Interventions sur "prostituée"

33 interventions trouvées.

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

...oir l'univers obscur de la vénalité. Cela conduit à soumettre la prostitution à un règlement édicté à l’échelon municipal, d’abord à Paris. Ainsi est né ce que l’on appellera le « réglementarisme », ou French system dans les pays qui ont imité la France, fondé sur une doctrine philosophique du « mal nécessaire », elle-même inspirée d'Augustin. Ce père de l'Église du IVe siècle jugeait les prostituées méprisables, mais il était convaincu que si on les supprimait, les passions bouleverseraient le monde. Cette réflexion d'ordre moral, qui guida l’action des auteurs de règlements, n'a pas cessé de hanter les esprits d'aujourd'hui. Les auteurs de règlements avaient toutefois une autre hantise : la menace sanitaire, qui pesa de tout son poids pour la mise en place des maisons closes. C'est bien l...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

D’autres jugent cette position illusoire, tels les signataires d’une tribune parue dans le Nouvel Observateur du 23 août 2012, où Élisabeth Badinter, l’historien du corps Georges Vigarello, la philosophe Élisabeth de Fontenay, le cinéaste Claude Lanzmann et quelques autres se déclaraient notamment contre une pénalisation des clients, parce qu’elle ferait de la personne prostituée une complice du délit et précariserait un peu plus sa condition, à l’instar du délit de racolage aujourd’hui. L’idéologie « abolitionniste », si l’on en croit les signataires de ce texte paru dans le Nouvel Observateur, reposerait sur deux postulats : premièrement, la sexualité tarifée est une atteinte à la dignité des femmes ; deuxièmement, les prostituées sont toutes des victimes et leu...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Si nous voulons sortir les personnes prostituées étrangères de la prostitution, inspirons-nous des dispositions en vigueur en Italie, où, depuis 1998, si elles sortent du réseau, un permis de séjour de six mois, renouvelable pour un an si elles trouvent un emploi, leur est accordé. L’Italie est le seul pays disposant d’une législation globale permettant aux victimes, qu’elles collaborent ou non avec la police pour dénoncer leurs proxénètes, de...

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d’un texte ne comprenant que huit mots : « L’article 225-10-1 du code pénal est abrogé. » Mais quel poids ont ces huit mots ! Quelle attente recouvrent-ils pour les quelque 30 000 personnes prostituées de notre pays, essentiellement des femmes, dont tout le monde a reconnu, lors de nos auditions, qu’elles étaient d’abord des victimes ! Cet article 225-10-1 du code pénal les a confortées dans cette place de victimes, les a vulnérabilisées, fragilisées, stigmatisées encore davantage aux yeux du reste de la société, comme si elles ne l’étaient pas déjà assez. Il les a éloignées des soins, du dro...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comment ne pas souscrire aux plaidoyers sincères d’Esther Benbassa et de Virginie Klès ? Comment ne pas partager leurs propos sur l’exploitation, le désarroi et la souffrance des victimes que sont les personnes prostituées ? Comment ne pas dire, aussi, que nous devons prendre ce texte pour ce qu’il est : un premier pas ? Si nous décidons de faire ensemble ce premier pas, cela n’aura de sens que si les suivants interviennent dans un délai raisonnable. Je me souviens des propos qui ont pu être tenus ici même, par un certain nombre d’entre nous, lorsque le délit de racolage public fut instauré par la loi du 18 mars ...

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

...esdames les ministres, mes chers collègues, cela a été souligné par les orateurs qui m’ont précédée, notamment par Esther Benbassa, auteur de cette proposition de loi, et Virginie Klès, rapporteur : dix ans après son adoption, force est de constater l’échec de la loi pour la sécurité intérieure. Lors de nos débats sur ce texte, en 2002, le groupe CRC avait dénoncé et rejeté la stigmatisation des prostituées par l’instauration du délit de racolage. Ainsi, ce sont les victimes qui sont criminalisées, et non les réseaux de prostitution. Si l’objectif affiché était d’atteindre indirectement les proxénètes, l’objectif réel, dévoilé par M. Sarkozy, à l’époque ministre de l’intérieur, était de « faire cesser la prostitution qui envahit nos villes et nos boulevards », dans un souci d’assurer la tranquilli...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

...ence sexuelle n’est pas un besoin, elle est une pathologie, et la prostitution est non pas un commerce, mais une exploitation sexuelle. Selon un autre discours, nous devrions être libérales, laisser à celles qui le souhaitent la liberté d’être des travailleuses du sexe, et nous garder de la moralisation. Ce sont là des considérations théoriques, mais quelle est la réalité ? Tout au plus 10 % des prostituées choisissent librement cette vie ; pour 90 % d’entre elles, il s’agit d’une exploitation, s’accompagnant de violences et de viols.

