Séance en hémicycle du 28 mars 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande avec insistance à chacune et à chacun de bien vouloir respecter cette règle.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Madame la ministre, je tiens à saluer les mesures qui ont été annoncées par le Président de la République jeudi dernier, dans le cadre du plan d’investissement pour le logement. §Elles témoignent de l’entière mobilisation du chef de l’État, du Gouvernement et de vous-même. Je tiens à vous en féliciter.

Ce plan répond à une urgence sociale et à une urgence économique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les professionnels du bâtiment, ainsi que les bailleurs sociaux et l’ensemble des acteurs concernés, l’ont accueilli favorablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. Claude Bérit-Débat. La principale mesure de ce plan, c'est-à-dire la baisse de la TVA à 5 % pour la construction et la réhabilitation de logements sociaux, était particulièrement attendue. Elle s’inscrit dans le cadre du pacte conclu avec le monde HLM. C’est une nouveauté.

Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je rappelle d’ailleurs que la précédente majorité avait relevé le taux de TVA de 5, 5 % à 7 %. La majorité actuelle le ramène à 5 %, ce qui devrait mécaniquement aboutir à la création de 22 500 logements sociaux supplémentaires.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je tiens également à saluer les mesures qui sont prises en matière de rénovation énergétique, avec une dimension à la fois sociale et écologique. Elles permettront de rénover 500 000 logements par an, notamment grâce à l’octroi d’une prime de 1 350 euros par ménage.

Et je ne saurais passer sous silence la volonté de lutter contre les recours abusifs et contre l’inflation des normes, avec notamment un moratoire de deux ans. C’était demandé depuis longtemps par le Sénat, y compris par les collègues siégeant sur les travées situées en face de moi.

Au total, je considère donc que le plan répond aux attentes actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

D’abord, il pose des objectifs clairs et précis. Ensuite, il fixe, et c’est une autre nouveauté, un cap ambitieux au service des Français. Enfin, il mobilise tous les acteurs, privés et publics.

Toutefois, face à l’urgence sociale et à l’urgence économique, il nous faut aller vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

(A h ! sur les travées de l’UMP.) est la suivante : quels sont les effets attendus de ce plan en termes de construction de logements et de création d’emplois ? Et, puisqu’il faut aller vite, quels seront le contenu et le calendrier des ordonnances que le Gouvernement a annoncé vouloir prendre dans ce domaine ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Monsieur le sénateur, le travail auquel vous faites référence constitue une deuxième étape.

En effet, nous avons déjà pris des premières mesures d’urgence, et ce très tôt, dès le début de la mandature. Je pense notamment à la mise en place d’un dispositif d’incitations fiscales, au vote d’une loi sur la cession du foncier public et au relèvement du seuil de logements sociaux obligatoires dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Cette deuxième étape correspond à un moment important. Nous nous appuyons donc sur le travail de nombreux parlementaires. C’est ainsi que j’ai pu hier présenter longuement les dispositions du plan devant la commission des affaires économiques ; je remercie d’ailleurs son président, M. Daniel Raoul, de m’y avoir invitée.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste applaudissent M. Daniel Raoul.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Avec ce plan, nos objectifs sont doubles.

Premièrement, il s’agit de faire face à la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent les professionnels du secteur. Nous y répondons par une mobilisation en direction des entreprises ; je pense au système d’auto-liquidation de la TVA et des avances de trésorerie issues de la BPI.

Deuxièmement, et c’est l’élément-clé du passage à 5 % de la TVA dans le secteur du logement social, nous favorisons le lancement de nombreuses nouvelles opérations tant de réhabilitation que de construction, dans un secteur qui a les moyens de s’engager dans un tel travail.

Par conséquent, comme vous l’avez indiqué, le Premier ministre signera un pacte avec l’Union sociale pour l’habitat avant la fin du mois de mai, afin d’acter les engagements de l’USH, l’État ayant déjà, et on l’a vu, pris les siens.

Ce sont des responsabilités importantes. Les objectifs de construction fixés par le Président de la République sont élevés : 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Certes, la période est très difficile, mais de tels objectifs sont nécessaires, non seulement pour l’activité du secteur, mais surtout face à au manque criant de logements que nous constatons sur certains territoires.

Avec ce plan d’urgence, avec le travail structurel qui sera effectué à l’occasion de l’examen du texte législatif dont vous serez bientôt saisis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons les deux sujets : nous déverrouillons immédiatement le secteur en levant un certain nombre d’obstacles et nous nous attaquons aux difficultés en profondeur.

En ce qui concerne la seconde partie de votre question, c’est-à-dire le calendrier précis, les normes, les recours malveillants – souvent évoqués et contre lesquels nous allons agir - et sur la transformation de locaux de bureaux en logements, je pense pouvoir vous donner rendez-vous avant la fin du mois de mai – je parle sous le contrôle de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement –, afin que des mesures effectives puissent être prises dès l’été une fois que vous aurez adopté la loi d’habilitation, si vous le souhaitez.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, nous aurions pu vous interroger sur les chiffres du chômage et sur ce qui constitue, à nos yeux, une des solutions possibles : la transition énergétique, un choix que nos amis allemands ont fait. Mais c’est un autre sujet qui a retenu notre attention.

L’Histoire ne se répète pas, heureusement, simplement il faut être capable d’en tirer des enseignements.

L’analyse des propos tenus ces dix derniers jours dans la vie publique française témoigne d’un ton et d’une sémantique qui interrogent, ou qui devraient nous interroger collectivement.

À la « pipolisation », mise en place depuis des années et exacerbée par la communication en temps réel, s’ajoutent des « petites phrases » et « dérapages » d’un genre nouveau qui ne donnent pas de notre vie politique une image très encourageante.

Par ailleurs, et de surcroît, contrairement à l’usage républicain et au principe de séparation des pouvoirs, des jugements, parfois sévères, sont publiquement énoncés sur des procédures judiciaires en cours ou sur des décisions de justice rendues récemment.

Une personne mise en examen reste présumée innocente, quels que soient son nom et ses qualités actuelles ou passées.

On nous parle aussi d’un juge qui aurait reçu des menaces.

Ma question sera simple dans sa formulation, sans que puisse l’être la mise en œuvre de la réponse, qui dépend de nous tous et de nous toutes, mes chers collègues : comment faire en sorte que notre débat politique reste d’une certaine tenue, comme il le fut ce matin sur la question de la commémoration de la Résistance ? Comment faire en sorte que nos contradictions et nos affrontements, même vifs, restent républicains ?

Faute de quoi, si nous nous comportons – et je ne me dispense pas de cet exercice d’autocritique - comme de mauvais « amuseurs publics », nous connaîtrons un jour, à l’instar de ce qui se passe en Italie, des taux d’abstention record aux élections et l’entrée en politique de nouveaux amuseurs publics, qui ne feront que copier, sous couvert de les dénoncer, les dérives constatées ces dernières semaines.

Madame le garde des sceaux, je vous remercie de nous indiquer comment nous pourrons avoir ici, à partir du 4 avril, lors de l’examen du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, un débat où, même avec de vives divergences, le ton sera courtois et fera honneur à notre République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la sénatrice, dans votre question, il y a deux aspects de la parole publique.

D’un côté, vous évoquez les petites phrases et ce que vous appelez les « dérapages », qui, il est vrai, rétrécissent considérablement le débat politique et affaiblissent incontestablement la démocratie, ou, du moins, en ternissent le lustre.

De l’autre, vous faites référence à certains propos qui ont été tenus ces derniers jours s’agissant d’une décision judiciaire.

L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui, vous le savez, fait partie de notre bloc de constitutionnalité, érige clairement la séparation des pouvoirs au rang de principe fondateur d’un État de droit.

Nous sommes dans un État de droit, et cela suppose de respecter quelques règles. La séparation des pouvoirs implique que la parole parlementaire ne puisse pas se porter inconsidérément sur l’institution judiciaire.

