La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul ne peut mieux incarner les valeurs fondamentales des libertés et des droits des justiciables que le président Robert Badinter. C’est donc avec beaucoup d’humilité que j’interviens en ce début de soirée.
L’introduction, en droit français, de l’exception d’inconstitutionnalité a longtemps relevé de la chimère, tant l’attachement à la suprématie du Parlement a marqué notre système politique et juridique.
Le « légicentrisme » qui a longtemps prévalu faisait de la loi, expression de la volonté générale, la norme indépassable par excellence. L’existence même d’une forme de contrôle de conformité des lois à une norme supérieure, Constitution ou norme internationale, était difficilement concevable.
L’histoire a montré qu’une majorité parlementaire, même investie de l’onction du suffrage universel, pouvait, oubliant toute tempérance, se laisser emporter par ses passions et s’affranchir du respect de certains principes qui délimitent la démocratie de l’excès de pouvoir.
Cette réflexion a conduit certains juristes – je songe bien sûr, en premier lieu, à Hans Kelsen – à proposer de limiter la souveraineté parlementaire en créant un contrôle de constitutionnalité des lois, s’inspirant en partie du système mis en place de façon prétorienne par la Cour suprême américaine.
La toute jeune République fédérale d’Allemagne, traumatisée par les événements que l’on connaît, érigeait en 1949 l’État de droit en paradigme de son système institutionnel : désormais, aucune norme ne pourrait plus déroger aux valeurs qui forment le substrat de la dignité de la personne humaine et ses attributs.
La France, pourtant, dut attendre, non pas 1958 et la création du Conseil constitutionnel, mais le 16 juillet 1971 pour que prenne finalement corps un contrôle au fond de la conformité d’une loi aux normes de valeur constitutionnelle, en l’espèce la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
Par cette décision historique, le Conseil constitutionnel signifiait pour la première fois au législateur que le franchissement par lui de certaines limites portait atteinte au respect des valeurs qui forment ce que le doyen Hauriou appelait la « Constitution sociale de la République ». Nul n’a mieux exprimé que le doyen Vedel la nouvelle règle : « La loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».
Cette première révolution du droit constitutionnel fut naturellement suivie de la réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974. En étendant la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs, l’opposition fut enfin habilitée à contester en droit la toute-puissance politique de la majorité. Mais aussi décisive que fut cette réforme, elle laissait toujours le simple citoyen à l’écart de la contestation juridictionnelle de la loi.
Contrairement à nos voisins européens, le droit français a longtemps persisté à refuser aux justiciables le droit de demander la remise en cause de la loi au nom des droits et libertés. L’approfondissement permanent de l’État de droit commande pourtant cette évolution.
L’exemple de la pénétration de plus en plus importante de la Convention européenne des droits de l’homme en est une illustration patente : les magistrats, eux, ont parfaitement appris à se servir de ce texte, ainsi que des autres normes internationales, pour écarter l’application d’une loi, même postérieure. Des pans entiers de législation ont évolué grâce à l’apport fondamental de ce « bloc de conventionalité » : égalité des enfants légitimes et naturels, création d’un appel devant les cours d’assises, égalité du droit à pension des anciens combattants, abrogation du droit de suite en matière de chasse, amélioration des droits de la défense…
Le maintien d’une saisine restreinte du Conseil constitutionnel a pu également laisser la place à des compromis permettant de ne pas saisir le Conseil constitutionnel, au détriment de la préservation de l’intérêt général et des droits et libertés fondamentaux. Je pense, par exemple, à l’accord tacite qui avait abouti en 2001 à la promulgation sans examen par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la sécurité quotidienne, pourtant manifestement inconstitutionnelle sur certains aspects.
Le présent texte, qui traduit l’article 61-1 issu de la révision constitutionnelle de 2008, incarne une nouvelle évolution de notre droit, dont il est aujourd’hui difficile d’apprécier les effets futurs. Un premier projet de même nature fut présenté en 1990 par Michel Rocard. Mais ce dernier dut l’abandonner à la suite des désaccords persistants de notre Haute Assemblée.
Un projet similaire fut proposé en 1993 par le comité Vedel, mais encore une fois abandonné après l’alternance qui suivit. Sans doute le temps n’était-il pas encore venu…
À l’occasion de la révision constitutionnelle, les discussions qui se déroulèrent dans les deux assemblées autour du nouvel article 61-1 ont montré que le fruit était mûr, puisque tout le monde était d’accord sur le principe. Le dispositif finalement retenu est assez classique, au regard tant de notre tradition juridique que des solutions adoptées par nos voisins. La nouvelle « question prioritaire de constitutionnalité » fait intervenir un double filtrage – des juridictions au fond et des juridictions suprêmes – pour s’assurer à la fois de l’application de la disposition législative en cause à l’instance, que la question de sa constitutionnalité n’a pas déjà été tranchée et de son caractère sérieux. Il appartiendra finalement au Conseil constitutionnel de trancher dans les trois mois suivant le renvoi devant lui de la mesure contestée.
Nous convenons de la pertinence de l’économie générale du dispositif proposé, mais celui-ci laisse subsister un certain nombre d’interrogations, sur lesquelles, je l’espère, monsieur le secrétaire d’État, vous saurez lever le voile.
La question des délais généraux de la procédure pose problème. Notre rapporteur est revenu au texte initialement proposé par le Gouvernement. Le fait d’imposer aux juges ordinaires un délai trop strict pour se prononcer sur le caractère fondé ou non de la demande de renvoi exige effectivement de leur part une somme importante de travail supplémentaire.
Mais nous nous interrogeons tout autant, si ce n’est plus, sur la question de savoir si l’absence de délai ne risque pas d’engendrer un allongement indu des délais de procédure. Il serait à cet égard intéressant de se demander si la Cour européenne des droits de l’homme ne sera pas amenée un jour à apprécier ce délai de renvoi au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Je ne doute pas non plus que vous saurez apprécier l’audacieuse et pertinente solution proposée par notre collègue Michel Charasse, qui se fonde sur la loi des 16 et 24 août 1790.
Ce point particulier soulève, au demeurant, la question des moyens matériels dont disposeront les juridictions, et surtout le Conseil constitutionnel, pour exercer son nouvel office. Il est vraisemblable que le filtrage des requêtes n’empêchera pas un contentieux constitutionnel important de se développer. Et je ne parle pas des périodes postélectorales où le Conseil est amené à examiner des centaines de requêtes. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous informiez sur les moyens matériels et humains qui seront mis à la disposition des membres du Conseil.
En prenant du recul, nous croyons même que se développera un jour une forme de contentieux préventif, qui consisterait, au travers de l’article 61, en une saisine a priori du Conseil par le Premier ministre ou les parlementaires de la majorité, afin de purger immédiatement toute inconstitutionnalité ou au contraire d’attester au plus vite de la constitutionnalité. Faudra-t-il y voir un réel progrès de l’État de droit ou une simple stratégie politique ?
Par ailleurs, nous restons dubitatifs quant au fait que l’invocation de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative ne puisse être un moyen d’ordre public. J’avais interrogé sur ce point notre rapporteur en commission, et il m’avait répondu que l’article 61-1 empêchait le juge de soulever par lui-même ce moyen. Ce texte précise que le Conseil constitutionnel peut être saisi lorsqu’ « il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Rien n’interdit ici, selon nous, le juge de soutenir par lui-même l’inconstitutionnalité d’une mesure, le filtrage opéré par les juridictions suprêmes permettant précisément de ne pas encombrer le Conseil de requêtes inutiles.
On me répondra sans doute que le grief d’inconventionnalité n’est pas non plus d’ordre public. Mais le texte du projet de loi organique soulève le regrettable paradoxe selon lequel le juge ordinaire peut d’office invoquer la violation de la loi comme moyen de légalité interne, mais non celui de la violation de la Constitution, norme suprême de notre droit. Je rappelle que nous nous plaçons ici sur le terrain très particulier des droits et libertés fondamentaux, pour lequel la célérité doit pourtant être de mise.
Sur un plan plus théorique, nous aurions également souhaité aborder la question, qui surviendra nécessairement un jour, d’une inconstitutionnalité négative alléguée. En clair, un requérant pourra-t-il, sur le fondement de l’article 61-1, demander le bénéfice d’une loi qui réserve son application à une autre catégorie de personnes en arguant qu’est méconnu le principe constitutionnel d’égalité ? Le texte reste silencieux sur cette question, qui, malgré un premier abord théorique, est fondamentale, car elle est susceptible de toucher de nombreux domaines de notre société, telles l’égalité entre les hommes et les femmes, l’égale contribution aux charges publiques, ou les différences de traitement selon la nationalité.
Nous imaginons, monsieur le secrétaire d’État, que cette question trouvera nécessairement une réponse de la part du Conseil constitutionnel, à l’image de la jurisprudence développée par le Conseil d’État en matière de carence du pouvoir réglementaire ou de modulation des effets dans le temps d’une annulation pour excès de pouvoir. Il appartiendra aux parlementaires de veiller à ce qu’il n’y ait pas empiètement sur le pouvoir d’opportunité, qui n’appartient qu’au seul Parlement.
En toute hypothèse, l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité suscite sans doute plus d’interrogations qu’elle n’apporte de certitudes. Les effets juridiques à en attendre sont difficiles à anticiper : près de deux cents ans de législation sont susceptibles d’être déférés, sans compter les lois à venir.
Nous tenons toutefois à souligner que la loi organique reste vague quant à la notion de « changement de circonstances » censé permettre le renvoi d’une disposition législative pourtant déjà examinée par le Conseil constitutionnel. Quelle interprétation faut-il donner à cette notion ? Doit-on lui donner le même sens qu’à la jurisprudence Alitalia du Conseil d’État sur l’abrogation des règlements devenus illégaux ? Dans le cas contraire, ne risque-t-on pas d’accorder trop de pouvoirs d’appréciation au Conseil constitutionnel ?
Nos concitoyens ont raison d’attendre beaucoup de la nouvelle procédure de l’article 61-1, qui marque un progrès incontestable et une avancée dans tous les domaines. Tout ce qui contribue au renforcement de l’État de droit va dans le sens de l’histoire. L’approfondissement des droits et libertés fondamentaux est un progrès vital. Si l’on peut penser que le nouvel office du Conseil constitutionnel n’entre pas de jure dans le champ du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la procédure qui sera applicable devant le Conseil devrait garantir à tout le moins une procédure équitable.
Je rappellerai en conclusion, de façon plus générale, que les standards déterminés depuis une trentaine d’années par la Cour de Strasbourg ont apporté une contribution décisive à la définition d’un modèle européen de protection des droits et libertés, définition complétée par les principes généraux du droit dégagés par la Cour de justice des communautés européennes. Cet ensemble forme un corpus de plus en plus achevé. Le Conseil constitutionnel ne saurait ni l’ignorer ni s’en affranchir. Bien au contraire, un conflit de normes serait tout à fait préjudiciable au justiciable, a fortiori dans une matière aussi éminente.
Des interrogations subsistent néanmoins sur le présent projet de loi organique : je songe, notamment, à l’impossibilité pour certaines juridictions, comme le Tribunal des conflits ou la Cour nationale du droit d’asile, d’effectuer ce renvoi préjudiciel.
Considérant qu’il constitue un progrès considérable dans le processus démocratique, notre groupe, unanimement, votera le projet de loi organique.
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas approuver ce qui est un droit nouveau donné à nos concitoyens ? Ce droit de saisir le Conseil constitutionnel, liberté nouvelle, est conforme à ce qui existe dans nombre de pays d’Europe. Nous devons, je pense, souligner l’aspect très positif de ce qui nous est aujourd’hui proposé. Mais cela ne doit pas nous conduire à fermer les yeux sur certaines imperfections du texte, sur certaines questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse, sur certains problèmes qui restent posés.
Commençons par rappeler que, durant toute la IIIe République et toute la IVe République, l’idée même du contrôle de constitutionnalité n’était pas acceptée par les parlementaires et par tous ceux qui présidaient aux partis politiques, quels qu’ils soient – les « leaders d’opinion », comme on dirait aujourd’hui –, qui considéraient que, finalement, la loi qui était écrite par les représentants du peuple, lesquels constituent le Parlement, était la norme absolue, la norme devant laquelle aucune autre norme n’avait de légitimité.
À cet égard, il a été important d’observer la façon dont les choses ont évolué depuis la Constitution de 1958, en particulier avec la grande nouveauté, la réforme constitutionnelle de 1974 permettant à soixante députés ou à soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Mais comment ne pas souligner – et j’ai écouté attentivement les propos de Mme Borvo Cohen-Seat tout à l’heure – que, d’emblée, le débat a été quelque peu biaisé par le fait que la nomination des membres du Conseil constitutionnel procédait de manière tellement étroite, tellement explicite, du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif de la période que les qualités qui sont reconnues à une cour constitutionnelle ou à une cour suprême dans un certain nombre de démocraties n’étaient pas celles que l’on devait constater s’agissant de la nomination des membres du Conseil constitutionnel dans notre pays.
