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...e voudrais vous faire part de ma fierté et de mon émoi d’être devant vous, dans cet hémicycle chargé d’histoire, qui représente à lui seul les fondements de notre démocratie à travers les mots de liberté, d’égalité et de fraternité. Qui aurait pu penser que la fille d’un réfugié arménien prononcerait sa première intervention au Sénat à l’occasion d’un débat sur la condamnation de la négation des génocides, en particulier du génocide arménien ? En cet instant, mon émotion est grande et j’espère que vous la comprendrez. Je me sens ce soir enfant d’Arménie et je ne puis m’empêcher, à travers le souvenir de mon père et de mes grands-parents, de penser aux souffrances de notre peuple martyr. C’est à la fois un témoignage, un hommage et un plaidoyer que je veux vous présenter. Au cours de la Premièr...
...5. Yves Ternon a écrit qu’il n’y avait pas l’ombre d’un doute sur le caractère génocidaire de ces événements. Il n’y a donc pas de controverse historique scientifique possible. En revanche, il subsiste des polémiques nauséabondes à caractère négationniste. Nous ne sommes pas face à une loi mémorielle visant à établir une vérité historique. Cette proposition de loi condamne les négationnistes du génocide arménien, comme la loi française condamne désormais les négationnistes de la Shoah. Nous récusons donc l’argument d’une intrusion du législateur dans le champ de l’histoire. Il est au contraire dans son rôle lorsqu’il légifère dans le but de veiller au respect d’une loi, en l’espèce celle de 2001. Cette proposition de loi, si elle est adoptée, n’empêchera pas les historiens, je l’ai dit tout à ...
...ut. Du reste, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, en particulier par le président Bel, il faut se prémunir contre l’inflation législative. Quelle légitimité le législateur français a-t-il pour se prononcer sur un crime du siècle dernier, qui n’a été jugé par aucun tribunal et qui n’a pas été commis en France ou par des ressortissants Français ? Pourquoi ne pas légiférer aussi sur les génocides commis au Kosovo, au Rwanda, au Cambodge, sur ceux dont ont été victimes les Indiens d’Amérique, les Tziganes ou encore les musulmans au temps des Croisades ? Les souffrances des victimes, celles de leurs peuples et celles de leurs descendants sont-elles moins dignes d’être reconnues ? Je le dis clairement, les lois mémorielles ouvrent malheureusement la porte à toutes les revendications commun...
...ous avons le droit de nous exprimer sans que vous nous interrompiez tout le temps. Respectez notre liberté de nous exprimer, même si ce que nous avons à dire ne vous fait pas plaisir. Je maintiens ce que j’ai dit tout à l’heure. Nous avons rappelé que, juridiquement, cette proposition de loi, qui est la conséquence, nous dites-vous, de celle qui a été adoptée en 2001, ne pouvait concerner que le génocide arménien de 1915. Ce drame historique n’a donné lieu à aucune reconnaissance par une convention internationale ou par des décisions de justice ayant autorité de la chose jugée. Il est un autre point à propos duquel on ne nous a fourni aucune explication convaincante. Si cette loi était promulguée, elle donnerait au Parlement une compétence nouvelle, que n’ont prévue ni l’article 34 ni aucune a...
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « faire prévaloir la raison » et le « dialogue » : voilà ce à quoi le Président de la République française a engagé le Premier ministre turc s’agissant de l’attitude à avoir à propos du débat sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi. S’agit-il vraiment, ici, de faire preuve de raison et de dialogue devant un texte dont on nous assure qu’il « ne vise nullement un peuple ou un État en particulier » ? Ne joue-t-on pas avec le feu, dans le contexte d’une Europe malade et qui se cherche, en demandant à la Turquie « de bien prendre la mesure des intérêts communs qui unissent nos deux pays et nos deux peuples...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais en préambule me réjouir du climat de respect réciproque qui caractérise nos échanges depuis le début de nos travaux. Si nos débats se déroulent dans un tel climat, c’est parce qu’aucune voix ne s’est élevée pour contester la réalité du génocide arménien. La grandeur de la démocratie est de pouvoir débattre et décider en dehors de toute contrainte, d’où qu’elle vienne. Compte tenu du calendrier pré-présidentiel, la motion tendant au renvoi à la commission a pour objectif réel d’empêcher l’adoption de la proposition de loi. J’y suis donc hostile puisque, à mon sens, cette loi est absolument nécessaire. Toutefois, avant d’exposer ma posi...
