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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai voté contre la motion tendant à opposer l’exception l’irrecevabilité à la précédente proposition de loi sur ce sujet et je ferai de même pour celle-ci. La paix ne peut se bâtir sur l’occultation de l’Histoire. Le génocide arménien a été reconnu par environ une trentaine de pays. En Europe, douze États l’ont reconnu et six d’entre eux ont adopté un texte prévoyant une mesure générale pénalisant, à l’instar de la présente proposition de loi, tous les génocides reconnus comme tels. Le 29 août 1985, un rapport adopté par l’Organisation des Nation unies, l’ONU, classe le génocide arménien parmi d’autres génocides du XX e siècle. Le 18 jui...
… a reconnu le génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001. La présente proposition de loi vise à rendre effectif ce texte de 2001. En effet, la loi n’a pas pour fonction d’être purement déclarative, mais d’imposer le respect des normes qu’elle édicte et, corrélativement, de sanctionner leur irrespect. Un génocide – il faut savoir que le terme de « génocide » a été inventé par Richard Lemkin pour quali...
La loi française a reconnu deux génocides et il est équitable de les traiter de la même manière. Serge Klarsfeld parle de défaite morale de la France au cas où ce texte ne serait pas adopté ; je pense qu’il a raison. J’en viens au principe de légalité des délits et des peines. La proposition de loi définit clairement et précisément l’infraction, qui sera constituée lorsque seront réunies les conditions suivantes : la con...
... principe essentiel dans notre démocratie. D’ailleurs, au cours des dix dernières années, aucun groupe n’a été plus résolu que le groupe socialiste à protéger le pouvoir judiciaire contre les ingérences des autres pouvoirs, notamment celles du pouvoir exécutif. Toutefois, en l’espèce, cette objection doit être réfutée. Tout d’abord, prétendre que la réalité du génocide arménien n’aurait pas été reconnue par un juge, c’est ignorer l’Histoire : comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, les cours martiales de Constantinople ont rendu, en 1919 et 1920, des verdicts condamnant ses principaux responsables. Les objections portant sur le fond de la proposition de loi ne sont pas plus convaincantes.
... de leur argumentation est plus efficace qu’imposer une vérité unique au risque d’apporter de l’eau au moulin conspirationniste. C’est toute la force de la démocratie ! À mes yeux, la proposition de loi porte également atteinte au principe de la liberté de la recherche en prévoyant des sanctions pénales contre ceux qui auront « contesté ou minimisé de façon outrancière » l’existence de génocides reconnus par la loi française. Va-t-on condamner les chercheurs qui, sur le fondement de leurs travaux, émettraient des hypothèses quant au nombre des victimes ? Comment être sûr que cela n’arrivera pas ? Et sur quoi s’appuyer pour dire où se situe la vérité ? La validité scientifique d’une recherche ne peut pas être appréciée par le législateur. Comme le disait Pierre Vidal-Naquet, « dans un État libre...
...ur cette base, acter l’existence dudit génocide. Les arguments développés par M. le rapporteur lorsqu’il a défendu la motion d’irrecevabilité ne manquent pas d’une certaine pertinence, au moins sur deux points. Premièrement, la loi doit-elle être le véhicule de la reconnaissance des génocides par les États ? Pas forcément ! D'ailleurs, lorsque Jacques Chirac, alors Président de la République, a reconnu le rôle de la France dans l’Holocauste, il ne l’a pas fait par la loi : il l’a fait en tant que personne représentant l’État ! Deuxièmement, est-il possible de prendre des dispositions ayant une portée pénale alors que, contrairement à la Shoah, le génocide arménien n’a, hélas ! – c’est un fait – pas été reconnu au niveau international par une cour ou par une autre instance ? Néanmoins, ces arg...
… et j’espère qu’elle reconnaîtra d’autres génocides qui ont, hélas, été perpétrés. Le vote de cette proposition de loi ne remet nullement en cause le fait que des évolutions doivent avoir lieu en Turquie. Notre vote ne changera évidemment rien au fait que la Turquie n’a pas reconnu une partie de son histoire – comme nous n’avons nous-mêmes pas reconnu une partie de la nôtre. À cet égard, la France pourrait contribuer à ce que les choses avancent entre la Turquie et l’Arménie, …
...ment à la « faire » par des décisions politiques. La France doit-elle compatir à la douleur des descendants des victimes ? Bien sûr ! Incombe-t-il au législateur de pénaliser cette réalité historique ? Certainement pas ! D’autant que cette démarche se heurte à nos principes constitutionnels. Mes chers collègues, la présente proposition de loi a pour but d’incriminer la négation des génocides « reconnus comme tels par la loi française ». Or seuls les génocides juif et arménien ont fait l’objet d’une telle reconnaissance. Ce texte, dans la mesure où la négation de la Shoah est déjà pénalement répréhensible, n’a vocation à s’appliquer qu’au drame arménien : il s’agit donc d’un texte de circonstance. Je renvoie ceux qui soutiendraient que l’examen de ce texte ne devrait pas nous conduire à rouvri...
