Mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer

Réunion du 7 avril 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La mission a procédé à l'audition de MM. François Lequiller, chef de l'inspection générale, et Philippe Doumergue, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Après avoir déclaré, en préambule, que la crise à laquelle étaient confrontés les départements d'outre-mer (DOM) illustrait la nécessité d'une véritable évaluation des politiques publiques qui y sont conduites, M. Serge Larcher, président, a estimé qu'une telle évaluation impliquait de disposer d'outils statistiques adaptés et que la mission commune d'information avait donc jugé utile d'entendre les représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Précisant qu'il intervenait en tant que représentant du directeur général de l'Insee, M. Jean-Philippe Cotis, M. François Lequiller, chef de l'inspection générale de l'INSEE, a souligné l'attention apportée par l'Insee au suivi de la situation des DOM, y compris avant la crise récente, avec la production, en juillet 2008, d'un rapport au Conseil national de l'information statistique visant précisément à améliorer l'adaptation des statistiques nationales aux besoins spécifiques de l'outre-mer.

Puis il a relevé le paradoxe tenant à la nécessité pour les quatre DOM, en tant que départements français à part entière, de disposer des mêmes outils de mesure que les départements métropolitains, notamment pour répondre aux exigences imposées par l'Union européenne, tout en bénéficiant de la mise en place d'outils statistiques adaptés à leurs spécificités. Il a estimé que l'accord-cadre conclu avec le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en 2007 présentait, de ce point de vue, un bon équilibre, conjuguant une meilleure couverture de ces territoires et une large concertation pour approfondir les enquêtes déjà menées.

Il a par ailleurs indiqué que les directions régionales de l'Insee dans les DOM fonctionnaient de manière similaire à celles de métropole, en collaboration avec l'Etat et les collectivités territoriales, en particulier au travers d'accords-cadres conclus avec les conseils généraux et régionaux. Il a toutefois signalé qu'avec 225 agents sur un total de 3 950, les DOM bénéficiaient de près de 6 % des effectifs totaux des directions régionales de l'Insee, soit une part supérieure à celle représentée par ces départements dans la population nationale. Il a justifié ces effectifs supplémentaires par l'existence de programmes spécifiques propres aux DOM, tels que les comptes nationaux complets de chacun d'eux, ainsi que par la nécessité de dupliquer dans les DOM certains services qui ne pouvaient être centralisés que pour la métropole. Enfin, il a indiqué que l'organisation interrégionale de l'Insee englobant les Antilles et la Guyane fonctionnait de manière satisfaisante et pourrait préfigurer une réorganisation de l'Insee en métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

s'est interrogé sur quatre points : l'existence de mécanismes d'évaluation des politiques publiques dans les DOM, les outils de suivi des prix, les relations de l'Insee avec les observatoires de prix et, enfin, le contenu des enquêtes récemment réalisées par l'Insee dans ces territoires.

Debut de section - Permalien
François Lequiller

En réponse, M. François Lequiller a indiqué que des outils spécifiques d'évaluation des politiques publiques en outre-mer existaient, tels que les comptes nationaux, permettant par exemple de simuler l'impact de l'activité spatiale en Guyane ou d'une réforme de la fiscalité.

Sur la question du suivi des prix, il a fait observer qu'un indice temporel des prix existait et permettait, dans chaque DOM, de suivre l'évolution, mois par mois, du niveau des prix. Il a en revanche reconnu que les études portant sur la comparaison des prix entre la métropole et les DOM avaient été irrégulières et étaient aujourd'hui obsolètes, les dernières datant de 1985 et 1992, mais a annoncé la réalisation d'une nouvelle étude, dont les résultats seraient connus dans le courant de l'année 2010. Enfin, il a relevé l'absence d'instrument de suivi et d'analyse du mode de formation des prix.