Toujours est-il que Robert Badinter, à qui nous devons rendre hommage, a été, là encore, le militant qui s’est battu pour que cette liberté nouvelle existe. Il a rappelé à cette tribune combien il avait dû œuvrer auprès de François Mitterrand, qui lui-même n’était pas forcément un adepte résolu du Conseil constitutionnel ; vous aurez noté, mes chers collègues, que c’est là un euphémisme ! Quoi qu’il en soit, François Mitterrand a déclaré, le 14 juillet 1989, qu’il fallait que tout Français puisse s’adresser au Conseil constitutionnel s’il estimait qu’un droit fondamental était méconnu.
Qu’il me soit permis de rendre hommage aussi à Michel Rocard, qui, en sa qualité de Premier ministre, a présenté devant le Parlement un projet de loi constitutionnelle dont l’objet était, justement, de permettre aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel. Je rappellerai également, parce que c’est un fait d’histoire, qu’il suscita de vives réactions négatives et que notre cher Sénat ne s’illustra pas, en cette époque, par une adhésion forte à une telle idée : il était carrément contre !
Les choses étant ce qu’elles sont, la France évolue et rejoint tous les pays qui ont mis en œuvre cette possibilité donnée aux citoyens de saisir une instance de la question de la constitutionnalité d’une loi. Dominique Rousseau, à propos du contrôle a posteriori, celui qui nous est ici proposé, déclare : « Il possède deux mérites principaux. Le premier est d’assurer une meilleure protection de libertés et droits fondamentaux. En effet, si, au moment de sa conception, une loi peut apparaître parfaitement conforme à la constitution, elle peut se révéler, au moment de son application, contraire à tel ou tel principe constitutionnel, soit parce qu’il en est fait un usage non prévu par le législateur, soit parce qu’elle s’applique à des situations nouvelles, soit encore parce qu’une nouvelle liberté ou un nouveau droit s’est vu reconnaître une valeur constitutionnelle ou donner une autre interprétation. Bref, c’est par son application qu’une loi peut s’avérer porter atteinte aux droits et libertés des individus. Or, à la différence du contrôle a priori, le contrôle a posteriori permet de saisir, au moment où elles vont ou peuvent se produire, ces atteintes aux principes constitutionnels. Le second mérite de ce système est de faire participer les individus à la défense de leurs droits puisque sa mise en œuvre n’est pas réservée aux seules autorités politiques mais ouverte aux justiciables qui disposent du pouvoir de faire apprécier par le Tribunal constitutionnel la constitutionnalité de la loi qu’une administration ou un juge veut leur appliquer. »
Ce texte va donc dans le bon sens, et nous voterons pour.
Néanmoins, un certain nombre de problèmes subsistent, et ces problèmes, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, il faut les regarder en face. Pour terminer cette intervention, j’en listerai sept.
Le premier point est celui des filtres. J’ignore ce que vous en pensez, monsieur le secrétaire d’État, mais qu’il y ait filtre, c’est normal : il faut éviter des situations ubuesques dans lesquelles le Conseil constitutionnel serait submergé par des recours de circonstance. Mais, en l’espèce, les filtres sont particulièrement filtrants, et l’on peut dire que le rapport entre le citoyen et le Conseil constitutionnel est quelque peu indirect !
Le deuxième point porte sur le champ d’application d’une loi organique. Nous pensons, et nous proposerons un amendement en ce sens, que l’organisation interne de la Cour de cassation ne relève pas nécessairement de la loi organique. Si, mon cher président de la commission, mon cher rapporteur, vous pensez le contraire, nous écouterons avec une grande attention les arguments que vous avancerez pour nous convaincre que cela relève de la loi organique ; si vous ne produisez pas d’arguments, je pense que c’est très volontiers que vous voterez notre amendement.
Sourires.
Le troisième point concerne la possibilité pour le juge de soulever d’office la question de la constitutionnalité. Ce que nous propose le dispositif dont nous débattons aujourd’hui, c’est finalement la faculté donnée à un justiciable qui est face à un tribunal, quel qu’il soit, de soulever la question de la constitutionnalité d’un article de loi qui lui est opposé. Mais si le juge lui-même pense qu’il y a un problème de constitutionnalité, en vertu de quel argument faut-il l’empêcher de soulever d’office la question de la constitutionnalité ? En d’autres termes, pour quelle raison un justiciable serait-il légitime à le faire alors qu’un juge ne le serait pas ? Voilà une question qui m’intéresse !
Quatrième point, évoqué à l’instant par notre collègue Jacques Mézard : il nous paraît contestable non pas que le juge doive s’assurer que le Conseil constitutionnel n’a pas déjà traité du problème – c’est une mesure de bon sens – mais qu’il doive statuer selon les circonstances : « sauf changement des circonstances ». C’est clair : ou bien la question a été traitée ou bien elle ne l’a pas été ! Or le juge pourra considérer que c’est une question de circonstances. Nous avons donc présenté un amendement pour supprimer cette mention, parce qu’elle nous semble indéterminée.
Je n’ai rien lu de contraire à ce que j’ai dit ! La mention « sauf changement des circonstances » engendre, nous semble-t-il, une part d’arbitraire non négligeable.
Cinquième point : si un justiciable saisit le tribunal, lequel, trouvant la demande légitime, saisit soit le Conseil d’État soit la Cour de cassation, et que l’une ou l’autre de ces instances saisit le Conseil constitutionnel, ce dernier avise immédiatement le Président de la République et le Premier ministre et ceux-ci peuvent produire des observations. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont également avisés par le Conseil constitutionnel.
Nous nous posons la question suivante : en vertu de la décision prise en 1974, pourquoi ne pourrait-on pas prévoir que soixante sénateurs ou soixante députés puissent faire part de leur position ?
On a objecté à l’Assemblée nationale – j’ai lu les débats, monsieur le secrétaire d’État, notamment ce qui a été dit par le Gouvernement – que tout un chacun pouvait envoyer des lettres au Conseil constitutionnel. Nous pouvons, il est vrai, envoyer des lettres au Conseil constitutionnel, et même des cartes postales ! Mes chers collègues, cette réponse est quelque peu légère. La position de soixante parlementaires importe, puisqu’elle déclenche la saisine.
Je sais bien qu’il n’est pas question ici de saisine, puisque celle-ci émane du justiciable, du tribunal de première instance, du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Mais pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité ? Quel inconvénient y aurait-il ? En quoi cela poserait-il un problème juridique, monsieur le rapporteur ? J’espère, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que vous accueillerez favorablement notre amendement.
Le sixième point porte sur la conséquence qu’il convient de tirer d’une décision du Conseil constitutionnel.
En l’état, le projet de loi organique n’a pas prévu d’introduire dans le code de procédure pénale un mécanisme spécifique de révision visant à tirer les conséquences de la décision d’abrogation par le Conseil constitutionnel du texte ayant donné lieu à sa saisine, lorsque les voies de recours ordinaires et le pourvoi en cassation ne peuvent plus être exercés.
Une telle disposition paraît d’autant plus essentielle que les hypothèses visées concerneront, notamment au pénal, des questions touchant aux libertés individuelles, plus particulièrement lorsqu’une détention est en jeu.
L’absence de cette mesure incitera les parties à soulever prioritairement la question de conventionalité, ce qui pourrait avoir pour conséquence de vider de leur intérêt les dispositions de l’article 61- 1, d’autant qu’un dispositif de réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est prévu aux articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale.
Afin de combler ce vide, monsieur le secrétaire d’État, nous proposons que la procédure applicable au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme s’applique également lorsque le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu’il y ait sursis à statuer et a rendu une décision sur le fondement du texte abrogé par le Conseil constitutionnel. Il ne serait pas acceptable qu’une décision du Conseil constitutionnel n’ait pas de conséquences directes.
Septième et dernier point : notre vote sur ce projet de loi organique ne nous empêche pas d’avoir des choses à dire sur le Conseil constitutionnel.
En premier lieu, se pose la question de la compatibilité de membre du Conseil constitutionnel avec l’exercice de certaines professions. Pour aller plus loin que M. le rapporteur, nous proposerons que les membres du Conseil constitutionnel ne puissent exercer aucune profession : leur qualité est suffisante, leurs moyens raisonnables, et ce serait une garantie totale d’indépendance.
En deuxième lieu, il faudra veiller à ce que toutes les conditions du procès équitable soient remplies par le Conseil constitutionnel, conformément à ce que les instances européennes ne cessent d’affirmer.
Enfin, en troisième lieu, nous réaffirmons ici notre désaccord complet sur le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel. Si nous nous orientons vers une cour constitutionnelle, alors, monsieur le secrétaire d’État – je pense que vous en serez d’accord, car vous avez souvent défendu cette position –, nous ne pouvons nous satisfaire du mode de désignation de ceux-ci. On a cité tout à l’heure les démocraties où sont requises des majorités qualifiées au sein des parlements pour désigner les membres des cours constitutionnelles et des cours suprêmes.
Mes chers collègues, nous voterons ce texte, parce que nous ne voulons pas nous opposer à l’ouverture d’un droit nouveau à nos concitoyens, mais des questions importantes restent posées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’étonne que personne n’ait cité entièrement l’article 61-1 de la Constitution, qui explique parfaitement le contenu de la loi organique dont nous discutons aujourd’hui : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
Voilà un article court, pertinent et, pour une fois, bien écrit !
Cet article crée dans notre droit constitutionnel une révolution juridique aux conséquences difficilement prévisibles.
S’agissant tout d’abord de la révolution juridique, pendant très longtemps, jusqu’à l’adoption de la révision constitutionnelle de 2008, la France n’était que partiellement un État de droit. En effet, certaines lois pouvaient être contraires à la Constitution et continuer de s’appliquer sans que quiconque puisse les déférer devant un juge, quel qu’il soit.
Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas : il n’y a pas de cour constitutionnelle au Royaume-Uni, même s’il existe un certain nombre de dispositions de caractère supraconstitutionnel comme le Bill of rights et l’Habeas corpus, qui s’imposent non seulement aux parlementaires, mais aussi à tous les tribunaux, qui doivent veiller à leur application.
En réalité, les Britanniques ont jusqu’à maintenant fait comme nous, en suppléant l’absence de contrôle de constitutionnalité par un contrôle de conventionalité, qui a permis un certain développement des droits et des libertés au Royaume-Uni.
La tradition française était contraire au contrôle de la constitutionnalité des lois. En effet, la différence fondamentale entre le système français et le système anglo-saxon, c’était notre vision optimiste du droit, à l’inverse des Anglo-Saxons, qui en avaient une vision pessimiste.
Pour les Anglo-Saxons, le droit était au service du pouvoir, lequel devait être contrôlé le plus étroitement possible par le juge, ce qui a amené à la fois la conception de la Common law au Royaume-Uni et de la Cour suprême aux États-Unis. En France, nous avions une conception « rousseauiste » du droit : il a pour objet d’améliorer l’homme, de le rendre plus heureux, de faire en sorte que tous ses besoins soient satisfaits.
Nous nous sommes peut-être un peu trompés, mais cela a abouti à une théorie que tous les constitutionnalistes connaissent, celle de Carré de Malberg : la loi est l’expression de la volonté générale ; la loi ne peut pas mal faire ; la loi peut tout faire – on a même ajouté, y compris changer un homme en femme – ; la loi ne peut pas être jugée. Ces principes ont conduit à ce que l’on a appelé « la souveraineté parlementaire », c’est-à-dire, en réalité, à l’absence de contrôle de constitutionnalité.
On a beaucoup cité le modèle européen, qui est récent : il date de l’immédiat après-guerre. Auparavant, il n’existait pas en Europe, contrairement aux États-Unis, de modèle de contrôle de la constitutionnalité. Car entre les deux guerres, de nombreux pays vivaient sous des régimes autoritaires. En outre, ce n’était pas dans la tradition : la tradition française s’est imposée pratiquement à tous les États au lendemain de la guerre de 1914-1918, et dans les nouvelles constitutions développées, notamment, par Michel Mouskely.
Le mouvement constitutionnel d’après-guerre a tout changé. En Allemagne, en 1949, en Italie, en Belgique, va progressivement se développer un système de contrôle de constitutionnalité, qui se poursuivra à la chute des dictatures espagnole, grecque et portugaise, mais avec des modalités différentes.
En Grèce, par exemple, il n’y a pas de cour constitutionnelle, mais toutes les juridictions ont le droit d’assurer le contrôle de constitutionnalité.
En France, la grande révolution date, bien sûr, de 1958, avec la mise en place du Conseil constitutionnel. Il était alors conçu pour être un gardien de la Constitution uniquement au service du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle certains l’avaient baptisé, à l’époque, le « chien de garde » du Gouvernement. Car de 1958 à 1971, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est exclusivement au service gouvernemental. Il faut dire que toute saisine était impossible, sauf par le président du Sénat, qui a usé de ce droit en 1971.
L’année 1971 constitue donc un premier virage, avec l’apparition des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, du bloc de constitutionnalité, qui débordait la Constitution elle-même. Mais le véritable virage aura lieu en 1974, lorsque soixante députés ou soixante sénateurs pourront saisir le Conseil constitutionnel, ouvrant dès lors la voie à la saisine de l’opposition.