Nous réitérons le respect du Gouvernement à l’égard de l’institution judiciaire, qui est l’épine dorsale de notre démocratie. Les femmes et les hommes qui l’animent sont extrêmement dévoués et totalement conscients de la hauteur de la mission qui leur est confiée. Je pense aux magistrats instructeurs mais aussi à tous les juges du siège, aux procureurs, généraux ou non, aux greffiers et à l’ensemble des fonctionnaires qui font vivre l’œuvre de justice.

Nous avons exprimé la confiance du Gouvernement à l’ensemble des personnels judiciaires. Lundi, j’ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour connaître les conséquences possibles de tels propos et de l’ambiance qu’ils créent sur le fonctionnement de l’institution judiciaire.

Vous le savez, l’un de ces magistrats a reçu hier un courrier avec des munitions à blanc et des menaces.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Voilà qui place l’œuvre de justice dans un climat délétère.

Nous avons rappelé que, si les magistrats décidaient d’agir en justice, ils pourraient évidemment bénéficier de la protection judiciaire prévue par l’ordonnance de 1958.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Emmanuel Lévinas écrivait : « L’élection est un surplus d’obligation pour lequel se profère le “je” de la conscience morale. » Pour ma part, je préférerais parler d’« éthique ». Mais c’est la même idée, celle du niveau d’exigence.

J’espère que, lors des prochains débats, et, d’une manière générale, lors de chaque débat, la parole publique sera une parole responsable, à la hauteur de cette conscience éthique.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

L’économie chypriote, déjà ébranlée par la crise grecque, est frappée au cœur. Aujourd’hui, semblant découvrir les caractéristiques de ce paradis fiscal en pleine zone euro, vous qualifiez l’économie chypriote d’ « économie casino ».

Monsieur le ministre, faudra-t-il attendre que toutes les économies soient mises en état de faillite les unes après les autres du fait des incohérences des marchés, qui ont pour seul objectif l’enrichissement des plus fortunés, pour enfin déclarer la guerre à celui que François Hollande qualifiait d’« ennemi sans visage », c'est-à-dire le monde de la finance ?

Vous parlez d’« économie de casino », en faisant référence aux avoirs bancaires chypriotes, qui représentent huit fois le PIB du pays. Mais, ce que vous ne dites pas, c’est que l’actif du bilan de BNP Paribas est lui-même égal au PIB de la France !

Qu’attend-on pour que ces richesses phénoménales soient réellement mises au service de la croissance, en allant bien au-delà des mesures que vous soutenez en ce moment au Parlement, qui ne visent qu’à contrôler en France 3 % ou 4 % des capitaux concernés ?

L’île va connaître 7, 5 % à 10 % de récession cette année et son taux de chômage passera de 4 % à 20 %.

Cette action de l’Eurogroupe, qui a choqué les peuples européens, serait pourtant un modèle à suivre, selon son président néerlandais.

Monsieur le ministre, quand allez-vous, au nom de la France, faire entendre en Europe une autre voix ? À chaque fois qu’un pays est en difficulté, allons-nous nous accorder sur les seules exigences d’austérité des dirigeants allemands ?

S’il faut nettoyer les « écuries d’Augias » du secteur bancaire européen, il faut le faire partout !

Allez-vous défendre, par exemple, monsieur le ministre, à l’Eurogroupe, auquel vous participez, l’exigence d’un assainissement du marché bancaire du Luxembourg, dont l’opacité, la puissance et l’ultralibéralisme n’ont rien à envier à celui de Chypre ?

Confirmez-vous votre désaccord, dont la presse s’est fait l’écho, sur l’initiative de l’Europe à l’égard de Chypre ? Admettez-vous, enfin, que ce conseil des ministres européens est un terrible déni de démocratie, qui confine maintenant à la caricature, puisqu’il décide du jour au lendemain de mettre à genoux tout un pays ?

L’Europe est une grande idée. Il faut la défendre, certes, mais contre qui ? Contre les prédateurs de la finance, et non en assommant les populations !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et applaudissent.)

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Madame la sénatrice, Chypre n’est un modèle ni en termes de problèmes ni en termes de solutions.

Comme vous, je suis préoccupé par la situation de l’économie chypriote et par ce qui va advenir de la population de l’île. Néanmoins, il faut être conscient que ce pays offre un modèle impossible à défendre que j’ai appelé « économie de casino » mais qui est, pour le dire autrement, celui d’une plate-forme financière offshore.

Vous n’allez pas, vous spécialement, sénatrice du groupe CRC, défendre une économie où le système bancaire représente sept à huit fois le PIB du pays !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où les dépôts sont rémunérés à 5 % ou à 6 % !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où les dépôts bancaires des non-résidents atteignaient 45 % des dépôts !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où l’on pouvait soupçonner le blanchiment d’être la règle !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où le taux de l’impôt sur les sociétés était à 10 % !

Il y avait là un modèle économique qu’il fallait remettre d’aplomb.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est donc ce que nous avons fait, comme nous le devions.

Quoi qu’il en soit, tout cela est exceptionnel et je ne souscris pas à l’idée, que d’ailleurs le président de l’Eurogroupe a corrigée, selon laquelle la solution retenue pourrait servir de modèle.

Nous avons donc demandé une restructuration du système bancaire. Puisque vous m’interrogez sur ce point, je vous confirme que la voix de la France, celle que j’ai fait constamment entendre avant, pendant et a fortiori après, s’est sans cesse élevée contre l’approbation d’une solution qui aurait impliqué des dépôts inférieurs à 100 000 euros. En effet, comme l’a souligné le Président de la République il y a deux jours, la garantie des dépôts dans la zone euro est un principe intangible, qui doit s’appliquer à tous.

Vous soulevez également la question de la démocratie européenne. L’Eurogroupe n’impose pas : il discute. Ce sont les autorités chypriotes qui ont voté les décisions nécessaires. Nous devons respecter la souveraineté nationale, quel que soit le peuple concerné.

Pour le reste, la leçon que je tire de tout cela est que nous avons encore beaucoup à faire pour aller vers une véritable union bancaire et vers une Europe de la croissance. Nous devons redonner des perspectives aux Européens et rééquilibrer nos politiques entre, d’une part, la réduction des déficits, qui est indispensable, et, d’autre part, la recherche de la croissance, qui est la condition sine qua non de la reprise de l’emploi et du retour à la prospérité.

Il faudra faire preuve de solidarité à l’égard de la population chypriote, mais il était nécessaire d’agir, je vous l’assure. Après une première tentative, dont je reconnais volontiers qu’elle n’était pas la plus heureuse, nous avons pris la bonne décision, car elle est juste et globale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'économie et des finances.

Monsieur le ministre, M. Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, a proposé, le 16 mars dernier, de faire payer tous les déposants des banques chypriotes. Cette proposition, adoptée à l’unanimité par les différents pays membres de la zone euro, a dû être retirée parce qu’elle portait atteinte notamment au principe de garantie des dépôts inférieurs à 100 000 euros.

Une seconde décision a dû être prise exemptant les comptes inférieurs à 100 000 euros. Elle n’en reste pas moins arbitraire pour le reste, puisqu’elle impose, par exemple, à Chypre une profonde restructuration bancaire, en particulier la fermeture de la deuxième banque du pays, la banque Laïki. Des pertes égales à 30 % ont été imposées aux autres déposants.

M. Dijsselbloem a déclaré au journal Le Monde que « ceux qui ont pris des risques doivent en assumer la responsabilité. Les déposants, les actionnaires et les créanciers obligataires des banques doivent être associés à leur restructuration ».

Ce message a un sens, où alors on ne comprend plus rien : les pays les plus riches de la zone euro veulent limiter la contribution du Mécanisme européen de stabilité.

Vous nous avez dit à l’instant, monsieur le ministre, que Chypre était un cas exceptionnel. Mais ce qui a été fait pour Chypre ne pourrait-il pas inspirer le traitement qui serait appliqué à d’autres pays ? Je pense à ceux qui, à travers une fiscalité anormalement basse, jouent le rôle de paradis fiscal au sein de la zone euro, voire à d’autres…

Le risque de fuite des capitaux n’a-t-il pas été sous-estimé ?

