas en avant. Mais il nous semble que la loi peut encore évoluer, car elle n’est pas allée assez loin.

Le texte que la commission des affaires sociales a adopté mardi dernier n’est finalement ni plus ni moins qu’un texte juridique visant à prolonger la loi Leonetti et destiné à permettre aux personnes qui le souhaitent de finir leur vie dignement.

Il ne s’agit pas ici de répondre à la détresse de la famille du patient qui voudrait « que l’on en termine, que l’on arrête de s’acharner, que l’on aille plus vite » ; non, il s’agit de prendre en compte les souffrances du malade.

Ce que ce texte consacre, c’est non pas le droit de mourir dans la dignité exclusivement, mais le droit de choisir de mourir dans la dignité. Et il faut vraiment veiller ensemble à ne pas opposer les soins palliatifs et cette proposition de loi.

Oui, l’accès universel aux soins palliatifs est une priorité, une obligation humaniste. Et ce sujet fait aujourd’hui consensus.

Je veux d’ailleurs saluer les médecins, les infirmiers et infirmières, le personnel soignant et aide-soignant et tous les bénévoles qui se consacrent aux soins palliatifs. Ce sont des personnes absolument remarquables dont la vie est également difficile, car c’est à elles qu’il revient d’accompagner tous les jours celles et ceux dont nous parlons aujourd’hui.

Dans ce débat, il ne s’agit pas de compter le nombre des lits dévolus aux soins palliatifs dans les hôpitaux qui, si j’en crois ce que disait M. le ministre tout à l’heure, seraient en augmentation. Non ! Il faut aller plus loin parce que seulement 20 % des personnes incurables en fin de vie sont aujourd’hui en soins palliatifs. Il faut aller plus loin.

Ce texte vise à légiférer pour poser un cadre juridique à l’assistance médicalisée à mourir. C’est de cela qu’il s’agit ! Alors, monsieur le ministre, l’autonomie de la volonté, où se manifeste-t-elle le mieux, sinon dans la lettre de Vincent Humbert au Président de la République ? Voilà vraiment ce qu’est l’autonomie de la volonté !

La hauteur et la qualité des débats au Sénat doivent nous permettre, dans le respect des convictions de chacun, d’aborder ce débat sereinement et d’aller au bout.

Si cette loi était votée, il y aurait un cadre juridique – peut-être imparfait, mais du moins éviterait-il pour beaucoup l’hypocrisie que l’on constate aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Si cette loi était votée, elle permettrait tout simplement à ces personnes malades, à leur famille, d’accéder à la dignité.

Et non, chers collègues, on ne va pas, comme cela a été dit tout à l’heure, euthanasier les personnes en difficulté ! Là n’est pas la question. Pensons à ceux qui n’en peuvent plus, qui sont atteints d’une maladie incurable et souffrent le martyre, qui n’ont pas d’autre issue et pour lesquels les traitements dispensés dans les services de soins palliatifs ne suffisent pas parce qu’ils n’apaisent plus la douleur. Alors, oui, pensons à ceux-là et uniquement à ceux-là, protégés par des garde-fous et verrous destinés à éviter tout dérapage. Que les médecins s’expriment, qu’ils acceptent de participer ou qu’ils n’acceptent pas ! Que le malade puisse le dire, que la famille puisse également écrire !

Avec tous ces verrous, il n’y a pas de risque de déraper ! Il y a simplement la possibilité de réduire la souffrance et d’offrir, pour la fin de vie des malades incurables, une plus grande dignité.

Les convictions humanistes que les défenseurs de cette loi partagent, c’est que l’adoption de cette loi serait un pas supplémentaire vers la consécration du principe de dignité de la personne humaine. C’est, en tout cas, mon intime conviction.

Monsieur le ministre, vous disiez tout à l’heure que nous débattions dans l’émotion et la précipitation. Je veux le dire ici, nous voulons légiférer dans la dignité et en responsabilité !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré toute la considération et l’estime que j’ai pour Jean-Pierre Godefroy, notre rapporteur ce soir, je ne peux pas le suivre sur le chemin qu’il nous propose.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Je n’avais pas voté la loi Leonetti bien qu’elle ne fût pas sans mérite, considérant que ses faiblesses, notamment en ce qui concerne la ventilation, l’alimentation et l’hydratation des patients, pouvaient ouvrir la porte, par des modifications progressives, à des transgressions de plus en plus graves. Avec ces trois propositions de loi réunies en une seule maintenant, nous y sommes. Elles sont la reprise, à quelques mots près, du texte que l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, l’ADMD, avait présenté dès mars 2006.

La question de fond n’a pas changé. Par cette proposition, l’ADMD veut autoriser l’euthanasie, à savoir la possibilité de donner la mort à une tierce personne sous couvert d’une attitude compassionnelle, autrement dit, un permis de tuer.

Les auteurs de la proposition s’appuient sur l’émotion suscitée par certains cas largement médiatisés. En effet, qui n’a pas été touché par la situation de Vincent Humbert ou de Chantal Sébire ? Il y a cependant un oubli de taille dans ces deux cas : ni l’un ni l’autre n’étaient en fin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Notre législation n’accepte pas que l’on donne délibérément la mort, et cette position me paraît la seule raisonnable car, ce qui est en jeu, c’est le respect imprescriptible de la dignité de toute personne.

On sait où commence une transgression, mais, une fois celle-ci accomplie, toutes les barrières tombent et il n’y a plus d’obstacles pour interdire des transgressions de plus en plus grandes.

C’est ce que l’on constate dans les pays qui pratiquent l’euthanasie. En Belgique, elle a progressé de 250 % en cinq ans. Aux Pays-Bas, elle représente 2 % du total des décès, ce qui est considérable. La tendance est confirmée par l’installation croissante en Allemagne de personnes âgées néerlandaises, signalée par l’ordre des médecins allemand.

Certains, pour minimiser le problème, parlent d’exception d’euthanasie. C’est, pour moi, un concept fallacieux. En effet, l’euthanasie est ou n’est pas. Il n’y a pas de situation intermédiaire. On peut aussi jouer sur les mots en parlant d’une « euthanasie active » et d’une « euthanasie passive ». C’est tout aussi inexact. Le « laisser mourir » n’est pas assimilable à cette dernière.

Pour promouvoir la mise en place de l’autorisation de tuer, on invoque la liberté de chacun.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

La pensée ultralibérale prétend, en effet, conquérir des droits nouveaux pour mieux asservir l’homme. Mais, en cela, on préfère la liberté de mourir à celle de vivre. Au lieu d’accompagner la fin de vie, on se propose de l’accélérer.

Selon Axel Kahn, la liberté de se suicider est une liberté singulière parce qu’elle n’est, en réalité, que celle d’échapper à l’inéluctable. Le suicide, ultime liberté, est le seul moyen perçu par le suicidant d’échapper à l’insupportable, c’est-à-dire exactement le contraire de la liberté.

La proximité de la mort n’est jamais une condition suffisante pour abréger la vie. L’absolu de l’interdiction de tuer ne permet pas d’y introduire des exceptions.

L’homme peut revendiquer beaucoup de libertés, mais pas la liberté de décider de son humanité. Présenter cette proposition comme moyen de prévention du suicide, ce que nous avons entendu en commission, est un raisonnement plutôt controuvé. D’ailleurs, que sait-on de ce qui se passe dans l’esprit d’une personne âgée qui est en train de le perdre ?

Il ne faut pas non plus oublier la liberté des personnels de santé, des médecins : donner la mort n’est nullement de leur compétence. On ne peut pas reconnaître aux professionnels de santé le droit à l’objection de conscience et mettre en place un dispositif violant la liberté de conscience. En effet, le texte prévoit que si un médecin refuse de pratiquer l’euthanasie, il doit indiquer au demandeur les moyens de le faire. Or, en morale, il n’y a pas de différence de degré entre la réalisation d’un acte et la complicité dans la réalisation de cet acte. Il est bien sûr inutile d’insister sur l’effet que cela aura, en outre, sur la confiance des malades vis-à-vis des soignants…

La deuxième série d’arguments utilisés concernent la « dignité » de la vie et de la personne.

La souffrance des personnes malades et la perception qu’en ont leurs proches sont des questions difficiles. On voit bien que la peur ou l’hostilité que le vieillissement extrême inspire à notre société ne font que s’accentuer au fil du temps. Probablement est-ce ce qui pousse les partisans d’une aide active à mourir à un acharnement à en finir au plus vite.

C’est pourquoi la lutte contre la douleur et l’accompagnement de la personne en fin de vie sont indispensables et qu’il est impératif de pleinement appliquer la loi de juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. On sait que cela diminue considérablement les demandes d’euthanasie.

Pousser le concept de la qualité de la vie à un point où l’on peut affirmer tranquillement qu’une vie diminuée ne mérite plus d’exister ne laisse pas d’inquiéter.

Si la qualité de la vie devient le critère de la valeur de la vie humaine, on nie le fondement naturel et culturel de l’égalité, on institue une éthique de l’inégalité. La valeur de la vie humaine dérive non de l’état de la personne mais de son existence même.

Cela pose la question de la place faite dans notre société aux malades, aux mourants, aux faibles, aux vulnérables. Ce n’est pas en les dépossédant de la vie qu’on améliore leur qualité de vie. C’est ce que confirme le professeur Israël : « Le monde vers lequel nous nous dirigeons sera à l’image du sort qu’il réservera à ses vieillards. Si ce monde n’a qu’une hâte, celle de se débarrasser de ses vieillards, il est évident que toutes les autres catégories humaines qui ne seront pas considérées comme productives pour les pouvoirs en place connaîtront le même sort. »

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

La société n’a pas vocation à organiser la mort, ni celle de l’enfant à naître, ni celle du grand malade, ni celle du vieillard en fin de vie, ni celle du criminel ayant commis un acte monstrueux.

En le faisant, elle sape les fondements mêmes de son existence. C’est proprement suicidaire ! L’essence de la vie transcende toutes les conditions de l’existence, si difficile soit-elles. Personne ne peut donc décider de la mort d’autrui.

Ce qui pousse la société vers l’euthanasie, c’est que la mort est le plus grand tabou de notre époque. Il nous faut apprendre à la réapprivoiser. Il nous faut sortir de l’idéal totalitaire du corps parfait.

Le grand problème est la solitude des malades, des mourants, car notre société fait tout pour expulser la mort de la Cité. Pourtant, la mort ne peut qu’être au cœur de la vie, de la société.

Une société pour la vie est une société qui aide ses membres à vivre jusqu’au bout leur vie, qui ne fait pas douter de la valeur de leur présence. Sinon, tout un chacun se demandera si on veut encore de lui. À moins de penser, comme l’écrit Jacques Attali, que « l’euthanasie sera l’un des instruments essentiels de nos sociétés futures »…

L’interdiction de donner la mort est donc un principe fondateur de notre société. Le transgresser, même pour des raisons compassionnelles, entraînera des dérives de plus en plus difficiles à contrôler.

C’est contraire à l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme et au principe d’égalité de l’article Ier de la déclaration de 1789. Et je suis convaincu que cela met à mal le troisième terme de notre devise républicaine.

Il s’agit donc de ma part d’une opposition de fond au permis de tuer, car ma vision du monde, de la société et de l’humanité diverge tout à fait de celle qui sous-tend les propositions de loi présentées.

En effet, même si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie. Je crois à la vie car, pour moi, tout homme est une histoire sacrée. Je refuse donc la culture de mort qui conduit l’Europe à son suicide.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis l’adoption, en 2005, de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, ce débat, sans cesse relancé autour de ce qu’on appelle communément « l’accompagnement à la mort », ou « le droit des patients en fin de vie », continue, certes, d’évoluer, mais reste souvent stérile et occulte complètement l’ensemble des travaux et rapports d’une grande qualité qui l’ont accompagné.

Aujourd’hui, de même qu’il y a chez certains une volonté de maîtriser le début de vie, il y a la tentation de maîtriser la fin de vie.

J’ai eu, comme vous, à maintes reprises, l’occasion d’animer des soirées autour de ce thème difficile, et souvent tabou. Ces rencontres m’ont toujours permis d’informer un public large, de dialoguer et d’échanger sur ce sujet délicat, pour lequel nous nous sentons tous concernés. Nous ne pouvons pas, en effet, rester muets face à cette interrogation fondamentale que représente le choix du thème relatif à la fin de vie. Bien souvent, chacun repart de ces soirées plein d’interrogations dont les réponses nous renvoient à notre propre conscience, comme l’a souligné Mme Hermange.

Aucun d’entre nous ici n’a oublié cette loi du 22 avril 2005, qui prévoyait le droit reconnu aux malades d’accéder aux soins palliatifs et, en même temps, de refuser un traitement, ou le devoir imparti au médecin par l’article 37 du code de déontologie médicale de ne pas pratiquer d’obstination déraisonnable et de soulager les souffrances.

Aucun d’entre nous n’a oublié que cette loi est aujourd’hui applicable. N’est-il donc pas préférable de continuer à informer et communiquer sur ce texte qui, reconnaissons-le, reste encore trop méconnu du grand public, de sensibiliser le plus grand nombre aux questions que pose la prise en charge de la fin de vie, plutôt que relancer une polémique sur la fin de vie ?

Un récent sondage précise d’ailleurs que 60 % de nos compatriotes considèrent le développement de soins palliatifs de qualité comme la priorité en termes de fin de vie.

Comme vous, je me suis souvent posé des questions sur ce sujet, sensible et chargé en émotion. L’homme, la santé et la maladie, le respect de la vie, la dignité humaine, la dépendance, le vieillissement sont autant de thèmes qui s’entrecroisent comme dans un kaléidoscope.

Pousser son premier cri, c’est aussi accepter de rendre son dernier soupir.

L’évolution des pratiques médicales ne doit pas éroder les valeurs communes qui sont au fondement d’une société et soutiennent ses institutions. Offrir des conditions optimales de soins pour adoucir la souffrance, à défaut de guérir, est l’un des nouveaux enjeux de la médecine. Il ne s’agit en aucun cas d’ôter la vie, il s’agit de diminuer la durée d’un passage au terme inéluctable.