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

...que les autres à la dignité. Voilà ce qui me choque profondément ! Aujourd’hui, prenons bien garde à ne pas envoyer un mauvais signal. Je souscris au principe central du présent texte : abolir le délit de racolage passif institué en 2003. J’avais pourtant soutenu ce dispositif à l’époque, avec une entière sincérité, parce qu’il me paraissait théoriquement équilibré, des mesures de protection des prostituées qui dénonceraient leur proxénète étant prévues. Hélas, dans les faits, ces mesures sont le plus souvent restées lettre morte, pour des raisons diverses ne tenant nullement à une quelconque mauvaise volonté des services de police. La création du délit de racolage public n’a pas permis d’accroître le nombre des procédures contre les proxénètes. En revanche, la situation des personnes prostituées ...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Sur ce point, la CNCDH est très claire : il ne faut pas de droit d’exception dans ce domaine, parce que la prostitution est une exploitation sexuelle. Finissons-en avec le mythe d’Adam et Ève ! Ce n’est pas parce qu’il y a des prostituées dans la rue que des clients se manifestent ; c’est plutôt l’inverse. Surtout, ne relayons pas l’éternel message selon lequel le client de la prostitution serait un homme respectable, tandis que la victime, elle, serait en fait coupable. Si l’on veut réellement éradiquer les réseaux de prostitution, il faut s’appuyer sur la résolution qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en ...

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le 13 novembre 2002, le ministre de l’intérieur de l’époque, chargé de défendre le projet de loi pour la sécurité intérieure, déclarait dans cet hémicycle que la création du délit de racolage passif était destinée à protéger les personnes prostituées. « L’argument est lumineux dans sa simplicité », avait-il même ajouté. Dix ans plus tard, nous ne pouvons que constater que les objectifs n’ont pas été atteints, bien au contraire. Souvenons-nous que la loi du 18 mars 2003 avait été débattue dans un contexte particulier, où le sentiment d’insécurité – réelle ou ressentie – était invoqué pour justifier un durcissement de notre droit pénal, sans...

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

...partisans de l’abolition à ceux des tenants de la réglementation. On le sait, les écologistes, par nature, combattent la marchandisation du vivant, de l’humain et des corps. Notre position dans le débat de ce jour part d’un simple constat : loin d’atteindre les objectifs précités, la création du délit de racolage public a causé des ravages en termes de santé publique et de sécurité des personnes prostituées. Il s’agit d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Les hommes et les femmes qui se prostituent dans notre pays sont en danger. Par peur de se voir arrêtées, placées en garde à vue et, pour nombre d’entre elles, reconduites à la frontière, les personnes prostituées se sont isolées et marginalisées de plus en plus. Chassées de leurs lieux habituels de prostitution, elles ont été contraintes d’...

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

...isant tomber les proxénètes, certaines pourront retrouver leur liberté et subvenir à leur besoins par elle-même, pour elle-même et, il faut l’espérer, par d’autres moyens. Revenir sur ce dispositif, c’est faire le choix de l’abandon, alors qu’il faudrait miser, au contraire, sur l’espoir de trouver une issue à ce drame. Venons-en maintenant à la stigmatisation et à la précarisation des personnes prostituées en matière d’accès aux soins, ainsi qu’à leur vulnérabilité face aux violences. Je ne vais pas nier cette précarisation, parce que je ne suis pas de ceux qui se dérobent devant leurs responsabilités. J’aimerais simplement aller au bout de l’analyse. La loi de 2003, en ce qu’elle a étendu le racolage aux actes d’omission – le racolage passif –, n’est pas en elle-même responsable de ce phénomène ...