À partir de 1974, on assistera à ce que l’on a appelé « la juridicisation » du droit constitutionnel, avec son chantre Louis Favoreu, qui transformera l’approche du droit constitutionnel, passant d’une approche de science politique à une approche beaucoup plus juridique. La théorie de celui-ci était fondée sur le fait qu’il existait deux grands modes de contrôle de constitutionnalité : le contrôle a priori, qui est le modèle français, et le contrôle a posteriori.
Louis Favoreu s’est fait l’ardent défenseur – l’avocat, en réalité – du contrôle a priori, arguant du fait qu’il était aussi efficace que le contrôle a posteriori. Il n’avait pas tout à fait tort sur un certain nombre de points, car le contrôle a posteriori présente des inconvénients, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
Quoi qu’il en soit, le contrôle de constitutionnalité existant était imparfait. Si l’on n’avait pas saisi le Conseil constitutionnel a priori, un certain nombre de lois pouvaient entrer en application, même si elles étaient contraires à la Constitution. Ce contrôle a été progressivement remplacé par le contrôle de conventionnalité, qui s’est imposé au sein des tribunaux, d’abord judiciaires, puis administratifs ; le Conseil d’État a développé, depuis une vingtaine d’années maintenant, une jurisprudence dans ce domaine.
La révolution juridique que nous venons de connaître avec la révision constitutionnelle aura des conséquences difficilement prévisibles.
Le projet de loi qui nous est soumis est court : quatre articles, qui modifient assez profondément l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, en incluant, à l’article 1er, un chapitre II bis visant à créer les articles 23-1 à 23-11, puis, à l’article 2, les articles L.O. 771-1 et L.O. 771-2, les articles L.O. 461-1 et L.O. 461-2, ainsi que les articles L.O. 630 et L.O. 142-2.
Certains de nos collègues ont évoqué deux filtres. Personnellement, je pense qu’il y en a quatre. Il n’y a pas de recours en constitutionnalité s’il n’existe pas préalablement une instance, premier filtre, et une instance non pas dans tous les domaines, mais qui porte exclusivement sur une atteinte aux droits et libertés du citoyen, deuxième filtre. Par ailleurs, intervient l’appréciation du juge saisi, troisième filtre, puis le Conseil d’État ou la Cour de cassation, quatrième filtre.
Ces garanties visent à éviter les engorgements, mais des conséquences immédiates découleront de l’adoption de ces nouvelles dispositions, ce qui suscite un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, il va falloir que les juges modifient leur comportement. En effet, l’approche du contrôle de constitutionnalité n’est pas naturelle chez les magistrats. Leur formation en droit constitutionnel devra être améliorée, car elle n’est pas encore parfaite. Le droit constitutionnel devra donc être revalorisé dans les études juridiques, et vraisemblablement à l’École nationale de la magistrature.
Ensuite, il faudra redynamiser le droit constitutionnel. L’année 1974 avait donné un coup d’accélérateur à la connaissance du droit constitutionnel ; l’année 2009 produira les mêmes effets. Il sera nécessaire d’assurer une meilleure formation en droit constitutionnel durant les études juridiques – mais pas uniquement dans ce domaine – et de compléter une matière nouvelle qui va s’imposer, à savoir le contentieux constitutionnel, qui changera complètement de nature, celui-ci étant, pour l’instant, strictement limité à des domaines très précis.
Le Conseil constitutionnel devra bénéficier de nouveaux moyens, car il se trouvera confronté à une surcharge de travail, notamment durant les premières années. Surtout, il faudra inventer d’autres règles de procédure, en élaborant un véritable code de procédure. En effet, toute une série de questions se poseront. Comment doit se dérouler le procès ? Car il s’agit bien d’un procès entre des parties. Le Parlement aura-t-il le droit d’intervenir ?
J’en viens à mes interrogations, auxquelles la loi organique qui nous est proposée ne répond pas, mais tel n’est pas son rôle.
Premièrement, pouvons-nous craindre un engorgement du Conseil constitutionnel ? Ce n’est pas impossible, car, au cours des premières années, nous risquons de connaître une tendance au recours systématique, qui, les juges aidant, facilitera l’accès au Conseil constitutionnel. Il faudra donc créer une jurisprudence, car il ne sera pas aisé, pour le Conseil constitutionnel, de décider.
La deuxième question qui me chagrine un peu plus concerne les possibles conflits entre, d’une part, la jurisprudence du Conseil d’État et celle de la Cour de cassation pour ce qui concerne la saisine du Conseil constitutionnel, et, d’autre part, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État lorsqu’ils exercent le contrôle de conventionnalité. Les juridictions suprêmes pourront invoquer le fait que tel texte constitue une violation des conventions internationales, tandis que le Conseil constitutionnel prétendra que celui-ci n’est pas contraire à la Constitution.
Troisièmement, il convient de s’interroger sur les conséquences de l’annulation d’un texte par le Conseil constitutionnel. Je n’ai pas tellement de craintes pour ce qui concerne le droit pénal, car celui-ci a fait l’objet de suffisamment de corrections, d’analyses, de recours devant le Conseil constitutionnel pour laisser penser qu’il est quelque peu bordé. Mais il n’en sera peut-être pas de même s’agissant de la procédure pénale.
Les recours risquent d’être nombreux dans certains domaines : je veux parler du droit fiscal, du droit douanier, …
… du droit de l’environnement ou encore du droit de l’urbanisme.
Souvent, dans le passé, les tribunaux ou les administrations ont procédé à des condamnations non pas à des peines de prison, mais à des amendes. Si le Conseil constitutionnel annule telle ou telle disposition, en raison de sa responsabilité du fait des lois, l’État devra indemniser ceux qui, à tort, auront été condamnés à verser des indemnités sur le fondement d’une loi contraire à la Constitution.
Telles sont, entre autres, les interrogations auxquelles je n’ai pas de réponse.
Vous le savez, l’une des craintes des Anglo-Saxons, notamment des Américains, résidait dans le fait que le contrôle a posteriori risquait d’entraîner des catastrophes juridiques en cascade. Ainsi, l’annulation d’un texte, à un moment donné, parfois dix ou quinze ans après son adoption, impose d’étudier toutes les conséquences de cette annulation et à remonter, en quelque sorte, jusqu’au point de départ. Dans certains cas très précis, cela a parfois posé problème aux États-Unis. Toutefois, la Cour suprême opère elle-même le tri et n’examine pas les quelque milliers de recours dont elle est saisie. Seuls quelques-uns peuvent bénéficier d’une décision de la Cour suprême grâce au writ of certiorari.
Ne disposant pas d’un tel système, nous pouvons craindre les conséquences de l’annulation de certains textes de loi si l’on devait, en quelque sorte, remonter toute la filière, depuis l’origine. Mais je suis aujourd'hui dans l’incapacité totale de vous dire lesquelles.
Je me demande également s’il ne serait pas souhaitable d’envisager – mais cela ne relève pas de la loi organique –, en cas de recours systématiques en cascade, des sanctions pour recours abusif, comme c’est actuellement le cas devant les tribunaux administratifs ou judiciaires.
Enfin, à l’instar de certains de mes collègues, je m’interroge sur la notion « sauf changement des circonstances ».
J’en arrive à ma conclusion. Il sera nécessaire de dresser, d’ici à deux ans, un premier bilan de l’application de la loi de façon à examiner la manière dont le Conseil constitutionnel a fait face à ses nouvelles fonctions.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les propos qui ont été tenus sur la composition du Conseil constitutionnel. Il y aurait beaucoup à dire sur celle des autres juridictions suprêmes ; il n’y a pas de système absolu et parfait pour désigner les membres de ces instances. Le système à la française n’est peut-être pas le meilleur, mais il n’est pas le pire non plus.
M. Patrice Gélard. Le groupe UMP votera unanimement ce projet de loi organique.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le doyen Patrice Gélard a assez bien résumé l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons.
Comme l’ont rappelé notamment M. le rapporteur et M. Badinter, la France rejoint les grandes démocraties européennes qui ont ouvert la saisine du juge constitutionnel au citoyen, après l’ouverture de la saisine aux parlementaires en 1974 et la mise en place du contrôle de conventionnalité. Il s’agit là de parachever la construction de notre État de droit.
En vous écoutant, monsieur Gélard, une anecdote m’est venue à l’esprit. Vous avez parlé des cours de droit constitutionnel dispensés il y a quarante ans. Étudiant, j’ai assisté, pour le plaisir, aux cours de Jean Waline, pensant que ces cours ne seraient certainement ceux qui me serviraient le plus au cours de ma carrière professionnelle. Désormais, ces cours seront abordés non seulement avec plaisir, mais également avec le sentiment qu’ils contribuent utilement à la formation des juristes.
Comme plusieurs d’entre vous l’ont relevé, il s’agit d’un changement culturel. Certains ont noté le chemin parcouru en matière de formation des magistrats. Je puis vous assurer que l’École nationale de la magistrature travaille déjà à cette mutation, y compris par le biais de la formation continue.
Le projet de loi garantit, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel, ainsi que la publicité de l’audience.
Les filtres sont évidemment de nature à éviter un engorgement du Conseil constitutionnel. D’ailleurs, comme le prévoit l’exposé des motifs du projet de loi, nous dresserons un bilan de l’application de la loi dans deux ans. Mais les juridictions suprêmes et le Conseil constitutionnel sont d’ores et déjà très attentifs à leurs jurisprudences réciproques.
M. le rapporteur et Robert Badinter ont souligné, de manière très intéressante et convaincante, le parachèvement de notre État de droit. Certes, l’édifice n’est jamais achevé, monsieur Sueur, mais nous reviendrons ultérieurement sur ce point.
L’intervention de Robert Badinter – je ne peux que saluer son propos – fut très émouvante, car il a été l’un des principaux acteurs d’une autre étape importante, celle de l’accès du citoyen français à la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, je salue la mémoire de René Cassin. Je me souviens de l’avoir croisé tout jeune étudiant ; j’étais fort impressionné par sa pensée et par son action.
Trente ans après cette première évolution importante, la France ouvre à ses citoyens la possibilité, par ce nouveau recours, de faire valoir directement la protection de leurs droits et libertés garantie par la Constitution.
Je formulerai quelques brèves remarques sur les interventions, toutes intéressantes, des uns et des autres.
Madame Borvo Cohen-Seat, le projet de loi organique qui vous est soumis répond en grande partie à votre souhait, me semble-t-il, puisqu’il renforce la garantie de la protection des droits et préserve la sécurité juridique. Ainsi, le Conseil constitutionnel pourra abroger les dispositions inconstitutionnelles, mais il appartiendra au Parlement de voter une nouvelle loi.
S’agissant de la composition du Conseil constitutionnel, celle-ci a fait l’objet d’un débat à l’occasion de la révision constitutionnelle et le Parlement s’est prononcé. La transparence a été renforcée, puisque les nominations seront soumises, dans les deux assemblées, à l’avis des commissions compétentes, qui pourront s’y opposer à la majorité des trois cinquièmes. C’est un progrès important par rapport à la situation antérieure.
J’en viens à la question du coût. Les justiciables qui bénéficient de l’aide juridictionnelle en bénéficieront également devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation.
En outre, il n’y aura aucune obligation de produire de nouvelles observations devant les juridictions suprêmes : elles se prononceront au vu des observations échangées devant les premiers juges.
M. Zocchetto s’est inquiété de la sécurité juridique, question qui a été reprise par d’autres sénateurs au cours du débat.
Le texte qui a été adopté par le constituant en juillet 2008 est équilibré et le Conseil constitutionnel saura le mettre en œuvre avec discernement. Le principe adopté est l’absence d’effet rétroactif. La déclaration d’inconstitutionnalité conduira donc seulement à une abrogation de la loi, abrogation qui pourra elle-même intervenir de façon différée, afin de permettre au Parlement d’adopter une nouvelle loi.
À titre exceptionnel, le Conseil constitutionnel pourra déterminer « les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être mis en cause. » Le seul objet de cette mesure est de permettre au Conseil de donner un effet utile à sa décision pour le justiciable qui est à l’origine de la question et pour ceux qui ont déjà engagé un contentieux. En effet, en elle-même, l’abrogation ne permettrait pas d’écarter l’application de la loi inconstitutionnelle au litige dans lequel la question a été soulevée. Je tiens à vous rassurer : en aucun cas le Conseil constitutionnel ne pourra remettre en cause une décision juridictionnelle définitive.
Monsieur Mézard, vous êtes allé au fond des choses et vous avez posé un certain nombre de questions tout à fait pertinentes. Dans un premier temps, je n’en reprendrai que quelques-unes.
D’abord, les délais de jugement ne seront pas allongés de manière indue. Le juge renverra la question dès qu’il sera en mesure de le faire et l’examen par la juridiction suprême et par le Conseil constitutionnel s’imputera sur l’instruction.
S’agissant des moyens matériels du Conseil constitutionnel, à ce jour, ce dernier n’a pas exprimé de besoins particuliers. Mais le Gouvernement veillera, bien sûr, à ce que le Conseil dispose des moyens nécessaires. Lancer une telle réforme en ne lui permettant pas de mener à bien les nouvelles tâches qui lui incombent n’aurait en effet aucun sens.
