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...et les craintes que l’examen de cette proposition de loi a suscitées, en particulier chez nos compatriotes d’origine arménienne qui conservent, au plus profond d’eux-mêmes, la mémoire douloureuse des épreuves endurées et de l’exil forcé. Je tiens à réaffirmer ici solennellement la compassion et le respect que la représentation nationale éprouve à l’égard des victimes du génocide arménien de 1915. L’existence de ce dernier ne fait aucun doute : de nombreux documents l’attestent et notre collègue Esther Benbassa, qui a consacré sa thèse à l’histoire de l’Empire ottoman au début du XXe siècle, nous a indiqué la semaine dernière, en commission, qu’elle avait elle-même pu prendre connaissance de ces documents. Je le réaffirme : il ne s’agit pas ici de contester ni de minimiser, de quelque manière que ce ...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut avoir la lucidité et le courage de reconnaître que l’examen cet après-midi par la Haute Assemblée de la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi suscite un certain malaise parmi nous. Depuis son adoption par l’Assemblée nationale à une très large majorité, mais en présence d’une cinquantaine de députés seulement, ce texte, qui pourrait en apparence sembler logique et cohérent, a ouvert la boîte de Pandore des questions et des doutes. Curieusement, à l’inverse de ce qui s’était passé ici même au mois de ...
...r le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd'hui soumise au vote de la Haute Assemblée suscite la réprobation du groupe que j’ai l’honneur de présider, de ses diverses sensibilités : des radicaux de gauche bien sûr, mais également de Jean-Pierre Chevènement. Si l’objectif officiel de cette proposition de loi est de « réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi », l’objectif réel est en fait de conduire une opération électoraliste pré-présidentielle.
...le 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ! Vous savez tous que la restriction à cette liberté par la Cour européenne est soumise à des conditions strictes. Mes chers collègues, la rédaction de la proposition de loi elle-même est une aberration juridique, car elle édicte des sanctions contre ceux qui auront « minimisé de façon outrancière l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide ». Le délit de « minimisation outrancière » mériterait une explication du garde des sceaux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu de textes soumis à la Haute Assemblée ont soulevé autant de passion, de débats et de controverses que cette proposition de loi. Ce texte a un titre, qui vise non pas à reconnaître un génocide, mais à « réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi ». Ces derniers jours, les prises de position de nombreuses personnalités et le contenu des débats ont, involontairement ou à dessein, créé une confusion et une ambiguïté en mélangeant le rôle du Parlement et les lois dites mémorielles, la constitutionnalité du texte voté ou encore la persévérance dans la négation par certains du génocide des Arméniens perpétré ...
... la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Cette reconnaissance officielle est partagée par plus d’une trentaine d’États et d’institutions régionales et internationales. Devant la recrudescence sur notre sol d’actes négationnistes, les socialistes ont été à l’initiative de l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi du 12 octobre 2006 tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien. Ce texte a été présenté au Sénat le 4 mai 2011 dans le cadre de la « niche » parlementaire du groupe socialiste, mais a également reçu, à l’époque, l’avis défavorable de la commission des lois et été rejeté par l’ancienne majorité de la Haute Assemblée au motif d’une prétendue irrecevabilité.
...ts une lecture de l’histoire sur la colonisation qui était loin de faire consensus, bien au contraire. Les socialistes ont toujours refusé cela. Je sais que certains de mes collègues éprouvent des réserves, car ils craignent que ce type de dispositif législatif n’entrave le travail des chercheurs. Je crois qu’il faut préciser, tout d’abord, qu’une telle loi tendant à réprimer la contestation de l’existence des génocides présentera l’immense avantage de libérer le champ d’investigation des historiens des faussaires et des manipulateurs. Je voudrais aussi rappeler que la loi Gayssot du 13 juillet 1990, votée pour protéger du négationnisme la mémoire des victimes de la Shoah, n’a jamais gêné le travail des historiens.