Après avoir indiqué l'existence d'une enquête annuelle très complète sur le chômage dans les DOM se fondant sur un échantillon six fois plus large que celui utilisé pour la métropole, M. François Lequiller a cité une étude récemment effectuée par l'Insee portant sur la défiscalisation de plein droit ainsi que la vaste enquête « Migration, famille, vieillissement » qui devrait être lancée fin 2009 sur un échantillon de plus de 7 500 foyers dans chaque DOM et dont les résultats seront connus en 2010 ou 2011.

Enfin, M. François Lequiller a souligné que l'Insee participait, en apportant son expertise, aux travaux des observatoires des prix en outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

En réponse à M. Marc Massion, qui s'interrogeait sur les effets dans les DOM du plan de diminution des effectifs de l'Insee, M. François Lequiller a fait valoir que l'Insee était soumis, comme les autres administrations publiques, à l'impératif de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il a toutefois précisé que la délocalisation à Metz de 500 postes de statisticiens ne devrait pas affecter les DOM en raison de la nécessité d'un traitement local des données.

Après s'être félicité de la qualité du travail de l'Insee dans les DOM et notamment des études sur l'emploi, M. Jean-Paul Virapoullé a jugé prioritaire la question de la formation en rappelant que le chômage touchait 30 % des jeunes à La Réunion avec un fort besoin de travail qualifié non satisfait. Préconisant une évaluation du système scolaire et universitaire, il s'est interrogé sur la capacité de l'Insee à évaluer, d'une part, l'effort fourni par l'Education nationale en matière de qualification des jeunes dans les DOM et, d'autre part, les lacunes du système d'orientation des étudiants à l'entrée à l'université. Il a rappelé que 30 % des jeunes arrivant au collège ne maîtrisaient pas les fondamentaux et que le taux d'échec s'élevait à 60 % en première année à l'Université de La Réunion.

Debut de section - Permalien
François Lequiller

Tout en soulignant que le coeur de métier de l'Insee était le secteur économique, M. François Lequiller s'est déclaré ouvert à ces suggestions qui pourraient faire l'objet d'un partenariat avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'Etat compétents.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur les modalités de mesure, par l'Insee, de l'inflation ayant résulté du cyclone Dean, M. François Lequiller a rappelé l'existence des indices mensuels des prix tout en constatant un hiatus partiellement inexpliqué, similaire à celui qui a pu être observé au moment du passage à l'euro, entre les mesures réalisées par l'Insee et la perception par la population de l'évolution des prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

S'étonnant du décalage entre l'importance des effectifs de l'Insee dans les DOM et l'ancienneté des deux dernières études comparatives de prix, datant de 1985 et 1992, M. Jean-Etienne Antoinette a par ailleurs regretté que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) affecté à certaines communes de Guyane, notamment Saint-Laurent du Maroni, ait été figé, jusqu'en 2006, sur une mesure de la population datant de 1999, alors que le taux de croissance démographique y était particulièrement élevé, atteignant 3,5 % sans prise en compte des flux migratoires. Il s'est enfin interrogé sur l'existence d'outils de mesure de l'économie informelle et des flux économiques transfrontaliers, notamment en Guyane.

Debut de section - Permalien
François Lequiller

a souligné que la réalisation d'études de prix comparatives n'était pas en lien avec les effectifs de l'Insee présents dans les DOM puisqu'elles étaient des opérations spécifiques, réalisées par des équipes dédiées. Sur la question de la réévaluation de la DGF, il a signalé que les méthodes de recensement avaient évolué vers un recensement continu, permettant une réévaluation annuelle de la population, ce qui garantirait désormais une meilleure réactivité du système. Il a renvoyé à la direction régionale de Guyane pour l'obtention d'informations plus précises sur la situation spécifique de Saint-Laurent du Maroni.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur le degré d'autonomie des directions régionales par rapport à la direction générale de l'Insee, M. François Lequiller a précisé que les programmes d'études des directions régionales étaient élaborés en partenariat avec les collectivités territoriales concernées et que, par conséquent, les directions régionales jouissaient effectivement d'une certaine autonomie.