Le juge peut-il invoquer d’office l’inconstitutionnalité d’une loi ? La Constitution réserve au justiciable la possibilité de poser la question de constitutionnalité. Sur ce point, l’article 61-1 est très clair : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question ». Or, dans le procès, ce sont les parties qui soutiennent les moyens. Le rôle du juge est d’y répondre.
Le constituant a entendu ouvrir un droit nouveau au justiciable ; c’est à lui de décider s’il veut en faire usage. Cette solution respecte la stratégie contentieuse des parties.
En outre, le pouvoir de relever d’office un moyen est intimement lié au pouvoir d’apprécier le bien-fondé de ce moyen. Or la Constitution n’habilite pas les juridictions de fond à apprécier elles-mêmes la constitutionnalité des dispositions législatives. Il est donc préférable d’exclure la possibilité pour le juge de soulever d’office la question de constitutionnalité.
Monsieur Sueur, je ne répondrai pas dans le détail sur les sept points que vous avez abordés dans votre intéressant développement ; j’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de vos amendements. Dans un premier temps, je m’en tiendrai donc à quelques remarques.
Je vous remercie tout d’abord d’avoir souligné ce droit nouveau donné à nos concitoyens.
S’agissant des filtres, le constituant a prévu un examen de la demande par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation.
Les principes relatifs à la composition des formations de jugement de la Cour de cassation relèvent de la loi. Ils figurent dans la partie législative du code de l’organisation judiciaire.
Seules les parties au procès pourront soulever le nouveau moyen.
Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la notion « sauf changement des circonstances », mais je peux encore en dire un mot. Il s’agit seulement de permettre de prendre en considération les éléments de droit ou de fait nouveaux qui modifient nécessairement les termes de la question déjà tranchée par le Conseil.
Il pourra s’agir de circonstances de droit, telle la proclamation de nouveaux droits constitutionnellement garantis depuis l’intervention de la décision du Conseil constitutionnel.
Il faut aussi envisager l’hypothèse de changement dans les circonstances de fait. On peut penser aux domaines marqués par une évolution rapide de la science ou des techniques, ou encore aux évolutions démographiques qui peuvent rendre inconstitutionnel, après un certain nombre d’années, un découpage électoral, par exemple, qui avait été, en son temps, validé par le Conseil constitutionnel.
Pour ce qui est de l’intervention des parlementaires devant le Conseil, la modification de la Constitution a ouvert un droit nouveau au justiciable et n’a pas entendu conférer ce droit-là aux parlementaires, qui ont d’autres droits, vous le savez fort bien.
Concernant le Conseil constitutionnel, le décret de novembre 1999 prévoit des obligations destinées aux membres du Conseil. Il n’est pas souhaitable de leur interdire toute activité professionnelle. Un professeur de droit membre du Conseil constitutionnel ne pourrait plus donner de cours, ce qui serait dommage.
En conclusion, la discussion générale marque un consensus assez large sur les avancées que constitue ce texte.
Certains d’entre vous ont posé, à juste titre, un certain nombre de questions sur lesquelles il faudra être très attentif au moment où le dispositif sera véritablement mis en œuvre. D’autres ont ouvert des perspectives hors modification de la Constitution. Il est toujours intéressant de réfléchir aux évolutions possibles. Mais nous avons déjà vraiment de quoi faire avec cette modification.
Nous abordons le débat dans un esprit extrêmement positif, voire enthousiaste si j’en juge par certaines de vos interventions dans lesquelles vous considérez qu’il s’agit d’un vrai progrès.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
L'amendement n° 14, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, les mots : « des votes et de ne prendre aucune position publique, » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
J’appelle donc en discussion des deux amendements suivants.
L'amendement n° 15, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 14 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les décisions sont signées par tous les conseillers ayant participé au délibéré, mention étant faite du rapporteur.
« Les conseillers peuvent exprimer leur désaccord sur le dispositif et les motifs de la décision ou sur les seuls motifs dans une opinion séparée, signée de son auteur, annexée à la décision majoritaire et publiée au Journal officiel. »
L'amendement n° 13, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 20 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par les mots : «, de même que les éventuelles opinions séparées ».
Vous avez la parole, monsieur Sueur.
Comme le dit Wanda Mastor, professeur de droit public, le droit public français n’a jamais consacré la publicité des divergences en matière juridictionnelle. Bien au contraire, il énonce de manière ferme un principe élevé au rang de dogme, celui du secret des délibérés. Ce dernier est ancré dans notre droit depuis si longtemps et de manière si constante que l’on parle de tradition française du secret.
Lors de l’instauration du Conseil constitutionnel, les règles de procédure s’inspirèrent naturellement de celles des juridictions ordinaires. Au moment de prêter serment devant le Président de la République, les membres du Conseil constitutionnel « jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. »
Le décret pris en application de la loi organique relative au Conseil constitutionnel fait figurer parmi les obligations imposées au juge constitutionnel celle de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part du Conseil.
Tout cela, vous pourriez me le dire, monsieur le secrétaire d’État, mais je vous dispense ainsi de me rappeler ce que nous connaissons tous.
J’ai été, comme plusieurs de mes collègues, invité par M. le président du Conseil constitutionnel. Vous pensez bien que, par respect pour cette haute institution, nous avons répondu à l’invitation. Le président a remis à chacune des personnes qu’il avait conviées un ouvrage, que je lis régulièrement le soir.
Sourires
Il s’agit non pas d’un roman policier, contrairement à ce que croit un éminent collègue, mais tout simplement du compte rendu des délibérations du Conseil constitutionnel. Je dis bien « délibérations » et non « décisions », avec, bien évidemment, une certaine distance dans le temps.
M. le président du Conseil constitutionnel suggérait ainsi qu’il y a un grand intérêt à lire les délibérations pour comprendre les décisions du Conseil, tout comme il est utile de connaître les délibérations du Parlement pour bien comprendre les lois !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai annoncé que j’allais présenter mes trois amendements en même temps, monsieur le président. Je pourrais donc parler trois fois cinq minutes.
Trois minutes seulement ! sur les travées de l ’ UMP.
Le règlement a été modifié, monsieur Sueur : vous disposez d’un temps de parole de trois minutes par amendement !
C’est vrai ! Mais, vous le savez, mes chers collègues, je suis quelque peu conservateur, comme un certain nombre d’entre vous, …
…et j’ai donc du mal à me faire aux nouvelles habitudes !
J’en reviens à mes amendements.
D’abord, les opinions séparées peuvent être à l’origine de l’adoption de certaines lois de modification de la norme. C’est ainsi que les opinions dissidentes de certains juges de la Cour suprême des États-Unis relatives à la condamnation de l’esclavage ont été la pierre angulaire de l’édifice d’un long processus de transformation du droit et des mœurs.
Ensuite, les opinions séparées peuvent annoncer des revirements jurisprudentiels, les opinions minoritaires d’hier pouvant devenir les opinions majoritaires de demain.
Par ailleurs, les opinions séparées permettent de rendre les décisions majoritaires plus compréhensibles.
Enfin, l’expression des opinions séparées existe dans un certain nombre de pays ; je veux parler de l’Italie, de l’Espagne, des États-Unis et de beaucoup d’autres.
Vous savez aussi – ce n’est un secret pour personne – qu’il existe même des membres du Conseil constitutionnel qui trouveraient très bénéfique que l’on puisse publier les opinions séparées.
C’est pour aller dans le sens de la modernisation de nos institutions que nous présentons ces trois amendements, monsieur le président.
La commission est défavorable à ces trois amendements pour deux raisons.
D’abord, ils n’ont aucun lien avec la loi organique.
Ensuite, la question de savoir si une juridiction doit faire connaître les opinions dissidentes ou individuelles de ses membres regarde la seule juridiction ; le législateur n’a pas à s’immiscer dans la composition d’une décision de justice.
Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements pour les mêmes raisons. Ces décisions seront ainsi dotées de l’autorité nécessaire.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Après le chapitre II du titre II de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« Chapitre II bis
« De la question prioritaire de constitutionnalité
« Section 1
« Dispositions applicables devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation
« Art. 23 -1 (non modifié). – Devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office.
« Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis.
« Si le moyen est soulevé au cours de l’instruction pénale, la juridiction d’instruction du second degré en est saisie.
« Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d’assises. En cas d’appel d’un arrêt rendu par la cour d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.
« Art. 23 -2. – La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
« 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
« 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
« En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative d’une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d’autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.
« La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n’est susceptible d’aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.
« Art. 23 -3 (non modifié). – Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.
« Toutefois, il n’est sursis à statuer ni lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance, ni lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.
« La juridiction peut également statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu’elle statue dans un délai déterminé ou en urgence. Si la juridiction de première instance statue sans attendre et s’il est formé appel de sa décision, la juridiction d’appel sursoit à statuer. Elle peut toutefois ne pas surseoir si elle est elle-même tenue de se prononcer dans un délai déterminé ou en urgence.
« En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.
« Si un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges du fond se sont prononcés sans attendre la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, celle du Conseil constitutionnel, il est sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu’il n’a pas été statué sur la question prioritaire de constitutionnalité. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
« Section 2
« Dispositions applicables devant le Conseil d’État et la Cour de cassation
« Art. 23 -4 (non modifié). – Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l’article 23-2 ou au dernier alinéa de l’article 23-1, le Conseil d’État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
« Art. 23 -5 (non modifié). – Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé d’office.
« En tout état de cause, le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit, lorsqu’il est saisi de moyens contestant la conformité d’une disposition législative d’une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d’autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
« Le Conseil d’État ou la Cour de cassation dispose d’un délai de trois mois à compter de la présentation du moyen pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
« Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d’État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il peut n’être pas sursis à statuer.
« Art. 23 -6 (non modifié). – Le premier président de la Cour de cassation est destinataire des transmissions à la Cour de cassation prévues à l’article 23-2 et au dernier alinéa de l’article 23-1. Le mémoire mentionné à l’article 23-5, présenté dans le cadre d’une instance devant la Cour de cassation, lui est également transmis.
« Le premier président avise immédiatement le procureur général.
« L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
« Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.
« Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre.
« Art. 23 -7. – La décision motivée du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel lui est transmise avec les mémoires ou les conclusions des parties. Le Conseil constitutionnel reçoit une copie de la décision motivée par laquelle le Conseil d’État ou la Cour de cassation décide de ne pas le saisir d’une question prioritaire de constitutionnalité. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne s’est pas prononcé dans les délais prévus aux articles 23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel.
« La décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation est communiquée à la juridiction qui a transmis la question prioritaire de constitutionnalité et notifiée aux parties dans les huit jours de son prononcé.
« Section 3
« Dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel
« Art. 23 -8 (non modifié). – Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République et le Premier ministre. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est soumise. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont également avisés par le Conseil constitutionnel.
« Lorsqu’une disposition d’une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie fait l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avise également le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président du congrès et les présidents des assemblées de province.
« Art. 23-8-1 (non modifié). – Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de la question prioritaire de constitutionnalité, l’extinction, pour quelque cause que ce soit, de l’instance à l’occasion de laquelle la question a été posée est sans conséquence sur l’examen de la question.
« Art. 23 -9 (non modifié). – Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.
« Art. 23 -10. – La décision du Conseil constitutionnel est motivée. Elle est notifiée aux parties et communiquée soit au Conseil d’État, soit à la Cour de cassation ainsi que, le cas échéant, à la juridiction devant laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée.
« Le Conseil constitutionnel communique également sa décision au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article 23-8, aux autorités qui y sont mentionnées.
« La décision du Conseil constitutionnel est publiée au Journal officiel et, le cas échéant, au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.
« Art. 23 -11 (non modifié). – Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, la contribution de l’État à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l’aide juridictionnelle est majorée selon des modalités fixées par voie réglementaire. »
L'amendement n° 19, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles sont enfin incompatibles avec toute activité professionnelle. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
La question qui est posée est celle de la compatibilité du statut de membre du Conseil constitutionnel avec certaines activités professionnelles. Pour simplifier les choses, nous proposons que les membres du Conseil constitutionnel n’exercent aucune activité professionnelle.
Il est clair que la profession d’avocat pose problème. Un membre du Conseil qui l’exercerait pourrait ainsi être impliqué dans une procédure aboutissant à la saisine de cette juridiction, et se trouver dans une situation ambiguë où il serait à la fois juge et partie. De même, il paraît évident que l’on ne saurait être à la fois membre du Conseil constitutionnel et membre du Gouvernement ou du Parlement.
Plus généralement, c’est la question du respect des principes du procès équitable qui se pose, mes chers collègues. En effet, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, parmi les garanties générales du procès équitable figure l’indépendance du tribunal. Celle-ci s’apprécie tant par rapport au pouvoir exécutif qu’à l’égard des parties en cause. Pour déterminer si un organe est indépendant, il faut prendre en compte, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s’il existe ou non une apparence d’indépendance.
Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel et la possibilité qui leur est laissée d’exercer une activité professionnelle sont autant d’occasions de dépendance. Pourtant, leur statut leur permet de vivre décemment, et ils sont, par définition, suffisamment attachés au bien commun et à l’esprit républicain pour ne pas ressentir le besoin d’exercer une autre profession, quelle qu’elle soit.
