Interventions sur "constitutionnalité"

32 interventions trouvées.

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul ne peut mieux incarner les valeurs fondamentales des libertés et des droits des justiciables que le président Robert Badinter. C’est donc avec beaucoup d’humilité que j’interviens en ce début de soirée. L’introduction, en droit français, de l’exception d’inconstitutionnalité a longtemps relevé de la chimère, tant l’attachement à la suprématie du Parlement a marqué notre système politique et juridique. Le « légicentrisme » qui a longtemps prévalu faisait de la loi, expression de la volonté générale, la norme indépassable par excellence. L’existence même d’une forme de contrôle de conformité des lois à une norme supérieure, Constitution ou norme internationale, était ...

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

...ccasion de la révision constitutionnelle, les discussions qui se déroulèrent dans les deux assemblées autour du nouvel article 61-1 ont montré que le fruit était mûr, puisque tout le monde était d’accord sur le principe. Le dispositif finalement retenu est assez classique, au regard tant de notre tradition juridique que des solutions adoptées par nos voisins. La nouvelle « question prioritaire de constitutionnalité » fait intervenir un double filtrage – des juridictions au fond et des juridictions suprêmes – pour s’assurer à la fois de l’application de la disposition législative en cause à l’instance, que la question de sa constitutionnalité n’a pas déjà été tranchée et de son caractère sérieux. Il appartiendra finalement au Conseil constitutionnel de trancher dans les trois mois suivant le renvoi devant lu...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

... pense, souligner l’aspect très positif de ce qui nous est aujourd’hui proposé. Mais cela ne doit pas nous conduire à fermer les yeux sur certaines imperfections du texte, sur certaines questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse, sur certains problèmes qui restent posés. Commençons par rappeler que, durant toute la IIIe République et toute la IVe République, l’idée même du contrôle de constitutionnalité n’était pas acceptée par les parlementaires et par tous ceux qui présidaient aux partis politiques, quels qu’ils soient – les « leaders d’opinion », comme on dirait aujourd’hui –, qui considéraient que, finalement, la loi qui était écrite par les représentants du peuple, lesquels constituent le Parlement, était la norme absolue, la norme devant laquelle aucune autre norme n’avait de légitimité. ...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Le troisième point concerne la possibilité pour le juge de soulever d’office la question de la constitutionnalité. Ce que nous propose le dispositif dont nous débattons aujourd’hui, c’est finalement la faculté donnée à un justiciable qui est face à un tribunal, quel qu’il soit, de soulever la question de la constitutionnalité d’un article de loi qui lui est opposé. Mais si le juge lui-même pense qu’il y a un problème de constitutionnalité, en vertu de quel argument faut-il l’empêcher de soulever d’office la ...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

...tionnelle au Royaume-Uni, même s’il existe un certain nombre de dispositions de caractère supraconstitutionnel comme le Bill of rights et l’Habeas corpus, qui s’imposent non seulement aux parlementaires, mais aussi à tous les tribunaux, qui doivent veiller à leur application. En réalité, les Britanniques ont jusqu’à maintenant fait comme nous, en suppléant l’absence de contrôle de constitutionnalité par un contrôle de conventionalité, qui a permis un certain développement des droits et des libertés au Royaume-Uni. La tradition française était contraire au contrôle de la constitutionnalité des lois. En effet, la différence fondamentale entre le système français et le système anglo-saxon, c’était notre vision optimiste du droit, à l’inverse des Anglo-Saxons, qui en avaient une vision pessimis...

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

Cet amendement nous a laissés quelque peu perplexes : une loi est constitutionnelle ou pas. Nous ne nous intéressons pas ici au contrôle de constitutionnalité de la jurisprudence, qui est indépendante du texte de la loi. À la limite, cette question pourrait être traitée au titre de ce que l’on appelle le « changement de circonstances ». En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable.

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

...if actuel risquerait de ne permettre qu'aux seuls justiciables ayant les moyens de s'attacher les services d'un conseil de soulever un tel moyen. Il paraît difficile d’envisager que le juge ne puisse pas d’office relever ce moyen. Lors du débat en commission, on a pu entendre qu’il lui suffirait de rouvrir les débats et de demander aux parties de s’expliquer sur ce qui pourrait être un moyen d’inconstitutionnalité. Effectivement, c’est une voie indirecte permettant au juge de relever ce moyen, mais il nous semblerait beaucoup plus simple qu’il puisse le faire d’office.

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

La rédaction de l’article 61-1 a été élaborée pour les justiciables, et non pour les juges ou les parlementaires. Les termes employés attestent d’ailleurs bien que le constituant de 2008 a entendu réserver aux seules parties au litige la possibilité de soulever la question de constitutionnalité.