Debut de section - Permalien
François Lequiller

Enfin, M. François Lequiller a confirmé à Mme Catherine Procaccia qu'un indice temporel des prix permettait, comme l'avait souhaité à plusieurs reprises les sénateurs, d'évaluer le rythme d'évolution du niveau des prix dans les DOM.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a rappelé, en préambule, que Mme Anne Bolliet avait participé au cours des dernières années à de nombreuses missions d'audit de modernisation lancées outre-mer, notamment sur la politique du logement social, la politique de résorption de l'habitat insalubre ou encore l'évaluation du dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer. Il a indiqué qu'elle avait également participé au rapport d'enquête sur l'optimisation de la desserte aérienne des départements d'outre-mer et avait été responsable de l'équipe de la revue générale des politiques publiques (RGPP) sur la modernisation de la politique de l'outre-mer. Il a estimé que cette expérience lui assurait une vision large des politiques menées par l'Etat outre-mer.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

Après avoir indiqué que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer avait lancé à partir de 2004 de nombreux audits de modernisation, auxquels avait été associé le ministère des finances, Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, a souligné l'intérêt de ces opérations, notamment du fait de leur caractère public et de l'appropriation de ces travaux par les parlementaires.

Elle a ainsi exposé l'exemple de la politique de défiscalisation outre-mer en indiquant avoir initialement constaté, à l'occasion des audits, le manque d'informations statistiques disponibles en matière de défiscalisation, notamment pour la partie de l'exonération applicable de plein droit, l'absence de procédure d'agrément rendant toute évaluation impossible. La mission d'audit avait donc préconisé une obligation déclarative, mesure reprise par la loi de finances rectificative pour 2007. Cependant, le défaut d'informatisation des procédures déclaratives empêchant encore aujourd'hui d'exploiter les données collectées, le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (PLODEOM) a introduit une disposition visant à rendre obligatoire la transmission des données par voie informatique, y compris pour la défiscalisation réalisée hors agrément, ce qui devrait enfin permettre à l'horizon 2010-2011 une évaluation précise du dispositif de défiscalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a souhaité savoir si les recommandations des différents rapports auxquels Mme Anne Bolliet avait participé avaient été suivies d'effets. Il a également interrogé cette dernière sur les propositions du rapport rendu par l'Inspection générale des finances sur la question sensible des prix des carburants dans les départements d'outre-mer. Il a enfin souhaité connaître son point de vue sur la mise en place d'une commission d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer prévue par le PLODEOM, ainsi que sur les réformes à mener prioritairement outre-mer.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

a relevé que les recommandations des missions auxquelles elle avait participé avaient souvent été suivies d'effet. Elle a illustré son propos par l'exemple du PLODEOM qui reprend certaines préconisations formulées en matière de logement social (en l'occurrence la réorientation de la défiscalisation en matière de logement vers le logement social), de réforme de la TVA-non perçue récupérable (TVA-NPR), ou encore d'adaptation du dispositif de défiscalisation. Elle a cité comme autre exemple celui du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dont l'évolution vers une « administration de mission », ne gérant plus de crédits, avait été préconisée au titre de la RGPP, en précisant que si les deux directions avaient été remplacées par une délégation interministérielle, il avait été cependant impossible de retirer au ministre son pouvoir de gestion de crédits.

S'agissant du rapport de l'Inspection générale des finances sur le prix des carburants dans les départements d'outre-mer, elle a indiqué qu'il dessinait plusieurs pistes à court comme à moyen terme, telles qu'un rééquilibrage des surcoûts de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) aux Antilles et en Guyane, la libéralisation de la distribution de carburant, la fermeture à moyen terme de la SARA ou un transfert aux collectivités territoriales de la fixation des prix.