Toutefois, nous ne sommes pas des extrémistes et, pour être parfaitement clairs, nous ne pensons pas que l’interdiction d’exercer une activité professionnelle doive s’étendre à l’écriture et à la publication. Nous n’opposons pas d’objections à ce qu’un membre du Conseil constitutionnel écrive des romans policiers, que nous avons d’ailleurs plaisir à lire certains soirs. Nous n’interdisons pas non plus à un ancien Président de la République membre dudit Conseil de publier quelque histoire sentimentale)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est uniquement pour dire cela que vous avez déposé cet amendement !
Sourires
Je dois tout d’abord à l’honnêteté de dire que votre rapporteur avait déposé en commission un amendement sur les incompatibilités, notamment avec l’exercice de la profession d’avocat ou d’officier ministériel. Un débat approfondi a toutefois fait apparaître la relative complexité du sujet. En effet, la question du statut des membres du Conseil ayant été écartée lors de la révision constitutionnelle, nous pouvons difficilement l’introduire dans la loi organique.
Tous les États européens imposent une qualification juridique aux membres des cours constitutionnelles, ce qui n’est pas le cas de la France. Si rien n’est exigé aux États-Unis, le Sénat américain vérifie la qualification professionnelle, notamment juridique, des candidats proposés par le Président des États-Unis. Nous n’en sommes pas là ! Si, à l’avenir, nous souhaitons aborder cette question, il faudra d’abord traiter de la qualification avant de se pencher sur les incompatibilités professionnelles. Lors de la révision constitutionnelle de 2008, un débat s’était engagé dans cette assemblée, mais la question avait finalement été écartée par le Congrès. La position de la commission a donc été d’écarter toute espèce d’incompatibilité.
J’ajoute, par parenthèse, que la Constitution empêche d’interdire l’exercice de deux professions : professeur d’université et ministre du culte d’Alsace-Moselle. Pour ces deux catégories professionnelles, le Conseil constitutionnel serait obligé de censurer votre amendement s’il venait à être adopté
M. Patrice Gélard et Mme Catherine Troendle font un signe d’approbation
Je préfère vous épargner cette censure, et émettre un avis défavorable.
Je compléterai les propos extrêmement sensés et convaincants de M. le rapporteur en rappelant que le Gouvernement souhaite garantir l’impartialité des membres du Conseil constitutionnel et faire en sorte que celle-ci ne soit pas mise en doute.
Toutefois, le droit en vigueur permet déjà d’atteindre cet objectif. En vertu de l’article 3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, tout membre du Conseil constitutionnel a l’obligation, avant d’entrer en fonction, de jurer de bien et fidèlement remplir ses fonctions et de les exercer en toute impartialité. De surcroît, l’article 2 du décret du 13 novembre 1959 sur les obligations du Conseil constitutionnel prévoit que ses membres s’interdisent, en particulier pendant la durée de leurs fonctions, de consulter sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil.
En visant à interdire, par exemple, à un professeur de droit nommé au Conseil constitutionnel de continuer à donner ses enseignements, ce qui constitue tout de même une conséquence autrement plus sérieuse que l’écriture de romans policiers ou d’autres types d’ouvrages, cet amendement paraît excessif, monsieur Sueur.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je voterai en faveur de cet amendement, afin de protester contre le manque d’intérêt porté au statut des membres du Conseil constitutionnel.
Je ne vois pas très bien pourquoi la loi organique ne pourrait pas concerner le statut et les incompatibilités professionnelles des membres de cette institution, monsieur le rapporteur. Ce n’est pas parce que le constituant a refusé de se prononcer à cet égard que la loi organique ne peut pas prévoir des incompatibilités. Cette position ne me paraît pas défendable.
Plus que la question des incompatibilités professionnelles, c’est celle des incompatibilités d’activités qu’il faudrait se poser.
Nous avons déjà abordé ce sujet en commission et lors de la discussion générale. Parce qu’il est difficile d’imaginer toutes les activités qui sont incompatibles, il faut laisser le soin au Conseil constitutionnel de régler la question au cas par cas pour ses membres, par le biais de son règlement intérieur.
L’amendement de M. Sueur est assez radical. Certes, on pourrait considérer qu’en interdisant toute activité professionnelle on réglerait définitivement le problème. Mais il ne me semble pas nécessaire d’aller jusqu’à cette extrémité. Il paraît d’ailleurs difficile d’interdire à tout ancien Président de la République, membre de droit du Conseil constitutionnel, d’exercer une activité professionnelle.
Je partage la grande considération que vous portez à l’égard des membres du Conseil constitutionnel. Néanmoins, croyez-vous que ce serait véritablement un drame pour l’université française si onze personnes, parmi lesquelles il doit y avoir tout au plus un ou deux professeurs, …
…, étaient dans l’impossibilité de donner des cours et d’exercer leurs fonctions ?
Premièrement, le poste resterait ouvert au budget de l’État et pourrait être occupé par un autre universitaire, sauf si le Gouvernement décidait de supprimer des postes, mais c’est un autre débat...
Deuxièmement, être membre du Conseil constitutionnel est un travail. J’avoue avoir toujours été choqué par le fait qu’un maître de conférences élu parlementaire devait renoncer à l’enseignement, contrairement à un professeur d’université titulaire. Je considère que le travail de parlementaire est très prenant, tout comme celui de professeur d’université. De même, il n’est nullement scandaleux d’être membre à temps plein du Conseil constitutionnel.
Je ne connais pas aussi bien que certains dans cet hémicycle le statut des magistrats et je ne sais pas si ces derniers peuvent exercer une autre profession. Mais trouveriez-vous normal qu’on ne puisse pas exercer une autre activité quand on est juge dans un tribunal d’instance, dans un tribunal de grande instance, au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, et qu’on puisse le faire quand on est membre du Conseil constitutionnel ?
Notre amendement est clair, simple et salubre ; il ne porte préjudice à personne.
Ces considérations sont très intéressantes, mais je rappelle que nous discutons d’un projet de loi d’application de l’article 61-1 de la Constitution. Nous avons eu ce débat lors de la révision constitutionnelle.
Si, je suis désolé ! Finalement, je me demande pourquoi vous saisissez cette juridiction qui présente tant de défauts à vos yeux…
Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence extraordinaire depuis 1971. La diversité du Conseil fait aussi sa richesse, et l’histoire a montré que ses membres, loin de se prononcer en fonction d’intérêts partisans, prenaient souvent des décisions que l’on n’attendait pas.
On peut épiloguer indéfiniment, mais une incompatibilité totale serait une erreur. D’ailleurs, si l’on n’interdit pas aux membres du Conseil d’exercer une activité professionnelle en particulier, tout ne leur est pas permis pour autant.
On nommera peut-être un jour un professeur de médecine ; ce serait d’ailleurs opportun, dans la perspective des lois bioéthiques. Pourquoi lui interdire de donner des cours ? Franchement, l’interdiction générale me paraît excessive.
L’amendement de notre collègue Jean-Pierre Sueur est malheureusement irrecevable, car inconstitutionnel. Il est en effet impossible de modifier la Constitution par le biais d’un simple amendement.
Le projet de loi organique dont nous débattons devant être obligatoirement soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, celui-ci déclarerait cette disposition contraire à la Constitution.
Il faut donc retirer cet amendement ou modifier la Constitution.
En effet, le statut des professeurs d’université et des ministres des cultes alsaciens et mosellans est désormais garanti par la Constitution et, contrairement à ce que vous pensez, toutes les grandes démocraties consacrent l’indépendance des professeurs d’université et la possibilité pour eux d’être membres des cours constitutionnelles.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
de ce qu'une disposition législative
insérer les mots :
, le cas échéant interprétée par la jurisprudence,
La parole est à M. Jacques Mézard.
Une disposition législative peut ne pas être en soi inconstitutionnelle mais l'être devenue du fait de la jurisprudence des cours et des tribunaux. Aussi considérons-nous que doivent pouvoir être mises en cause devant le Conseil constitutionnel non seulement les dispositions législatives, mais aussi la jurisprudence à laquelle elles ont donné lieu.
Cet amendement nous a laissés quelque peu perplexes : une loi est constitutionnelle ou pas. Nous ne nous intéressons pas ici au contrôle de constitutionnalité de la jurisprudence, qui est indépendante du texte de la loi. À la limite, cette question pourrait être traitée au titre de ce que l’on appelle le « changement de circonstances ».
En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Collin et Mézard et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. - En conséquence, alinéa 24, dernière phrase
Procéder à la même suppression.
La parole est à M. Jacques Mézard.
L'actuelle rédaction du projet de loi organique ne permet pas au juge de relever d'office le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution.
Il nous paraît étonnant qu'une telle violation de la hiérarchie des normes, a fortiori dans un domaine aussi éminent que celui de la protection des droits fondamentaux et de l'État de droit, ne puisse constituer un moyen d'ordre public, alors que le moyen tiré de la violation de la loi s'impose d'office au juge comme moyen de légalité interne.
Certes, le Conseil d'État ne se saisit pas d'office des moyens tirés de l'inconventionnalité, mais le renforcement de l'effectivité des principes de l'État de droit tiré de l'article 61-1 de la Constitution rend nécessaire, selon nous, d’ouvrir cette possibilité nouvelle aux juges ordinaires.
De plus, l'existence d'un filtrage opéré par le Conseil d'État ou la Cour de cassation garantit que les contentieux transmis seront conformes aux critères établis par les autres dispositions du projet de loi organique.
Enfin, le maintien du dispositif actuel risquerait de ne permettre qu'aux seuls justiciables ayant les moyens de s'attacher les services d'un conseil de soulever un tel moyen.
Il paraît difficile d’envisager que le juge ne puisse pas d’office relever ce moyen. Lors du débat en commission, on a pu entendre qu’il lui suffirait de rouvrir les débats et de demander aux parties de s’expliquer sur ce qui pourrait être un moyen d’inconstitutionnalité. Effectivement, c’est une voie indirecte permettant au juge de relever ce moyen, mais il nous semblerait beaucoup plus simple qu’il puisse le faire d’office.
La rédaction de l’article 61-1 a été élaborée pour les justiciables, et non pour les juges ou les parlementaires. Les termes employés attestent d’ailleurs bien que le constituant de 2008 a entendu réserver aux seules parties au litige la possibilité de soulever la question de constitutionnalité.
Nous devons nous en tenir à cette ligne.
Dans le même ordre d’idées, le juge ne soulève jamais d’office l’inconventionnalité d’une disposition législative : ce sont les parties au procès qui le font. En outre, qu’il s’agisse du contrôle de conventionnalité ou du contrôle de constitutionnalité, cette interprétation restrictive laisse aux parties la possibilité de soulever tel ou tel moyen, selon leur stratégie de défense, sans que le juge puisse se substituer à elles sur ce point.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons exposées tout à l’heure.
L'amendement n° 16, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 6, dernière phrase
Supprimer le mot :
ne
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Les avis de la commission et du Gouvernement ayant été sollicités de façon prématurée, alors que les deux amendements sont en discussion commune, je connais maintenant le point de vue, argumenté, de M. le rapporteur, et celui, extrêmement succinct, de M. le secrétaire d'État…
Le projet de loi organique prévoit donc que la question de constitutionnalité ne puisse être d’office relevée par le juge, l’article 61-1 de la Constitution réservant cette possibilité aux seules parties à l’instance.
Or, selon le rapport de la commission, que j’ai lu avec un grand intérêt, plusieurs des hautes personnalités entendues se sont interrogées sur ce choix. Ainsi, M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, dont personne ne conteste la compétence, surtout sur cette question constitutionnelle et de droit public, s’est étonné devant nous qu’un juge puisse appliquer une loi qu’il sait inconstitutionnelle, alors qu’il peut relever à tout moment l’inconventionnalité d’une loi au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.
De même, le professeur Guillaume Drago a critiqué cette capitis diminutio des pouvoirs du juge, déclarant qu’une telle interdiction du relevé d’office risquait de nuire à l’efficacité de la réforme pour trois raisons : premièrement, elle réduira drastiquement le nombre de questions de constitutionnalité dont le juge aura effectivement à connaître ; deuxièmement, seuls les justiciables ayant les moyens financiers de faire appel à un conseil juridique pourront soulever des questions de constitutionnalité ; troisièmement, les juges pourront difficilement s’approprier un mécanisme qui est soustrait à leur initiative. Ces remarques sont éclairantes, même si elles sont formulées par un éminent professeur de droit selon une logique qui lui est propre.
J’ajouterai, monsieur le rapporteur, que j’ai été quelque peu contrarié par la manière dont vous avez présenté le rôle du juge. Devra-t-il rester passif, les bras ballants, seuls les justiciables pouvant soulever la question de constitutionnalité ? Peut-il être totalement incompétent en cette matière ? Un juge ne se contente pas de regarder passer les trains ! Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'État – peut-être mon intervention vous amènera-t-elle à vous montrer un peu plus prolixe ! –, qu’une telle situation ne serait guère cohérente au regard de la grande compétence des juges de notre pays.
M. Hugues Portelli, rapporteur. Mon cher collègue, j’ai assisté à toutes les auditions, étant d’ailleurs parfois seul à les conduire…
Sourires
Les personnalités que vous avez citées ont fait part de leur point de vue. Cela est tout à fait légitime, mais le constituant, ici présent, est le mieux à même d’interpréter les textes qu’il a votés !