...uent, si ce n’est effectivement pas aux parlementaires d’écrire l’histoire, il leur appartient bien, une fois l’histoire écrite, d’en tirer les conséquences législatives, le cas échéant sur le plan pénal. De la même manière, il n’est pas non plus possible de refaire l’histoire du droit. Lorsque des massacres ont été perpétrés contre les Arméniens, aucune convention internationale ne traitait du génocide, mais ce caractère criminel a été reconnu par les tribunaux ottomans eux-mêmes, dans les jugements prononcés par une cour martiale en 1919. Or le traité de Lausanne de 1923, toujours en vigueur en France comme en Turquie, contient une clause d’amnistie qui n’aurait aucun sens si les massacres de 1915 n’avaient pas été considérés comme des crimes internationaux. Certains affirment également qu’un...
...ondamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. Fallait-il une loi ? Je pense que oui, car la vérité n’est pas toujours assez forte pour terrasser le mensonge. Le négationnisme, à l’instar du racisme, ne peut et ne doit pas être considéré comme une opinion. Ce sont l’un et l’autre des délits, condamnables par les lois de notre République ! Alors, oui, une loi est nécessaire pour tous les génocides ! Contrairement à ce qu’on entend parfois, ce n’est pas une loi contre la Turquie ! Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. À mon sens, un jour viendra où le peuple turc comprendra qu’il est bon pour lui-même de reconnaître son histoire, tout en sachant qu’il n’est évidemment pas responsable des fautes du passé. Certes, comparaison n’est pas raison, mais je tiens à rappeler...
...adour-sur-Glane, j’ai compris que l’humain était capable d’atrocités. Il est, certes, capable du meilleur, mais il est aussi capable du pire. Permettez-moi de citer cette phrase de Vercors, qui est inscrite à l’entrée du village d’Oradour-sur-Glane : « L’humanité n’est pas un état à subir. C’est une dignité à conquérir. » Eh bien, par cette loi, il faut rendre la dignité à ceux qui ont subi des génocides ! J’ai le sentiment que, en leur rendant cette dignité, et en condamnant ceux qui la leur refusent, nous ferons progresser, à notre niveau, avec l’humilité qui convient, la dignité de l’humanité ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui présente deux difficultés. Il soulève, tout d’abord, le problème de la question arménienne sur laquelle se focalisent aujourd’hui tous les débats, car la loi française n’a reconnu que deux génocides : le génocide juif et le génocide arménien. Elle n’a pas reconnu, par exemple, les crimes perpétrés par les Khmers rouges au Cambodge ni ceux contre les Tutsis au Rwanda. Il soulève ensuite une question de principe, de portée générale, au sujet des lois mémorielles et sur les rôles respectifs du parlementaire et de l’historien. Si les parlementaires peuvent contribuer à faire l’histoire, ils n’...
Dans le cas du génocide arménien, la France ne porte aucune responsabilité. Ensuite, la loi Gayssot est conforme à la philosophie de la décision-cadre européenne du 28 novembre 2008 : elle reconnaît la Shoah comme génocide et pénalise sa négation parce que la Shoah a été qualifiée de génocide par une juridiction internationale. Il n’y a rien de semblable pour le génocide arménien. Par conséquent, la proposition de loi ...
Plutôt que de voter des lois mémorielles, développons la recherche historique et scientifique et prononçons-nous par des résolutions. C’est la raison pour laquelle, en conscience, loin des pressions, d’où qu’elles viennent, je ne voterai pas l’article 1er de la proposition de loi ni par conséquent la proposition de loi elle-même visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.
... Turquie à assumer cet épisode odieux de son histoire et à ouvrir sans restriction ses archives, un siècle après les faits. La rédaction de l’article 1er pèche gravement par deux aspects. Tout d’abord, cet article comporte un flou, et donc un risque de subjectivité et d’arbitraire. Comment le juge appréciera-t-il les faits de contestation et surtout de « minimisation outrancière » des crimes de génocide ? Le concept de minimisation outrancière est tout à fait insaisissable. Nier, contester, on sait ce que c’est. En revanche, il est bien difficile de déterminer si l’on minimise un peu, beaucoup ou trop. D’ailleurs, les victimes peuvent-elles concevoir une minimisation « non outrancière » ? À quelle aune sera mesurée cette minimisation et comment établir objectivement si elle est supportable ou ou...
...crainte de voir déclarer le texte inconstitutionnel. La question est importante puisqu’il s’agit là de la liberté d’expression et d’opinion. J’ai toujours été très réservée sur les textes mémoriels et sur tout ce qui s’y rattache. Contrairement à ce qu’a affirmé M. le ministre, cette proposition de loi n’est ni un texte technique ni une simple coordination juridique. Par son rattachement au seul génocide reconnu par la loi, mais non par les instances internationales, à la différence de la Shoah, il relève bien du registre mémoriel. C’est donc un texte fléché, qui vise expressément le génocide arménien. C’est la raison pour laquelle nous faisons le lien avec le texte précédent, et ce n’est pas par hasard si beaucoup de nos collègues le font. Lors de l’adoption du texte reconnaissant les « effets ...