Elle a estimé que la commission d'évaluation des politiques publiques menées outre-mer pourrait être utile en matière d'appropriation des différents dispositifs en constituant un lieu de discussion mais qu'elle pourrait difficilement effectuer un véritable travail d'évaluation, ne disposant pas des outils nécessaires.

Au rang des réformes prioritaires, Mme Anne Bolliet a placé la question des prix, estimant qu'un travail important d'anticipation était nécessaire sur ce sujet du fait des échéances réglementaires européennes en matière d'octroi de mer ou de défiscalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président, elle a indiqué que, s'agissant de la desserte aérienne des départements d'outre-mer, la mise en place de prix plafond, bien que séduisante, était impossible, du fait de la réglementation européenne notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

a indiqué qu'elle avait pu constater lors d'un déplacement aux Antilles que les prix des carburants étaient légèrement inférieurs à ceux pratiqués en Île-de-France et a observé que la fermeture de la SARA aurait des conséquences sociales désastreuses.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

a confirmé que jusqu'à l'été 2008, les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, connaissaient des prix des carburants plutôt inférieurs à ceux pratiqués en métropole, notamment du fait d'une fiscalité moins lourde. Elle a expliqué que l'administration des prix conduisait à un décalage entre leur évolution et celle des cours, source d'incompréhension dans les opinions locales au moment de l'effondrement des cours du brut, la poursuite de l'évolution à la hausse en Guyane ayant été aggravée par l'obligation de mise aux normes du carburant distribué, à l'origine d'un surcoût de 20 à 30 centimes par litre.

Elle a indiqué que la mission avait évalué à 17 centimes d'euro par litre le surcoût induit par l'intervention de la SARA, l'absence d'automatisation du système de distribution dans les DOM contribuant également à un renchérissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Après avoir relevé que les élus faisaient souvent davantage confiance aux missions d'information parlementaires qu'aux missions interministérielles, M. Jean-Etienne Antoinette a dénoncé le fait que, dans un système de prix administrés, les actionnaires de la SARA puissent néanmoins fixer un taux de rentabilité les majorant. Il a regretté que le rapport de l'inspection générale soit muet sur cette question. Il s'est également interrogé sur la possibilité pour la Guyane de déroger aux normes européennes en matière de carburants.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

a indiqué qu'en matière de normes des carburants, la mission avait procédé à de nombreuses consultations et qu'aucune possibilité de prorogation de la dérogation pour la Guyane n'avait paru envisageable. Après avoir rappelé la totale indépendance de la mission menée par l'inspection générale, elle a souligné que la SARA était une entreprise privée et qu'il n'était donc pas anormal que ses actionnaires fixent des objectifs de rentabilité. Elle a également souligné que l'Agence des Participations de l'Etat (APE) exigeait souvent des entreprises publiques qu'elle gérait un taux de rentabilité supérieur à 10 %, le taux de rentabilité de la SARA étant d'environ 9 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

En réponse à Mme Catherine Procaccia qui estimait que la concurrence pourrait permettre de faire baisser les prix en matière de desserte aérienne, Mme Anne Bolliet a indiqué que dans les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, les prix restaient élevés en dépit de l'absence de situation monopolistique, la puissance de l'entreprise Air France empêchant toute tentative de concurrence vertueuse en la matière ; elle a précisé qu'aujourd'hui Air Caraïbes et Air Austral pratiquaient des prix seulement très légèrement inférieurs à ceux d'Air France. Elle a complété son analyse par le double constat de prix poussés à la hausse par le faible nombre de places à haut rendement sur les destinations concernées et la pratique des congés bonifiés. Elle a rappelé qu'en matière de desserte aérienne, l'inspection générale avait préconisé la modification des obligations de service public.

Après avoir souligné que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait affirmé que les départements d'outre-mer représentaient 1 % du trafic d'Air France et 14 % de ses bénéfices, M. Serge Larcher, président, s'est interrogé sur l'obligation pour la SARA d'importer du pétrole d'Europe du Nord.