En outre, je rappelle que le ministère public étant partie dans tout procès, il lui est toujours loisible de soulever la question de constitutionnalité, même s’il est exact que l’intention du constituant était de réserver cette possibilité aux justiciables.
Monsieur Sueur, ayant déjà exprimé tout à l’heure, clairement me semble-t-il, le point de vue du Gouvernement, je n’ai pas jugé utile, par souci d’éviter toute répétition, de reprendre l’excellente argumentation de M. le rapporteur.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l'amendement n° 12 rectifié.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur a très opportunément rappelé les observations formulées par certaines des personnalités auditionnées par la commission, …
… dont le professeur Drago.
Pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu par l’argument selon lequel le ministère public a toujours la possibilité de soulever la question de constitutionnalité : en effet, pourquoi, dans ces conditions, refuser la même faculté aux magistrats du siège ? Je n’y vois vraiment pas de motif valable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
le fondement
par les mots :
l'un des fondements
La parole est à M. Jacques Mézard.
Nous considérons qu’il peut, en tout état de cause, y avoir plusieurs fondements à une même instance.
La commission émet un avis défavorable.
La rédaction de l’alinéa visé a été assez complexe. L’Assemblée nationale, au terme d’un travail très approfondi, a étendu la possibilité de saisine en décidant que la disposition contestée devait être « applicable au litige ou à la procédure », et non plus « commander l’issue du litige ou la validité de la procédure ». Il vaut mieux à mon sens s’en tenir là, d’autant que la modification proposée n’aurait pas une incidence décisive sur le contenu de l’alinéa.
Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, d’autant que la rédaction du texte adopté en commission est tout à fait compatible avec la diversité des situations auxquelles il a été fait allusion.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 17, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
sauf changement de circonstances
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Nous retrouvons l’aspect rituel de nos débats : la majorité vote avec la majorité, l’opposition avec l’opposition. Or il conviendrait, en l’occurrence, de faire un effort pour sortir de cette routine, car ce projet de loi organique contient une disposition dont je voudrais vous convaincre, mes chers collègues, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d'État, de l’inopportunité : avant de transmettre la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, le projet de loi organique prévoit que la juridiction saisie devra s’assurer que la disposition « n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ».
Réfléchissons bien à la signification du mot « circonstances ».
S’il s’agit ici des circonstances de droit, alors aucun problème ne se pose. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la notion de changement des circonstances existe dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et l’interprétation que l’on peut en donner ne soulève pas de difficulté. Un tel changement se produit en cas de modification de l’ordre constitutionnel.
En revanche, s’il est question des circonstances de fait, alors on entre dans l’arbitraire le plus total. J’en appelle, à cet instant, au rapport de la commission, rédigé dans ce style limpide qui caractérise généralement la prose de M. Portelli :
« Deux risques doivent être conjurés : l’instabilité juridique, l’appréciation au fond de la question de constitutionnalité par le juge alors que cette compétence appartient au Conseil constitutionnel.
« Le recours au changement de circonstances ne devrait, en conséquence, intervenir que de manière tout à fait exceptionnelle. En particulier, un changement de circonstances de fait ne semble admissible que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse.
« En dehors du changement de circonstances, la disposition déclarée conforme ne devrait plus pouvoir être contestée quels que soient les moyens invoqués. »
Le recours au changement de circonstances de fait « ne semble admissible », « de manière tout à fait exceptionnelle », « que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse » : entre nous soit dit, monsieur le rapporteur, toutes ces précautions oratoires montrent assez bien que la mesure en cause ne vous séduit pas particulièrement, et qu’elle est même gênante !
Mes chers collègues, je pense donc que nous tirerons M. le rapporteur d’embarras et rendrons service à la République en supprimant, dans le projet de loi organique, une fâcheuse allusion à d’imprécises circonstances…
M. Hugues Portelli, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur Sueur, je vais tenter d’interpréter moi-même mes propos !
Sourires
Dans le projet de loi organique que nous examinons, trois critères cumulatifs sont requis pour qu’il soit procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : le lien de la disposition contestée avec le litige, le caractère sérieux de la question et, si le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la conformité à la Constitution de ladite disposition, un changement des circonstances.
Exclure ce dernier critère revient à considérer que le Conseil constitutionnel s’est prononcé une fois pour toutes et donc à interdire tout changement de jurisprudence sur le sujet. Or on ne peut pas fermer toute possibilité, pour le juge, de faire évoluer la jurisprudence ; celle-ci n’est pas garantie constitutionnellement ! Voilà pourquoi nous souhaitons le maintien des trois critères cumulatifs.
Cela étant, la possibilité de recourir au changement de circonstances ne remettra pas en cause la sécurité juridique et la continuité jurisprudentielle : le Conseil constitutionnel ne changera pas de jurisprudence tous les deux ans, même si sa majorité politique change, ce qui est d’ailleurs déjà arrivé.
Nous ne sommes pas aux États-Unis, où un changement de majorité politique au sein de la Cour suprême annonce un revirement de la jurisprudence.
Par ailleurs, l’expression « changement de circonstances » apparaît régulièrement dans la jurisprudence, en particulier administrative. Il ne s’agit pas d’une invention du législateur organique : elle fait sens pour le juge qui devra appliquer le texte.
Il peut s’agir, bien entendu, de changements de circonstances de droit, par exemple à la suite de l’adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles, mais aussi de changements de circonstances de fait, en particulier dans le cas des lois antérieures à 1958 et à l’adoption de notre Constitution. C’est en pensant particulièrement à ces lois que j’ai écrit, dans mon rapport, qu’ « un changement de circonstances de fait ne semble admissible que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse ».
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le rapporteur vient de développer des arguments très convaincants. J’ai moi-même eu l’occasion tout à l’heure de donner quelques exemples concrets de ces changements de circonstances de fait, forcément exceptionnels, souvent liés à l’évolution de la société.
Il me semble, monsieur Sueur, que l’adoption d’un tel amendement, en figeant les choses, irait à l’encontre de ce que vous souhaitez et de l’esprit du présent projet de loi organique. J’avoue que j’ai du mal à vous suivre ! L’avis du Gouvernement est défavorable.
Moi non plus je ne comprends pas très bien la démarche de notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur.
Tout à l’heure, monsieur Sueur, vous nous avez longuement expliqué que le juge devait avoir la possibilité de s’autosaisir, en quelque sorte, d’une question de constitutionnalité et d’agir directement auprès du Conseil constitutionnel.
Tout à l’heure, vous avez voté un amendement tendant à prévoir qu’il faudrait tenir compte non seulement de la loi, mais aussi de la jurisprudence.
Or voilà que vous opérez un virage à 180 degrés en disant exactement l’inverse !
Vous souhaitiez que l’on fasse confiance au juge : eh bien nous entendons lui faire confiance pour estimer si les circonstances ont changé ou non ! L’amendement que vous défendez contredit totalement les propos que vous teniez tout à l’heure. En réalité, vous vous faites plaisir en jouant avec les mots, en défendant une chose et son contraire !
Vous le faites d’ailleurs avec talent, mais, pour notre part, nous préférons rester sérieux et ne pas voter cet amendement.
Il me paraît paradoxal de vouloir à tout prix limiter les possibilités de recours pour les justiciables.
Vous nous avez dit, monsieur Sueur, avoir lu le rapport de M. Portelli.
Vous n’ignorez donc pas que la disposition en question s’inspire directement de la jurisprudence du Conseil d’État sur les règlements légaux à l’origine mais devenus illégaux en raison d’un changement de circonstances de droit ou de fait.
Ou de fait, mon cher collègue ! Un certain nombre d’exemples ont déjà été cités à cet égard. Un autre concerne l’égalité professionnelle, dont l’introduction dans la Constitution lors de la révision de 2008 peut rendre certaines dispositions législatives antérieures illégales.
Une modification constitutionnelle est un changement de circonstances de droit, et non de fait !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Mézard et Alfonsi et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 14
supprimer les mots :
d'une part
et remplacer les mots :
et d'autre part
par le mot :
ou
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je vous prie de considérer, mes chers collègues, qu’un brusque changement de circonstances s’est produit, ce qui vous permettra de voter cet amendement…
Sourires
Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises, depuis 1975, qu’il n’était compétent qu’en ce qui concerne la conformité à la Constitution, la conformité aux traités et accords internationaux ne relevant pas de son champ d’intervention. Or la rédaction proposée pour l’alinéa visé pourrait conduire à penser que la loi organique étend la compétence du Conseil constitutionnel en méconnaissant les limites de ses attributions. Il convient donc de la modifier pour clairement préciser qu’il s’agit des droits et libertés garantis par la Constitution ou par un engagement international souscrit par la France et faisant partie du bloc de constitutionnalité.
Cet amendement procède d’un contresens sur le texte, qui traite non du Conseil constitutionnel, mais de la juridiction saisie.
Un justiciable peut saisir une juridiction, administrative ou ordinaire, sur deux moyens : les droits et libertés garantis par la Constitution, d’une part, les droits et libertés garantis par les conventions, d’autre part. Dans le cas où un justiciable soulève ces deux moyens, le juge doit d’abord, « en tout état de cause », se prononcer sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Le contrôle de constitutionnalité est donc prioritaire.
En conclusion, la commission émet bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.
Je partage l’avis de la commission.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Remplacer le mot :
premier
par le mot :
priorité
II. - En conséquence, alinéa 25
Procéder au même remplacement.
La parole est à M. Jacques Mézard.
Il est vrai que l’expression « en premier » n’est guère élégante, mais les mots « en priorité » ne sont pas exacts sur le plan juridique. Nous proposons donc à M. Mézard de rectifier son amendement afin qu’il tende à remplacer les mots « en premier » par les mots « par priorité », juridiquement plus appropriés. S’il acceptait cette rectification, la commission émettrait un avis favorable.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, et ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Remplacer le mot :
en premier
par le mot :
par priorité
II. - En conséquence, alinéa 25
Procéder au même remplacement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je voudrais saluer l’ouverture d’esprit de M. le rapporteur : pour la première fois depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons l’immense satisfaction de voir un amendement recueillir un avis favorable. Il convient d’apprécier toute l’importance de cet instant ! J’ai en effet cru un temps que ce débat n’allait servir à rien, puisque tous les amendements présentés étaient systématiquement rejetés, après s’être vu opposer des arguments discutables par M. le rapporteur et avoir donné lieu à de fort longs commentaires du Gouvernement…
Je salue donc cet heureux moment, qui rend au travail parlementaire toute sa valeur.
J’irai dans le même sens que M. Frimat qui, pour être l’un des auteurs de notre nouveau règlement, sait parfaitement que nous ne sommes plus dans la même situation qu’auparavant : les textes étant désormais adoptés d’abord en commission, tous les amendements que nous examinons en séance publique ont déjà été refusés par cette dernière. Il est donc tout à fait logique qu’ils recueillent de nouveau un avis défavorable, sauf s’ils permettent une amélioration du texte à la marge, comme c’est le cas ici.
Cela s’inscrit dans la logique du nouveau règlement du Sénat, tel qu’il a été rédigé et adopté par nous tous, mes chers collègues.
La logique serait, à l’inverse de ce que dit M. Gélard, de régler les détails en commission et de réserver les débats de fond, s’il en reste, à la séance publique.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si la juridiction ne s'est pas prononcée à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la présentation du moyen, toute partie à l'instance peut demander, dans le délai d'un mois, au Parlement ou à ses commissions compétentes d'interpréter la disposition législative dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire. L'interprétation ainsi donnée s'impose tant que le Conseil constitutionnel n'a pas statué ou que la disposition législative n'a pas été modifiée. La décision du Parlement ou de ses commissions compétentes est notifiée aux parties, au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, et aux membres du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Jacques Mézard.
Il serait difficile d'accepter que le Conseil d'État ou la Cour de cassation puissent s'enfermer dans un silence prolongé, constituant un déni de justice et une violation des droits définis par l'article 61-1 de la Constitution.
Si l'on peut admettre qu’il n’est pas souhaitable d’imposer aux juridictions suprêmes des délais trop stricts, l'action engagée par les parties concernées doit néanmoins absolument aboutir à une décision.
Notre éminent collègue Michel Charasse a eu l’idée lumineuse de se référer à la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, dont l'article 12, toujours en vigueur, confère au Parlement un pouvoir d'interprétation de la loi. Nous proposons ainsi que le Parlement ou ses commissions compétentes puisse être saisi, à l’expiration du délai visé, afin de statuer sur l'interprétation de la loi, cette interprétation restant valable tant que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé ou que le Parlement n'a pas décidé de modifier la disposition législative en cause.
L’insertion de cet amendement après l’alinéa qui traite des juridictions inférieures pose problème : comment pourrait-on demander au Parlement d’interpréter un texte qui fait l’objet d’une procédure juridictionnelle ? C’est une première hérésie du point de vue du principe de la séparation des pouvoirs.
De plus, il est proposé que le Parlement puisse intervenir alors que la procédure se déroule dans les juridictions inférieures, avant transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : c’est une seconde hérésie.
