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... au plus profond d’eux-mêmes, la mémoire douloureuse des épreuves endurées et de l’exil forcé. Je tiens à réaffirmer ici solennellement la compassion et le respect que la représentation nationale éprouve à l’égard des victimes du génocide arménien de 1915. L’existence de ce dernier ne fait aucun doute : de nombreux documents l’attestent et notre collègue Esther Benbassa, qui a consacré sa thèse à l’histoire de l’Empire ottoman au début du XXe siècle, nous a indiqué la semaine dernière, en commission, qu’elle avait elle-même pu prendre connaissance de ces documents. Je le réaffirme : il ne s’agit pas ici de contester ni de minimiser, de quelque manière que ce soit, l’existence du génocide de 1915 et les immenses souffrances qu’il a causées. Notre pays s’est honoré en reconnaissant officiellement ce ...
… tâche inlassable et tellement indispensable, car tournée vers l’avenir. On ne construit pas l’avenir sur l’amnésie et sur l’oubli, nous le savons tous. À côté de l’œuvre de mémoire, l’œuvre de l’histoire, fondée sur la lucidité et sur les vertus de la connaissance est sans doute la manière la plus forte de dire aux martyrs que nous ne les oublierons jamais.
Électoralisme, communautarisme, lecture politique de l’histoire : c’est dans ce contexte confus, passionné, mais aussi malsain, que se déroule notre discussion. Pourtant, une question aussi grave mérite du respect, de la dignité et de la cohérence, toutes caractéristiques qui ont toujours guidé notre démarche. Pour notre part, nous voulons rester cohérents et logiques avec nous-mêmes, mais aussi demeurer fidèles à notre engagement auprès de nos compatriotes ...
Il serait détestable de confondre notre opposition à ce texte avec une méconnaissance – voire un détachement – de ce que furent les immenses souffrances du peuple arménien, qui ont marqué de la pire manière l’histoire du siècle passé, en ce début du XXe siècle où le pire était encore à venir. Nos compatriotes d’origine arménienne ont montré leur attachement à leur pays d’adoption, pour certains en lui sacrifiant leur vie.
Mais nous savons aussi combien il est déraisonnable, ici comme à l’extérieur, d’attiser un conflit en soufflant sur les braises de l’histoire. Monsieur le ministre, vous représentez le Gouvernement toujours avec talent et courtoisie.
...que l’arsenal constitué par notre droit pénal, dans son état actuel, suffit sans aucun problème à sanctionner les provocations à la haine raciale ainsi que l’apologie de crimes contre l’humanité. Oui, Pierre Nora a raison de parler de cynisme politicien, d’un texte insupportable car mettant en cause la recherche historique et scientifique ! Il a raison de marteler qu’en démocratie la liberté par l’histoire est la liberté de tous. Monsieur le ministre, en novembre 2008, le président de l’Assemblée nationale présentait le rapport de la mission d’information sur les questions mémorielles, dont la première et principale proposition commençait ainsi : « Le rôle du Parlement n’est pas d’adopter des lois qualifiant ou portant une appréciation sur des faits historiques, a fortiori lorsque celles-ci...
De quel droit le Parlement français s’investit-il d’une telle mission ? Certes pas de sa propre Constitution, ni de l’histoire de notre République ! Au-delà du droit, est-ce le moyen d’apaiser les relations entre l’Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdjan ? Est-ce le moyen de favoriser le lien social en France, entre Français d’origine arménienne et Français d’origine turque ? Est-ce le moyen de dire au gouvernement turc et à son peuple que certaines évolutions actuelles nous inquiètent, voire que nous les déplorons ? N’est...