Debut de section - Permalien
Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

a indiqué que la SARA ne disposait pas des technologies nécessaires pour raffiner le pétrole issu de la zone caraïbe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

En réponse à une question de M. Jean-Etienne Antoinette sur la prorogation du délai de remboursement du prêt accordé par l'Agence française de développement (AFD) aux distributeurs de carburant présents en Guyane, Mme Anne Bolliet a indiqué que ce prêt constituait une avance de trésorerie accordée par l'Etat en compensation de l'étalement de l'augmentation du prix du carburant induite par la mise aux normes européennes. Ce prêt devait être initialement remboursé, à l'issue de la période de lissage, par une surtaxe de 2 à 4 centimes payée par le consommateur. Elle a déclaré qu'il était apparu inopportun, dans la situation actuelle, de mettre en place cette surtaxe et a relevé qu'il restait huit mois pour régler la question.

La mission a ensuite entendu M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Après avoir rappelé que la mission commune d'information avait entendu la semaine précédente M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, sur l'insertion régionale de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, M. Serge Larcher, président, a souhaité que M. Philippe Leyssenne, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, expose l'état actuel et les perspectives de la coopération régionale de la Réunion au sein de l'Océan Indien.

Debut de section - Permalien
Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien

a souligné que l'océan Indien était le plus petit des trois océans mais comptait deux milliards d'habitants, soit le tiers de la population mondiale, et était pourvu d'importantes ressources naturelles et halieutiques. Il a précisé qu'il s'agissait d'une zone principalement anglophone avec une prédominance de la religion musulmane. Il a rappelé que la France était présente dans cette région au travers de trois collectivités, la Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), cette dernière, bien qu'elle ne comporte aucun résident permanent, participant néanmoins à la coopération régionale.

a indiqué que l'on pouvait distinguer trois cercles de partenaires potentiels des collectivités françaises dans l'océan Indien :

- le premier cercle se compose des pays membres de la Commission de l'océan Indien, c'est-à-dire Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles et les Comores. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une organisation à dominante francophone et dont la France est membre à part entière au titre de la Réunion, mais dont Mayotte ne fait pas partie en raison de la revendication des Comores sur ce territoire. Toutefois, la situation actuelle à Madagascar et les relations délicates entre la France et les Comores à propos de Mayotte n'empêchent pas une coopération étroite ; ainsi, la France vient-elle de succéder aux Comores à la présidence de la Commission de l'océan Indien et Madagascar devrait accueillir le prochain Sommet de la francophonie en 2010 ;

- le deuxième cercle est constitué des pays africains riverains de l'océan Indien, c'est-à-dire l'Afrique du Sud, le Mozambique et la Tanzanie ;

- enfin, les autres pays de la région constituent le troisième cercle.

a indiqué que, si la Commission de l'océan Indien représentait notre partenaire privilégié dans la région, la coopération régionale était nécessairement à géométrie variable, les partenaires n'étant pas les mêmes selon les sujets. Il a mentionné, à titre d'illustration, la lutte contre la piraterie maritime, qui devait inclure les Etats de la Corne de l'Afrique, ou la lutte contre la pêche illégale, qui devait associer l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Il a ensuite présenté les différentes caractéristiques de la coopération régionale dans l'océan Indien en soulignant tout d'abord sa complexité, étant donné le nombre élevé et la diversité des organisations intervenant dans cette zone. Outre la Commission de l'océan Indien, il existe, en effet, d'autres organisations régionales dont la France n'est pas partie, comme le traité du marché commun d'Afrique orientale et australe (COMESA), au sein duquel la France a un statut d'observateur, l'Association des Etats riverains de l'océan Indien (ARC), dont la France est « partenaire de dialogue », la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ou encore l'Union africaine.

Il a précisé que d'autres organisations internationales spécialisées étaient également présentes dans la région, comme l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou l'Union internationale des télécommunications (UIT), où la question du statut de Mayotte pouvait se poser.