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

...t de flux migratoires, qui est en opposition complète avec l’économie de notre pays et en contradiction avec la situation de notre marché du travail. Je me demande parfois si vous avez pris soin de lire tous les rapports sur le sujet. Vous auriez alors pris pleinement conscience de l’internationalisation des réseaux de proxénétisme, ce qui a inévitablement conduit à une augmentation du nombre de prostituées étrangères – 60 % à Paris, 63 % à Nice et 51 % à Strasbourg en 2000 – et donc, corrélativement, à une augmentation du nombre d’arrestations d’étrangers en situation irrégulière. En conclusion, je veux dire que je suis extrêmement réservée quant à l’utilité de ce texte pour la société et pour la protection des prostituées elles-mêmes. Le dispositif sur le racolage passif est certainement insuffi...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...cette loi n’a pas rempli son objectif, à savoir, officiellement, favoriser le démantèlement des réseaux par le biais de la garde à vue. Les chiffres sont éloquents : ils figurent dans le rapport de la commission, et Mme la garde des sceaux les a rappelés. Dans le même temps, l’introduction de cette mesure aura eu pour principal effet d’aggraver la stigmatisation et la précarisation des personnes prostituées.

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...e classe afin de punir uniquement le racolage actif, dont le dispositif a été supprimé en 2003. En effet, l’adoption de la présente proposition de loi conduirait à un vide juridique, avec l’absence totale de condamnation du racolage, ce qui, dans un pays ouvertement abolitionniste, pourrait paraître pour le moins contradictoire. Toutefois, nous ne voulons pas stigmatiser de nouveau les personnes prostituées qui sont et demeurent des victimes. Nous entendons avant tout envoyer un message à celles et à ceux qui se livrent au proxénétisme et qui pourraient interpréter cette absence de réglementation comme une forme d’incitation.

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Il ne fait aucun doute pour moi que le délit de racolage passif instauré voilà maintenant dix ans doit être abrogé. Nous savons combien il a isolé les personnes prostituées, qui, contraintes de se retrancher dans des lieux cachés, sont moins accessibles aux associations leur venant en aide et plus exposées à tous types de violences et aux risques sanitaires, comme le montrent, notamment, les rapports de l’IGAS et de la Ligue des droits de l’homme. Cette disposition a-t-elle été opérante pour lutter contre les réseaux de proxénétisme ? Au vu des auditions auxquelles...

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

La question de la prostitution et la gravité du problème de la traite des êtres humains ne seront pas réglées par des mesures ponctuelles. Elles exigent beaucoup plus. Oui, le délit de racolage passif doit être supprimé, car les personnes prostituées doivent être considérées par la loi non comme des délinquantes, mais bien, pour l’essentiel d’entre elles – là aussi, nuançons –, des victimes ! Mais cette abrogation doit se faire dans le cadre d’une politique publique transversale et cohérente, qui s’attachera à démanteler les réseaux, à poursuivre les auteurs de la traite d’êtres humains et à offrir à ces personnes un véritable accompagnement...

Photo de Michel SavinMichel Savin :

...exe sont recrutés par des réseaux mafieux, sans leur consentement et pour des raisons purement économiques : ces personnes cherchent à échapper à leur extrême pauvreté. Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer que l’immense majorité de ces travailleurs soient d’origine étrangère, venus essentiellement des pays de l’est et d’Afrique. Très souvent aux mains de la criminalité organisée, nombre de prostituées sont victimes d’une forme d’esclavage et sont exposées aux maladies sexuellement transmissibles. À côté de la prostitution de rue, qui est la plus répandue, la plus visible et donc la moins tolérable, il existe une prostitution fondée sur le recours à des professionnelles qui travaillent dans des milieux souvent plus aisés. Il y a également dans les grandes villes françaises certains salons de ...

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Ailleurs, des jeunes filles n’osent plus attendre le bus de crainte d’être importunées par des clients, car l’arrêt est investi par des prostituées. Ailleurs encore, le principal du collège se voit contraint d’annuler des activités sur une base de loisirs, car les professeurs d’EPS sont victimes de racolage. Nous, élus, sommes régulièrement alertés par une population qui ne comprend pas l’absence de mobilisation des pouvoirs publics. Confronté à ce problème, j’ai alerté les services de l’État et le procureur de la République. Voici la répo...

Photo de Michel SavinMichel Savin :

II est urgent de légiférer et, plus encore, d’agir. Toutefois, supprimer la pénalisation du racolage passif sans prévoir des mesures d’accompagnement, sans mettre à la disposition des prostituées d’autres moyens en matière de prévention et sans déployer des moyens supplémentaires pour lutter contre les réseaux mafieux et les démanteler ne permettra pas d’abolir la prostitution. Je refuse de penser que cette abrogation répond uniquement aux revendications d’associations féministes ou qu’elle est seulement l’exécution d’une promesse de campagne du candidat François Hollande, aujourd’hui P...