Le droit à la mort reste contraire aux valeurs des médecins et aux sources morales de notre démocratie. Quelles que soient les motivations de ceux qui demandent la légalisation de l’euthanasie, on ne peut pas admettre que la société assigne aux médecins, aux infirmiers, ou à tout autre personnel soignant, la tâche de tuer un patient

Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Aujourd’hui, il s’agit bien davantage de rendre la mort plus douce et, paradoxalement, plus « naturelle ».

Le médecin et les personnels soignants doivent rendre sa dignité et la sérénité à celui qui se trouve en fin de vie. Il s’agit non pas de provoquer la mort, mais de la laisser venir naturellement. L’acte de tuer est incompatible avec le devoir de ne pas nuire, et l’associer aux soins saperait la confiance des familles envers les soignants.

Nous avons un devoir d’humanité, ce qui signifie que nous devons prendre soin de l’autre, être en harmonie avec lui et avec nous-mêmes, trouver les mots ou les gestes qui humanisent et préservent la dignité de chacun, changer notre regard et, surtout, le regard que le malade perçoit.

Nul ne vit la douleur de la même façon. Nul ne perçoit sa déchéance au travers du même prisme. Accepter notre condition de mortel tout en refusant la douleur, telle est donc la philosophie à laquelle nous devons rester attachés, en restituant au médecin la plénitude de ses responsabilités.

Renoncer à l’acharnement thérapeutique, éviter l’obstination déraisonnable, rompre l’isolement du malade en fin de vie, épargner le désarroi à la famille et éviter la culpabilité des personnels soignants, tels sont les principaux objectifs sur lesquels nous avons pu aboutir grâce au développement de la culture palliative, qui confirme l’interdit de tuer, mais replace le malade au centre du dispositif en affirmant son droit à maîtriser la fin de sa vie.

Monsieur le ministre, il est indispensablede confirmer l’importance qu’il convient d’accorder aux soins palliatifs : non pas tant, en l’occurrence, la création de services hospitaliers spécifiquement dédiés à ces traitements que la participation à cette démarche des différents services susceptibles d’accueillir des patients en fin de vie.

Faire entrer les soins palliatifs dans les services hospitaliers a constitué une avancée notable, une « révolution culturelle », dans la mesure où cette présence traduisait l’acceptation des limites de la « médecine curative ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Elle a permis de rappeler chacun à l’humilité, et cela est déjà en soi un grand progrès.

Au fil des années, les choses ont changé, et nous pouvons nous féliciter de l’évolution significative de notre législation. Mais peut-elle se poursuivre ? Peut-elle aller encore plus loin en ouvrant la porte à une nécessaire évolution de nos mentalités, de nos lois, qui irait jusqu’à une forme de « droit à la mort » conférant un ancrage législatif aux conditions de limitation ou d’arrêt d’un traitement ?

S’il est vrai que la mort est un sujet qui dérange, il faut accepter de porter la réflexion sur le devant de la scène – je remercie Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur de l’avoir fait ! –, en reconnaissant que ce qui nous réunit tous, à l’occasion de ce débat, c’est le refus de la souffrance.

Oui, le sujet est polémique. Mais, quoi qu’il en soit, nous devons tenter, tout en respectant la dignité du patient, de trouver des solutions justes, raisonnables et humaines face à certaines situations, qui restent exceptionnelles et dramatiques.

Personnellement, je pense que la question de l’euthanasie, ou de l’aide active à mourir, est dépassée, car presque toutes les souffrances peuvent être soulagées. Le mot « euthanasie » est d’ailleurs souvent employé pour évoquer un autre débat, que je n’aborderai pas ici : celui de l’aide au suicide.

Autoriser et pratiquer l’euthanasie, mes chers collègues, revient à fuir nos responsabilités. Il ne s’agit en aucun cas d’une victoire de la liberté, mais bien d’une défaite de la volonté collective.

La prudence à l’égard des dérives possibles d’une loi, la protection des plus faibles et enfin la protection de la mission du médecin, plaident en faveur d’un refus de légiférer sur le principe de l’euthanasie, car il y aura toujours, hélas, des situations dramatiques et des exceptions.

J’estime, en conclusion, qu’il n’est pas opportun de voter une nouvelle loi traitant d’un sujet aussi douloureux et complexe au regard de l’extrême diversité des situations existantes. En revanche, nous devons insister sur le refus de l’obstination déraisonnable. Il nous faut aussi prendre conscience, j’en suis convaincu, de l’importance fondamentale qui s’attache non seulement au développement des nombreuses actions de sensibilisation et d’information relatives aux soins palliatifs, mais aussi à la formation des professionnels de santé, des bénévoles et du public dans le cadre d’une loi qui tolère un « laisser mourir » et surtout pas une « aide à mourir ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’est pas facile d’intervenir en dernier ! Il y aura sans doute des redites dans mon intervention, et je vous prie par avance de m’en excuser. Mais je ne pouvais me taire sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.

« La perversion de la Cité commence par la fraude des mots », disait un philosophe grec.

« Euthanasie volontaire », « aide active à mourir », « aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés », « assistance médicalisée pour mourir », quels que soient les termes employés, ne nous y trompons pas : il s’agit bien d’assister le suicide d’autrui en légalisant l’acte de mort.

Au nom de quoi ? Au nom du respect de la liberté et de la dignité de l’homme affaibli, dans le but d’abréger, à sa demande, ses souffrances, afin qu’il soit l’acteur de sa propre mort ?

Mais quelle est donc, mes chers collègues, cette conception de l’homme qui rabaisse sa dignité et l’enferme dans son seul état biologique, psychique ou psychologique ?

C’est le principe même d’humanité qui fait la grandeur, la liberté et la dignité de l’homme, quel que soit son état, du début à la fin de la vie. Si la société ne reconnaît pas ce principe imprescriptible et inaliénable, elle court le risque d’exclure les personnes les plus vulnérables et d’aboutir, à plus ou moins brève échéance, à l’eugénisme, au meurtre des personnes désignées comme indésirables, à une déviance des consciences. La société perd ses repères.

Comment ? Chacun le sait : le champ d’une loi d’exception, même bien encadrée, finit toujours par s’élargir et son application par se généraliser. Qu’adviendra-t-il des malades devenus incapables de s’exprimer ? Qui jugera de l’intensité de leur souffrance ? Qui prendra l’ultime décision ?

Je ne peux ainsi passer sous silence le sort des personnes mentalement handicapées, dont certaines sont complètement mutiques. Qui jugera pour elles ? les médecins ? les familles ? les tuteurs ? Et à quelle aune, sinon à celle de leur propre capacité à continuer de supporter ou non la dépendance de leurs proches ? Je pense en particulier aux parents âgés : épargnons-les ! Ne prenons pas le risque de commencer par légaliser, avant d’imposer un geste létal non désiré.

Puisque nous parlons de dépendance, mes chers collègues, pensez-vous qu’à l’heure où le Gouvernement se penche sur la manière de prendre en charge la perte d’autonomie – débat de société et affaire de cœur s’il en est, comme le disait une voix autorisée lors d’une récente cérémonie de vœux ! –, cette proposition de loi soit vraiment opportune ?

Je ne ferai à personne l’affront de penser que, sous couvert de compassion et de sollicitude, il y aurait ici une manière de traiter du financement de la dépendance. Mais prenez-y garde : certains pourraient faire ce procès, et aucun parlementaire n’en sortirait grandi.

Ces propositions sont inacceptables à tous égards. On ne vole pas la mort d’autrui. Une demande d’euthanasie doit être écoutée, et reçue en priorité comme un appel.

Tous les témoignages sont formels : pour certains, c’est un appel à apaiser des souffrances devenues intolérables, pour d’autres, un appel à un accompagnement médical adapté, et surtout à un accompagnement psychologique et affectif qui ne laisse pas le malade à sa solitude face à la mort qui vient.

De plus ces propositions de loi sont inutiles. La loi Leonetti de 2005, insuffisamment connue et exploitée, permet de répondre à ces situations extrêmes. Elle exige l’administration de soins appropriés, même au prix d’un raccourcissement de la vie, refusant tout à la fois l’euthanasie et l’acharnement thérapeutique.

Les soins palliatifs existent et apportent dans tous les cas une réponse apaisante à la souffrance et à la crainte, ô combien humaine, de la mort.

Voir partir un proche en paix, à son heure, permet à ceux qui restent d’être, eux aussi, en paix.

Ne laissons pas le corps médical courir le risque de trahir le serment d’Hippocrate ! Ne laissons personne prendre le risque de se sentir coupable de n’avoir trouvé, comme unique solution au stade ultime de la vie, que l’œuvre intentionnelle de mort. Celle-ci n’est-elle pas une manière de dire : « Dans notre impuissance, nous ne pouvons que t’abandonner », une impuissance oublieuse des rapports de cœur et de la main tendue, peut-être à la recherche du « meilleur des mondes » ?

« Ce n’est pas un droit à l’euthanasie que demandent les grands malades, mais un droit à la solidarité », disait récemment à la radio la mère d’un grand accidenté de la vie.

Mme Marie-Thérèse Hermange opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Je citerai à mon tour les propos de Mme Pavageau, dont l’exemple était cité par Marie-Thérèse Hermange : « Tous ceux qui demandent à mourir sont surtout en quête d’amour ».

Il nous reste, bien entendu, monsieur le ministre, mes chers collègues, à réitérer une nouvelle fois une demande forte et urgente. Celle-ci concerne le développement de soins palliatifs qui couvrent l’ensemble du territoire et qui soient accessibles à tous. Cette demande, je la fais mienne !

Vous l’aurez compris, je ne peux, en mon âme et conscience, voter un texte autorisant le geste létal légalisé sur mon prochain. Sachez que je suis largement soutenue, tout au moins si j’en juge par le nombre de courriels que j’ai reçus, en provenance de la France entière, émanant de correspondants connus et inconnus, attachés à une société à visage humain et au respect de la vie ! Une partie de ces 350 courriels émane des « sans voix », comme ils se nomment eux-mêmes.

J’ai aussi reçu un message de l’Ordre des médecins, qui vous a sans doute été adressé à tous, mes chers collègues. J’ai par ailleurs appris cet après-midi, de la bouche d’un professeur de médecine, que l’Académie nationale de médecine s’était prononcée contre cette proposition de loi.

Quoi que certains disent en se fondant sur des sondages récemment publiés, trop réducteurs, toutes ces personnes sont bien plus nombreuses que les partisans d’un texte qui lève l’interdit de tuer !

« Tu ne tueras pas ! » : l’interdit de tuer doit rester le fondement de tout pacte social.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Dans ce cas, il faut retirer nos soldats d’Afghanistan !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Mme Bernadette Dupont. Restons logiques : la peine de mort a été abolie pour les coupables ; ne la restaurons pas, sous une autre forme, pour les innocents !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire à tous, et en particulier au président Larcher, le fond de ma pensée. Passons sur quelques exclamations, heureusement peu nombreuses, et reconnaissons que le débat qui nous réunit ce soir est un beau débat, qui fait honneur à la Haute Assemblée, et à la vie politique aussi !

Ce débat démontre que nous savons nous concentrer sur les sujets essentiels, et quoi de plus essentiel que la fin de vie ?

Certains d’entre vous ont réagi lorsque j’ai utilisé, tout à l’heure, le mot « euthanasie ».

Patrick Ollier, qui, par respect pour le Sénat autant que par amitié pour moi, est présent parmi nous depuis le début de notre discussion, me faisait remarquer que l’euthanasie était ainsi définie dans le dictionnaire Larousse : « Acte d’un médecin qui provoque la mort d’un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie, illégal dans la plupart des pays ».

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je ne crois pas que ce mot soit déplacé dans ce débat !

Selon d’autres définitions, l’euthanasie désigne l’acte mettant fin à la vie d’une autre personne pour lui éviter l’agonie.

Dans une acception plus contemporaine, et plus restreinte, l’euthanasie est décrite comme « une pratique, action ou omission visant à provoquer le décès d’un individu atteint d’une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et/ou physiques intolérables ». Cette définition vise plus particulièrement l’acte d’un médecin ou un acte effectué sous son contrôle.

J’ai donc utilisé ce mot à dessein, et je ne pense pas qu’il ait été inapproprié compte tenu du débat qui est le nôtre ce soir.

Beaucoup d’entre vous ont cité le cas de Vincent Humbert, et je l’ai d’ailleurs fait moi-même. À cet égard, la question qui se pose est la suivante : la loi Leonetti aurait-elle pu s’appliquer ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je partage ce point de vue, monsieur le sénateur.

Cette proposition de loi aurait-elle apporté toutes les solutions ? Je n’en ai pas le sentiment.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comme je l’ai dit tout à l’heure à propos de l’Observatoire national de la fin de vie, des questions restent en suspens et un certain nombre de travaux doivent encore être conduits en ce qui concerne non seulement l’euthanasie, mais également le suicide assisté, qui est certainement la solution dans certains des cas que nous avons évoqués.

Cependant, je ne me résous pas non plus à franchir ce pas. Je pense en effet que, face à certaines situations bien particulières, la question en jeu est non pas celle de la fin de vie, mais le souhait de mettre un terme à sa vie alors que l’on n’a pas les moyens de le faire.

Évitons d’être manichéens et de chercher à opposer la loi Leonetti à la proposition de loi présentée ce soir, car aucun de ces deux textes n’est en mesure de résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Je le répète, j’ai été marqué par le témoignage de Mme Humbert. Même si nous avons tous parlé du cas de Vincent Humbert, et je ne dénie à personne le droit de le faire, elle reste la seule, en tant que mère, à pouvoir réellement juger de la situation de son fils.

La France, madame Létard, nous le savons, a un retard important en matière de prise en charge de la fin de vie. Je suis persuadé que nous sommes capables de le combler. Cependant, la question n’est pas uniquement celle du nombre de lits ou d’unités de soins palliatifs, il s’agit aussi de culture, je veux parler de la culture palliative des professionnels de santé.

Madame Desmarescaux, nous partageons les mêmes réflexions, les mêmes préventions, les mêmes objectifs. Nous avons également une approche commune de la notion de dignité humaine, dont personne n’a le monopole. Le regard que vous portez, nous sommes nombreux à le porter non seulement dans cet hémicycle, mais également dans la société française.