Il a rappelé que, à côté des organisations interétatiques, il existait également des structures originales, issues de la société civile, telles que les organisations sportives régionales ou l'Union des ports de l'océan Indien, qui jouaient souvent un rôle très efficace de relais et de partenaires de la coopération régionale. Il a cité, à cet égard, l'association des radios et télévisions de l'océan Indien, qui tient un rôle important en matière de dialogue interculturel et constitue un outil essentiel pour le développement de la francophonie, ou encore l'Union des chambres de commerce et d'industrie de l'océan Indien, qui présente la particularité de regrouper l'ensemble des pays membres de la Commission de l'océan Indien et Mayotte, où devrait d'ailleurs se tenir son prochain forum.

a estimé que le deuxième trait caractéristique de la coopération régionale dans l'océan Indien tenait au statut très différent des Etats appartenant à cette région, puisqu'on y trouve des Etats avec de forts écarts de développement avec des Etats faisant partie des pays les moins avancés (PMA), des pays à revenu intermédiaire (PRI) et des pays développés, des pays membres de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et des Etats membres de l'Union européenne, et que les trois collectivités françaises se répartissent en une région ultrapériphérique (RUP) et deux pays et territoires d'Outre-mer (PTOM), ce qui soulève la question de l'articulation de la coopération régionale, en particulier pour l'Union européenne.

Citant le cas de Mayotte avec les Comores ou des Terres australes et antarctiques françaises avec l'île Maurice, il a exposé que la troisième particularité de cette région reposait sur le fait que la souveraineté française était parfois mise en question par nos partenaires.

La quatrième caractéristique résulte de l'importance de la coopération décentralisée, en particulier à Madagascar, et la dernière tient à la forte implication des élus locaux.

Constatant que la France, en tant que seul pays membre de l'Union européenne riverain de l'océan Indien, avait une légitimité particulière pour nouer un partenariat étroit avec les Etats de cette région, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a conclu par la présentation des principales priorités pour le renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien :

- il a regretté que l'Union européenne n'ait pas su développer une approche régionale de l'océan Indien, alors que le renforcement de la coopération régionale était une nécessité ;

- il a souligné que la coopération régionale n'allait pas de soi mais devait se traduire par des projets concrets, en distinguant la coopération institutionnelle et la coopération privée, complémentaires, mais dont les objectifs, les modes d'action et de financement sont distincts. Il a mentionné le cas des transports, en citant l'exemple de la liaison entre les Comores et l'île Maurice ;

- il a enfin estimé qu'une meilleure coordination était indispensable, notamment dans la gestion des différents programmes de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a demandé à M. Philippe Leyssene si la crise actuelle à Madagascar ou l'attitude des Comores à l'égard de Mayotte ne constituaient pas de sérieux obstacles au renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien. Il s'est enquis d'exemples concrets de coopération et de l'articulation entre les différents modes de financement nationaux et européens.

Debut de section - Permalien
Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien

a reconnu que la crise actuelle à Madagascar ou la situation aux Comores étaient préoccupantes, mais il a considéré que le renforcement du partenariat avec ces pays était néanmoins souhaitable, en particulier avec Madagascar qui, avec une population de dix-huit millions d'habitants, est un partenaire incontournable dans la région. Il a également mentionné d'autres partenaires potentiels, tels que l'Afrique du Sud, où une délégation réunionnaise se rend chaque année.

Concernant les financements, il a jugé que les fonds de coopération régionale à Mayotte et à La Réunion fonctionnaient de manière satisfaisante mais a précisé que, à l'avenir, l'accent serait mis sur le suivi et l'évaluation des projets ayant donné lieu à des subventions afin de mesurer leur impact réel sur le long terme. Il a estimé que le renforcement de la coopération régionale passait par des projets concrets structurants, par exemple dans les domaines de la santé ou de l'éducation.