Ma première question est la suivante : jusqu’où l’Eurogroupe peut-il imposer à un pays un changement de modèle économique ?

Vous avez affirmé que l’Eurogroupe respectait la souveraineté de Chypre. J’observe néanmoins que le président de la Banque centrale européenne, M. Draghi, a menacé Chypre, si un nouvel accord n’intervenait pas avant lundi 25 mars au soir, de couper le robinet à liquidités destinées aux banques chypriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. On peut dire que la BCE a utilisé la « grosse Bertha » pour faire plier Chypre.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Que se serait-il passé si Chypre avait refusé ? La BCE ne s’arroge-t-elle pas ainsi le droit d’expulser un État de la zone euro ?

J’en viens à ma deuxième question, monsieur le ministre : cette pratique est-elle conforme aux traités et, surtout, à leur esprit ? Avec le contrôle des mouvements de capitaux, n’allons-nous pas vers un euro à plusieurs vitesses ?

Enfin, ma dernière question concerne la Russie, qui utilise Chypre non pas seulement pour des fonds offshore, mais également pour le transit d’un certain nombre de ses entreprises, je pense à Aeroflot. Y a-t-il un dialogue entre les institutions européennes et la Russie ? Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Couché, l’UMP !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le sénateur, votre question a plusieurs dimensions.

D’abord, je le redis, la situation de Chypre est exceptionnelle et ne peut en rien faire figure d’exemple. Je puis vous l’assurer, il n’a jamais été question de remettre en cause le modèle économique à la place du peuple concerné. Le système était tout simplement bancal et menaçait de s’effondrer.

La vérité, c’est que l’Eurogroupe n’est intervenu ni par hasard ni par plaisir. Il n’a pas pris sa décision non plus à n’importe quel moment. Il a agi alors que le système que j’ai décrit il y a quelques instants était sur le point de faire défaut ou faillite. Si un tel événement s’était produit, c’eût été pour le peuple chypriote, pour l’économie chypriote, pour les finances publiques chypriotes et pour les banques chypriotes un véritable cataclysme. J’ajoute que le choc aurait peut-être été fatal pour la zone euro.

Nous devions donc agir, et nous ne l’avons pas fait par plaisir.

En outre, cette action n’a pas été arbitraire. L’Eurogroupe est la réunion des dix-sept ministres de l’économie et des finances de la zone euro, y compris celui de Chypre, et y sont représentés le Fonds monétaire international, qui apporte son écot, la Banque centrale européenne et la Commission européenne.

La discussion portait non pas sur une décision que nous aurions imposée, mais sur un programme. C’est tellement vrai que le premier accord, qui n’était pas suffisamment solide et comportait certaines lacunes ou certains défauts, à commencer par le fait qu’il concernait les dépôts inférieurs à 100 000 euros, a été refusé par le Parlement chypriote et par le président Chypriote. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis de nouveau la semaine suivante pour construire un accord qui me paraît plus équilibré. Il fallait restructurer le secteur bancaire tout simplement parce qu’il n’était pas viable.

Quant à la Banque centrale européenne, je considère qu’en l’occurrence elle a été dans son rôle. N’apporte-t-elle pas des liquidités ? La BCE, c’est nous et, quand on sollicite le Mécanisme européen de stabilité, ce sont en vérité nos finances publiques qui sont concernées puisque nous sommes actionnaires à 20 %. Le moment venu, il faudra d’ailleurs apporter cette contribution.

Faire plus n’aurait pas été justifié, car il y avait effectivement des responsabilités du côté chypriote, du fait d’une mauvaise gestion et d’une hypertrophie du système bancaire.

La situation a sans doute été sous-estimée lors de la première réunion de l’Eurogroupe. Je n’avais d’ailleurs pas manqué de souligner qu’il y avait un risque qu’une telle décision soit perçue comme une menace pour la garantie des dépôts. Par la suite, en accord avec les autorités chypriotes, nous avons retenu la solution la moins mauvaise possible au vu de la situation. Maintenant, il convient de reconstruire l’économie chypriote sur un autre modèle.

Enfin, la Russie, à laquelle vous êtes attaché et sur laquelle vous réalisez un travail remarquable, monsieur le sénateur, a été associée au processus. Le ministre chypriote a passé plusieurs jours en Russie. Finalement, les Russes ont considéré qu’il revenait aux Européens de régler la situation. Nous devrons, bien sûr, dialoguer avec la Russie pour ce qui est de l’avenir de l’île, car la Fédération est un grand partenaire pour nous.

Telles sont les réponses, complètes et donc un peu longues, que je tenais à vous apporter, monsieur Chevènement, car votre question le méritait.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le journal Le Monde titrait hier : « Armée amputée, France déclassée » !

Monsieur le Premier ministre, quel paradoxe ce serait d’engager l’armée française au Mali et, dans le même temps, de créer les conditions budgétaires de son démantèlement !

Ce que la France fait aujourd’hui au Sahel avec courage et succès pourra-t-elle l’accomplir dans cinq ans ? En aura-t-elle encore les moyens ?

Déjà, avec les réformes de la professionnalisation conduites par le Président Chirac et de la rationalisation budgétaire, l’armée a fortement contribué aux exigences de la réforme de l’État.

Le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, est largement plus vertueux sur le plan des efforts budgétaires que de nombreux autres ministres.

Les arbitrages présidentiels sur le Livre blanc et bientôt sur la loi de la programmation militaire pour 2014-2019 sont toujours attendus.

Sur l’initiative du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Jean-Louis Carrère, un large consensus s’est affirmé au Sénat pour demander « un plancher des ressources consacrées à la défense fixé à 1, 5 % du PIB ».

Renoncer à cette exigence reviendrait à renoncer à notre souveraineté et à placer notre sécurité sous le parapluie américain.

Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pour de nombreux pays, la croissance des risques est parallèle à la croissance des budgets militaires.

Renoncer à cette exigence reviendrait aussi à renoncer aux grands programmes de notre industrie de défense, ce qui nous condamnerait à détruire des emplois : notre pays n’en a nul besoin !

Monsieur le Premier ministre, où en est le processus d’arbitrage quant à l’avenir du budget de la défense ?

Pensez-vous convaincre nos partenaires européens pour que les pays qui, par leur défense, participent à la sécurité de l’Union européenne puissent sortir une part de leurs investissements militaires du calcul du déficit budgétaire, et ainsi aménager la règle des 3 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Souhaitons que la presse titre à l’avenir : « Armée soutenue, France défendue » !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, si le Président de la République a pris la décision d’engager nos forces au Mali, vous imaginez bien que ce n’est pas pour nous empêcher, demain, de garder la même capacité d’engagement, au nom de la France et même au-delà !

Je rappelle en effet que cette intervention, qui a été approuvée par tous les pays d’Afrique de l’Ouest et par la communauté internationale, au nom du respect du droit international, n’est pas motivée par la seule défense de l’intégrité du Mali, ainsi que de la liberté et de l’autonomie des États d’Afrique de l’Ouest. C’est aussi une lutte sans merci que nous menons contre le terrorisme, qui permet de défendre les intérêts de la France et de l’Europe sur notre continent et même ailleurs, puisque le message est compris bien au-delà des frontières européennes.

Donc, ce n’est pas ce que nous sommes capables de faire aujourd'hui qui devrait nous empêcher de le faire demain. Je conclurai, si vous me le permettez, monsieur le président, sur cet engagement dans quelques instants.

Le Président de la République a voulu que soit engagé un travail de mise à jour du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. C’est un travail considérable, d’un grand intérêt. Ce Livre blanc sera adopté, mesdames, messieurs les sénateurs, à la fin du mois d’avril, mais je souhaite que le Parlement puisse en débattre, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, avant l’été. C’est en tout cas, et c’est la moindre des choses, l’engagement que je prends devant vous

Ce Livre blanc présentera les risques et les menaces auxquels notre pays doit faire face, mais surtout il analysera le contexte géopolitique qui est le nôtre et les types d’engagements auxquels nous devons faire face.