Monsieur Barbier, j’ai été marqué par vos propos. Vous avez raison : tout le monde, sans exception, a peur de souffrir et souhaite une mort sans souffrance. Or des soins adaptés peuvent pallier cette peur et cette souffrance. Vous l’avez dit, l’un des enjeux est de ne pas confondre le droit de mourir avec le droit à la dignité.

Monsieur Fischer, vous estimez que nous ne sommes pas égaux face à la mort. Ainsi, certains se rendent à l’étranger afin de « s’offrir une mort choisie ». Voilà pourquoi il faut développer sans faiblir les soins palliatifs, en promouvoir la culture et la pratique.

L’humanisme que vous évoquez, moi, je le vois dans le devoir que nous avons de protéger les plus faibles, ceux qui ont perdu l’autonomie de la volonté comme le dit M. Godefroy, et de proposer à tous ceux qui en ont besoin un égal accès aux soins palliatifs.

Monsieur Fouché, vous l’avez indiqué, ce n’est pas parce qu’il existe un cadre légal qu’il n’y a pas de dérive. En Belgique, par exemple, près de 47 % des euthanasies sont pratiquées hors du cadre légal. Voilà pourquoi un cadre légal qui irait beaucoup plus loin, ce que je ne souhaite pas, n’apporterait pas une garantie complète.

Monsieur Kerdraon, vous avez évoqué la culpabilité de celui qui peut choisir sa mort et la crainte de peser sur son entourage. Mais cette crainte peut aussi être induite par les souffrances de l’entourage. Ce choix relève-t-il toujours et uniquement d’un désir intime ? À mon sens, il est difficile de le savoir. Pensez à ces malades dont la conscience vacille et alterne entre des moments de flou et des moments de lucidité. C’est bien un risque que les soins palliatifs, en soulageant la souffrance du patient et des proches, permettent d’éviter.

Monsieur Détraigne, je partage votre point de vue. Plutôt que d’ouvrir une brèche dans notre législation autorisant une mort rapide et sans détour, nous devons continuer à protéger les plus vulnérables en développant les soins palliatifs.

Madame Schillinger, en revanche, je ne partage pas votre point de vue. Quelles garanties réelles cette proposition de loi offrirait-elle à la personne alors que le contrôle s’effectuera a posteriori ? Nous le savons, ce texte permettrait des dérives possibles vis-à-vis des personnes vulnérables, celles qui ne sont plus capables d’exprimer une demande à la fois libre et éclairée. Or on ne m’enlèvera pas de l’esprit que légaliser, c’est prendre le risque de banaliser.

Monsieur Retailleau, vous avez raison, avec l’euthanasie, on peut confondre le droit à mourir et le droit à la dignité. Or je suis également persuadé que la dignité humaine ne se résume pas à la seule question de l’intégrité physique ou psychique.

Monsieur Mézard, vous avez invoqué la liberté de choix pour demander la légalisation de l’euthanasie, en parlant toutefois d’exception. Je le répète, légaliser, c’est toujours prendre le risque de banaliser. Il ne faut pas méconnaître ce risque, même si, j’en suis sûr, la banalisation n’est pas dans l’intention des promoteurs du texte ou du rapporteur. Reste que ce risque existe et qu’il peut parfois se tapir sous les meilleures intentions.

Madame Hermange, je suis d’accord avec vous. On peut partager les interrogations de ceux qui veulent légaliser l’euthanasie sans partager aucune de leurs convictions. Vous avez raison de rappeler que l’euthanasie va non seulement à l’encontre de nos « fondements anthropologiques », diront certains, mais aussi et surtout de notre tradition juridique, qu’il s’agisse de la Constitution européenne ou de la législation française ainsi que de la déontologie et de la pratique médicales.

Madame Payet, je vous rejoins : la peur de souffrir, la peur de mourir, nous le savons, ne feront que grandir, car elles sont aussi liées à l’augmentation de l’espérance de vie. D’une certaine façon, la loi du 22 avril 2005 a été conçue pour répondre aux attentes et aux peurs des Français, et j’entends par là les patients comme leurs proches.

Comme vous le soulignez, la demande de mort n’est-elle pas avant tout une demande de secours, un cri de détresse, une souffrance qu’il convient surtout d’apaiser ? Cette idée a d’ailleurs été reprise par de nombreux intervenants, et nous devons aussi l’avoir présente à l’esprit.

Monsieur Desessard, vous avez évoqué la pratique de l’euthanasie en France. Aucune étude n’existe sur le sujet.

Vous avez également évoqué l’euthanasie légale pratiquée aux Pays-Bas, sur laquelle nous possédons plus d’informations, en soulignant que c’est ainsi que l’on peut sortir de la clandestinité. Mais comment expliquez-vous la proportion à peu près équivalente d’euthanasies illégales qui est pratiquée dans le même pays ?

En outre, un chiffre n’est jamais évoqué par les partisans de l’euthanasie : le nombre des décès que nous aurions ainsi à constater dans notre pays, compte tenu de la différence démographique entre les pays où cette pratique est légale et la France. Les proportions seraient en effet difficilement acceptables pour certains de nos concitoyens.

Monsieur Lorrain, certains partagent avec vous le souci du risque de confusion que vous avez évoqué et les dérives possibles que cette proposition de loi pourrait provoquer.

Monsieur Guillaume, selon vous, il ne s’agit pas d’une proposition de loi sur l’euthanasie. Dois-je vous rappeler la définition de ce mot, notamment celle du Larousse ? Certes, le terme n’est pas employé dans le texte, mais l’acte est bien présent. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les amendements qui seront défendus tout à l’heure.

Cette proposition de loi, disons-le clairement, vise à créer une exception légale au principe de l’interdiction de donner la mort. Ce n’est pas neutre, ce n’est pas un texte banal. Pour le dire autrement, la proposition de loi vise à créer une autorisation légale à donner la mort, c’est-à-dire à autoriser l’euthanasie.

Je peux le dire de différentes façons, le propos peut être adouci, mais, en définitive, nous en arriverons exactement au même point pour définir ce qui est ici proposé.

Monsieur Lardeux, je vous rejoins également quand vous dites qu’il ne faut pas céder à l’émotion dès que l’on aborde le thème de la fin de vie, mais qu’il faut s’interroger avec objectivité afin de faire le choix le plus juste possible.

Vous pointez également l’acception parfois trop large de la notion de « fin de vie ». Comme je l’ai dit tout à l’heure, ne confondons pas les situations. En revanche, vous le savez, je n’ai jamais eu de doute quant au bien-fondé de la loi Leonetti, texte qu’il faut promouvoir encore et toujours dans les pratiques et la connaissance.

Monsieur Milon, j’ai été marqué par la justesse de ton de votre intervention. Il est vrai que le sujet est complexe, qu’il entrecroise les soubassements sociologiques, juridiques, sociétaux de notre condition d’homme ainsi que de notre statut de citoyen. Il fait en outre peser une lourde responsabilité sur les épaules du législateur comme sur celles des soignants.

C’est pourquoi il convient d’avancer avec autant de prudence que de résolution afin que chacun puisse accéder, si besoin est, à ces soins que nous avons évoqués tout au long de cette soirée, à savoir les soins palliatifs.

Madame Dupont, la fraude des mots que vous avez évoquée en commençant votre intervention n’est pas imputable aux promoteurs du texte ; c’est, d’une certaine façon, la confusion inhérente à un débat. Tout à l’heure, j’ai cité à dessein ce sondage dans lequel 94 % des Français se déclarent favorables à l’euthanasie. Or, dans leur esprit, c’est une fin de vie telle qu’elle est prévue dans la loi Leonetti. Voilà pourquoi il faut nous garder de la confusion et des grandes envolées. Sachons conserver le ton approprié dans ce débat juste et digne.

Quoi qu’il en soit, la position du Gouvernement n’a pas évolué depuis le début de la discussion générale. Nous refusons de franchir ce pas comme il nous est proposé de le faire. Toutefois, nous avons bien conscience de la responsabilité qui est la nôtre de développer encore et toujours les soins palliatifs. Tous ceux qui l’ont dit ce soir sont dans leur droit, tous ceux qui attendent ces soins pour accompagner leur fin de vie sont également dans leur droit.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Rassurez-vous, je ne vais pas me livrer à une réponse exhaustive à tous les intervenants. Je veux simplement remettre un peu d’ordre dans cette discussion.

Tout d’abord, il n’a jamais été question que les personnes dépendantes ou celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer puissent « bénéficier » de l’assistance médicale à mourir. Le texte les exclut clairement du dispositif, et nous y avons tenu. Je tiens à le rappeler, car cet argument a été utilisé à plusieurs reprises dans le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Or cela pourrait créer une confusion.

Les mineurs sont également exclus du dispositif, car nous avons estimé que ce sujet était trop compliqué pour être abordé dans le présent texte.

Ensuite, je voudrais dire à ceux qui ont fait un rapprochement avec la peine de mort que cette comparaison n’est pas acceptable. La peine de mort était une punition. Ce châtiment avait par définition vocation à être violent, parce qu’il était « exemplaire », ou du moins était-ce ainsi qu’on voulait le concevoir.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Or ce que nous proposons, c’est tout le contraire. Nous cherchons à répondre à une sollicitation de personnes en grande difficulté, en grande souffrance. Il y a donc une différence fondamentale entre ces deux aspects.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Mes chers collègues, il est de tradition que le rapporteur puisse s’exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. J’espère que cela ne vous dérange pas trop !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le nom de Vincent Humbert a été évoqué par certains d’entre vous. Pour ma part, je n’ai jamais voulu aborder directement son cas, car j’ai beaucoup trop de respect pour les personnes concernées par sa situation. Reste que je vais expliquer pourquoi cette proposition de loi aurait été très importante pour le cas de Vincent Humbert, qui est d’ailleurs loin d’être unique.

Mes chers collègues, voilà un jeune homme qui s’est retrouvé dans l’impossibilité de bouger et, dans un premier temps pensait-on, dans l’impossibilité de communiquer. Sa maman a trouvé la voie pour communiquer avec lui. Il a alors manifesté son intention d’arrêter cette vie qui n’était plus supportable pour lui.

Qu’a répondu la société ? Parce que Vincent Humbert ne pouvait plus se mouvoir, la société a accepté, et c’est tant mieux, qu’on le nourrisse, qu’on lui apporte tous les soins. Mais, lorsqu’il a demandé si l’on pouvait l’aider à accomplir, conformément à son désir, l’acte qui lui aurait permis de mettre un terme à une vie qui, pour lui, n’avait plus de sens, la société lui a répondu que c’était impossible.

Pour les personnes se trouvant dans cette situation, une telle réponse de la société constitue une double peine. En effet, parce que vous ne pouvez plus vous mouvoir, la société refuse que l’on vous porte assistance, malgré la demande que vous formulez avec beaucoup de force !

Mme Humbert a pris la décision d’aider son fils et le docteur Chaussoy, en son âme et conscience, a finalement décidé d’aider Mme Humbert, après une première tentative. Mais, mes chers collègues, que se serait-il passé si Vincent Humbert était resté en vie ? La justice aurait interdit à Mme Humbert de continuer à voir son fils, de peur qu’elle ne renouvelle son acte. Nous aurions été alors en présence de la situation la plus dramatique qui soit, une situation inhumaine. En effet, ce jeune homme, enfermé dans son « corps-sarcophage », aurait perdu, en plus de tout espoir que l’on puisse lui venir en aide et de tout lien avec sa vie antérieure – la belle vie –, le seul lien d’amour qui lui restait, c’est-à-dire le contact avec sa maman.

Je ne veux plus que de telles situations se produisent et milite donc pour que, par humanité, dans des cas comme ceux-là – je pense que vous ne pouvez que souscrire à cette idée –, une loi permette à la société de venir en assistance à la personne qui formule une demande en ce sens.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1110-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

La personne malade a droit au respect de sa liberté et de sa dignité. Elle peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent code, d'une assistance médicalisée à mourir.

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de reconnaître solennellement aux personnes malades le respect de leur ultime volonté de mourir dans la dignité.

Tout le monde sait que l’euthanasie est pratiquée en France clandestinement, illégalement et, parfois, dans la plus grande hypocrisie, sans que les patients ou leurs proches puissent donner leur avis.

La proposition de loi que nous examinons ce soir traduit l’évolution des mentalités dans notre pays et apporte une réponse à une question sociale et humaniste fondamentale. Elle permet de protéger, d’une part, ceux qui souhaitent mettre un terme à leurs souffrances – en leur reconnaissant le droit de vivre leur mort –, et, d’autre part, ceux qui ne le veulent pas.

Ce texte complète la loi Leonetti, qui a mis en avant l’importance du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement des mourants et interdit tout acharnement thérapeutique jugé déraisonnable. Toutefois, le développement de tels soins ne peut résoudre la question de l’euthanasie et apporter une réponse à celles et ceux qui demandent l’assistance à une délivrance douce.

Tel est le sens de l’amendement que je vous propose d’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Mon cher collègue, vous proposez de faire figurer, au côté du respect de la dignité de la personne malade, le principe du respect de sa liberté et d’inscrire dès lors la possibilité d’une assistance médicalisée pour mourir dans l’article L. 1110-2 du code de la santé publique. Vous rejoignez en cela les propositions de MM. Fouché et Fischer.

Cependant, si l’inscription du respect de la liberté du malade peut paraître intéressante, je reste réservé sur l’inscription, dans cet article, de la seule assistance médicalisée pour mourir. En effet, la mention d’un droit supposerait l’énumération des autres droits. Un tel libellé pourrait laisser entendre que l’assistance médicalisée pour mourir est une solution alternative à la liberté et à la dignité du malade.

En conséquence, puisque nous avons présenté un texte commun, je souhaiterais, si vous en êtes d’accord, que nous nous en tenions à ce texte commun. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Dans le cas contraire, je serais au regret d’émettre un avis défavorable, ce qui serait dommage.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Défavorable, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

L’article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cosignataire de l’une des trois propositions de loi, il me tenait à cœur d’intervenir, aujourd’hui, pour soutenir cette initiative courageuse.