En revanche, s'agissant des fonds européens, il a regretté le manque d'articulation entre les différents financements, notamment entre les fonds Interreg destinés à La Réunion, qui représentent trente cinq millions d'euros, et les financements au titre du dixième Fonds européen de développement (FED) consacrés à la coopération régionale des pays et territoires d'outre-mer, à hauteur de quarante millions d'euros, ainsi qu'aux pays de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

ayant fait observer que la coopération régionale, pour être efficace, devait reposer sur une logique gagnant-gagnant, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a cité l'exemple de la santé, en mentionnant le projet de créer à La Réunion un pôle régional de santé autour du centre hospitalier universitaire, qui offrirait une offre de santé et de formation pour toute la région de l'océan Indien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Rappelant qu'il avait soutenu le projet de création d'un pôle régional de santé à La Réunion, une telle initiative pouvait servir de vitrine à la coopération régionale, M. Jean-Paul Virapoullé s'est interrogé au sujet de la réaction des pays de la région à cette proposition. Il s'est également demandé s'il n'y avait pas de contradiction entre la volonté d'établir un partenariat entre les pays de la région et la concurrence que se livrent ces Etats. Enfin, il a souhaité avoir des précisions au sujet des négociations sur les futurs accords de partenariat économique avec les pays de la zone et leur impact sur La Réunion.

Debut de section - Permalien
Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien

a estimé qu'aussi bien La Réunion que les pays voisins trouveraient un intérêt au projet de pôle régional de santé. Il a cité l'exemple des jeunes étudiants en médecine originaires des Seychelles qui vont se former en Australie mais ne reviennent pas exercer leur métier dans leur pays. Il a également mentionné le potentiel exceptionnel de La Réunion dans le domaine de la recherche, en rappelant le cas du virus du chikungunya ou la création récente d'une nouvelle variété d'oignon, devant permettre à ce territoire d'être autosuffisant, voire même exportateur de cette denrée.

a précisé que la coopération institutionnelle se distinguait de la coopération économique, dans la mesure où elle n'avait pas pour objet d'encourager les entreprises à trouver de nouveaux débouchés, même si le développement des échanges économiques participait aussi au renforcement de l'insertion régionale.

Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Philippe Van de Maele, président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Debut de section - Permalien
Philippe Van de Maele

Dans son propos introductif, M. Philippe Van de Maele a indiqué que l'ADEME était très présente outre-mer, en particulier dans les domaines des énergies renouvelables, de la maîtrise de l'énergie et de la gestion des déchets, auxquels s'ajoutent, depuis 2009, les dispositifs prévus par le Grenelle de l'environnement. Cinq fonds sont ainsi mobilisés, notamment en faveur de la recherche (véhicules propres, stockage des énergies intermittentes, réseaux énergétiques dits « intelligents ») ou encore de la dépollution des friches industrielles. Pour mener ses actions, l'ADEME dispose d'une équipe en métropole et de délégations régionales employant une dizaine d'agents chacune.

a expliqué que l'ADEME s'impliquait fortement en matière d'énergie solaire et de traitement des déchets, domaines pour lesquels un rattrapage important restait à effectuer, au moyen d'interventions diversifiées allant du conseil au soutien à la recherche.

A M. Eric Doligé, rapporteur, qui l'interrogeait sur les secteurs les plus prometteurs devant permettre aux DOM de parvenir à l'autosuffisance énergétique et sur l'environnement en tant que potentiel de richesse pour l'outre-mer, M. Philippe Van de Maele a insisté sur la priorité à accorder à la maîtrise de la consommation d'énergie, celle-ci augmentant de manière exponentielle, de 5 à 8 % par an, en raison de la croissance démographique, de la progression du taux d'équipement des ménages (en climatiseurs, par exemple) et de l'évolution des habitudes de consommation. Le développement de l'énergie solaire suppose l'achat des panneaux photovoltaïques et soulève le problème de l'appoint et du stockage, compte tenu de son caractère intermittent. S'il existe une vraie dynamique de l'industrie des panneaux solaires dans les régions concernées, en particulier dans la Caraïbe, et si l'outre-mer peut être à la pointe de la technologie et une zone d'expérimentation en la matière, la principale difficulté réside dans la capacité à finaliser les projets, le taux moyen d'engagement des crédits disponibles étant, en début d'année, de seulement 50 à 60 % .