Ces faits sont assez communément admis. Ils étaient d’ailleurs reconnus officiellement par une douzaine d’États, par le Parlement européen et par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avant que la loi de janvier 2001 n’ajoute à la liste la reconnaissance officielle de la France. Une nouvelle proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi vient d’être votée, le 22 décembre 2011, à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de notre collègue députée, Valérie Boyer, et le Sénat est aujourd'hui appelé à l’adopter. Actuellement, ce texte concerne le seul génocide arménien. Mes chers collègues, il ne s’agit pas, pour nous, de dire l’Histoire. La France, qui reconnaît officiellement l’existence du génocid...
...ctés, plus touchés que d’autres par la souffrance du peuple arménien et de nos compatriotes d’origine arménienne au regard du génocide de 1915. Au cours de ces dernières semaines, j’ai lu de nombreux écrits témoignant de la réalité des événements de 1915-1916. La souffrance vécue alors s’est perpétuée et concerne aujourd'hui toutes les générations composant la communauté arménienne. Reconnaître l’existence du génocide arménien et, dans le même temps, voter contre la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, représente un choix difficile. Pour le comprendre, il faut considérer le rôle du sénateur. En effet, au-delà de la souffrance ressentie, y compris dans leur chair, par les Arméniens, la responsabilité de la Haute Assemblée est de se prononcer sur des considérations de philosophie du d...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque le peuple français, par l’adoption de la loi du 29 janvier 2001, a reconnu l’existence du génocide arménien de 1915, il a redonné une place dans la mémoire collective au premier génocide du XXe siècle. En votant ce texte, nous avions déjà conscience que ce premier pas en appelait un second : la sanction de la négation de ce génocide sur notre territoire. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est donc qu’une suite logique et incontournable ; elle donne un sens et un...
...ui ont été commises sur notre territoire ; je ne mentionnerai entre autres que quelques cas survenus dans les régions lyonnaise et valentinoise. N’oublions pas en outre le rôle avant tout préventif de la sanction pénale. En revanche, les arguments plaidant pour l’adoption de cette proposition de loi me paraissent particulièrement pertinents. Notre droit souffre d’un vide juridique ; reconnaître l’existence d’un génocide sans permettre de sanctionner sa négation n’aurait pas de sens. C’est pourtant ce que souhaitent les opposants à ce texte. De même, pourquoi sanctionner en France la négation de la Shoah et non celle du génocide arménien ? C’est une question de logique et de justice. Je ne vois pas qui pourrait se satisfaire de la situation actuelle. Le peuple arménien ne saurait pâtir de ce que, à...
...nsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ma qualité de président du groupe d’information sur le Tibet que je souhaite apporter un éclairage complémentaire à nos débats. Je ne me prononcerai pas de manière définitive sur l’intérêt ou la légitimité des lois dites « mémorielles », non plus que sur la constitutionnalité d’une incrimination pénale de la contestation de l’existence des génocides. Mon propos est autre : je veux profiter de l’attention que le Sénat accorde à la très grave question des génocides pour rappeler que l’un d’entre eux est en cours, aujourd'hui, sur les hauts plateaux tibétains. Je sais que cette affirmation va se heurter à une certaine incrédulité. D’aucuns, s’estimant bien informés, vont me rétorquer que l’oppression exercée par les autorités chi...
... mes chers collègues, beaucoup de passion entoure ce texte et nombre de voix fortes et compétentes, que j’ai écoutées avec une grande attention, en particulier ici aujourd'hui, se sont exprimées de part et d’autre sur cet événement si douloureux du génocide arménien, que nous avons reconnu par la loi du 29 janvier 2001. La présente proposition de loi vise donc à réprimer ceux qui auront contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide définis par le code pénal et reconnus comme tels par la loi française ; aujourd’hui, le seul génocide arménien est concerné. Elle compléterait ainsi la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Qui peut être insensible aux attentes de nos compatriotes d’origine arménienne ? Pour beaucoup, leurs aînés sont arrivés en France précisément pour fuir les ...
Notre pays a mis des années à reconstruire une relation de confiance avec la Turquie après le vote de la loi de 2001 comme après chaque texte qui visait à la répression de la contestation de l’existence du génocide arménien, aspect que le rapport du Sénat de juin 2008 a parfaitement souligné. De plus, nous jouons un rôle particulier dans le Caucase du Sud : la France copréside, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le groupe de Minsk, lequel est chargé de trouver une solution négociée au conflit « gelé » du Haut-Karabagh, qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïd...