La question de la fin de vie ne finit pas de nourrir les débats et de susciter les passions, nous l’avons à nouveau constaté ce soir. Elle dépasse les clivages politiques traditionnels et nous renvoie, bien souvent, à ce que nous sommes, et donc à notre éducation, nos valeurs, nos expériences ou notre religion. Ainsi, guidé par nos émotions, le débat sur cette question souffre bien souvent d’un manichéisme regrettable.

J’espérais que cette nouvelle proposition de loi éviterait cet écueil et nous aurait permis d’aborder ce débat avec le recul et la précaution nécessaires.

Malheureusement, je crains qu’à nouveau ce débat ne soit tronqué et ne nous laisse un goût d’inachevé : après son adoption la semaine dernière en commission, le texte a été totalement vidé de sa substance ce matin.

Cette décision est décevante à l’heure où la société française semble majoritairement favorable à une loi permettant de disposer dignement de la fin de sa vie. En effet, en mai 2009, un sondage avait révélé que 86, 3 % des personnes interrogées s’étaient prononcées en ce sens.

Il est vrai que des sondages ont montré l’inquiétude qui pouvait être ressentie du fait des risques de dérive qu’une légalisation pourrait entraîner. Je peux comprendre ces arguments, car je les partage aussi.

Une loi d’une telle importance doit apporter toutes les garanties nécessaires pour éviter un quelconque glissement dans sa mise en œuvre. Pour ma part, je trouve que cette proposition de loi remplit parfaitement cette condition.

Tout d’abord, comme l’ont rappelé mes collègues, il faut bien avoir à l’esprit qu’en aucun cas nous n’ouvrons la voie à une euthanasie massive et dérégulée. Tels sont pourtant, bien souvent, les propos manichéens tenus par bon nombre de détracteurs qui se sont exprimés massivement ces derniers jours, et encore ce soir.

Cette proposition de loi ne saurait, non plus, remettre en cause la nécessité de développer et d’améliorer encore les soins palliatifs, bien évidemment !

Nous proposons aujourd’hui de donner la possibilité à certains patients, se trouvant dans des situations extrêmes, de pouvoir s’affranchir d’une souffrance et d’une détresse insoutenables et parfois inhumaines.

En aucun cas nous ne permettrons des dérives. Au contraire, nous proposons d’instaurer un cadre strict et réglementé. Je crois qu’il suffit de lire attentivement cette proposition de loi – notamment son article 1er – pour s’en rendre compte.

En effet, l’article 1er dispose que cette possibilité sera donnée à « toute personne capable majeure », c’est-à-dire en pleine possession de ses moyens intellectuels, que la pathologie devra être « grave et incurable », c’est-à-dire que la médecine actuelle ne pourra guérir le patient qui sera, de fait, malheureusement condamné. De plus, il faudra que cette souffrance ne puisse pas être apaisée ou, tout du moins, que la personne la juge « insupportable », c’est-à-dire que les soins palliatifs ne puissent plus apporter de soulagement au patient.

Ainsi, si et seulement si toutes ces conditions sont réunies, une personne pourra, de sa propre volonté, et en étant intellectuellement capable de le faire, demander une assistance médicalisée afin de soulager ses souffrances.

Cette demande sera ensuite transmise au médecin traitant, qui devra alors saisir deux de ses confrères praticiens n’ayant pas de lien avec le patient. Ensemble, ils devront examiner la demande et vérifier son caractère « libre, éclairé et réfléchi ». Dans le même temps, et dans un délai de huit jours, le patient pourra révoquer à tout moment sa demande.

La même procédure s’appliquera pour les directives anticipées.

Je ne vois donc pas où se trouvent les risques de dérive tant décriés.

Les médecins auront une responsabilité énorme et seront très vigilants, j’en suis convaincue, sur la nature et la recevabilité de la demande. Ils seront d’ailleurs en droit de refuser de participer à la procédure.

De plus, nous proposons d’instaurer une commission nationale de contrôle des pratiques relatives aux demandes d’assistance médicalisée pour mourir, qui viendra compléter ce dispositif déjà très restrictif et très encadré.

Il ne faut donc pas tomber dans la caricature, contrairement à ce que j’ai entendu ce soir. Non, cette loi n’instaure pas un droit de tuer !

Comme chacun sait, l’acte de donner la mort est déjà pratiqué en France, dans une totale clandestinité. Cette réalité doit nous mettre en présence d’une alternative simple : doit-on instaurer un cadre légal strict et restrictif autorisant, dans des cas extrêmes et bien définis, à soulager un patient qui en formule la demande expresse en toute connaissance de cause, ou doit-on laisser perdurer des pratiques clandestines, sans aucune règle et sans encadrement ?

Pour moi, le choix est clair : il faut voter cette proposition de loi !

En effet, mes chers collègues, si nous décidons, aujourd’hui, de ne rien faire, nous maintiendrons l’hypocrisie actuelle qui existe autour de la question de la fin de vie. Nous ne résoudrons pas ce problème, et le débat reviendra encore et encore sur la scène publique.

La loi du 22 avril 2005 a réussi à apaiser quelques craintes, mais n’a pas pour autant totalement répondu à cette question fondamentale, et beaucoup de Français jugent aujourd’hui qu’il faut aller encore plus loin dans la reconnaissance du droit à mourir dans la dignité.

Il est donc de notre responsabilité, en tant qu’élus de la République, d’engager ce débat et d’œuvrer en ce sens en votant ce texte !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le ministre, vous avez eu raison de le dire tout à l’heure, ce texte n’a rien de banal. En effet, ce débat est très important, passionné, presque passionnel. Il a même connu quelques dérapages lors de la discussion générale.

En tout état de cause, ce texte engage un processus sociétal et exige par conséquent que ce débat, éminemment politique, soit mené ici, au sein de la représentation nationale.

Je tiens également à indiquer que je m’écarte volontairement de l’approche qui consisterait à s’arc-bouter sur les sondages. En effet, le rôle du Parlement, et l’essence même du travail parlementaire, est d’éclairer l’opinion publique et d’être en avance sur elle. C’est, du reste, ce qui a été constaté à l’occasion du vote de textes de loi évoqués tout à l’heure, l’abolition de la peine de mort, mais également l’interruption volontaire de grossesse.

L’article 1er n’est pas ambigu, il est même terriblement précis. En effet, il a pour objet d’assurer à toute personne « capable et majeure » la possibilité de demander à un médecin une assistance médicalisée pour mourir, dans le cas où cette personne se trouverait « en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable ».

Faut-il, messieurs les ministres, mes chers collègues, avoir une piètre opinion de l’humanité pour faire un « saut en avant » et spéculer, pour l’application de textes comme celui dont nous débattons, sur l’attitude qu’auraient les uns ou les autres par rapport aux personnes que l’on juge les plus fragiles et les plus vulnérables : les personnes âgées ! Nous ne partageons évidemment pas ce pessimisme !

Les dispositions destinées à assurer une mort rapide, décente et sans douleur n’ont d’autre but que de soulager des gens en fin de vie en préservant leur dignité.

En ce qui me concerne, j’ai la faiblesse de penser que la dignité ne répond pas à un standard, et que chacun a le droit de définir, par rapport à sa propre personne, ce que représente la dignité, tout simplement ! §Cette question est donc une affaire personnelle.

Bien sûr, des réserves sont formulées et d’aucuns contestent l’opportunité de légiférer aujourd’hui sur l’aide active à mourir. Elles renvoient à des questions éthiques et religieuses, mais posent également la question des liens particuliers existant entre un patient et un praticien qui a par définition prêté le serment d’Hippocrate. Nous ne pouvons que respecter ces réserves.

Néanmoins, ne pas adopter ce texte aujourd’hui reviendrait à acter le fait que les Français ne sont manifestement pas égaux devant la mort. Certains de mes collègues ont eu le courage de dire que la pratique des injections létales – appelons les choses par leur nom – a lieu aujourd’hui en France, et de manière courante.

Ne restons donc pas sourds aux appels qui nous sont lancés par nombre de nos concitoyens, qui expriment tout à la fois une profonde détresse, une angoisse palpable et une détermination sans faille à faire évoluer la situation dans le bon sens.

Je le répète, ce problème taraude notre société et, paradoxalement, est lié aux progrès de la médecine.

Précisons, encore, toujours et une nouvelle fois, que l’aide active à mourir n’a aucunement vocation à se substituer aux soins palliatifs dont on a dit, sur toutes les travées, qu’ils étaient très insuffisants dans notre pays.

Les dispositions de la loi Leonetti constituent un progrès immense, mais elles ne vont manifestement pas assez loin. Parfois, il n’est tout simplement pas possible de se contenter d’arrêter un traitement curatif pour laisser la place au seul traitement antalgique, dont on connaît toutes les limites. Il est également des cas dans lesquels il est parfaitement inhumain de se « contenter » de laisser mourir les gens.

Le cadre juridique est donc nécessaire pour faire face à ce type de situation. Les familles y ont droit, les proches y ont droit, ainsi que les praticiens confrontés à ce problème.

Je le répète, l’aide active à mourir relève d’une logique différente de celle des soins palliatifs. En outre, cette loi comporte de multiples garanties, à la fois pour le patient, son entourage et le praticien.

La volonté du malade doit être intégralement respectée, sous réserve qu’elle ait été exprimée, au préalable, dans des conditions de clarté et de lucidité. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas, et reporter sans cesse l’adoption d’une loi, c’est laisser de trop nombreuses personnes dans une incertitude dramatique.

« Aimer la vie et regarder la mort d’un regard tranquille », c’est tout ce que demandent les personnes qui veulent, à nos côtés, faire progresser la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Je conclus, monsieur le président.

Telle est la définition que donnait Jean Jaurès du courage, dans son Discours à la jeunesse, prononcé en 1903, au lycée d’Albi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Mes chers collègues, comment ne pas partager la finalité portée par cette proposition de loi : permettre aux personnes atteintes d’une affection incurable de bénéficier d’une mort sans douleur ? C’est dire la volonté humaniste qui est incontestablement à l’œuvre dans l’initiative qui nous est présentée.

On comprend par ailleurs le sens de cette proposition de loi comme venant prolonger la loi Leonetti du 22 avril 2005, qui prévoit la possibilité pour le malade d’obtenir l’arrêt des traitements et de recourir aux soins palliatifs.

Cette loi, chacun s’accorde à le reconnaître, a marqué un progrès dans la pratique médicale. Pourtant, l’actualité se fait périodiquement l’écho de cas particuliers auxquels la loi Leonetti ne semble pas apporter de réponse satisfaisante. Les médecins reconnaissent d'ailleurs aujourd’hui les limites de ce texte.

C'est pourquoi on peut être favorable à une évolution de la législation. Pour ma part, j’avais d'ailleurs approuvé le texte qui nous était présenté en commission des affaires sociales, afin de permettre l’émergence du débat public dans l’hémicycle.

Permettez-moi cependant de faire entendre ma différence.

Au regard des enjeux éthiques et philosophiques attachés à cette question – question qui, me semble-t-il, mérite mieux qu’une proposition de loi abordée succinctement au milieu de la nuit –, je souhaite que nous disposions d’un état des lieux exhaustif de la loi Leonetti et que nous puissions nous appuyer sur les travaux de l’Observatoire national de la fin de vie, menés par le docteur Régis Aubry, avec lequel je coopère au quotidien dans mon département.

Donnons-nous, chers collègues, le temps de la réflexion approfondie, à la lumière des observations qui ont été effectuées – et la démarche que je propose, croyez-le, n’a rien de dilatoire !

Des questions me paraissent aujourd'hui rester sans réponse. Comment garantir le caractère « libre, éclairé et réfléchi » de la demande d’aide à mourir lorsque le malade vient d’apprendre le caractère incurable et inexorable de son mal ? Comment comprendre, par ailleurs, le concept de « souffrance psychique » ? La souffrance psychique n’est-elle pas, au fond, constitutive de la nature humaine au moment d’apprendre que la fin est proche ? Et comment convient-il d’y répondre ? Comment faire en sorte, mes chers collègues, que l’aide active à mourir ne se substitue pas à la nécessité de promouvoir les soins palliatifs ?

Certes, il est juste de ne pas opposer soins palliatifs et aide active à mourir, mais on observe tout de même que, dans les établissements où ils sont particulièrement bien pris en charge, les patients ne réclament pas qu’il soit mis fin à leurs jours de manière active.

Dès lors, chers collègues, prenons le temps d’un vrai débat public, nourri par le bilan exhaustif de la loi Leonetti et par les constats de l’Observatoire national de la fin de vie, qui va rendre ses conclusions dans les prochains mois.

Notre premier devoir d’humanité, c’est d’aider les personnes en fin de vie et atteintes d’un mal incurable à vivre le mieux possible le temps qui leur reste. Avons-nous fait tout ce qui était possible ? Faut-il prévoir des réponses alternatives ?

Chers collègues, dans le doute, et dans l’attente de ce débat public que j’appelle de mes vœux, je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Très bien ! sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, naturellement, pour avoir été cosignataire de la proposition de loi présentée par mon ami Guy Fischer, je souscris à l’idée qu’il faille une évolution législative reconnaissant le droit, je dirais même la liberté pour celles et ceux qui le souhaitent de bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.

Il s’agit bien là d’une évolution – j’insiste sur ce terme –, puisque cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de la loi de 2002 relative aux droits de malades et à la qualité du système de santé, et de la loi de 2005, dite loi Leonetti, qui a permis aux patients, du moins en théorie, d’accéder à des thérapeutiques destinées à alléger leurs souffrances physiques.

Les soins palliatifs, puisque c’est de cela qu’il s’agit, sont effectivement très efficaces contre la douleur physique, mais totalement inefficaces quant aux souffrances psychiques. Certains voudraient les circonscrire et les limiter à une souffrance de réaction issue du regard des autres. Si cela peut exister, notamment dans la situation de dépendance qui donne au malade le sentiment d’être une charge pour les autres, une conception si réductrice vise en réalité à écarter l’assistance médicalisée à mourir, comme si la seule solution résidait dans un changement de comportement des proches du patient, dans une meilleure acceptation de la mort.