En réponse à M. Jean-Paul Virapoullé, M. Philippe Van de Maele a aussi évoqué les perspectives concernant les éoliennes en mer, l'énergie marémotrice, l'utilisation de la houle et des gradients de température (à l'exemple de la Polynésie) et les hydroliennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

a regretté qu'une vaste campagne ne soit pas engagée pour inciter aux économies d'énergie et a souligné l'objectif que s'était fixé La Réunion pour parvenir à l'autosuffisance à l'horizon 2030. Il l'a toutefois tempéré en mentionnant les obstacles que sont les cyclones et le caractère intermittent des nouvelles énergies impliquant de régler la question du stockage, d'où le projet européen mené actuellement à Saint-André de La Réunion.

Debut de section - Permalien
Philippe Van de Maele

a présenté quatre axes privilégiés d'action : la maîtrise de l'énergie, la poursuite du développement des énergies renouvelables, le stockage des énergies intermittentes et le développement des réseaux « intelligents » (comme par exemple, des compteurs pour la climatisation ou les chaudières).

Après avoir salué le travail de conseil aux collectivités territoriales réalisé par l'ADEME, M. Jean-Etienne Antoinette a rappelé qu'à la suite du Grenelle I le Gouvernement s'était engagé à explorer différentes pistes telles que l'adaptation des normes de certification dans le secteur de la construction, étant souligné qu'en Guyane est importé du bois du Massif central pour les constructions et que sont bâtis des logements sociaux en béton, ou encore la valorisation de la biodiversité, étant noté que la Guyane contribue largement au respect du plan carbone au niveau national. Il s'est interrogé sur la possibilité de transformer cette contribution en dotations pour les collectivités territoriales guyanaises. Il a par ailleurs dénoncé l'exploitation par de grands groupes pharmaceutiques des ressources naturelles guyanaises sans prévoir de contrepartie pour les collectivités territoriales. Enfin, il a suggéré un meilleur accompagnement de l'ADEME pour le financement de la collecte et du recyclage des déchets.

En réponse, M. Philippe Van de Maele a précisé que :

- un décret est en cours de signature pour adapter les normes de construction en outre-mer ;

- la filière bois en outre-mer constitue un vrai sujet de réflexion notamment dans le secteur de la construction ;

- la biodiversité d'outre-mer contribue pour 90 % à la biodiversité nationale, mais sa valorisation induit des questions juridiques, telles que la prise en compte des réserves naturelles dans le « puits carbone », ou la possibilité de « rémunérer » certains territoires par convention, qui dépassent les compétences de l'ADEME ;

- du fait de la spécificité des besoins, les aides de l'ADEME sont plus importantes en outre-mer qu'en métropole : pour le recyclage des déchets industriels, cela a conduit l'ADEME à constituer un groupe ad hoc ; quant aux déchets ménagers, le problème essentiel réside dans l'organisation de la collecte car le tri sélectif est encore peu pratiqué ;

- il reste beaucoup à faire également dans le domaine des transports, malgré des projets ambitieux, comme le tram-train à La Réunion et la liaison Lamentin-Fort-de-France, la question d'une autorité unique des transports commune aux différents niveaux de collectivités restant posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a souligné que l'absence d'une telle autorité était un handicap à la Martinique, y compris pour le développement du tourisme. Enfin, M. Jean-Etienne Antoinette a appelé l'attention sur les nuages de sable en provenance du Sahara et la question de la surveillance spécifique des particules dangereuses.