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

Nous devons nous en tenir à cette ligne. Dans le même ordre d’idées, le juge ne soulève jamais d’office l’inconventionnalité d’une disposition législative : ce sont les parties au procès qui le font. En outre, qu’il s’agisse du contrôle de conventionnalité ou du contrôle de constitutionnalité, cette interprétation restrictive laisse aux parties la possibilité de soulever tel ou tel moyen, selon leur stratégie de défense, sans que le juge puisse se substituer à elles sur ce point. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Les avis de la commission et du Gouvernement ayant été sollicités de façon prématurée, alors que les deux amendements sont en discussion commune, je connais maintenant le point de vue, argumenté, de M. le rapporteur, et celui, extrêmement succinct, de M. le secrétaire d'État… Le projet de loi organique prévoit donc que la question de constitutionnalité ne puisse être d’office relevée par le juge, l’article 61-1 de la Constitution réservant cette possibilité aux seules parties à l’instance. Or, selon le rapport de la commission, que j’ai lu avec un grand intérêt, plusieurs des hautes personnalités entendues se sont interrogées sur ce choix. Ainsi, M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, dont personne ne conteste la com...

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

En outre, je rappelle que le ministère public étant partie dans tout procès, il lui est toujours loisible de soulever la question de constitutionnalité, même s’il est exact que l’intention du constituant était de réserver cette possibilité aux justiciables.

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

… dont le professeur Drago. Pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu par l’argument selon lequel le ministère public a toujours la possibilité de soulever la question de constitutionnalité : en effet, pourquoi, dans ces conditions, refuser la même faculté aux magistrats du siège ? Je n’y vois vraiment pas de motif valable.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

...l’aspect rituel de nos débats : la majorité vote avec la majorité, l’opposition avec l’opposition. Or il conviendrait, en l’occurrence, de faire un effort pour sortir de cette routine, car ce projet de loi organique contient une disposition dont je voudrais vous convaincre, mes chers collègues, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d'État, de l’inopportunité : avant de transmettre la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, le projet de loi organique prévoit que la juridiction saisie devra s’assurer que la disposition « n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ». Réfléchissons bien à la signification du mot « circonstances ». S’il s’agit ici des circ...

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

Dans le projet de loi organique que nous examinons, trois critères cumulatifs sont requis pour qu’il soit procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : le lien de la disposition contestée avec le litige, le caractère sérieux de la question et, si le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la conformité à la Constitution de ladite disposition, un changement des circonstances. Exclure ce dernier critère revient à considérer que le Conseil constitutionnel s’est prononcé une fois pour toutes et ...

Photo de Christian CointatChristian Cointat :

Moi non plus je ne comprends pas très bien la démarche de notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur. Tout à l’heure, monsieur Sueur, vous nous avez longuement expliqué que le juge devait avoir la possibilité de s’autosaisir, en quelque sorte, d’une question de constitutionnalité et d’agir directement auprès du Conseil constitutionnel. Tout à l’heure, vous avez voté un amendement tendant à prévoir qu’il faudrait tenir compte non seulement de la loi, mais aussi de la jurisprudence. Or voilà que vous opérez un virage à 180 degrés en disant exactement l’inverse !

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

.... Or la rédaction proposée pour l’alinéa visé pourrait conduire à penser que la loi organique étend la compétence du Conseil constitutionnel en méconnaissant les limites de ses attributions. Il convient donc de la modifier pour clairement préciser qu’il s’agit des droits et libertés garantis par la Constitution ou par un engagement international souscrit par la France et faisant partie du bloc de constitutionnalité.

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

... juridiction saisie. Un justiciable peut saisir une juridiction, administrative ou ordinaire, sur deux moyens : les droits et libertés garantis par la Constitution, d’une part, les droits et libertés garantis par les conventions, d’autre part. Dans le cas où un justiciable soulève ces deux moyens, le juge doit d’abord, « en tout état de cause », se prononcer sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Le contrôle de constitutionnalité est donc prioritaire. En conclusion, la commission émet bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

...ns inférieures pose problème : comment pourrait-on demander au Parlement d’interpréter un texte qui fait l’objet d’une procédure juridictionnelle ? C’est une première hérésie du point de vue du principe de la séparation des pouvoirs. De plus, il est proposé que le Parlement puisse intervenir alors que la procédure se déroule dans les juridictions inférieures, avant transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : c’est une seconde hérésie. Par conséquent, monsieur Mézard, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 5 rectifié, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Plus le temps passe, plus je me dis que j’ai eu raison de ne pas voter la révision constitutionnelle, qui aboutit à interdire au juge de soulever la question de constitutionnalité et empêche en outre de poser dans la loi constitutionnelle le problème de possibles conflits d’intérêts, mais dont un texte d’application règle en revanche dans le détail la procédure par laquelle la Cour de cassation doit se prononcer si elle est saisie. En réalité, il ne s’agit pas, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le fond, sur la constitutionnalité de la disposition législative ...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

...e, mes chers collègues, du bien-fondé de l’amendement n° 22. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est particulièrement bizarre. Il prévoit que le Conseil constitutionnel, une fois saisi soit par la Cour de cassation, soit par le Conseil d’État, avisera immédiatement le Président de la République et le Premier ministre, qui pourront lui adresser leurs observations sur la question de constitutionnalité soulevée. Le texte précise ensuite que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat seront également avisés par le Conseil constitutionnel, en quelque sorte à titre subsidiaire et sans pouvoir, quant à eux, formuler d’observations. Or il s’agit de se prononcer sur une loi, toujours votée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires. Admettons que le Président de...