...directement la paternité. La France est grande quand elle montre au monde qu’elle ouvre le chemin des libertés par ses lois, sur son territoire. La nation des droits de l’homme issue du siècle des Lumières ne saurait se reconnaître dans de déplorables gesticulations législatives. Jean-Denis Bredin disait justement devant la mission Accoyer que « la loi, non plus que la justice, ne peut redresser l’histoire ». L’humilité sied à la grandeur d’une nation. Pour ceux qui nous entendent, qui nous regardent, qui attendent que nous soyons les premiers fidèles aux grands principes du droit fondateurs de notre idéal républicain, nous devons rejeter ce texte dans les oubliettes de l’histoire. §
Sans faire preuve de juridisme excessif, je tiens à formuler quelques observations. Faut-il des lois mémorielles ? Quel est le rôle des historiens, des politiques, du Parlement ? Pour avoir été, dans une vie antérieure, à Aix-en-Provence, le disciple de l’un des plus grands spécialistes de l’histoire turque, Robert Mantran – j’ai d’ailleurs beaucoup travaillé avec lui –, je peux vous dire que ces questions n’ouvrent qu’un faux débat. Comment peut-on demander aux historiens de prendre la responsabilité de faire des choix politiques ? Les responsables politiques ont-ils peur de les faire eux-mêmes ?
...les événements n’appartenait pas aux historiens. Or si elle n’appartient ni aux historiens ni aux acteurs politiques, à qui appartient-elle ? Aux victimes ? Le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis introduit la notion de contestation « outrancière », et c’est tout à fait cohérent. J’entends ce qui se dit sur la Turquie. Alors, je le précise d’emblée : je suis un admirateur inconditionnel de l’histoire de l’Empire ottoman ! Je n’oublie pas – Mme Benbassa sera sans doute d'accord avec moi sur ce point – que la Sublime Porte recevait les parias à l’époque de l’Inquisition, que l’Empire turc accueillait les protestants chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes et que ce pays s’est montré dans son histoire bien plus tolérant que nombre d’États d’Europe occidentale !
Mais, et je le dis au gouvernement turc, toute histoire, y compris l’histoire de France, ne peut malheureusement pas être seulement glorieuse. Il y a parfois des souillures qu’il faut reconnaître pour aller de l’avant. À cet égard, la déclaration que Jacques Chirac a faite en 1995 est à l’honneur de l’ensemble des Français. Tout comme il est à l’honneur du gouvernement turc d’avoir rouvert le dossier et accepté de discuter avec les intellectuels voilà quelques années.
...é sur les minorités pendant la période ottomane ne peut nier ce fait. Si la Turquie tarde tant à reconnaître le génocide, c’est parce qu’elle n’a jamais été dans la position de l’Allemagne vaincue de 1945, qui ne put qu’admettre ses crimes. C’est aussi parce que la nation turque moderne s’est de fait construite sur l’éradication de la présence non musulmane en Anatolie, où bat son cœur. Certes, l’histoire des relations de l’Empire ottoman et de la Turquie avec ses minorités non musulmanes ne se résume pas à ce génocide, ni aux pogroms et déportations de la République nationaliste. Elle est tout autant l’histoire de l’accueil de ces minorités et d’une pluriséculaire tolérance à leur endroit. Reste que la Turquie se doit d’écrire aussi les pages noires de son passé. Or la société civile turque boug...
J’ai tendance à penser que l’arrivée de cette proposition de loi en pleine période électorale ne facilite pas le jugement du législateur, écartelé entre sa conscience et la discipline de parti. L’histoire ne saurait s’écrire au Parlement, et moins encore avec de telles arrière-pensées. Outre qu’elle musèle la liberté d’expression et la liberté intellectuelle, une telle proposition de loi encourage enfin une compétition des mémoires et un communautarisme préjudiciables à la cohésion nationale. Pour toutes ces raisons, je suis favorable à la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qui...
...ontenu des débats ont, involontairement ou à dessein, créé une confusion et une ambiguïté en mélangeant le rôle du Parlement et les lois dites mémorielles, la constitutionnalité du texte voté ou encore la persévérance dans la négation par certains du génocide des Arméniens perpétré dès 1915. Le texte à l’étude, rappelons-le, est strictement de nature pénale. Il ne s’agit en aucun cas de réécrire l’histoire. En effet, depuis le 29 janvier 2001 – cela a été abondamment souligné depuis le début de la discussion –, la France, comme la Russie, le Canada, l’Argentine, l’Italie ou l’Allemagne, a reconnu l’existence du génocide arménien. D’ailleurs, le vote au Parlement avait été très consensuel. Une nation – et singulièrement son Parlement – a, me semble-t-il, le droit de se forger une idée de son passé ...