...part, elle comporte un risque d’inconstitutionnalité qui a déjà été longuement évoqué. La séparation des pouvoirs est un principe essentiel que le législateur doit s’imposer seul, sans s’en remettre au contrôle a posteriori du juge constitutionnel. Si le législateur n’est pas dans cet état d’esprit, il alimente le soupçon d’une loi qui ne serait que l’émanation d’un rapport de forces. Le génocide est le crime le plus odieux qui soit : le nier, c’est le perpétuer ; en refuser la mémoire, c’est prolonger la souffrance. Le génocide des Arméniens est un fait incontestable ; il a d’ailleurs été à l’origine même de la notion de génocide, qui a vu sa traduction juridique s’appliquer à la Shoah. Une partie des crimes commis ont déjà été jugés par les tribunaux turcs, avant que leur négation ne co...
...er une perspective européenne à la Turquie est une erreur historique : cela provoque des crispations remettant en cause l’aboutissement et la réalité de la transition démocratique portée par l’AKP depuis son avènement au pouvoir. Cette perspective a favorisé les intellectuels et les universitaires turcs qui, depuis des années, travaillent à la reconstitution de la mémoire et parlent sans tabou du génocide arménien. Certains, comme Hrant Dink, ont donné leur vie pour cela. Avec les arrestations de journalistes ou de militants des droits de l’Homme, l’on ne peut que constater aujourd’hui les effets de la dérive autoritaire de l’AKP. Je refuse de participer à une opération où MM. Sarkozy et Erdogan construisent leur antagonisme pour aller à la recherche des voix nationalistes dans leurs pays respect...
...à donner des leçons au monde entier que du caractère tout à fait anormal de ce type de loi. Mais nous devrions maintenant en rester là puisque le Parlement peut désormais remplacer avantageusement une loi mémorielle par une résolution, laquelle, en étant l’expression d’un souhait, est d’une nature tout à fait différente. Avec cette proposition de loi, nous irions au-delà de la reconnaissance des génocides, puisqu’il est question de pénaliser la contestation de l’existence de certains massacres, des trois génocides reconnus par l’ONU : celui des Arméniens, celui des Juifs et – nous les oublions trop souvent – des Tsiganes et celui des Tutsis en 1994. La reconnaissance de ces génocides n’avait jusque-là nullement impliqué une « stérilisation » de la recherche historique. Mais, avec la pénalisation...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, beaucoup de choses ayant été dites. Le génocide arménien est une réalité indéniable : aucune ambiguïté ne demeure sur ce point. Mais, comme beaucoup d’autres, je considère qu’il n’appartient pas aux parlementaires français de criminaliser la négation de ce génocide et d’écrire l’histoire. D’ailleurs, que je sache, les parlementaires ne sont pas élus à l’aune de leurs connaissances historiques.
...elque sorte, du rôle des historiens. Comme d’autres collègues présents dans cet hémicycle, je me sens quelque peu concerné et je voudrais que l’on en revienne à des choses plus simples. C’est une évidence, il revient aux historiens de faire le travail d’analyse, d’étude, d’approfondissement. Ce n’est pas le rôle du Parlement de déterminer si tel ou tel événement s’apparente à un massacre ou à un génocide. En revanche, il n’appartient pas aux historiens – ils connaissent du reste des désaccords, ce qui est normal dans la mesure où les écoles historiques diffèrent partout, y compris en France –, après avoir reconnu un génocide, de prendre ensuite les mesures de lutte contre sa négation. Ainsi, tous les historiens ont admis l’existence de la Shoah. Mais ce ne sont évidemment pas eux qui vont édicte...
Je voudrais d’abord souligner la qualité du débat de ce jour sur les questions importantes soulevées par la présente proposition de loi. Moi aussi, je condamne évidemment toute forme de négationnisme, qui constitue une atteinte odieuse à la mémoire des disparus et à la dignité des victimes. Un génocide a eu lieu, et je tiens à exprimer, au nom de la commission que je préside, notre respect pour le peuple arménien et les terribles épreuves qu’il a endurées. Je ne reviendrai pas sur les interrogations que suscitent les lois dites « mémorielles », quelles qu’elles soient. La proposition de loi que nous examinons revêt, selon certains orateurs, ce caractère, contrairement à ce que soutiennent d’au...