...iste. L’adoption de cette loi constituerait l’aboutissement d’un processus législatif entamé voilà déjà bien des années. De nombreuses personnalités politiques de tous horizons se sont attachées à soutenir le peuple arménien, ce peuple meurtri dans le passé et qui continue encore aujourd’hui à subir des atteintes inacceptables. Grâce à toutes ces actions de soutien, le génocide a pu enfin être reconnu par la France avec l’adoption de la loi du 29 janvier 2001. Cette reconnaissance, si elle a contribué à apaiser les souffrances d’un peuple jusque-là privé d’une partie de son histoire, n’a malheureusement pas réussi à dissuader ceux qui osent encore nier cette tragédie et qui, par leurs actes ou leurs propos, continuent de blesser personnellement les descendants des Arméniens martyrisés. Commen...
... « une infraction de génocide peut être poursuivie devant le juge pénal national avant même que les faits ne soient qualifiés de génocide par une juridiction internationale ». En effet, la compétence des juridictions pénales internationales est subsidiaire. Il en résulte que la France a compétence pour incriminer les faits en rapport avec un génocide avant même qu’ils ne soient internationalement reconnus par une juridiction pénale. Nous respectons donc, en l’espèce, le domaine de la loi. De plus, cette proposition de loi modifie la loi de 1881 sur la liberté de la presse et non celle de 2001. L’appréciation laissée au juge sur l’élément intentionnel du négateur écarte le risque de condamnation automatique de l’auteur de la contestation. La proposition de loi est donc conforme au principe consti...
... et qui n’a pas été commis en France ou par des ressortissants Français ? Pourquoi ne pas légiférer aussi sur les génocides commis au Kosovo, au Rwanda, au Cambodge, sur ceux dont ont été victimes les Indiens d’Amérique, les Tziganes ou encore les musulmans au temps des Croisades ? Les souffrances des victimes, celles de leurs peuples et celles de leurs descendants sont-elles moins dignes d’être reconnues ? Je le dis clairement, les lois mémorielles ouvrent malheureusement la porte à toutes les revendications communautaires et à tous les anachronismes. Les parlementaires disposent de bien d’autres outils pour affirmer leur soutien à la cause arménienne et à celles de toutes les autres victimes. Comme l’a souligné M. Accoyer dans son rapport, « le vote des résolutions prévues par l’article 34-1...
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « faire prévaloir la raison » et le « dialogue » : voilà ce à quoi le Président de la République française a engagé le Premier ministre turc s’agissant de l’attitude à avoir à propos du débat sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi. S’agit-il vraiment, ici, de faire preuve de raison et de dialogue devant un texte dont on nous assure qu’il « ne vise nullement un peuple ou un État en particulier » ? Ne joue-t-on pas avec le feu, dans le contexte d’une Europe malade et qui se cherche, en demandant à la Turquie « de bien prendre la mesure des intérêts communs qui unissent nos deux pays et nos deux peuples » ? Éta...
...lementaires d’écrire l’histoire, il leur appartient bien, une fois l’histoire écrite, d’en tirer les conséquences législatives, le cas échéant sur le plan pénal. De la même manière, il n’est pas non plus possible de refaire l’histoire du droit. Lorsque des massacres ont été perpétrés contre les Arméniens, aucune convention internationale ne traitait du génocide, mais ce caractère criminel a été reconnu par les tribunaux ottomans eux-mêmes, dans les jugements prononcés par une cour martiale en 1919. Or le traité de Lausanne de 1923, toujours en vigueur en France comme en Turquie, contient une clause d’amnistie qui n’aurait aucun sens si les massacres de 1915 n’avaient pas été considérés comme des crimes internationaux. Certains affirment également qu’une telle loi pourrait pénaliser le travail ...