...lors des débats sur cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, un amendement a été déposé afin de permettre la reconnaissance officielle, par la République française, du génocide vendéen de 1793-1794. Or comment définir celui-ci ? Par ailleurs, au cours des années récentes, plusieurs propositions de loi ont été déposées au Sénat ou à l’Assemblée nationale tendant à reconnaître, par la loi, l’existence du génocide tzigane pendant la Seconde Guerre mondiale ou encore celle du génocide ukrainien de 1932-1933. Hélas, mes chers collègues, la liste pourrait être longue ! Comme l’a écrit Bertrand Mathieu, « la liste potentielle des martyrs de l’histoire est infinie. La réécriture ou le gel de toute recherche en serait la conséquence inévitable ». Il convient également de souligner l’imprécision des ...
...rs antisémite. C’est ce qu’a jugé la Cour européenne des droits de l’homme dans une décision Garaudy du 24 juin 2003. En l’espèce, force est de constater que, heureusement, aucun discours de nature comparable à l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui, en France et de façon massive, nos compatriotes d’origine arménienne. De ce fait, la création d’un délit de contestation ou de minimisation de l’existence du génocide de 1915 pourrait être considérée comme excédant les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d’expression. Il s’agit là d’un risque très sérieux soulevé par la plupart des constitutionnalistes que nous avons consultés ou qui se sont prononcés sur cette question. Le troisième principe auquel l’adoption de cette proposition de loi pourrait porter attein...
...é qu’il avait ainsi « manqué à ses devoirs d’objectivité et de prudence, en s’exprimant sans nuance, sur un sujet aussi sensible ; que ses propos, susceptibles de raviver injustement la douleur de la communauté arménienne, [étaient] fautifs et [justifiaient] une indemnisation ». Des voies de recours existent donc déjà contre les personnes qui contesteraient ou minimiseraient de façon outrancière l’existence de génocides et autres crimes contre l’humanité. Par conséquent, mes chers collègues, nous ne pensons pas qu’il soit pertinent de s’engager dans la voie pénale, qui présente les risques très sérieux d’inconstitutionnalité que je viens d’évoquer. En outre, ce texte serait totalement inefficace si le but est de lutter contre des propos négationnistes tenus à l’étranger, car je vous rappelle que la...
... pas une transposition de la décision-cadre de 2008 du Conseil de l’Union européenne, qui fera l’objet d’un projet de loi ultérieur. Le titre initial du texte déposé par certains de nos collègues députés faisait effectivement référence à cette transposition, mais la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a modifié, pour souligner que son unique objet était de pénaliser la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi. Le génocide est le plus grave crime commis contre l’humanité, mais c’est aussi une qualification juridique, heureusement très rare. La contestation ou la minimisation outrancière des faits ainsi qualifiés sont suffisantes pour porter une atteinte grave à la mémoire des victimes et à leurs descendants. Près de 1, 5 million d’Arméniens furent déportés, torturés,...
Le génocide arménien a-t-il existé ? La réponse est oui ! La discussion de cette proposition de loi doit-elle se poursuivre ? La réponse est non ! Qui peut nier l’existence du drame vécu par un si vieux peuple, puisant ses racines et sa culture dans les tréfonds de l’Histoire et dont les deux tiers de la population ont été anéantis lors du génocide ? Qui pourrait douter de la volonté d’extermination, d’anéantissement et de déportation de tout un peuple ? Comment ne pas s’associer aux souffrances encore vivaces des descendants de ceux qui ont échappé aux massacres,...
...ssance ne produit qu’un seul effet : celui de rendre applicable la nouvelle incrimination, sans priver le juge de sa compétence de qualifier juridiquement les massacres de 1915. Que la reconnaissance de faits comme constitutifs d’un génocide produise cet effet limité est confirmé par le libellé même de la proposition de loi : seules sont visées la contestation ou la minimisation outrancière de « l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal ». Il appartiendra bien au juge de qualifier les faits soumis à son examen. Aussi n’y a-t-il aucune atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. II n’y en a pas davantage au principe constitutionnel de la légalité des délits puisque l’incrimination de contestation ou de minimisation outrancière repose sur la défi...