Les choses sont évidemment bien plus complexes, et je suis convaincue qu’il ne faut pas minorer le sentiment de celles et de ceux qui, en fin de vie ou se trouvant dans un état pathologique très lourd et irréversible, ont tout simplement perdu ce qui est essentiel à tout malade : l’espoir.

Le malade va ainsi devoir progressivement passer, comme le souligne à raison Anne Cazier, psychologue au CHU de Rouen, « par le déni, la dénégation, la colère et la frustration, la dépression et la résignation ». Anne Cazier précise également que le malade devra faire une série de deuils successifs : « Le premier deuil à faire est celui de la vie d’avant, celle du bien portant, celle de l’individu actif professionnellement » et enfin le deuil de tout espoir, autrement dit faire, vivant, le deuil de sa vie. Ce deuil, chacun le comprendra, peut s’accompagner d’une accumulation d’angoisses : celle de la souffrance, de la diminution psychique et physique et, naturellement, celle de sa propre mort.

Les soins palliatifs sont alors inefficaces. Je voudrais d’ailleurs citer une déclaration du docteur Danièle Lecomte, que je partage entièrement et qui a contribué à me convaincre : « Il y a peut-être une confusion entre douleur et souffrance. La douleur est effectivement le plus souvent maîtrisable. Mais on ne peut pas réduire le vécu douloureux de la personne en fin de vie à une composante physique accessible aux médicaments. La question est plus complexe. C’est celle de la souffrance, qui inclut des dimensions psychiques, émotionnelles, existentielles. La souffrance, on peut l’écouter, l’accompagner, mais on ne peut pas véritablement la traiter ».

Dès lors, comment pourrions-nous raisonnablement refuser à des personnes atteintes de souffrances importantes et que rien ne peut réduire le droit d’arrêter de les endurer ? Comment pourrions-nous décider de refuser ce que l’autre nous demande, au motif que nous serions nous-mêmes opposés à un tel acte ? Au nom de quoi devrions-nous, sur des fondements moraux, continuer à imposer des souffrances à des femmes et à des hommes qui, en raison de leur état de santé, en ont déjà trop supporté ?

Rien ne le justifie. C’est pourquoi je voterai cet article, ainsi que la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mes chers collègues, afin d’éclairer le vote que vous allez émettre sur l’article 1er de cette proposition de loi, je voudrais livrer à votre réflexion un témoignage qui nous est parvenu de Montpellier, dans un courriel daté du 17 janvier dernier qui m’a été adressé ainsi qu’à un certain nombre d’entre nous. Je vous en donne lecture :

« Madame la sénatrice, monsieur le sénateur,

« Par la présente, je viens vous demander de voter la loi pour l’aide active à mourir. Le Président de la République a exprimé en 2007 que “l’on ne devait pas rester les bras ballants devant la souffrance d’un être humain, tout simplement parce qu’il n’en peut plus” ; de nombreux Français à travers des sondages se sont exprimés en ce sens.

« Je vous demande donc de vous affranchir de tout corporatisme religieux, politique ou autre et de voter en tant qu’individu cette loi.

« Si demain, vous-même étiez confronté à la situation de Vincent Humbert, bloqué dans un lit, relié à des machines, sans pouvoir parler : que souhaiteriez-vous ?

« Depuis ma naissance, je lutte contre une maladie orpheline dont je ne suis même plus sûre du nom, une recherche génétique est entamée depuis deux ans. J’ai cinquante-deux ans, je n’ai marché qu’à sept ans et tous mes gestes ont été la résultante d’opérations et de rééducation. Ma vie se résume en un mot : “combats”.

« Tout a été à conquérir, tout a été difficile et compliqué. Rien n’est vraiment adapté spontanément et vivre avec un handicap n’est pas chose facile.

« Aujourd’hui, suite à un divorce, je viens de m’installer à Montpellier, ville que je pensais plus équipée et là encore je déchante ; je suis bloquée depuis plusieurs jours dans mon appartement, les transports sont insuffisants pour la demande et je ne peux même pas me divertir en allant une fois par semaine au cinéma.

« Je me sens prisonnière de mon corps et de mon appartement, si confortable soit-il.

« Je n’accepte pas l’isolement et de ne pas pouvoir parler avec quelqu’un en dehors de mes auxiliaires de vie qui interviennent deux heures par jour.

« Toutes les nuits, je suis raccordée à un appareil respiratoire et je sais que l’avenir est incertain, que demain je risque de devoir être assujettie en permanence à une machine, avec de l’oxygène, que je ne pourrai peut-être plus du tout marcher et même parler.

« Je n’accepte pas cette dégradation, je veux choisir mon destin. J’ai déjà enduré trop de souffrances, trop de douleurs. Alors oui, comme Jean-Luc Romero, président de l’ADMD, je vous demande de ne pas me voler mon ultime liberté !

« Je veux partir dignement, je ne veux pas de trachéotomie. Au-delà de la souffrance physique, il y a la souffrance morale et personne, je dis bien personne, n’est en droit de se substituer à moi pour mon choix de vie ou de mort.

« C’est mon corps et je dois pouvoir en disposer comme je l’entends. Mes proches, ma famille ne partagent pas forcément mon point de vue, ils voudraient me garder auprès d’eux, me voir sourire encore et encore, mais viendra un jour où je ne sourirai plus, où je ne serai qu’un magma de douleurs.

« Alors, il faudra qu’ils me lâchent la main, qu’ils me laissent m’envoler et qu’ils reconnaissent que j’ai mérité ce long repos.

« J’aurai donné le meilleur de moi, j’aurai reçu au centuple. Inutile de s’acharner stérilement, à quoi bon gagner quelques jours, lorsqu’il n’y a aucune perspective d’amélioration et que tout converge vers une déchéance ?

« Je vous remercie, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, pour le temps que vous venez d’accorder à la lecture de ma lettre. Je souhaite qu’elle reçoive un écho favorable dans votre cœur de femme ou d’homme, et qu’elle vous incite à voter cette loi, qui est une loi de bon sens, mais qui nécessite un certain courage de votre part.

« Je vous prie d’agréer, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, mes sincères salutations. »

Je pense qu’il n’y a rien à ajouter à cette leçon de vie.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat de ce soir est non seulement intéressant, mais également poignant. Pour ma part, je me suis trop investi dans les services des soins palliatifs pour rester muet.

Monsieur le ministre, la mise en place des unités de soins palliatifs en France est encore trop lente ; nous avons un retard considérable par rapport à d’autres pays. Toutefois, c’est une première réponse face à l’urgence de démythifier la mort. Est-elle suffisante ? À mon sens, il faut aller plus loin et réapprendre à vivre avec les mourants, afin de leur restituer toute leur place parmi nous, en accordant un temps à la mort accompagnée, un temps pour les ultimes moments de la vie. Il faut assurer une mort dans la dignité, afin que celle-ci soit, comme le prétendait Mallarmé, « un peu profond ruisseau calomnié ».

Chateaubriand disait de la vieillesse, et des maux qu’elle induit, que « d’une dignité » elle était devenue « une charge ». C’est, hélas ! toujours vrai. Mais elle doit être distinguée de la dépendance totale, de la vie qui n’est plus une vie et qui serait seulement une plainte si on avait la force de l’exprimer.

L’agonisant n’est ni un intrus ni une charge. Il n’a pas besoin, et ses proches non plus, de mimer « la mort de celui qui fait semblant qu’il ne va pas mourir », selon l’expression de l’historien Philippe Ariès.

Une mort sereine et paisible, évidemment médicalisée, semble une exigence raisonnable de notre époque, car l’homme peut faire cesser la cruauté d’une agonie inexorable, lente et solitaire, donc indigne d’une époque qui se veut humaniste. Qu’une suite d’actes planifiés pour mettre en œuvre un geste aussi grave soit nécessaire est une évidence. C’est vrai pour le malade, pour son confort, pour la famille, qui est souvent culpabilisée, pour le médecin, pour les soignants, qui vivent l’inexorable drame, et pour la société, à laquelle ils redonnent confiance en la médecine et en son éthique.

Encore faut-il distinguer la douleur de la souffrance, qui, même si elle n’implique pas forcément la douleur physique, devient intolérable dans la mesure où elle inclut le mal de vivre, le non-vivre, l’inquiétude, la peur et l’insupportable compassion des autres, sans cesse renouvelée à en devenir lassante quand on est enfermé dans la plus angoissante solitude !

La mort accompagnée dans le cadre d’une assistance médicalisée – elle ne concerne que peu de cas, mais ils sont extrêmement douloureux –, c’est le temps réservé aux dernières confidences, aux derniers moments les plus vrais d’intimité, aux ultimes caresses. C’est le dernier service où l’on est admis avant la mort.

Mourir dans la dignité avec une assistance médicale dûment acceptée par le malade ou par la famille lorsque le malade ne peut pas s’exprimer, si le médecin juge l’acharnement thérapeutique inutile, c’est accepter que l’on arrive à la fin de sa vie dans une sorte de paix et de sérénité sans faire des services de soins palliatifs le passage plus ou moins obligé des mourants, puisqu’une large majorité de malades souhaitent mourir chez eux, entourés des leurs, tout en bénéficiant d’une hospitalisation à domicile.

Mais, au-delà du médecin, c’est toute l’équipe de soignants et des bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie qui doit s’impliquer humainement et dépasser l’indispensable geste technique pour suppléer la famille dans les moments d’intense douleur et des dernières effusions. L’objectif n’est pas seulement contenu dans le traitement ; l’objectif, c’est le malade tout entier et l’aide que l’on peut lui apporter au moment le plus décisif de sa vie !

Il est temps pour la médecine de se souvenir qu’elle n’a longtemps été que palliative. L’impuissance ressentie par le soignant devant un diagnostic fatal doit faire repenser que la guérison n’est qu’un des deux aspects de sa mission, l’autre étant d’assurer le bien-être, y compris jusqu’à la mort.

En effet, monsieur le ministre, le droit à mourir sans être chosifié, le droit à être entouré de sollicitude et de compréhension face à la souffrance physique et à la terreur d’une perspective à la fois naturelle et impensable, c’est le droit de chacun à conserver sa qualité d’être humain jusqu’au bout !

Selon les termes de l’article 1er, toute personne « capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable » doit pouvoir demander à bénéficier d’une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. Cela sera reconnu un jour comme l’un des droits universels de l’homme !

C’est pourquoi je voterai avec la majorité des membres du groupe socialiste l’article 1er et, au-delà, cette proposition de loi.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la majorité de la commission des affaires sociales s’est prononcée en faveur de la suppression de l’article 1er de la présente proposition de loi, dont nous débattons à cette heure tardive. Mais la question posée reste évidemment entière !

Refuser qu’une personne – il faut avoir les termes de l’article en tête – « capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable » puisse demander à bénéficier, dans les conditions prévues par la proposition de loi, d’une assistance médicalisée à mourir rapidement et sans douleur contraindra – nul ne l’ignore – le malade soit à recourir à une aide frauduleuse, voire à se déplacer à l’étranger s’il le peut, soit à souffrir continuellement jusqu’à la mort !

Adoptée après la médiatisation d’une affaire qui a déjà largement été évoquée, la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, marque une avancée majeure pour les soins palliatifs, mais elle est malheureusement insuffisamment mise en œuvre aujourd'hui. Surtout, elle n’est, triste paradoxe, d’aucun secours dans un tel cas !

Il aura fallu apporter « la démonstration contre le droit, contre la loi, que donner la mort peut être aussi un acte d’amour, de compassion et de responsabilité » pour n’aboutir qu’à « cette unique solution » : « […] cesser de le nourrir. Le laisser mourir de faim, mais entouré des siens, et surveillé par une équipe médicale. […] À quoi ressemble une société qui se satisferait de pareils faux-fuyants ? Et que reste-t-il d’humanité dans cette proposition-là ? » Tel était l’amer constat du docteur Frédéric Chaussoy.

Resteraient donc le silence, la clandestinité et l’hypocrisie ?

À l’opposé, c’est une loi de protection, de responsabilité et d’humanité qui est aujourd’hui soumise à notre réflexion. Au contraire de décisions abandonnées au libre arbitre du corps médical, et nombre d’entre vous ont témoigné des souffrances des médecins eux-mêmes confrontés à cet affreux dilemme, c’est leur offrir la garantie d’actes réfléchis, encadrés et dépénalisés.

Pour quelle raison refuser ces garanties légales aux malades qui le veulent et aux médecins qui le réclament ?

La rationalité n’y trouve pas son compte, de même qu’elle n’y trouvait pas son compte en 1975 dans le débat sur l’interruption volontaire de grossesse, celui des souffrances imposées contre la liberté alors refusée aux femmes !

Il est vrai qu’il était encore proposé dans cet hémicycle – mais c’était il y a une vingtaine d’années -, à l’occasion d’une refonte du code pénal et du code de procédure pénale, de rétablir le délit d’auto-avortement de la femme sur elle-même !

Mais le législateur a su évoluer, reconnaître et garantir toujours mieux la dignité de la personne malade avec les dispositions sur le traitement de la douleur en 1995, le droit d’accès aux soins palliatifs en 1999, les droits des malades en 2002, ainsi que le droit de refuser toute investigation ou thérapeutique, même si ce refus met la vie en danger.

La possibilité pour chaque individu d’accéder à une mort digne, sans souffrance, s’inscrit dans une telle continuité, et n’en est que l’aboutissement.

La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Mais, dans ce cas, à la liberté de qui l’exercice du libre choix de mourir porte-t-il atteinte ? Au nom de quelle autre liberté protégée pouvez-vous sanctionner la mienne ?

En cet instant, je pense simplement aux dernières paroles de Roger Quilliot : « Notre choix de la mort est un acte de liberté. » Cette liberté est essentielle, respectable et mérite d’être préservée.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Barbier et Mme Desmarescaux.