Il est bien évident que nous devons continuer à défendre l’intégrité territoriale de la France. Vous avez parlé de souveraineté ; c’est la base même de la défense nationale. Mais c’est aussi la prise en compte de risques nouveaux, qui sont de plus en plus liés. Les risques intérieurs, les risques extérieurs doivent être abordés de la même façon, avec la nécessaire cohérence qu’impose notre volonté d’efficacité.

Le Président de la République l’a exprimé à plusieurs reprises, et je le redis devant le Sénat : le modèle d’armée qui découlera de ces travaux sera conforme aux ambitions de la France, en Europe et dans le monde ; autrement dit, il doit répondre à la nécessité de protéger notre territoire et la population française, de préserver nos forces de dissuasion dans ses deux composantes et d’assurer nos capacités d’intervention seuls ou avec nos alliés.

Ce modèle répondra également aux nouveaux enjeux auxquels nous devons faire face, notamment dans le domaine de la cyberdéfense, où nous avons d’importants progrès à faire, comme dans celui du renseignement ou du transport stratégique.

Ce n’est pas, bien sûr, au moment où nous engageons nos forces au Mali, dont je veux de nouveau saluer le professionnalisme, que nous allons baisser la garde.

Je profite aussi de cet instant pour remercier de nouveau l’ensemble des groupes parlementaires, toutes sensibilités confondues, que j’ai reçus lundi en compagnie du ministre des affaires étrangères, le ministre de la défense, empêché, étant représenté. Il est en effet très important que, dans les circonstances actuelles, la communauté nationale rassemblée proclame son unité, ce que chacun fait dans le respect de ses différences politiques.

Je tiens donc une nouvelle fois à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la France mais aussi au nom de nos soldats qui sont aujourd'hui engagés dans une mission particulièrement difficile et dangereuse.

Après l’adoption du Livre blanc, viendra la loi de programmation militaire. Elle sera cohérente avec le modèle d’armée que je viens d’évoquer. Elle préservera aussi – et je comprends et partage votre préoccupation – l’excellence de notre industrie de défense, dont chacun mesure la nécessité stratégique et la contribution au dynamisme de notre économie.

J’ai parfois été surpris par certains titres de journaux. Cessons de nous faire peur avec des scénarios catastrophes qui n’ont jamais été sérieusement envisagés, en tout cas ni par le Président de la République, ni par moi-même, ni par le ministre de la défense.

Vous avez évoqué un sujet complexe : l’intégration dans le calcul du déficit de chaque pays des dépenses militaires. Je ne dis pas que c’est un faux problème. Je dis simplement que, dans ces circonstances, ce serait une forme de facilité, en quelque sorte une échappatoire par rapport à nos propres responsabilités.

Mais vous mettez très justement le doigt sur la question de la défense européenne, qui, ces dernières années, a pris trop de retard et doit être à l’ordre du jour des travaux de l’Union européenne. Nous ne devons pas laisser de côté cette question ; elle a d’ailleurs été récemment évoquée par le Président de la République lors d’une rencontre qui a eu lieu à Varsovie. Il n’est pas juste que seuls deux grands pays, la Grande-Bretagne et la France, fassent tant d’efforts pour la défense de leur pays mais aussi au service de l’Europe.

L’autonomie stratégique dépend tout autant de notre modèle d’armée que de notre capacité à redresser nos finances publiques. Sur ce point, vous avez évoqué l’effort qui a été consenti par la défense nationale, par nos armées, depuis plusieurs années, et je tiens effectivement à le saluer. Mais cet effort de redressement de nos finances publiques doit se poursuivre et chaque ministère y prendra sa part.

Monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, je suis parfois étonné d’une certaine forme d’injustice qui est manifestée à l’égard du Gouvernement. On critique nos intentions sans les connaître, alors qu’à peine votée la loi de programmation militaire précédente a déjà été oubliée. Donc, évitons les fausses querelles, évitons les excès !

Ce qui m’importe aujourd'hui, c’est de bâtir le modèle d’armée de demain, cohérent avec le redressement de notre pays et avec les risques et les menaces auxquels il doit faire face. Je veux que s’instaure sur ce sujet un dialogue serein entre l’ensemble des forces politiques du pays.

Je sais, monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, l’intérêt que vous portez à ces questions, et votre propos vient une nouvelle fois le rappeler. Mais je veux vous assurer, ainsi que l’ensemble des sénateurs, que nous avons sur ce sujet la même ambition. La France est une grande nation qui continuera à jouer son rôle, j’en prends ici l’engagement. Ce que la France fait au Mali, elle pourra le faire encore dans cinq ans !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale : « Je sais où je vais. »

Vous le mesurez tous les jours, le pays doute. Pourtant, la France a de formidables atouts. Elle ne peut, elle ne doit pas se résigner au déclin. La crise est réelle, vous l’avez d’abord niée en invoquant le retour de la croissance ; vous l’avez ensuite sous-estimée. Mais le sujet n’est pas tant là. Les effets se sont amplifiés avec la récession qui menace, le chômage à un niveau historique, le pouvoir d’achat en baisse. Vous ne pouvez cette fois nier, puisque cela fait maintenant près de onze mois que vous êtes aux responsabilités.

Nous vous reprochons d’avoir tardé à en mesurer les effets, d’avoir pris des mesures contre-cycliques, de n’avoir pas d’emblée dit aux Français qu’il fallait réformer, que ce serait dur mais que nous pourrions nous en sortir.

Oui, nous pouvons nous en sortir, à condition d’admettre qu’il faut refonder notre modèle de production, qu’il faut renégocier notre modèle social, car l’entreprise n’est pas l’ennemi de l’emploi, qu’il faut sortir de nos lourdeurs, admettre le monde tel qu’il est, en remédiant à nos rigidités.

Ces trois champs - refonder notre production, rénover notre modèle social, en finir avec nos rigidités - mériteraient d’être vos trois seules priorités.

Au lieu de cela, vous nous avez habitués à une bien curieuse valse où, d’un temps à l’autre, on passe d’une chose à son contraire.

Vous rétablissez la retraite à soixante ans puis vous prenez conscience qu’il faut allonger la durée de cotisation.

Vous niez le problème du coût du travail, ensuite vous découvrez le manque de compétitivité des entreprises.

Vous voulez favoriser le dialogue social, mais vous votez l’amnistie sociale, qui encourage la casse dans les entreprises !

Vous parlez de simplification et vous rajoutez une couche au millefeuille territorial.

Vous réduisez drastiquement les dotations aux collectivités et vous alourdissez leurs charges avec la réforme des rythmes scolaires.

Le désespoir guette, il est là. La révolte n’est pas loin. On le sent sourdement. Qui ne le perçoit ?

Vous savez où vous allez, dites-vous ?

Vous avez le choix entre trois attitudes : implorer la croissance – vous l’avez déjà fait, sans succès - ou continuer à dire que vous avez mis en place des outils et qu’ils vont porter leurs fruits – c’est sans aucun doute la méthode Coué, la méthode Ayrault, devrais-je dire

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

… ou bien encore changer de politique et proposer au pays un nouveau compromis économique et social en faveur de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Cette dernière solution est celle que nos voisins ont déjà mise en œuvre.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous enfin vous engager sur la voie d’une autre politique, autour d’un vrai compromis économique et social qui seul permettra à notre pays de se redresser ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Monsieur Capo-Canellas, je commencerai par là où vous avez terminé, par un mot que j’affectionne, celui de « redressement ».

En effet, le Premier ministre et le Gouvernement savent où ils vont – nous savons où nous allons – et le Président de la République rappellera, ce soir, le cap, qui est précisément celui du redressement.

Mais pour qu’il y ait redressement, il faut qu’il y ait eu dégradation.

Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Et ce n’est pas une ritournelle, c’est un boulet pour nous, et le boulet est toujours là !