... le rôle que lui confère la Constitution. Ces dernières semaines, les détracteurs de la loi ont utilisé de nombreux arguments. Je souhaite y répondre pour éclairer le débat et ne laisser aucune amertume au sujet de cette loi, qui est du petit-lait pour les défenseurs de la vérité et de la justice. Tout d’abord, des voix se sont élevées pour dénoncer une prétendue volonté du législateur d’écrire l’Histoire. Je tiens à rappeler que les parlementaires socialistes ont toujours soutenu les lois dites « mémorielles », qui leur semblent conformes aux valeurs humanistes de la République quand la réalité des faits n’est pas contestée par les historiens.
Les socialistes ont, cependant, toujours refusé que le Parlement vote des textes qui portaient un jugement de valeur comme la loi du 23 février 2005, qui tend à reconnaître « le rôle positif de la présence française outre-mer ». L’UMP voulait imposer aux enseignants une lecture de l’histoire sur la colonisation qui était loin de faire consensus, bien au contraire. Les socialistes ont toujours refusé cela. Je sais que certains de mes collègues éprouvent des réserves, car ils craignent que ce type de dispositif législatif n’entrave le travail des chercheurs. Je crois qu’il faut préciser, tout d’abord, qu’une telle loi tendant à réprimer la contestation de l’existence des génocides pr...
...s. La volonté génocidaire se perpétue incontestablement à travers le négationnisme. Si le génocide est l’anéantissement des corps, le négationnisme est l’anéantissement des mémoires. Quel rôle vient jouer le législateur dans cette affaire ? Selon certaines critiques, le Parlement se chargerait ici de délivrer une vérité historique officielle en empruntant un chemin intrusif à travers le champ de l’Histoire. D’autres critiques s’épanchent sur le caractère répétitif de l’adoption de lois dites mémorielles ou sur le fait que nous attenterions à la liberté d’expression se manifestant à travers la recherche scientifique. L’intention du législateur est non pas d’adopter une loi mémorielle, mais bien de mettre en place un dispositif pénal permettant, d’une part, de protéger la mémoire des victimes de gé...
...uvelle proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi vient d’être votée, le 22 décembre 2011, à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de notre collègue députée, Valérie Boyer, et le Sénat est aujourd'hui appelé à l’adopter. Actuellement, ce texte concerne le seul génocide arménien. Mes chers collègues, il ne s’agit pas, pour nous, de dire l’Histoire. La France, qui reconnaît officiellement l’existence du génocide arménien depuis le mois de janvier 2001, ne le reconnaîtrait pas moins demain si la proposition de loi que nous examinons n’était pas votée. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est non pas la liberté des historiens, mais toute idéologie de haine et d’incitation à la violence fondée sur la manipulation et la contestation des faits géné...
L’Histoire, qui admet le génocide arménien, nous rappelle également les liens profonds qui existent entre nos deux pays. Au nom des Arméniens réfugiés des massacres de 1915, que nous avons accueillis sur notre sol et dont les descendants font partie intégrante de notre nation, nous devons mettre un terme au négationnisme dont ils sont la cible. Mes chers collègues, nous devons toujours avoir à l’esprit, d...
... des communautés présentes sur leur territoire d’élection, et ne voyez dans mes propos aucune marque d’ironie. J’en conviens, ils ressentent encore davantage la souffrance de leurs concitoyens. Il incombe à la Haute Assemblée de définir ce qui doit être puni ou non. Le juge, lui, a pour mission de dire si une personne a enfreint ou non la loi. Quant à l’historien, son rôle est de dire, de penser l’Histoire, d’avoir un avis sur elle. Il y a un texte fondateur qui constitue pour nous la loi suprême : la Constitution de la Ve République, même si je ne l’approuve pas dans son intégralité. Notre devoir est de la respecter, de la protéger. Aujourd’hui nous est soumise une proposition de loi mémorielle, qui, certes, soulève un véritable enjeu, mais apporte, dans le même temps, une mauvaise solution.