L'amendement n° 21 rectifié quinquies est présenté par Mme Hermange, MM. P. Blanc et Gournac, Mmes Debré, Rozier, Henneron et Kammermann, M. Gilles, Mme Deroche et MM. Lardeux, P. Dominati, Leleux et Gouteyron.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’article 1er est très important, car il vise à reconnaître un droit à l’aide active à mourir. Ce faisant, il va à l’encontre des textes fondamentaux qui régissent notre droit, qui ont pour vocation première de protéger le droit à la vie de tout individu et de porter assistance aux personnes les plus vulnérables et en situation de danger, ce qui est précisément le cas des personnes atteintes d’une affection « grave et incurable ».

Bien qu’absente de notre corpus législatif, l’interdiction de l’euthanasie constitue l’une des applications du principe d’indisponibilité du corps humain. Elle est pénalement réprimée et peut constituer un meurtre, un homicide involontaire, un délit de non-assistance à personne en danger, un empoisonnement ou une provocation au suicide.

Faut-il distinguer dans notre droit l’euthanasie active, qui suppose le geste d’un tiers, de l’euthanasie passive, qui serait l’arrêt des traitements, sinon palliatifs, et qui abrégerait la vie dans le cas de maladie incurable ou de situation désespérée ?

Cette terminologie est assimilée pour certains au refus d’acharnement thérapeutique, devenu légal par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, qui autorise le médecin à limiter ou à arrêter un traitement concernant une personne « hors d’état d’exprimer sa volonté », alors que « la limitation ou l’arrêt de traitement » seraient susceptibles de « mettre sa vie en danger ».

Aux termes de cette loi, qui a modifié les articles L. 1111-4 et L. 1111-3 du code de la santé publique, le médecin peut aussi limiter ou arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie. Un décret du 6 février 2006 précise les conditions dans lesquelles une telle décision peut être prise.

Curieusement, l’article 1er, tel qu’il est proposé, occulte le terme d’« euthanasie active » ; pourtant, c’est bien ce qui est demandé. Cela traduit peut-être trop toute la violence que contient l’acte de mort donnée par un tiers. Alors, euthanasie active pour répondre à quelles aspirations ? Pour reconnaître à la personne malade le droit au « respect de sa dignité » ? Ne parlons pas de dignité dans cette affaire !

Pour répondre à certains cas dont les auteurs des propositions de loi reconnaissent qu’ils sont rares, des personnes que l’arrêt de traitement ne suffirait pas à soulager et qui ne souhaiteraient pas être plongées dans le coma pourraient demander lucidement une aide active à mourir.

Voici ce que les auteurs d’une des propositions de loi écrivent : « Nous ne pouvons pas laisser aux médecins ni aux proches des malades le poids d’une telle responsabilité ; au contraire, nous devons l’assumer collectivement. Dans un État de droit, la seule solution est celle de la loi : une loi visant non pas à dépénaliser purement et simplement l’euthanasie, mais à reconnaître une exception d’euthanasie strictement encadrée par le code de la santé publique. »

Bien curieusement, le terme d’« exception d’euthanasie » n’apparaît jamais dans le texte proposé. L’article 1er évoque une « assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur ». Et les articles suivants changent la terminologie !

Mais le problème majeur et fondamental posé par cet article réside dans la signification de certains termes, qui méritent d’être explicitée. Je pense à des expressions comme « phase avancée ou terminale » ou « affection […] grave et incurable ». À l’évidence, de tels termes comportent une part de subjectivité et un flou d’appréciation qui autorisent toutes les dérives.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Mais ce qui apparaît le plus lourd de conséquences est l’expression « souffrance psychique ». Il s’agit bien du grand danger de cette proposition de loi, qui permettrait des interprétations très différentes pour des personnes fragiles diminuées physiquement par la maladie ou par l’âge et dont le discernement pourrait se trouver altéré.

À ce niveau, il s’agit non pas d’une « discussion ésotérique empreinte de fausse théologie », mais bien d’un diagnostic médical pour le moins délicat à porter en toute objectivité.

C’est pourquoi je vous demande de voter cet amendement de suppression de l’article 1er, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour présenter l'amendement n° 21 rectifié quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Cet amendement est identique. Je ne reviendrai donc pas sur les arguments qui viennent d’être développés par notre collègue Gilbert Barbier. Je souhaite simplement rappeler quelques éléments.

D’abord, cet article 1er entre en contradiction avec le droit européen.

Ensuite, les mesures contenues dans cet article sont fondées sur une évaluation de la souffrance. Or comment peut-on définir la souffrance, notamment psychique, face à la complexité des situations auxquelles nous serons confrontés ? Et comment instituer un droit objectif à partir d’une évaluation subjective, même établie par un médecin ?

On nous dit que cette disposition concerne uniquement les personnes majeures. Je rappelle que la majorité va de dix-huit ans jusqu’à l’âge de la mort, mais quid si on applique la majorité sanitaire, qui est de seize ans et trois mois ? Cet article pose donc bien un problème dans la détermination de la volonté du mineur.

Toutes ces raisons et celles que j’ai évoquées tout à l’heure me conduisent, avec un certain nombre de mes collègues, à déposer cet amendement de suppression.

Nous voulons parler au nom de celles et de ceux qui ne s’expriment pas. M. Autain a évoqué tout à l’heure le cas Humbert.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il n’a pas parlé du cas Humbert, il a lu une lettre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

J’ai également reçu une lettre, de Mme Pavageau, dont je vais vous donner lecture d’un extrait : « Qui pourra me dire, les yeux dans les yeux, que ma dignité est atteinte ? Oui, je suis tétraplégique depuis vingt-six ans, j’avais vingt-neuf ans, je ne peux accomplir aucun geste de la vie ordinaire, ma dépendance est totale, aussi je ne peux me résoudre à une entorse à ce bien inaliénable qui est la vie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

« Avez-vous songé au désarroi provoqué chez les personnes qui vivent ma situation ? Devons-nous avoir le sentiment d’être inutiles, de déranger ?

« En ce début d’année permettez-moi de vous souhaiter d’avancer dans la réflexion, parfois difficile ; la compassion ne peut rimer avec la suppression, même demandée, même légale. »

C’est aussi pour ces personnes que je demande la suppression de l’article 1er.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques de suppression de l’article 1er, après avoir émis un avis favorable sur l’article 1er le 18 janvier dernier…

Vous comprendrez, mes chers collègues, qu’à titre personnel je sois opposé à cette suppression, pour des raisons très claires. Mon intervention dans la discussion générale me tiendra lieu d’explication de vote.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement est favorable aux deux amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Comme vous le constatez, pour expliquer mon vote, j’ai quitté le banc de la commission, mes chers collègues.

En effet, je vais exprimer ici mon avis personnel et en aucun cas celui de la commission des affaires sociales ni celui de mon groupe.

Ce point étant précisé, je voterai contre les amendements qui visent, en fait, à supprimer cette proposition de loi.

La raison absolument essentielle est que je considère que chaque être humain dans la situation décrite à l’article 1er de ce texte a le droit de décider ce qui est bon pour lui. Il a le droit de décider de ce qui, pour lui, est la bonne mort ou la mort douce, traduction des termes grecs qui composent le mot « euthanasie ».

Chacun, ici, l’a dit et répété, la loi de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie est une bonne loi, mais à deux conditions : elle doit être correctement appliquée et elle doit être universelle. Pour l’instant, ces deux conditions sont régulièrement bafouées. Quand bien même elles seraient satisfaites, le reproche que je ferai à cette loi est qu’elle confie à une autre personne ou à un groupe de personnes la responsabilité du moment de ma mort.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Alors que j’ai vécu en exerçant ma liberté et ma responsabilité, pourquoi ma fin de vie, si elle me place dans la situation dramatique que nous visons, devrait-elle être le seul moment qui échappe à ma décision ?

Qui peut décider, à ma place, du bon moment pour quitter une vie devenue douleur et souffrance ?

Qui peut décider, à ma place, de ce que je considère comme supportable ou non ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Qui peut décider, à ma place, que, même si mes douleurs physiques sont apaisées, je dois supporter des souffrances morales ou psychologiques ?

Qui peut décider, à ma place, de me priver d’un adieu lucide et serein, entourée de ceux que j’aime et qui m’aiment ?

Pourquoi me voler cette ultime liberté ?

Mes chers collègues, ce texte n’impose à personne une mort non désirée. Seuls ceux qui en auront fait la demande claire et réitérée pourront obtenir l’assistance médicalisée pour mourir.

Ne vous arrogez pas le droit de décider pour ceux qui, lucidement, en ayant, le cas échéant, rédigé des directives anticipées, ont choisi le moment de mettre fin à leur souffrance et bien souvent à celle de leur entourage !

Ne leur volez pas leur ultime liberté !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Le général de Gaulle – Eh oui ! c’est un centriste qui le dit – déclara un jour qu’il fallait aller vers l’Orient compliqué avec des idées claires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Au temps pour moi…

Ce soir, nous avons navigué longuement vers l’Orient compliqué, vers ce mystère de la vie et de la mort que personne, ici, ne peut véritablement appréhender, qu’il croie ou non au ciel.

Je naviguerai donc personnellement vers cet Orient compliqué avec des idées claires, et simples, ma chère collègue. Je n’ai pas reçu de ceux qui m’ont envoyé ici le mandat de légiférer sur la vie et sur la mort, de légiférer sur le mystère.

En conséquence, comme l’énorme majorité du groupe de l’Union centriste, et avec tout le respect et l’amitié que j’ai pour Muguette Dini, je voterai les deux amendements identiques de suppression.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ Union centriste ainsi que sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il est clair, au vu des propos qui ont été les miens tout à l’heure à la tribune, que je voterai ces deux amendements.

Je trouve dans l’intervention de François Autain une raison supplémentaire de voter les amendements de Gilbert Barbier et de Marie-Thérèse Hermange. Nous avons également reçu le courriel dont il nous a donné lecture, celui d’une femme handicapée, divorcée, de cinquante-deux ans, en mal de vivre, mais pas obligatoirement en fin de vie, et qui demande qu’on l’aide à terminer sa vie.

En réalité, cette personne n’est pas en fin de vie et elle demande un suicide assisté. Selon François Autain, il faudrait lui donner satisfaction, alors qu’un traitement psychiatrique suffirait à la soigner et à lui permettre de vivre de nouveau d’une manière convenable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cette explication vaudra pour l’ensemble des votes qui auront lieu sur ce texte.

Ma décision a précédé depuis un moment nos débats, car elle est le fruit de mes convictions profondes ; non pas de mes convictions politiques ou religieuses, mais des convictions qui me sont dictées par mon attachement à une certaine idée de la morale laïque et de l’éthique.

Si je me félicite de la qualité des débats de cette nuit, débats qui ont eu le mérite d’aborder au fond la question importante de la fin de vie et de l’application réelle de la loi Leonetti, je regrette profondément les pressions de tous bords auxquelles nous avons été soumis :…

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

… courriers, mails en grand nombre, exemples poignants que certains ont repris. Malheureusement, les cas particuliers ne peuvent pas faire loi, même s’ils sont dignes de compréhension et de compassion.

En revanche, les arguments extrêmes, parfois les invectives, voire les menaces à peine voilées de certains groupes de pression de part et d’autre, ne sont pas acceptables dans un débat où la clause de conscience doit jouer.

C’est pourquoi, même si je comprends et peux partager les raisons qui ont amené les auteurs de ce texte à le présenter, même si je pense que les marges d’amélioration de la loi Leonetti sont énormes, je ne peux et je ne veux associer ce soir ma voix à aucune des positions avancées par les uns ou par les autres. C'est la raison pour laquelle je suis décidée à ne participer à aucun des votes sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

En votant, en 2005, la loi Leonetti sur la fin de vie, nous avions choisi la voie de la sagesse en écartant à la fois l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie pour mettre en place une grande politique de développement des soins palliatifs qui réponde, selon la majorité des médecins et des familles interrogés, à la souffrance extrême des malades et des personnes âgées en fin de vie.

Légaliser l’euthanasie serait, selon moi, une grave erreur parce qu’elle conduirait à l’échec de la médecine. Ce serait aussi une erreur sur le plan tant juridique et moral que philosophique.

Une telle décision conduirait à l’échec de la médecine, car ce serait reconnaître l’impuissance de cette dernière à faire face à une situation d’extrême souffrance pour laquelle elle ne proposerait qu’une seule solution : la mort. L’euthanasie est une réponse brutale et sans issue, en contradiction absolue avec la mission même du soignant, qui est de lutter pour la survie de son patient, et avec les immenses progrès accomplis pour améliorer la prise en charge de la fin de vie.

Si cette demande vient du malade, elle est la preuve d’une détresse infinie justifiée par la souffrance physique et morale. À cette détresse et à ce désespoir, le médecin doit-il répondre par l’acte de mort ?

Est-il acceptable, par ailleurs, que les médecins et les infirmiers ne puissent vivre en paix et soient obligés de souffrir du souvenir d’avoir donné la mort au malade ?

Il me semble que ce serait également une erreur sur le plan juridique, car une telle décision reviendrait à ignorer les grands principes du droit – un certain nombre de mes collègues ont mis l’accent sur ce point –, qui nous obligent à respecter la dignité de la personne humaine, du commencement de la vie jusqu’à l’heure dernière.

Nous, parlementaires, qui votons la loi, devons avoir le souci permanent du droit et de ce qu’il nous enseigne. Tous les principes de notre droit civil ou de notre droit pénal nous font obligation de respecter l’intégrité physique de la personne vivante, car leurs inspirateurs ont produit et rédigé un droit à la vie qui repose sur le caractère inviolable du corps humain.

Les défenseurs de l’euthanasie nous diront que le consentement de l’intéressé justifie cette entorse au droit. Mais le consentement d’une victime ne peut pas plus justifier l’euthanasie qu’il ne justifie d’autres infractions ! Un homicide – le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre, c’est la définition du code pénal – ne peut être conforme, quoi qu’on en dise, ni à l’intérêt général ni même à l’intérêt de la victime !

Enfin, ce serait une erreur sur le plan moral et sur le plan philosophique, car une société doit se structurer par un certain nombre de règles que l’on se donne en commun, et l’on ne peut présenter la demande de mourir comme un droit. On ne peut pas avoir un droit à mourir comme on a un droit à la sécurité sociale, un droit à la retraite, un droit à l’information ou à liberté d’expression.