Vifs applaudissementssur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Et, si j’étais à votre place, je serais un peu plus discret sur ce point ; j’éviterais de donner des leçons, à voir l’état dans lequel vous et la majorité précédente avez laissé la France ! §

Le boulet, ce sont les 600 milliards d’euros supplémentaires de dettes que vous avez laissé s’accumuler !

Le boulet, ce sont les déficits publics que nous sommes contraints de réduire, et qui, si nous n’étions pas intervenus en 2012, seraient en tendance nettement supérieurs à 5 % du PIB.

Le boulet, c’est la compétitivité que vous avez laissé se dégrader en dix ans

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Le boulet, ce sont les emplois industriels que vous avez laissé partir, c’est la désindustrialisation qui s’est installée.

Protestations sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Nous, nous sommes au travail, nous sommes aux responsabilités. C’est vrai que le redressement du pays prend du temps. En ce qui concerne le très important redressement des finances publiques, nous nous y employons en mettant en œuvre un effort structurel qu’aucun gouvernement n’avait consenti avant nous. Nous nous y employons en faisant en sorte de sauver la zone euro, qui était menacée dans son existence même.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il y a eu un changement de cap.

Nous le faisons en mettant en œuvre un pacte de compétitivité qui est d’une importance sans précédent et qui prend justement en compte certaines des dimensions que vous avez évoquées.

C’est le cas du coût du travail, que nous réduisons au travers du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Après avoir dit que ce n’était pas un problème !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Nous travaillons aussi sur la simplification, fondamentale, et qui est un engagement extrêmement fort du Président de la République. Nous nous efforçons de lever les rigidités, d’accélérer les procédures de manière que les entreprises puissent investir, embaucher rapidement et simplement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est aussi l’objet même de la Banque publique d’investissement, qui vient à leur appui.

Mais je ne veux pas être trop long, alors sachez que nous œuvrons actuellement au redressement du pays, parce que vous l’avez dégradé.

Oui, nous savons où nous allons, un cap est fixé, cela prendra sans doute du temps…

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… mais les résultats seront au rendez-vous…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Oh là là ! Ils savent où ils vont, c’est nouveau !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… et je confirme, ici, l’engagement qui a été pris par le Président de la République, d’inverser, enfin, après vingt et un mois, la courbe du chômage dans ce pays d’ici à la fin de 2013.

Voilà, monsieur le sénateur, la réponse que je souhaitais vous apporter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, comme beaucoup d’entre vous, j’ai, une nouvelle fois, été surprise d’entendre Jean-François Copé, président autoproclamé de l’UMP, donner des leçons de gestion au Gouvernement et à la majorité présidentielle.

Au regard de la réalité des chiffres de l’économie française, je souhaite dire à nos collègues de l’opposition que lorsque l’on a un bilan aussi catastrophique que celui qui est dressé à l’issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy, on évite de se poser en donneur de leçons sans même faire l’inventaire de sa propre action.

Protestations sur les travées de l'UMP.- Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Vingt-deux mois consécutifs de hausse du chômage, cela devrait amener la droite à plus de modération dans la critique et de modestie dans le propos !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Et le seuil de 3 % du PIB pour le déficit public ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

De plus, lorsque l’on sait que de nombreuses fermetures de sites ont été volontairement retardées pour ne pas nuire à la campagne du président sortant Nicolas Sarkozy, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il n’est plus au pouvoir, c’est vous, maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

… comme l’a déclaré M. Fillon, on ne se pose pas en donneur de leçons.

Notre bilan, mes chers collègues, nous l’assumerons le moment venu mais, pour l’instant, nous travaillons.

Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Oui, le Gouvernement travaille au redressement de nos comptes publics !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Oui, le Gouvernement travaille à la compétitivité de nos entreprises et, oui, il travaille également à la sécurisation du marché du travail.

Aujourd’hui, le Président de la République François Hollande et, derrière lui, les parlementaires de la majorité se sont engagés à inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Monsieur le ministre, 100 000 emplois d’avenir à l’attention des jeunes les plus éloignés de l’emploi, 500 000 contrats de génération à l’attention des jeunes et des seniors, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le crédit d’impôt recherche à l’attention notamment des PME et des TPE, …

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Mme Frédérique Espagnac. … pouvez-vous détailler plus encore, pour la représentation nationale et les Français qui nous regardent, l’action que le Gouvernement a mise en œuvre et va poursuivre afin de lutter contre ce fléau qu’est le chômage ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le problème, ce n’est pas ce que vous dites, c’est ce que vous faites !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Le bien nommé ministre du travail et de l’emploi !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Madame Espagnac, vous constatez – mais faut-il pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, donner de la voix ? – la continuité dans la hausse du chômage depuis des mois, depuis des années.

Vous parliez de vingt-deux mois de hausse consécutive ; je me permettrai de vous corriger : il s’agit de cinquante-sept mois de hausse !

La réalité des choses – et c’est d’ailleurs ce qui fait la gravité de la situation pour nous tous –, c’est qu’il ne s’agit pas d’un chômage qui aurait augmenté au cours de ces derniers mois – c’eût été grave, mais pas trop – ; c’est un chômage qui, depuis mai 2008, a augmenté chaque mois, à une exception près.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque ministre du travail et de l’emploi a dû annoncer chaque mois depuis cinquante-sept mois une hausse du nombre des chômeurs.

Au-delà du chiffre – peut-on vraiment parler de record ? Quel beau record, en vérité !–, ce qu’il faut bien voir, c'est qu’aujourd'hui plus qu’autrefois de nombreux jeunes se retrouvent sans emploi et trop souvent sans formation et que les plus âgés sont poussés hors de l'entreprise et ont du mal à retrouver un emploi.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Messieurs les sénateurs, car il me semble que ce sont plutôt des voix masculines que j’entends, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il n’y en a qu’un qui hurle, c'est François Grosdidier !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

… vous devriez, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, avoir la modestie de ceux qui regardent la vérité en face !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

La vérité, c'est bien celle que je viens de décrire : les cinquante-sept mois consécutifs de hausse du chômage. Alors, inutile de faire vos commentaires sur un ton plus élevé qu'il ne convient !

Il faut agir pour les jeunes sans emploi, sans formation. Le projet de loi visant à créer 150 000 emplois d'avenir a été largement voté sur ces travées.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Il faut offrir à ces jeunes, qui sont les plus éloignés du marché du travail, non seulement les moyens de trouver un emploi mais, surtout, une formation, qui constitue le bagage personnel de chacun.

Quant au contrat de génération, …

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Cessez ces propos saugrenus !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Vous avez nié la crise, ce n’est pas saugrenu !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Si vous voulez des noms, je vous les donnerai ! Heureusement que l’on trouve partout des personnes intelligentes qui cherchent à apporter concrètement des solutions à destination des plus jeunes pour qu’ils trouvent un emploi et des plus âgés pour qu’ils ne perdent pas le leur.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Nous avons accordé à Pôle emploi le droit de recruter 2 000 agents supplémentaires, ce qui fait au total 4 000 en moins d'un an, alors que d'autres en avaient supprimé 2 000 au moment même où les chiffres du chômage explosaient.

C'est ainsi, par des dispositifs législatifs, par des actions concrètes et par un accompagnement personnalisé des chômeurs, que nous pourrons enfin stopper cette augmentation, jusqu'à présent inexorable, du chômage !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Manifestations de satisfaction sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, dimanche dernier, les opposants au projet de loi dit du « mariage pour tous » se sont de nouveau réunis pour une manifestation familiale et pacifique.

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Une fois de plus, vos services ont annoncé un chiffre de participation aberrant, encore confirmé hier soir, celui de 300 000 manifestants, ce qui dénote une volonté délibérée de mentir aux Français, afin de minimiser la réalité de cet énorme mouvement de contestation.

Vous avez ainsi « égaré » 700 000 manifestants le 13 janvier dernier, et plus d’un million cette fois-ci !

Je conçois que le Gouvernement soit agacé par la détermination et la mobilisation massive des opposants à ce texte, mais cela ne saurait justifier ni la manipulation grossière des chiffres…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

… ni les instructions données par vous-même, assisté du préfet de police, depuis la salle de commandement de la préfecture.