Par conséquent, monsieur Mézard, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 5 rectifié, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
L’adoption de cet amendement amènerait le Parlement à intervenir dans une instance en cours en donnant une interprétation de la disposition législative contestée. Or il n’est ni possible ni souhaitable, à mon sens, que le législateur se prononce à l’occasion d’un litige individuel. Monsieur le sénateur, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
L'amendement n° 5 rectifié est retiré.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après les mots :
peut statuer
insérer le mot :
provisoirement
La parole est à M. Jacques Mézard.
Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que les trois amendements suivants.
L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse et Mézard, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« En tout état de cause, le Conseil d'État ou la Cour de cassation doivent, lorsqu'il sont saisis de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution ou aux engagements internationaux de la France, …
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
doit, lorsqu'il est saisi
par les mots :
doivent, lorsqu'ils sont saisis
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 27, dernière phrase
Remplacer les mots :
est tenu
par les mots :
sont tenus
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 30, 31 et 32
supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Plus le temps passe, plus je me dis que j’ai eu raison de ne pas voter la révision constitutionnelle, qui aboutit à interdire au juge de soulever la question de constitutionnalité et empêche en outre de poser dans la loi constitutionnelle le problème de possibles conflits d’intérêts, mais dont un texte d’application règle en revanche dans le détail la procédure par laquelle la Cour de cassation doit se prononcer si elle est saisie.
En réalité, il ne s’agit pas, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le fond, sur la constitutionnalité de la disposition législative visée : il appartient au Conseil constitutionnel de le faire ; il s’agit simplement de jouer un rôle de filtre – filtre que, pour ma part, je trouve un peu épais… Comme l’a dit tout à l’heure M. Cointat, faisons confiance au juge pour décider s’il faut ou non transmettre la requête au Conseil constitutionnel. Nous aurions tout intérêt à alléger le texte en supprimant les alinéas 30, 31 et 32.
S’il est interdit par la Constitution d’introduire des dispositions qui relèvent de la loi organique dans une loi ordinaire, l’inverse n’est nullement vrai. Les dispositions dont nos collègues demandent la suppression ne sont donc pas contraires à la Constitution et sont au cœur même du dispositif visé par l’article 61–1.
La création de la formation spéciale visée au trentième alinéa de l’article est souhaitée par la Cour de cassation pour assurer un examen rapide des questions de constitutionnalité et pour éviter des divergences de jurisprudence entre les chambres. On ne peut qu’y souscrire.
Cette organisation fonctionne d’ailleurs aujourd’hui de façon très satisfaisante dans le cas, par exemple, des saisines pour avis de la Cour de cassation, où l’avis est rendu par une formation spéciale prévue par le code de l’organisation judiciaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je n’ai jamais dit que les alinéas en question étaient anticonstitutionnels ; j’ai simplement soutenu qu’ils étaient parfaitement superfétatoires. Il revient à la Cour de cassation de s’organiser, non pas, je le redis, pour examiner dans de bonnes conditions la requête au fond, avec toutes les précautions que cela suppose, mais pour décider si elle transmet ou non cette dernière au Conseil constitutionnel. La suppression de ces alinéas apporterait une clarification.
La loi organique doit fixer les conditions dans lesquelles sont examinées les requêtes. Dans cette perspective, les alinéas visés ne me semblent pas superfétatoires.
Monsieur Collombat, vous avez indiqué que vous vous étiez opposé à la révision de la Constitution, mais je ne pense pas que vous étiez défavorable à l’article 61-1.
Je comprends parfaitement la position de M. le rapporteur, mais j’avoue être embarrassé par la disposition en question, car la volonté du constituant n’était pas, à mon sens, d’organiser les travaux de la Cour de cassation. Dans ces conditions, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Je voudrais, à la suite de M. Cointat, souligner que nous ne sommes vraiment pas ici au niveau de la loi organique : les alinéas en cause descendent dans le détail d’une façon étonnante.
L’alinéa 30 semble marquer une certaine solennité : « L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre. »
À l’alinéa 31, les choses commencent à se dégrader : « Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre. »
Enfin, l’alinéa 32 procède à une sorte de délégation générale : « Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués, qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre. »
Pensez-vous vraiment nécessaire d’inscrire dans la loi organique les différents niveaux de délégation au sein de la Cour de cassation ? Laissons-la s’organiser : les tendances spontanéistes et révolutionnaires de cette juridiction ne sont guère à redouter…
Sourires
En supprimant les alinéas précités, on conférerait à ce texte un peu plus de solennité. C’est d’ailleurs l’opinion profonde et intime de M. Portelli, même s’il dit le contraire…
Les contraintes de la fonction de rapporteur sont telles qu’il faut quelquefois sacrifier sa liberté d’expression.
Supprimer les alinéas en question ne porterait nullement atteinte au fond du texte qui nous est présenté. C’est simplement une question de niveau : la loi organique doit-elle prévoir la désignation de délégués par les présidents de chambre de la Cour de cassation ? Pour ma part, je ne le pense pas.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 23-8. - Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sont avisés par le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, et peuvent présenter des observations. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 37, première et deuxième phrases
Supprimer ces phrases.
II. - Alinéa 37, dernière phrase
Supprimer le mot :
également
L'amendement n° 22, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après le mot :
République
rédiger ainsi la fin de l'alinéa :
, le Premier ministre et les Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, lesquels informent les membres de leur assemblée respective. Les autorités sus nommées peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui leur est soumise. Le même droit est ouvert à soixante députés ou soixante sénateurs.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Ces trois amendements relèvent d’une logique commune. Les amendements n° 21 et 20 sont, en quelque sorte, des amendements préjudiciels, qui visent à vous convaincre, mes chers collègues, du bien-fondé de l’amendement n° 22.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est particulièrement bizarre. Il prévoit que le Conseil constitutionnel, une fois saisi soit par la Cour de cassation, soit par le Conseil d’État, avisera immédiatement le Président de la République et le Premier ministre, qui pourront lui adresser leurs observations sur la question de constitutionnalité soulevée. Le texte précise ensuite que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat seront également avisés par le Conseil constitutionnel, en quelque sorte à titre subsidiaire et sans pouvoir, quant à eux, formuler d’observations.
Or il s’agit de se prononcer sur une loi, toujours votée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires. Admettons que le Président de la République et le Premier ministre soient avisés par le Conseil constitutionnel, mais il faudrait pour le moins que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat soient placés sur le même plan que le pouvoir exécutif, afin notamment qu’ils puissent eux aussi formuler un avis. Nous serions honorés que MM. Larcher et Accoyer puissent exprimer leur point de vue !
Mes chers collègues, cette rédaction n’est pas digne du rôle dévolu au Parlement par la Constitution. Nous ne pouvons donc pas l’accepter.
Par ailleurs, la saisine du Conseil constitutionnel émane, depuis 1974, de soixante députés ou de soixante sénateurs.
Par symétrie, nous proposons donc que le même nombre de députés ou de sénateurs puissent exprimer leur avis sur la question de constitutionnalité soulevée à propos d’une loi qui aura été nécessairement adoptée par le Parlement.
Monsieur le secrétaire d'État, je connais les objections qui ont été opposées à cette proposition par Mme le garde des sceaux à l’Assemblée nationale. Il a été affirmé aux députés qu’une telle mesure était inutile, parce qu’ils pouvaient s’adresser par lettre au Conseil constitutionnel. En effet, tout le monde a la possibilité d’écrire à cette haute juridiction ; on peut même lui envoyer des cartes postales : cela fera travailler La Poste !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Néanmoins, on voit bien que cette réponse est quelque peu dilatoire. Inscrire dans la loi organique que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat informeront les membres de leur assemblée respective et que soixante députés ou soixante sénateurs pourront présenter leurs observations au Conseil constitutionnel n’est pas anodin au regard des droits du Parlement. Nous ne doutons pas que le Conseil constitutionnel accordera une toute particulière importance aux remarques qu’ils formuleront.
L'amendement n° 24, présenté par M. Portelli, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 23-8.- Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est soumise.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 et donner l’avis de la commission sur les amendements n° 21, 20 et22.
L’amendement n° 24 vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, aux termes duquel le Conseil constitutionnel avise les quatre autorités qui sont informées dans le cadre de la saisine actuellement en vigueur.
Les remarques formulées par M. Sueur nous semblent justifiées. Par ailleurs, nous estimons que l’on ne peut écarter le Premier ministre et le Président de la République, qui participent eux aussi, directement ou indirectement, à la procédure législative, que ce soit à travers l’initiative des lois, leur promulgation ou la demande éventuelle d’une seconde délibération d’un texte de loi. Il est donc normal que ces quatre autorités, toutes actrices du processus législatif, soient avisées par le Conseil constitutionnel et puissent formuler des observations.
Si cette proposition de la commission était adoptée, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet. En ce qui concerne l’amendement n° 22, qui prévoit notamment d’ouvrir le droit à soixante députés ou sénateurs d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je souligne que tout parlementaire a cette faculté : il est inutile d’être soixante ou davantage pour prendre une telle initiative. Inscrire une telle disposition dans la loi organique n’est donc pas nécessaire.
Bien entendu, je ne vois pas comment le Gouvernement pourrait s’opposer à l’amendement n° 24, qui vise à rétablir son texte initial !
J’ajoute que cette rédaction n’interdit pas aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, s’ils le souhaitent, de recueillir en outre les observations des membres de leur assemblée, selon des modalités qui relèvent du règlement de celle-ci.
En ce qui concerne la possibilité, pour soixante députés ou sénateurs, d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je fais mienne l’argumentation de M. le rapporteur.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 24 et défavorable aux amendements n° 21, 20 et22.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 20 et 22 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 39
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art - Un membre du Conseil constitutionnel siégeant au titre du deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution peut décider de ne pas participer aux délibérations dans lesquelles est en cause une disposition législative promulguée par lui au titre du premier alinéa de l'article 10 de la Constitution.
La parole est à M. Jacques Mézard.
L'amendement n° 9 rectifié est retiré.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard.
L'article 1 er est adopté.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions des articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale sont applicables lorsque le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu'il y ait eu sursis à statuer et a rendu sa décision sur le fondement d'un texte abrogé par le Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Comme je l’ai exposé lors de la discussion générale, le projet de loi organique n’a pas prévu d’introduire dans le code de procédure pénale un mécanisme spécifique de révision permettant de tirer les conséquences de la décision d’abrogation par le Conseil constitutionnel pour l’instance ayant donné lieu à la saisine de ce dernier, lorsque les voies de recours ordinaires et le pourvoi en cassation ne peuvent plus être exercés.
Il existe donc un vide juridique, qu’il nous paraît essentiel de combler, d’autant que les hypothèses visées concerneront, notamment au pénal, des questions touchant aux libertés individuelles, particulièrement lorsqu’une détention est en jeu.
En outre, l’absence d’une telle disposition inciterait les parties à soulever prioritairement la question de conventionalité, ce qui pourrait avoir pour conséquence de vider les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution de leur intérêt.
Afin de combler ce vide juridique, la procédure applicable au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme devrait pouvoir s’appliquer également, nous semble-t-il, quand le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu’il y ait sursis à statuer et rendu une décision sur le fondement du texte abrogé par la haute juridiction.
Dans un tel cas de figure, si cet amendement était adopté, le dispositif prévu aux articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale s’appliquerait de la même manière.
Monsieur Sueur, la question que vous soulevez est intéressante et importante. Malheureusement, le dispositif que vous proposez est inapplicable en l’occurrence.
En effet, l’article du code de procédure pénale auquel vous faites référence concerne les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Or les décisions de cette juridiction ont pour caractéristique principale de s’appliquer à un litige en particulier et de ne produire des effets que pour ce dernier, même si, bien entendu, la Cour de cassation peut être conduite à s’inspirer, dans sa jurisprudence, des principes dégagés par la Cour européenne de Strasbourg, pour les appliquer à d’autres affaires.
Les articles du code de procédure pénale que vous citez, mon cher collègue, ne visent que cette situation. Or l’abrogation par le Conseil constitutionnel d’une disposition législative constitue un autre cas de figure, car son effet est définitif : la loi en cause a cessé d’exister, alors que, dans le cas d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, elle existe toujours !
Le code de procédure pénale vise donc à répondre au problème posé par une loi qui existe toujours mais dont la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’elle ne s’appliquait pas au litige pour lequel la juridiction a été saisie. Il s'agit de deux cas de figure juridiques totalement différents, et la procédure prévue pour l’un ne peut être transposée à l’autre.
Indépendamment de l’intérêt de la question que vous soulevez, mon cher collègue, la réponse que vous fournissez est inapplicable dans le cadre du texte de loi organique dont nous discutons ce soir.
On ne saurait mieux dire ! Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur, je ne voterai pas cet amendement. J’en suis désolé pour MM. Sueur et Collombat, mais les arguments qui lui ont été opposés sont imparables.
Cela dit, la question soulevée méritait de l’être.
En effet, monsieur Sueur.
Certes, la Constitution comporte tout de même un certain nombre de garde-fous, puisque le Conseil constitutionnel se voit confier une mission claire. Toutefois, j’aurais préféré, je ne le cache pas, que la loi organique prévoie un dispositif garantissant une clarté totale et une complète sécurité juridique en cas d’invalidation d’une disposition législative ayant déjà produit des effets.