...core mieux en le disant. À mon sens, un jour viendra où le peuple turc comprendra qu’il est bon pour lui-même de reconnaître son histoire, tout en sachant qu’il n’est évidemment pas responsable des fautes du passé. Certes, comparaison n’est pas raison, mais je tiens à rappeler qu’un Président de la République d’une famille politique autre que la mienne, dans son discours du Vélodrome d’Hiver, a reconnu officiellement la responsabilité de la police française, donc de l’État, dans des rafles odieuses. Faisant cela, a-t-il affaibli la France ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui présente deux difficultés. Il soulève, tout d’abord, le problème de la question arménienne sur laquelle se focalisent aujourd’hui tous les débats, car la loi française n’a reconnu que deux génocides : le génocide juif et le génocide arménien. Elle n’a pas reconnu, par exemple, les crimes perpétrés par les Khmers rouges au Cambodge ni ceux contre les Tutsis au Rwanda. Il soulève ensuite une question de principe, de portée générale, au sujet des lois mémorielles et sur les rôles respectifs du parlementaire et de l’historien. Si les parlementaires peuvent contribuer à faire ...
Plutôt que de voter des lois mémorielles, développons la recherche historique et scientifique et prononçons-nous par des résolutions. C’est la raison pour laquelle, en conscience, loin des pressions, d’où qu’elles viennent, je ne voterai pas l’article 1er de la proposition de loi ni par conséquent la proposition de loi elle-même visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.
...e voir déclarer le texte inconstitutionnel. La question est importante puisqu’il s’agit là de la liberté d’expression et d’opinion. J’ai toujours été très réservée sur les textes mémoriels et sur tout ce qui s’y rattache. Contrairement à ce qu’a affirmé M. le ministre, cette proposition de loi n’est ni un texte technique ni une simple coordination juridique. Par son rattachement au seul génocide reconnu par la loi, mais non par les instances internationales, à la différence de la Shoah, il relève bien du registre mémoriel. C’est donc un texte fléché, qui vise expressément le génocide arménien. C’est la raison pour laquelle nous faisons le lien avec le texte précédent, et ce n’est pas par hasard si beaucoup de nos collègues le font. Lors de l’adoption du texte reconnaissant les « effets positifs...
... en rester là puisque le Parlement peut désormais remplacer avantageusement une loi mémorielle par une résolution, laquelle, en étant l’expression d’un souhait, est d’une nature tout à fait différente. Avec cette proposition de loi, nous irions au-delà de la reconnaissance des génocides, puisqu’il est question de pénaliser la contestation de l’existence de certains massacres, des trois génocides reconnus par l’ONU : celui des Arméniens, celui des Juifs et – nous les oublions trop souvent – des Tsiganes et celui des Tutsis en 1994. La reconnaissance de ces génocides n’avait jusque-là nullement impliqué une « stérilisation » de la recherche historique. Mais, avec la pénalisation, la proposition de loi nous fait franchir un nouveau stade que je ne peux que refuser en tant qu’historien. Aucun hist...
...nt aux historiens de faire le travail d’analyse, d’étude, d’approfondissement. Ce n’est pas le rôle du Parlement de déterminer si tel ou tel événement s’apparente à un massacre ou à un génocide. En revanche, il n’appartient pas aux historiens – ils connaissent du reste des désaccords, ce qui est normal dans la mesure où les écoles historiques diffèrent partout, y compris en France –, après avoir reconnu un génocide, de prendre ensuite les mesures de lutte contre sa négation. Ainsi, tous les historiens ont admis l’existence de la Shoah. Mais ce ne sont évidemment pas eux qui vont édicter les dispositions étatiques nécessaires pour lutter contre le négationnisme en ce domaine. Ils n’en ont ni le pouvoir ni la capacité. Les historiens sont des mains transparentes, des esprits savants, qui, par déf...
...stration qui tendrait à établir, par exemple, qu’un massacre impitoyable et méthodique a eu lieu mais que celui-ci ne paraît pas relever de la catégorie juridique du génocide pourrait donner lieu à des poursuites. Je fais très clairement référence aux explications qu’a exposées, à juste titre, notre collègue Jean-Claude Peyronnet. Ce n’est pas raisonnable ! Pour le dire différemment, si la loi a reconnu un génocide, aucune autre qualification ne sera plus possible, sous peine de sanctions pénales. Or le Conseil constitutionnel a toujours considéré, s'agissant de la liberté proclamée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que « cette liberté implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ». L’énoncé...