Comment expliquez-vous l’utilisation de ce que vous appelez des « aérosols »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Les salariés connaissent cela depuis des années !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. … sur des enfants, des femmes, des pères de familles ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Jusqu’à présent, ils servaient plus aux asthmatiques qu’aux manifestants ! Pourquoi pas des vaporisateurs, tant que vous y êtes, alors qu’il s'agit de gaz lacrymogènes ? N'ayez pas peur d'employer les mots qui sont les bons !

Hier encore, à l’Assemblée nationale, où mes collègues députés vous ont fortement secoué, vous avez parlé de « groupes extrémistes ».

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le ministre, je ne sais pas si quelques agités ont pu se faufiler dans la foule, mais toutes les images et les vidéos sont accablantes pour vous et vos services !

Vos « extrémistes » sont des fillettes de huit ans, des personnes âgées, des bonnes sœurs, des familles nombreuses et des élus de la République !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Rendez publiques les nombreuses plaintes de journalistes déposées contre vos services à la préfecture de police ! D’ailleurs, à l’heure où je vous parle, un jeune de quatorze ans est toujours hospitalisé, ne sachant pas s’il récupérera l’usage d’un œil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

On aurait aimé que vous vous préoccupiez autant des travailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. Monsieur le ministre, quand le pouvoir s’en prend aux enfants, c’est la République qui saigne !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Comment pouvez-vous expliquer aux Français que, une semaine plus tôt, les CRS étaient restés impassibles devant les syndicalistes de PSA qui faisaient brûler des pneus sur cette même avenue de la Grande-Armée ?

Comment pouvez-vous affirmer que les organisateurs ont été débordés par la manifestation ? Pardon, mais ce sont vos services de renseignement qui, la veille encore, prévoyaient 100 000 personnes, au doigt mouillé !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Effectivement, si vous attendiez quinze fois moins de manifestants, il n’est pas anormal que vos services aient été débordés et que l’on ait à déplorer des incidents...

Il était tout à fait irresponsable de la part du préfet de police de Paris, M. Boucault, d’avoir figé les manifestants, sans prévoir d’issues au cortège. Vous savez à quoi cela revient ? À peu près à remplir une boîte de nuit sans prévoir de sortie de secours !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Cela dit, quand on nomme un directeur de l’ENA patron du maintien de l’ordre, et que l’on court des fauteuils du Grand Rex à la salle de commandement de la PP, il ne faut pas s’étonner d’être débordé par la situation !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. C’est pourquoi, devant l’absence de réponse, nous avons décidé, avec un certain nombre de collègues, de demander l’ouverture d’une commission d’enquête, afin d’être éclairés sur les conditions dans lesquelles la préfecture de police

Les protestations sur les travées de l’UMP couvrent la voix de l’orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. … n’a pas anticipé, n’a pas encadré cette manifestation et a menti aux Français sur la participation.

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur Charon, que cherchez-vous ? À remettre en cause la parole de l'État, celle du préfet de police ? À contester la légitimité du Parlement, celle des représentants de la nation ?

Dans quelques jours, vous allez être saisi, ainsi que vos collègues, d'un texte, celui du mariage pour tous, qui a été majoritairement adopté par l'Assemblée nationale.

Vous avez gouverné, assumé des responsabilités, …

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Effectivement, pas vous – heureusement d’ailleurs, vu ce que je viens d’entendre ! –, mais vos amis ! Vous avez été confrontés à des mouvements sociaux, à la nécessité de maintenir l'ordre, à la colère des Français, aussi. Et maintenant vous venez donner des leçons ?

Bravo ! et vifs applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur Charon, vous qui avez souvent fréquenté la préfecture de police de Paris, vous savez parfaitement que la méthode de comptage est la même pour tous les rassemblements et toutes les manifestations, et qu’elle est utilisée depuis des années.

Le chiffre de 300 000 manifestants est déjà très important. Qui peut penser qu’il y avait dans Paris plus d'un million de manifestants ? Cela n'a aucun sens ! Pourquoi pas deux ou trois millions, tant que vous y êtes ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Vous essayez de tromper les Français sur ce sujet.

Non ! sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Il a été démontré qu’ils étaient bien 300 000. Vous jetez des accusations, mais il y a derrière des professionnels, des fonctionnaires consciencieux : 2 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés dimanche dernier. C'était adapté au nombre de manifestants prévu, parce que nous savions qu'ils seraient à peu près le même nombre que précédemment.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Non ! Et ne croyez pas tout ce que l’on vous dit dans certaines officines ! Vous avez trop fréquenté les officines de la République, vous voyez bien de quoi je veux parler...

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je tiens d'ailleurs à votre disposition les preuves : les photographies de la manifestation ; elles ont été publiées hier, vous le savez, sur le site de la préfecture de police, parce que nous n'avons rien à cacher.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Les manifestants ont annoncé un chiffre, mais quel mode de comptage ont-ils utilisé ? Vous pensez pouvoir en confirmer la fiabilité ? C'était peut-être l’une des rares manifestations auxquelles vous ayez participé, à moins qu’il n’y en ait eu d’autres, voilà quelques années…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous le voyez, cette polémique n'a pas de raison d'être.

Les débordements qui ont eu lieu, alors même que les consignes de la préfecture étaient claires, sont inacceptables. Il est bien étonnant qu’un parlementaire qui se réclame sur d'autres sujets du parti de l'ordre salue précisément ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre !

Huées sur les travées de l'UMP . – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Il y a eu, sur internet et sur les réseaux sociaux, de nombreux appels à braver une décision préfectorale confirmée, je vous le rappelle, par le tribunal administratif de Paris.

Enfin, les organisateurs ne pouvaient ignorer, pas plus que vous, le rôle joué – les reportages des médias l'ont bien montré ! – par les extrémistes du Bloc identitaire, des Jeunesses nationalistes, du Renouveau français, du GUD, d'Europe-Jeunesse, qui étaient sur place et qui levaient leurs bras devant les forces de l'ordre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Cela aussi, monsieur Charon, vous l’excusez. Et vous trouvez normal – vous, un parlementaire ! – de mettre en cause nos forces de l’ordre ?

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Les forces de l'ordre sont intervenues, mais, pour ma part, je suis parfaitement cohérent : dans une démocratie, il ne saurait y avoir le moindre débordement. Vous n'avez pas le droit de mettre en cause ici, au Sénat, pas plus d’ailleurs qu’à l'Assemblée nationale, un homme d'État comme le préfet Bernard Boucault. C’est d’une lâcheté inacceptable !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Avec le projet de loi dont le Parlement vient d’être saisi, notre système d’enseignement supérieur et de recherche va enfin être placé au cœur du redressement de notre pays et au service de la compétitivité et de la croissance.

L’État va enfin redevenir stratège.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Oui, nous sommes en crise, mais la France est un grand pays ; elle a des atouts…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

… et de réelles capacités à inventer, à innover.

Notre recherche fondamentale est mondialement reconnue.

Cependant, si notre recherche publique a atteint un niveau d’excellence - les prix Nobel et les médailles Fields l’attestent - nos entreprises privées réalisent un effort de recherche notoirement insuffisant.

Comme l’a souligné le rapport Gallois, notre industrie souffre d’un manque d’innovation. Les PME innovantes issues notamment de la recherche publique ne sont pas efficacement soutenues. La recherche technologique et les transferts sont notre point faible.

Force est de constater aujourd’hui que la stratégie nationale de recherche et d’innovation, lancée en 2006-2007, a été un échec. Ses priorités n’ont pas été clairement définies. Sa mise en œuvre n'a pas bénéficié d'un réel suivi. Après avoir subi une rafale de réformes brouillonnes, le système français de recherche et d’innovation est devenu illisible, en termes d’organisation comme en termes de gouvernance.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il remettre de l’ordre dans la gouvernance de notre système de recherche et d’innovation, au niveau tant national que territorial ?