Cela étant, puisque la loi organique reste muette sur ce point, il appartiendra au Conseil constitutionnel de préciser clairement, pour chacune de ses décisions, comment sera assurée la sécurité juridique.
Je le sais, monsieur le président de la commission, mais j’aurais préféré qu’on précise ce point dans la loi organique, même si nous pouvons faire confiance au Conseil constitutionnel.
Mais cela figure déjà à l’article 62 de la Constitution ! Voulez-vous que je relise cet article ? Nous n’allons pas le répéter dans la loi organique !
Je le répète, j’aurais apprécié qu’une telle disposition figure également dans la loi organique ; néanmoins, puisque tel n’est pas le cas, nous ferons confiance au Conseil constitutionnel.
L’article 62 de la Constitution dispose qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision […] ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »
Monsieur Cointat, estimez-vous que ce texte n’est pas assez précis et qu’il doit être répété dans la loi organique ? La Constitution est sur ce point tout à fait explicite, me semble-t-il. La question judicieusement posée par M. Sueur trouve sa réponse dans la Constitution.
Mais pourquoi voulez-vous inscrire une telle disposition dans la loi organique si la Constitution prévoit explicitement ce que doit faire le Conseil constitutionnel quand il abroge une disposition déclarée contraire à la loi fondamentale ? Franchement, c’est chercher midi à quatorze heures !
Non, la loi organique pourrait préciser le dispositif. Certes, la Constitution prévoit des garde-fous, mais la loi organique pourrait être plus explicite.
Monsieur Cointat, excusez-moi, mais l’article 62 de la Constitution est parfaitement explicite ! Si vous ne parvenez pas à comprendre cela, je renonce ! Il est inutile d’en rajouter : le Conseil constitutionnel n’aura qu’à se reporter à la Constitution. La loi organique est l’application de la Constitution.
En cas d’abrogation par le Conseil constitutionnel, la loi sera certes déclarée nulle et non avenue, mais les jugements qui auront été rendus sur son fondement existeront toujours !
Dès lors, nous pourrions peut-être nous préoccuper du sort des gens qui auront été jugés en fonction d’une loi déclarée inconstitutionnelle !
Tout à l'heure, nous avons longuement discuté des délais dans lesquels les juridictions devraient se prononcer, du rôle du Premier président de la Cour de cassation ou de ses délégués, en entrant dans les détails de dispositions totalement anodines, et maintenant on se contente de renvoyer à la Constitution le traitement d’un problème d’une réelle importance ! Que faisons-nous ici ce soir, dans ces conditions ?
Mes chers collègues, il s'agit tout de même d’un point important, puisque l’intérêt de cette réforme, si elle en a un, c’est précisément de permettre de rapporter des jugements rendus sur le fondement de lois inconstitutionnelles. Il n’est peut-être pas totalement inutile de savoir comment procéder !
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, aux termes de l’article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel précisera au cas par cas les conséquences de ses décisions. Ces conséquences pourront être variables, ce qui suscitera une certaine insécurité juridique, c’est le moins que l’on puisse dire !
Ce problème a d'ailleurs été soulevé par le professeur Dominique Rousseau : le Conseil constitutionnel, s’il va jusqu’au bout de cette logique, pourra décider que sa décision ne s’appliquera pas aux personnes qui l’auront saisi. Un véritable problème se pose, et il conviendrait de tenter de trouver une solution, même si ce n’est pas facile. En tout état de cause, la réponse qui nous a été donnée n’est pas convaincante.
Au-delà des arguments invoqués, il reste une réalité : dès lors que le Conseil constitutionnel a déclaré une loi inconstitutionnelle, celle-ci est abrogée et n’existe plus. Le Parlement peut alors à nouveau légiférer.
Pour autant, qu’advient-il des justiciables à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel ? À cette question, vous n’apportez pas de réponse.
Quid des jugements prononcés sur le fondement de la loi abrogée ? Sur ce point, il existe un vide juridique. Nous avons proposé une issue, …
… consistant à reprendre les dispositions du code de procédure pénale relatives au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.
Néanmoins, le code de procédure pénale prévoit bien une solution dans le cas que je viens d’évoquer. Celle que nous formulons ne vous paraît pas appropriée, monsieur Hyest : dont acte, mais vous n’en proposez pas d’autre !
Je vous entends, mais je n’y ai rien lu concernant le sort du justiciable qui aura été à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel !
L'amendement n'est pas adopté.
I
Non modifié
« Chapitre Ier bis
« La question prioritaire de constitutionnalité
« Art. L.O. 771 -1. – La transmission par une juridiction administrative d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
« Art. L.O. 771 -2. – Le renvoi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4, 23-5 et 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée. »
II §(Non modifié). – Le livre IV du code de l’organisation judiciaire est complété par un titre VI ainsi rédigé :
« Titre VI
« Question prioritaire de constitutionnalité
« Art. L.O. 461 -1. – La transmission par une juridiction de l’ordre judiciaire d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
« Art. L.O. 461 -2. – Le renvoi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée. »
III §(Non modifié). – Le titre Ier bis du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Titre Ier BIS
« De la question prioritaire de constitutionnalité
« Art. L.O. 630. – Les conditions dans lesquelles le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé dans une instance pénale, ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut être saisi par la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité, obéissent aux règles définies par les articles 23-1 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »
IV (nouveau). – Après l’article L. 142-1 du code des juridictions financières, il est inséré un article L.O. 142-2 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 142 -2. – I. – La transmission au Conseil d’État, par une juridiction régie par le présent code, d’une question prioritaire de constitutionnalité obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
« II. – Devant une juridiction financière, l’affaire est communiquée au ministère public dès que le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis ». –
Adopté.
Après le premier alinéa de l’article 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions d’une loi du pays peuvent faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-11 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. » –
Adopté.
Les modalités d’application de la présente loi organique sont fixées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. À l’article 56 de la même ordonnance, après les mots : « les règles de procédure », sont insérés les mots : « applicables devant lui ». –
Adopté.
La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai très bref, m’étant déjà amplement exprimé lors de la discussion générale et au cours de l’examen des amendements.
Si nous ne pouvons plus nous exprimer et faire ainsi vivre la démocratie, à quoi sert le Parlement ?
Je le répète, nous voterons ce texte, car nous considérons qu’il ouvre à l’ensemble des citoyens de la République française un droit important, qui n’existait pas auparavant.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, ayant annoncé cela d’emblée au nom de mon groupe, je pensais que vous accorderiez davantage d’attention à certains de nos amendements que vous ne l’avez fait. Notre engagement sur cette question est ancien – il n’est qu’à rappeler l’action de Robert Badinter et de différents gouvernements, voilà bien des années maintenant –, et nous ne changeons pas d’avis. Par ailleurs, nous avons évoqué un certain nombre de problèmes tout à fait réels.
Compte tenu de l’esprit résolument positif dont nous avons fait preuve, nous aurions pu espérer que vous accepteriez certains de nos amendements. Or aucun n’a trouvé grâce à vos yeux.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Il s’agissait d’un amendement grammatical, tout à fait justifié, mais vous avez refusé toute avancée sur le fond. Or nous pensons – et nous ne sommes pas les seuls – que des problèmes subsistent. Nous regrettons donc que votre état d’esprit n’ait pas été au diapason du nôtre.
Nous avons réalisé un travail d’orfèvre pour ciseler le plus beau texte possible : cela est bien normal, car ce projet de loi organique marque une évolution très importante dans le fonctionnement de nos institutions. Certes, l’essentiel avait été fait avec l’adoption de la révision constitutionnelle, mais encore fallait-il définir les modalités d'application de celle-ci.
Les oppositions apparues ce soir m’ont semblé quelque peu factices, dans la mesure où nous sommes tous d’accord sur le fond : il était très important, dans le système de la Ve République, de permettre à un justiciable de saisir le Conseil constitutionnel.
À l’issue de nos travaux, nous parvenons à un texte satisfaisant. Chacun d’entre nous est impatient de voir quels seront ses effets dans la pratique. Pour ma part, j’ai confiance dans la qualité du texte que nous avons élaboré. Le groupe de l’Union centriste le votera.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les citoyens ne pouvaient pas contester la constitutionnalité d’un texte lors d’une instance en cours devant une juridiction. La loi, expression de la souveraineté du peuple, ne pouvait pas être remise en cause dès lors qu’elle avait été promulguée. Grâce à l’introduction de l’article 61-1 dans la Constitution, cela est désormais possible.
Ce projet de loi organique constitue une avancée historique ; il marque un réel progrès dans l’approfondissement de l’État de droit et dans la pratique démocratique au quotidien. En effet, la question de constitutionnalité permettra pour la première fois au justiciable de soutenir qu’une disposition législative qu’on veut lui appliquer, quelle qu’elle soit, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La vocation première de notre bloc de constitutionnalité, à savoir protéger les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, est ainsi consacrée.
Je tiens à saluer, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, le travail de grande qualité de notre rapporteur, M. Hugues Portelli. Sur son initiative, la procédure a été confortée sur deux points.
Tout d’abord, a été supprimée l’obligation, pour les premiers juges saisis de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, de statuer dans un délai de deux mois à l’issue duquel, à défaut de réponse de leur part, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Comme l’a indiqué à juste titre M. le rapporteur, les juges auraient pu être tentés de laisser courir ce délai, au risque d’entraîner un engorgement des cours suprêmes et un ralentissement des procédures, à rebours de l’objectif visé.
Ensuite, les décisions des juridictions concernant la transmission, par les juges du fond, de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes et le renvoi de la question de celles-ci au Conseil constitutionnel devront être motivées. Il est en effet indispensable que les parties puissent être complètement éclairées sur l’application par le juge des critères de recevabilité fixés par le législateur organique.
Ces améliorations introduites par la commission des lois permettront incontestablement de mieux assurer l’application effective du dispositif.
Le groupe UMP votera sans réserve ce projet de loi organique ambitieux, qui vise à donner réalité à la protection des droits et des libertés garantis par la loi fondamentale de notre pays.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je m’étonne, une fois de plus, que la question de la composition du Conseil constitutionnel ne semble préoccuper personne dans les rangs de la majorité… Apparemment, aux yeux de nos collègues, par une sorte de déterminisme à l’envers, quand on devient membre du Conseil constitutionnel, on devient forcément impartial.
Pourtant, le Conseil constitutionnel a déjà fait montre, en diverses circonstances où il avait été saisi par soixante députés ou sénateurs, d’une certaine frilosité quand il s’est agi de garantir le respect des droits et libertés, ce qui est cependant sa vocation : je pense par exemple aux récentes lois pénales.
Nous ne pourrons éluder longtemps la question de la composition du Conseil constitutionnel et du mode de désignation de ses membres, certains l’étant de droit à vie. Ouvrir aux citoyens un droit à contester la constitutionnalité d’une loi est évidemment positif, mais ne suffit pas pour que nous puissions nous considérer comme quittes ! C’est pourquoi le groupe CRC-SPG s’abstiendra.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai écouté tout à l'heure M. Badinter rappeler ses efforts pour convaincre François Mitterrand d’accepter une initiative allant dans le sens du texte que nous examinons aujourd'hui.
J’étais à l’époque un militant du RPR et je combattais, dans le sens noble du terme s’entend, François Mitterrand. Pourtant je n’ai pas hésité un instant à me désolidariser de mes amis pour annoncer que je soutiendrais son action dans ce domaine, parce que le droit est l’une des valeurs les plus fondamentales qui soit. La protection des citoyens, dans une société bien organisée, mérite d’être soutenue avec courage, sinon il n’y a pas véritablement de droit.
Le dispositif en vigueur jusqu’à présent, en dépit de l’amélioration qu’a constituée la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs, reposait sur ce principe bien connu en droit selon lequel la faute n’existe que lorsqu’elle est constatée, ce qui conduit à faire en sorte qu’elle ne puisse jamais l’être… Désormais, tout citoyen pourra la faire constater. L’adoption du présent projet de loi représentera donc un grand pas en avant.
Je voterai bien entendu ce texte avec mon groupe, plus que par conviction : avec une grande joie, car, en cette soirée qui fera date, nous aurons fait progresser le droit.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3 :
Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés316Majorité absolue des suffrages exprimés159Pour l’adoption316 Le Sénat a adopté.
Applaudissements
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et le président de la commission des lois, ainsi qu’à remercier le Sénat d’avoir permis une avancée historique en votant ce texte, sans aucune opposition.
Tout à l’heure, M. Badinter se projetait dans vingt ans, mais je suis persuadé que, dans seulement cinq ou dix ans, il paraîtra inimaginable que la possibilité de mettre en question a posteriori la constitutionnalité d’une loi n’ait pas toujours existé. Nous sous-estimons encore, au terme de ce débat, le caractère historique de cette avancée ainsi que les effets concrets et positifs qu’elle aura dans la vie de nos concitoyens et leur rapport aux institutions.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010), dont la commission des finances est saisie au fond est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 octobre 2009, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
1. Désignation des membres de la mission commune d’information sur le traitement des déchets.
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (n° 505 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Marcel-Pierre Cléach, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 18, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 19, 2009-2010).
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (n° 7, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour le Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 14 octobre 2009, à zéro heure trente-cinq.