Légaliser l’euthanasie conduirait à accepter de bâtir une société où chacun peut décider si la vie vaut la peine ou non d’être vécue. Sans respect du principe d’humanité, il ne peut y avoir de liberté. Notre société individualisée réclame plus de solidarité et d’humanité.

C’est parce que les gens sont seuls et désespérés qu’ils ont recours à l’idée de la mort. Soigner la maladie, accompagner la vieillesse et la souffrance jusqu’au bout est un devoir qui engage la société tout entière, car la grandeur et la dignité de l’homme l’obligent. Vous aurez donc compris, mes chers collègues, le sens de mon vote.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Si nous votions la suppression de l’article 1er, nous serions en totale contradiction avec toutes nos interventions de ce soir. Nous nous prononcerons donc contre ces amendements.

Je souligne que l’intervention de Mme Dini, par ailleurs présidente de la commission des affaires sociales, intervention d’une très grande qualité, illustre parfaitement la problématique dans laquelle s’inscrit cette proposition de loi, car c’est bien de notre ultime liberté qu’il s’agit.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Je serai très bref, monsieur le président : je suis l’auteur de l’une des propositions de loi qui font l’objet de ce débat ; je suis intervenu dans la discussion générale pour exposer ma position ; je voterai bien évidemment contre les amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je ne sais pas quel sera le résultat de ce vote, mais je voterai contre ces amendements de suppression. Il serait cependant souhaitable que, dans ce débat, nous développions tous des arguments raisonnables.

Premièrement, tout le monde se félicite de l’organisation de ce débat et souhaite que la discussion continue : très bien ! Dans ce cas, parlons des mêmes choses !

M. le ministre nous a dit tout à l’heure que les dispositions contenues dans cette proposition de loi n’auraient pas permis de résoudre le cas de Vincent Humbert. Au contraire, tel est précisément l’objet de cette proposition de loi ! Qu’il nous dise donc quels sont les manques de ce texte qui empêcheraient d’apporter une véritable solution. Cette proposition de loi vise en effet à légaliser un certain nombre de situations, afin qu’elles ne donnent pas lieu à un procès. Il est effectivement des situations extrêmement graves qui justifient la création d’un cadre juridique spécifique. Discutons-en !

Si certains de nos collègues nous disent ensuite qu’ils ne veulent pas s’engager moralement dans ce processus, c’est leur droit ! M. Barbier déclare que, si l’on accepte d’avancer dans cette voie, on ne sait pas où l’on s’arrêtera. Diverses positions sont possibles dans ce domaine, mais ne niez pas qu’il y a aujourd’hui un grand vide juridique !

Deuxièmement, quand une personne souffre au point de ne plus pouvoir bouger et que l’on nous dit qu’elle ressent avant tout un besoin d’amour auquel il faut répondre, dans quel monde vivons-nous ? Soyons sérieux ! La majorité de nos concitoyens vivent seuls dans des conditions difficiles. Si vous le souhaitez, nous pouvons nous donner six mois pour améliorer ce texte ; mais dans six mois, la situation sera la même !

Vous avez le droit de dire, comme Mme Hermange, que vous êtes moralement en désaccord et que vous préférez que les gens souffrent… §Je retire l’expression ! Disons que vous préférez que la personne aille au terme de son existence sans pouvoir choisir les modalités de sa fin de vie. C’est un débat moral…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Moral ou éthique, comme vous voudrez ! Mais ne mélangeons pas tout : nous souhaitons instaurer un cadre juridique pour régler des situations aujourd’hui insupportables. Il faut encore y travailler, mais ne reprochez pas à cette proposition de loi de ne pas créer ce cadre, répondez aux vraies questions ! Nous proposons un cadre juridique accordant à chacun le droit de décider de sa fin de vie : telle est la philosophie de cette proposition de loi ! Ne la déformez donc pas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen de cet article 1er et des amendements de suppression, dont l’un est déposé par mon confrère Gilbert Barbier, me donne l’occasion d’insister à double titre, en tant que parlementaire et en tant que médecin, sur un point. Je souhaite en effet vous parler de la confiance nécessaire entre le médecin et son patient.

Cette confiance ne va pas de soi. Elle doit s’établir et se préserver, au prix de grands efforts par l’ensemble des parties : le médecin, son patient et la famille de ce dernier. Dans le cadre de cette nécessaire relation de confiance, je ne crois pas bon d’accorder au médecin la faculté de mettre intentionnellement fin aux jours de son patient, …

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

C’est un collège de trois médecins qui se prononce !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

… – et peu importe le fait que ce dernier lui ait donné son consentement préalable ou que la famille de ce dernier presse le praticien en ce sens –, car ce serait faire du médecin un exécutant.

Ma conception de la médecine est holistique. Je crois qu’il revient au médecin de se battre pour la santé et de ne se battre que pour la santé de son patient. J’admets volontiers qu’il en va différemment pour un vétérinaire – nous en comptons de nombreux parmi nous ! –, qui doit se poser la question de l’utilité ou non de prodiguer des soins à un animal.

S’agissant d’un patient, les termes du débat sont différents. Il n’est pas question d’utilité ; le problème n’est pas de peser le pour et le contre, ou encore le coût de la prise en charge. On tronque aussi le problème en le réduisant à un choix entre acharnement thérapeutique, d’une part, et euthanasie, d’autre part. En réalité, il y a non pas un choix à faire, mais un juste milieu à rechercher, un bon équilibre à trouver. Dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, comme aux Pays-Bas, il apparaît qu’une certaine défiance s’est installée à l’égard des hôpitaux. C’est dommage !

Plutôt que de légiférer dans la précipitation et de trancher sans prudence sur cette question fondamentale, ne serait-il pas préférable de développer la médecine palliative sur l’ensemble de nos territoires ? D’expérience, les praticiens savent que les personnes ainsi prises en charge demandent non plus à mourir, mais à dire « au revoir » à leurs proches dans la dignité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Je ne souhaite pas entrer dans les débats philosophiques que pose l’euthanasie, ni m’étendre sur la question de savoir quelle est la valeur d’une volonté qui se nie, d’une volonté de ne plus vouloir.

En tant que praticien, je souhaite rester sur le terrain de la confiance, à mon avis primordiale, entre le médecin, son patient et les proches de ce dernier. Oui à l’accompagnement en fin de vie. Mais légaliser l’euthanasie serait porter gravement atteinte à la dignité du médecin, à la dignité de cette mission qui nous a été confiée par nos pairs lorsque nous avons prononcé le serment d’Hippocrate !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, travailler sur l’assistance médicalisée à mourir, c’est se confronter à une échéance qui nous concerne tous et nous interpelle tous. Sur ces questions, nul ne peut invoquer de vérités scientifiques. De telles réflexions nous renvoient à notre propre fin ou à celle de ceux que nous aimons, et faire œuvre de raison n’en est que plus difficile.

Les débats en commission et en séance publique ont montré à quel point un tel sujet peut soulever de passions. Disons-le clairement, dans l’esprit des auteurs de ces propositions de loi, comme de ceux qui soutiennent le texte de la commission, il ne s’agit pas d’instaurer un « droit à tuer » comme certains voudraient le faire croire. Il s’agit simplement de laisser aux hommes le choix d’exercer leur libre arbitre jusqu’au bout. Il est paradoxal de considérer comme sacrées les dernières volontés d’un défunt et de ne pas laisser au mourant la possibilité de choisir le moment de quitter les siens.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Aujourd’hui, dans trois cas sur quatre, on meurt à l’hôpital, le plus souvent seul. Certaines personnes âgées prennent même des risques importants, en refusant parfois d’y être conduit tant elles ont peur d’y mourir, loin de chez elles, loin des leurs, dans un environnement où leur parole et leur capacité de choisir leur sont ôtées, au nom de ce qui est « bien » pour elles.

Au cours des auditions, comme des échanges qui ont suivi, bien des interrogations sur la qualité de la prise en charge de la fin de la vie ont été soulevées, et celles-ci sont bien loin d’être résolues. Aucun d’entre nous ne souhaite que les conditions de vie que connaissent les personnes dépendantes, dans certains établissements, ne les poussent à souhaiter la mort pour fuir les traitements parfois indignes qu’elles subissent. Le respect dû à la vie ne consiste pas à empêcher un malade en fin de vie de choisir quand et comment il cessera d’être au monde, il consiste plutôt à ne jamais perdre de vue la personne derrière le patient, l’homme qui souffre derrière le corps que l’on manipule.

À la question de la prise en charge de la dépendance, s’ajoute celle de l’insuffisance des services de soins palliatifs dans notre pays. Aujourd’hui, seules 20 % des personnes concernées bénéficient d’un accompagnement en unité de soins palliatifs.

Dans cet hémicycle, la plupart de ceux qui refusent l’idée d’une assistance médicalisée à mourir mettent en avant l’existence des soins palliatifs, alors qu’ils ont sciemment voté des crédits notoirement insuffisants à l’hôpital public. Que vous le vouliez ou non, cette situation empêche la création en nombre suffisant de ces services, indispensables au respect de la fin de la vie.

Quant à nous, si nous défendons aujourd’hui ce texte, nous menons aussi le combat pour le développement des soins palliatifs, car l’assistance médicalisée à mourir ne rentre pas dans le même champ. Les deux démarches sont complémentaires et non opposées. Malheureusement, même si l’accès aux soins palliatifs était un droit universel et garanti, il n’en reste pas moins que choisir les conditions dans lesquelles une personne en fin de vie souhaite partir resterait, selon moi, toujours aussi légitime.

La souffrance subie et ressentie par certains peut être telle que même une prise en charge adaptée ne suffirait pas à redonner un sens à la poursuite d’une vie que la personne concernée considère comme insupportable ou dénué de sens. Au nom de quoi la fin de vie dépouillerait-elle l’être humain du droit à la subjectivité ?

Certes, on pourrait continuer à fermer les yeux, hypocritement, en se disant que la pratique existe et qu’elle est, de fait, tolérée. On pourrait se rassurer à bon compte en faisant observer que, chaque fois qu’une personne a été poursuivie pour avoir aidé un proche à mourir, les cours d’assises ont toujours acquitté les prévenus.

Mais nous avons été confrontés, lors des auditions, ou lors de témoignages récents, à la violence que représente pour le professionnel, comme pour la personne proche, le fait de devoir assumer seul, dans le silence et le refoulement, un geste qui coûte déjà tant et qui, même s’il repose sur l’amour, reste l’ultime transgression.

Dans des cas aussi extrêmes, il n’est pas possible de réduire une telle décision à des faits objectifs. Qui d’autre que le malade peut estimer si sa vie vaut la peine d’être vécue ? Comme le disait Jacky Le Menn lors de nos débats en commission, dans notre système de santé, tout a été fait pour toujours respecter la volonté du malade : pourquoi introduire une exception au moment de la mort ? C’est parce que l’exercice éclairé de son libre arbitre fait de l’être humain une exception dans le règne du vivant que nous avons cosigné une telle proposition de loi et que nous la soutenons. Nous voterons donc contre les amendements de suppression.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est volontairement que je n’avais pas signé la proposition de loi présentée par Jean-Pierre Godefroy et un certain nombre d’autres de mes collègues et amis. Très sincèrement, je n’arrivais pas à me déterminer. Je suis venu ce soir en faisant en grand effort pour faire abstraction des cas que je pourrais citer concernant la mort en général, ou ma propre mort.

J’ai lu et relu cet article 1er. Si je me limite à l’essentiel, il dispose que « toute personne capable majeure […] peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur ». Une mort « rapide et sans douleur » : cette lecture est terrible !

Quant au motif qui justifie cet acte, il doit s’agir – je cite à nouveau le texte – d’une personne « en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable ». Ces termes aussi sont terribles !

C’est la raison pour laquelle, considérant que chaque être peut user de son libre arbitre à la fin de sa vie et souhaitant que le texte de cet article 1er figure dans la loi, je voterai contre les amendements de suppression.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

J’ai entendu ce soir beaucoup de propos passionnants qui me font réfléchir à notre condition humaine. Au fond, comme beaucoup d’entre nous l’ont dit, celle-ci est fondée sur notre singularité, sur notre spécificité, sur le fait que chacun d’entre nous a son propre destin et qu’il doit être pris en compte comme tel. Chacun, en effet, doit pouvoir avoir une vision de son propre destin.

Cette diversité des hommes, cette singularité de chacun d’entre eux forment un des piliers de la condition humaine. Mais il est un autre pilier, à savoir l’unité de la nature humaine, sur lequel repose la cohérence de l’humanité : c’est le combat pour la vie !

Nous ne pouvons pas mettre en cause l’unité de la nature humaine au nom de la singularité de chaque homme. L’humanité, à laquelle nous appartenons, se doit de respecter la vie et de chasser à tout jamais la mort !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je voudrais apporter quelques précisions sur le vote du groupe CRC-SPG, notamment s’agissant de ces deux amendements de suppression.

À travers les sept amendements de suppression qu’il a déposés, M. Gilbert Barbier cherche à détricoter la proposition de loi. Nous comprenons en effet fort bien que, si ces amendements étaient adoptés, le texte n’existerait plus.

Nous nous sommes largement exprimés sur le fond du dossier, que ce soit par la voix d’Isabelle Pasquet, de François Autain ou par ma propre voix. Bien entendu, nous voterons très majoritairement contre ces amendements de suppression. Mais, comme je l’ai déjà indiqué, un certain nombre de nos collègues ont décidé de s’abstenir, et je leur dois, ainsi qu’à vous, mes chers collègues, de l’annoncer très clairement : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, ainsi que Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier et Gélita Hoarau s’abstiendront en effet sur l’ensemble des amendements de suppression déposés sur les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 7 rectifié et 21 rectifié quinquies.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que les avis de la commission et du Gouvernement sont favorables.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants329Nombre de suffrages exprimés312Majorité absolue des suffrages exprimés157Pour l’adoption170Contre 142Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, l'article 1er est supprimé.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

insupportable

insérer les mots :

ou placée du fait de son état de santé dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité

Cet amendement n’a plus d’objet.