Comment entend-il favoriser les transferts de technologie vers l’industrie et vers la société pour créer de nouvelles activités, et donc des emplois, notamment dans les filières d’avenir ?

Comment entend-il organiser de réelles coopérations entre les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche, renforcer le partenariat entre le monde économique et le monde académique, pour que la France soit, enfin, à la hauteur des grands défis technologiques et sociétaux auxquels elle doit aujourd’hui répondre ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, dynamiser notre recherche est un objectif prioritaire du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche qui sera débattu au Parlement à partir du 13 mai.

Avec la priorité accordée à la réussite étudiante, parce que l'élévation du niveau de qualification est une urgence en France, cette nouvelle ambition pour la recherche prend une place essentielle dans le redressement de notre pays, pour développer la compétitivité par la qualité, la seule qui soit durable. C'est d'ailleurs ce que font la plupart des pays émergents et des pays développés.

De ce point de vue, nous avons pris beaucoup de retard, au cours des dix dernières années. Avec 2, 2 % de notre PIB dédié à la recherche et au développement et une participation trop faible, vous l’avez indiqué, de la recherche privée, nous sommes bien loin tant de l’objectif de Lisbonne, fixé à 3 %, que de nos voisins allemands, qui ont atteint ce taux de 3 %, et encore plus éloignés de la République de Corée. Ce pays, qui était, voilà cinquante ans, ruiné, consacre aujourd'hui 4, 3 % de son PIB à la recherche et au développement.

C'est dire l’ampleur du rebond qu'il nous faudra absolument faire ! Ce projet de loi nous en donnera les moyens, avec les outils nécessaires et l'environnement adéquat.

Oui, l'État stratège est de retour, mesdames, messieurs les sénateurs. Il n’y avait plus de stratégie de recherche dans ce pays. Chaque agence élaborait de son côté sa petite stratégie personnelle sans la moindre coordination et la moindre visibilité.

Oui, nous pouvons être fiers de notre recherche fondamentale, de nos médailles Fields, de nos prix Nobel et de nos prix Poincaré ! Elle est unanimement reconnue dans le monde.

Oui, aussi, la recherche technologique, le transfert, le lien, le décloisonnement entre la recherche fondamentale et le milieu économique sont nos points faibles. C'est cela que le projet de loi se propose d'améliorer avec des dispositifs de transfert beaucoup plus efficaces, ce transfert qui sera, et pour la première fois, inscrit dans les missions de service public de nos chercheurs. Nous fixerons un objectif d'élévation du niveau de formation de notre jeunesse à 50 %, alors que nous sommes à 43 %, bien loin, là encore, de l’objectif de Bologne, fixé à 50 % voilà une dizaine d'années.

Nous préserverons notre recherche fondamentale de la précarité à laquelle elle est confrontée en lui redonnant des crédits récurrents.

Pour répondre aux importants enjeux sociétaux que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, nous lancerons des appels à projets et fixerons un agenda stratégique, en nous appuyant sur un conseil d’experts. Ces enjeux sociétaux seront ceux de l’Europe, de sorte que nous serons plus forts sur le plan national et plus forts sur le plan européen.

C’est ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous contribuerons pleinement à la construction d’un projet de société fondé sur la connaissance, sur l’innovation, sur la croyance dans l’avenir.

C’est aussi pourquoi, dans quelques minutes maintenant, je m’en vais libérer les chercheurs en biologie et en médecine de la contrainte que vous avez fait peser sur eux en leur interdisant d’opérer des recherches sur les cellules souches embryonnaires !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Bernard Fournier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, qui peut encore croire en la promesse réaffirmée cette semaine par François Hollande d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année ?

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Nous !

On le confirme sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Personne ! D'ailleurs, nous le verrons bien ce soir.

Aujourd'hui, 68 % des Français sont inquiets pour leur avenir. Ils peuvent l’être, leur pouvoir d’achat ayant baissé, selon l’INSEE, de 0, 8 % au quatrième trimestre de l’année dernière et de 0, 4 % sur l’ensemble de l’année 2012. Ce recul du pouvoir d’achat, le premier depuis 1984, s’explique principalement par des ponctions sociales et fiscales inégalées. Ce sont les économistes qui le disent !

Mesdames, messieurs les ministres, la France souffre, les Français souffrent. Quand plus de 260 000 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés en neuf mois, soit un tiers environ de la hausse constatée sur les cinq années précédentes, l’appel à la mobilisation générale pour l’emploi lancé il y a peu par le Premier ministre prend des allures pathétiques.

C’était il y a neuf mois qu’il fallait agir, comme le candidat Hollande s’y était engagé durant sa campagne ! Au lieu de cela, vous avez multiplié les réformes dites « sociétales » pour satisfaire des minorités, et proposé des réformes de convenance essentiellement tactiques.

Ce ne sont pas les 150 000 emplois d’avenir concrétisés jusqu’à présent ni les contrats de génération qui peuvent constituer une politique face au fléau du chômage !

Mais il y a plus, car, dès le départ, vous avez envoyé des signaux très concrets de défiance envers les entreprises et provoqué un véritable choc fiscal, alors que c’est dans les entreprises que se crée la richesse de demain. C’est d’elles que viendra la croissance !

Eh oui ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

D'ailleurs, comment espérer cette croissance, quand un excès de normes rend les entreprises françaises toujours plus vulnérables dans le jeu de la concurrence mondiale ? Certainement pas des mesures du plan pour la compétitivité et l’emploi, une véritable usine à gaz, si vous m’e n croyez !

Monsieur le ministre, quand allez-vous conduire une réelle politique de l’emploi ? Quand ce gouvernement va-t-il enfin mettre de la cohérence dans sa politique ? Quand allez-vous arrêter de dresser les Français les uns contre les autres ? Que comptez-vous faire pour redonner de la confiance à ce pays et en ce pays ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question pleine d’ambition…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Et posée avec tant de passion…

Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

… sur le retour de la confiance, cette confiance qui a disparu depuis de si nombreuses années dans notre pays.

Je me souviens de quelqu'un – je vous laisse retrouver son nom – qui, à peine élu, disait qu’il allait chercher la croissance « avec les dents ».

Réactions amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Or à combien s’est élevé le taux de croissance au cours des cinq dernières années ? À zéro ! Zéro croissance en cinq ans ! Dès lors, il n’est pas étonnant que, pendant ces mêmes années, le nombre de chômeurs ait augmenté de plus de 1 million !

Monsieur le sénateur, je comprends totalement votre préoccupation. En l’exprimant, vous êtes parfaitement dans votre rôle d’élu ! Au reste, vous la formulez avec une modération dont votre voisin immédiat ferait bien de s’inspirer.

M. François Grosdidier s’étonne.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Comme d’autres ici, vous avez été responsable de grandes collectivités territoriales. En cette qualité, vos questions sur le chômage et sur l’emploi ou vos conseils sont parfaitement légitimes. Mais, je vous prie, formulez-les avec la modestie de ceux qui n’ont pas réussi, avec la retenue qui convient à ceux qui ont échoué.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Monsieur le sénateur, où est le sens, où est la cohérence, sinon dans l’action, dans les outils ?

Vous pouvez bien tourner en dérision tel ou tel de ces outils, mais il n’empêche...

Prenez les emplois d’avenir.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Monsieur Humbert, si vous pouviez demander à votre voisin de travée de s’inspirer de votre modération, …

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

M. Michel Sapin, ministre. … je pense que le Sénat tout entier en serait honoré.

Bravo et applaudissementssur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Monsieur le sénateur, ce sont 150 000 emplois d’avenir qui seront mis en place, dont 100 000 dès la fin de cette année. Les collectivités territoriales – y compris celles de votre département du Doubs, comme de votre région – participeront à leur création.

Ces 150 000 emplois d’avenir sont autant de solutions concrètes pour des jeunes qui, aujourd'hui, n’ont aucune possibilité d’emploi ni de formation. Cet outil est concret et simple, mais il doit être mis en œuvre et, pour cela, les uns et les autres doivent se mobiliser.