Après l’article L. 1111-10 du même code, il est inséré un article L. 1111-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -10 -1. – Lorsqu’en application du dernier alinéa de l’article L. 1110-9, une personne demande à son médecin traitant une assistance médicalisée pour mourir, celui-ci saisit sans délai deux confrères praticiens sans lien avec elle pour s’assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle elle se trouve. Il peut également faire appel à tout autre membre du corps médical susceptible d’apporter des informations complémentaires.

« Le médecin traitant et les médecins qu’il a saisis vérifient, lors de l’entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande. Ils l’informent aussi des possibilités qui lui sont offertes par les dispositifs de soins palliatifs adaptés à sa situation et prennent, si la personne le désire, les mesures nécessaires pour qu’elle puisse effectivement en bénéficier.

« Dans un délai maximum de huit jours suivant cette rencontre, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur son état de santé. Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l’état de santé de la personne malade est incurable, que sa souffrance physique ou psychique ne peut être apaisée ou qu’elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et s’ils constatent alors qu’elle persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, l’assistance médicalisée pour mourir doit lui être apportée.

« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.

« L’acte d’assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d’accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée. Il a lieu après l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la date de confirmation de sa demande.

« Toutefois, si la personne malade l’exige, et avec l’accord du médecin qui apportera l’assistance, ce délai peut être raccourci. La personne peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation des demandes sont versées au dossier médical de la personne. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l’assistance adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée à l’article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci s’est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il est certes bien tard, mes chers collègues, mais je ne regrette pas que ce débat ait eu lieu et que nous lui ayons consacré autant de temps. Ce thème nous touche effectivement tous.

Comme vous le savez, je suis cosignataire de la proposition de loi déposée par Guy Fischer et certains membres du groupe CRC-SPG. Avant de prendre cette décision, je me suis également beaucoup questionnée.

J’ai commencé par réfléchir à la manière dont je voudrais moi-même mourir si d’aventure j’étais atteinte d’une pathologie lourde, dégénérative et conduisant, à plus ou moins long terme, à la mort.

À l’instar de beaucoup d’entre nous, ma première et principale préoccupation est l’accès de toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à des soins palliatifs leur permettant d’atténuer la douleur. Mais – nous le savons et vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – tous les malades ne bénéficient pas de cet accès. C’est regrettable.

Voilà pourquoi je souhaite que, le moment venu, on ne m’inflige pas la souffrance, ni à moi ni à mes proches, d’endurer contre ma volonté une vie abîmée, usée, douloureuse, pénible, une vie que je n’aurai plus la force physique et mentale de supporter.

Je veux que l’on me fasse l’ultime respect d’accepter le choix qui est le mien, celui de partir sans endurer de douleurs supplémentaires, tout comme je respecterai celles et ceux de mes proches qui choisiront de ne pas mettre fin à leur vie.

En somme, je souhaite que l’on respecte ma liberté et que l’on ne m’impose pas les choix des autres, que l’on se souvienne, le temps venu, de cette citation de Rosa Luxembourg : « La liberté, c’est toujours la liberté de l’autre. »

Aussi faut-il un cadre légal pour permettre de soustraire à d’éventuelles actions pénales les professionnels de santé qui accepteraient d’accompagner vers la mort les patients ayant pris une décision en ce sens.

Le cadre légal est d’autant plus important que la loi Leonetti – il en a déjà été beaucoup question –, aussi bénéfique soit-elle, ne résout pas à ce jour toutes les difficultés. Elle ne concerne pas, par exemple, les personnes pour qui la vie est devenue tellement insupportable qu’elles font le choix d’arrêter tout traitement, y compris palliatif, toute alimentation ou hydratation. Elle ne concerne également pas – cela a été dit – les souffrances morales. Elle ne satisfait surtout pas les aspirations des personnes souhaitant partir avant que la vie ne leur apparaisse plus que comme une souffrance ou une épreuve.

D’ailleurs, la loi Leonetti, dont la popularisation serait bénéfique à tous, ne tire elle-même pas toutes les conséquences de principes pourtant fondamentaux, qui sont reconnus depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et que les juristes appellent « l’autonomie des volontés ».

En revanche, je conteste l’analyse selon laquelle cette proposition de loi aurait une portée générale. Si, effectivement, elle ouvre à chacun le droit de décider en conscience de la fin de sa vie, elle n’est pas générale. Comme pour la plupart des droits, c’est une possibilité, un droit individuel, une faculté, c’est-à-dire une liberté, que nous offririons à nos concitoyens.

Notre pays ne peut pas plus longtemps continuer à priver de cette liberté une partie de sa population, au motif qu’une autre ne voudrait pas en bénéficier.

Nous ne voulons pas imposer notre choix. Mais nous demandons aussi à celles et ceux qui, parmi nous, voteraient contre cette proposition de loi de ne pas nous imposer le leur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, l'article 2 est supprimé.

L'amendement n° 5, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase :

Supprimer le mot :

traitant

II. – Alinéa 3, première phrase :

Remplacer le mot :

traitant

par les mots :

qui a reçu la demande

III. – Alinéa 6, première phrase :

Supprimer le mot :

traitant

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 1, présenté par M. Desessard et Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

du corps médical

insérer les mots :

ou paramédical

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

du corps médical

insérer les mots :

, y compris en recourant à une expertise psychiatrique,

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 2, présenté par M. Desessard et Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si la personne malade est inconsciente, c'est alors à la ou les personnes de confiance de confirmer la demande, conformément aux souhaits exprimés dans les directives anticipées prévues à l’article L. 1111-11.

Cet amendement n’a plus d’objet.

L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -11. – Toute personne capable majeure peut rédiger des directives anticipées relatives à la fin de sa vie pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées sont modifiables ou révocables à tout moment.

« À condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin doit en tenir compte pour toute décision la concernant.

« Dans ces directives, la personne indique ses souhaits en matière de limitation ou d’arrêt des traitements et, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles elle désire bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir telle que régie par l’article L. 1111-10-1. Elle désigne dans ce document la ou les personnes de confiance chargées de la représenter le moment venu. Les directives anticipées sont inscrites sur un registre national automatisé tenu par la commission nationale de contrôle des pratiques relatives à l’assistance médicalisée pour mourir mentionnée à l’article L. 1111-13-2. Toutefois, cet enregistrement ne constitue pas une condition de validité du document.

« Les modalités de gestion du registre et la procédure de communication des directives anticipées au médecin traitant qui en fait la demande sont définies par décret en Conseil d’État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Il est un peu frustrant de constater que, dans ce débat, on laisse surtout du temps aux orateurs souhaitant expliquer leur vote contre les amendements présentés.

Je souhaite donc attirer votre attention, mes chers collègues, sur la gravité de cet article 3 de la proposition de loi, s’il venait à être adopté dans sa rédaction actuelle. Il s’agit en effet du problème des directives anticipées et de la complexité de la gestion du registre national qui serait mis en place pour les centraliser.

Je ne veux certes pas allonger le débat, mais il me semble important que les arguments en faveur de la suppression de cet article soient retenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les membres du groupe CRC-SPG voteront contre l’amendement n° 9 rectifié.

L’article 3 concerne les « directives anticipées » relatives à la fin de vie pour le cas où la personne malade serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Il me paraît nécessaire de réaffirmer, au cours de nos débats, le caractère très encadré de ces dispositions, à savoir qu’elles seraient modifiables ou révocables à tout moment, devraient avoir été établies au moins trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, seraient inscrites et réaffirmées tous les trois ans sur un registre national automatisé.

Le respect de la liberté individuelle doit nous conduire à accepter que des patients rédigent des directives anticipées définissant leur volonté de bénéficier d’une aide active à mourir et les conditions de leur mort. Il faut accepter également que des femmes et des hommes aient une conscience exacerbée des souffrances qu’ils pourraient endurer au point de ne pas vouloir continuer à vivre dans de telles conditions.

Ces directives devraient permettre à la personne en bonne santé de réfléchir à sa mort, de formuler clairement, par écrit, la manière dont elle voudra être traitée en cas d’hospitalisation et de se faire représenter par une personne de confiance, si elle perdait la faculté de s’exprimer.

Ces directives seraient le seul moyen de garantir l’absence d’acharnement thérapeutique, car seul le droit du patient doit avoir la primauté sur la volonté du médecin. Les professionnels de santé ont trop souvent à faire face, seuls, aux prises de décisions en l’absence de directives anticipées précises. Je dis « précises », car celles-ci ne doivent laisser aucun doute sur la volonté du patient. Elles seraient renouvelées tous les trois ans et pourraient être rétractables à tout moment.

Je considère que cet article renforce indéniablement le droit des patients, car notre société doit accepter que des hommes et des femmes préfèrent mourir plutôt que continuer à vivre dans la souffrance.

Afin que le médecin connaisse l’existence d’un tel document, les directives anticipées seraient inscrites sur un registre national automatisé, ce que prévoit l’article 3.

Je suis convaincu qu’avec de telles dispositions les droits des patients seraient renforcés de manière à être enfin acceptés et respectés. Ce serait une garantie pour que leur droit prime sur la décision des médecins. C’est en tout cas l’évolution que s’efforcent ce soir de favoriser ceux qui, toutes tendances confondues, ont déposé les trois propositions de loi.

J’ai reçu de nombreux témoignages de familles qui, toutes, ont souffert de voir partir un parent dans des conditions terribles, sans pouvoir agir et devenant spectateurs de sa fin de vie.

Je voudrais devant cette assemblée redire tout le respect que j’ai pour celles et ceux qui prennent l’ultime décision d’en finir avec la vie lorsque la maladie, incurable, invalidante, ou bien l’accident de la vie, les confine dans l’incapacité à mener une vie normale.

Je réaffirme également que le strict encadrement des directives anticipées exclut qu’il en soit fait un usage abusif.

Enfin, je souhaite remercier notre rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, et l’ensemble de mes collègues d’avoir permis que ce débat se déroule dans la dignité et dans le respect de chacun.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, l'article 3 est supprimé.

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et doivent faire l'objet d'une confirmation annuelle

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 3, présenté par M. Desessard et Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

À condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne,

Cet amendement n’a plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1111-12 du même code est ainsi rédigé :

Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, et hors d'état d'exprimer sa volonté, a désigné une ou plusieurs personnes de confiance en application de l'article L. 1111-6, l'avis de cette ou ces dernières, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées, dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin.

Cet amendement n’a plus d’objet.

La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1111-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13-1. – Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, se trouve de manière définitive dans l’incapacité d’exprimer une demande libre et éclairée, elle peut bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l’article L. 1111-11.

« Sa ou ses personnes de confiance en font alors la demande à son médecin traitant qui la transmet à deux autres praticiens au moins. Après avoir consulté l’équipe médicale, les personnes qui assistent au quotidien la personne malade et tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer, les médecins établissent, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport déterminant si elle remplit les conditions pour bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d’une assistance médicalisée pour mourir, la ou les personnes de confiance doivent confirmer le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande anticipée de la personne malade en présence de deux témoins n’ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès. L’assistance médicalisée pour mourir est alors apportée après l’expiration d’un délai d’au moins deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.

« Le rapport des médecins est versé au dossier médical de l’intéressé. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée à l’article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci s’est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Avis favorable également.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, l'article 4 est supprimé.

L'amendement n° 6, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer le mot :

traitant

Cet amendement n’a plus d’objet.

La même section 2 est complétée par deux articles L. 1111-13-2 et L. 1111-13-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-13-2. – Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre en charge de la santé, une commission nationale de contrôle des pratiques relatives aux demandes d’assistance médicalisée pour mourir. Il est également institué dans chaque région une commission régionale présidée par le représentant de l’État. Celle-ci est chargée de contrôler, chaque fois qu’elle est rendue destinataire d’un rapport d’assistance médicalisée pour mourir, si les exigences légales ont été respectées.

« Lorsqu’elle estime que ces exigences n’ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à la commission nationale qui, après examen, peut en saisir le Procureur de la République. Les règles relatives à la composition ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement des commissions susvisées sont définies par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 1111-13-3. – Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d’une assistance médicalisée pour mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites aux articles L. 1111-10 et L. 1111-11. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Favorable également.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 221-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Toutefois l'acte d'assistance médicalisée pour mourir, pratiquée sur la demande de la personne concernée, par un médecin ou sous sa responsabilité, dans les conditions prévues aux articles L. 1111-10 et L. 1111-11 du code de la santé publique, n'est pas considéré comme un meurtre.

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 221-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Toutefois, l'acte d'assistance médicalisée pour mourir, pratiquée sur la demande de la personne concernée, par un médecin ou sous sa responsabilité, dans les conditions prévues par les articles L. 1111-10 et L. 1111-11 du code de la santé publique, n'est pas considéré comme un empoisonnement.

Cet amendement n’a plus d’objet.

Le dernier alinéa de l’article L. 1110-5 du même code est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en œuvre d’une assistance médicalisée pour mourir ni de suivre la formation dispensée par l’établissement en application de l’article L. 1112-4. Le refus du médecin ou de tout membre de l’équipe soignante de participer à une procédure d’assistance médicalisée pour mourir est notifié au demandeur. Dans ce cas, le médecin est tenu de l’orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à sa demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Avis favorable également.

L'amendement est adopté.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1112-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils assurent également, dans le cadre de la formation initiale et continue des professionnels de santé, une formation sur les conditions de réalisation d’une assistance médicalisée pour mourir. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Barbier et Mmes Desmarescaux, Deroche et Hermange, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 4, présenté par M. Desessard et Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement prendra toute initiative pour rappeler aux patients dans les établissements hospitaliers leurs droits, notamment en complétant la Charte du patient hospitalisé annexée à la circulaire ministérielle n° 95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients hospitalisés et comportant une charte du patient hospitalisé dont l'affichage dans les établissements de santé est obligatoire.

Cet amendement n’a plus d’objet.

Aucun des articles de la proposition de loi n’ayant été adopté, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 26 janvier 2011 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger (146, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (218, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 219, 2010-2011).

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement (147, 2010-2011).

Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (234, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 235, 2010-2011).

À dix-huit heures trente et, éventuellement, le soir :

3. Proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État (68, 2010-2011).

Rapport de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (236, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 237, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 26 janvier 2011, à trois heures cinq.