Monsieur le sénateur, vous appeliez à juste titre à ce que nous nous réunissions dans la bataille pour l’emploi. Certes, l’opportunité de tel ou tel outil a pu être débattue, jusque dans cet hémicycle du reste, mais les emplois d’avenir sont utiles ! Dès lors, œuvrons tous ensemble à leur mise en œuvre.

Prenez le contrat de génération, maintenant.

Vous nous demandez des comptes sur ces contrats. Quoi de plus normal de la part d’un membre de la représentation nationale ? Sachez que le contrat de génération est en application depuis lundi dernier. Certains contrats ont déjà été signés.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Et, vous le savez, cela fonctionne ! Les employeurs, les entreprises, les PME, les PMI, les artisans et les commerçants de votre région sont en train de s’emparer de ce très bel outil, extrêmement efficace pour les jeunes comme pour les plus anciens.

Oui, monsieur le sénateur, unissons nos forces dans l’intérêt de la France et de chacun des Français, dans cette bataille qu’est la lutte contre le chômage. Ainsi, nous atteindrons ensemble l’objectif que nous nous sommes fixé : inverser, enfin, la courbe du chômage !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Ma question s'adressait à M. le ministre des affaires étrangères, mais je comprends que je vais la poser à Mme la ministre chargée des Français de l’étranger.

Madame la ministre, je vais vous parler de l’Europe

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pas si tardive !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

C’est au milieu de l’hiver, au moment où chacun est très légitimement le plus sensible à la détresse des personnes sans domicile fixe, que l’Europe annonce la baisse de ses crédits d’aide alimentaire.

Alors que beaucoup de parents ne connaissent l’Europe qu’à travers le programme Erasmus, qui permet à leurs enfants de poursuivre des études à l’étranger, ce sont ses crédits que l’on annonce en diminution.

C’est au lendemain du scandale de la viande de cheval que l’Europe autorise à nouveau les farines animales.

Durant toute la crise financière, à la base de toutes les politiques, le maître-mot a été la confiance : confiance entre les États, par une surveillance mutuelle renforcée ; confiance entre les banques, en raison de leurs emprunts toxiques ; confiance entre les banques et leurs déposants… Et voilà que l’affaire chypriote vient ébranler cette confiance dans l’Europe entière !

Au moment où la plupart des chefs d’État doivent juguler d’énormes dettes au niveau national, et alors que la relance indispensable aurait pu se faire au niveau de l’Europe, qui, elle, n’est pas endettée, les chefs d’État, faute de ressources propres au budget européen, choisissent de réduire ce dernier à 1 % à peine du revenu brut européen pour les sept prochaines années.

Les institutions européennes ont-elles décidé de faire le jeu du populisme, du nationalisme et du séparatisme ?

Madame la ministre, de tels faits ne doivent-ils pas inciter la France à proposer, dès après les élections au Parlement européen de l’année prochaine, une nouvelle réforme institutionnelle redessinant, avec ceux qui le veulent, un vrai projet à long terme pour l’Europe, et instaurant, notamment, un pouvoir plus intégré ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Monsieur le sénateur, Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes, est retenu en ce moment à l’Assemblée nationale. Il vous prie d’excuser son absence et m’a chargée de répondre à votre question.

Nous sommes conscients que l’Union européenne traverse aujourd'hui la plus grave crise économique de son histoire. Cette crise, les institutions européennes comme les États membres y ont apporté des réponses parfois inadaptées, parfois tardives.

Face à ces difficultés, le Président de la République a engagé, dès son arrivée aux responsabilités, la réorientation de la construction européenne vers la croissance et l’emploi.

Cette réorientation, nous la mettons résolument en œuvre depuis dix mois et nous avons d’ores et déjà obtenu des avancées importantes. Je pense, pour ce qui concerne la croissance, à l’accord du Conseil européen de juin sur le pacte pour la croissance et l’emploi, doté de 120 milliards d’euros, ou au brevet unitaire européen, qui représente une victoire historique après plusieurs décennies de négociations, et, pour ce qui concerne la régulation de la finance, aux mesures immédiates de stabilisation, à la taxe sur les transactions financières, que nous avons obtenue grâce à un accord franco-allemand, ou encore à la supervision bancaire, prélude à une véritable union bancaire de la zone euro.

Monsieur le sénateur, vous avez aussi évoqué le programme Erasmus, dont vous vantez, à raison, l’immense succès. Contrairement à ce que peuvent laisser croire certaines déclarations alarmistes, la pérennité de ce programme n’est pas menacée. Mieux, en termes réels, le montant qui lui est alloué au titre du prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne devrait augmenter.

Vous soulevez ensuite la question des farines animales. Si je vous concède une certaine maladresse de communication de la part de la Commission européenne, je rappelle que cette décision, à laquelle la France s’était d'ailleurs opposée, ne comporte aucun risque sanitaire.

S'agissant du programme européen d’aide aux plus démunis, la précédente majorité avait cru bon de le condamner. Nous l’avons sauvé, certes pas à son niveau antérieur – 3, 5 milliards d’euros –, mais au niveau proposé par la Commission, à savoir 2, 5 milliards d’euros.

En ce qui concerne le budget de l’Union, nous l’aurions nous aussi souhaité plus ambitieux. Néanmoins, le compromis préserve nos outils de croissance, et les conditions énoncées par le Parlement européen, qui, par ailleurs, reprennent les demandes françaises, devraient nous permettre de l’améliorer.

D'ores et déjà, de grands chantiers européens ont été lancés : je pense notamment à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, au développement d’une politique industrielle plus intégrée ou au juste échange dans les relations commerciales, qui doivent renforcer l’Union européenne dans la mondialisation et protéger ses peuples.

Tel est le chemin que nous traçons pour l’Europe de demain, monsieur le sénateur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents avait décidé de fixer au mercredi 3 avril 2013, à dix-huit heures trente, l’examen de la proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales.

Le Gouvernement sollicite l’accord du Sénat pour que cet examen soit reporté à vingt et une heures trente, le même jour.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour de la séance du mercredi 3 avril 2013 s’établit désormais comme suit :

MERCREDI 3 AVRIL 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe écologiste :

1 °) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte (texte de la commission, n° 452, 2012-2013)

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

2°) Suite éventuelle de la question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus

À 21 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par M. Jean-Claude Gaudin et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés (385, 2012-2013) (demande du groupe UMP)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage public (proposition n° 3, texte de la commission n° 440, rapport n° 439).

Mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que, cette discussion s’inscrivant dans un temps contraint de quatre heures, nous ne pourrons donc pas la poursuivre au-delà de vingt heures trente.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, je souhaiterais que notre discussion s’achève à vingt heures quinze, heure à laquelle commencera l’allocution télévisée du Président de la République, que beaucoup ici voudront suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je ne peux ni réduire, ni allonger le temps qui nous est imparti, mais nous pouvons fort bien avoir achevé nos travaux à vingt heures quinze, ce qui serait en effet préférable. Dans cette perspective, j’invite chacun à faire un effort de concision.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Esther Benbassa, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'histoire de la prostitution et de ses perceptions au sein d’une société est aussi celle des pudeurs de cette société, de ses occultations, de ses transgressions et de ses violences.

En ce domaine comme en d'autres, la France est évidemment tributaire de son histoire. C'est vers 1800, au lendemain d'une Révolution marquée par des appels sporadiques à une libéralisation des mœurs, que le Consulat inaugure une politique cohérente, qui marquera le siècle et demi suivant. Une conviction domine alors : légiférer en matière de prostitution reviendrait à salir le législateur. Mais dans le même temps, une autre s'impose : il est nécessaire de mettre de l'ordre dans le commerce sexuel, de le surveiller, d’éclairer de la lumière purificatrice du pouvoir l'univers obscur de la vénalité.

Cela conduit à soumettre la prostitution à un règlement édicté à l’échelon municipal, d’abord à Paris. Ainsi est né ce que l’on appellera le « réglementarisme », ou French system dans les pays qui ont imité la France, fondé sur une doctrine philosophique du « mal nécessaire », elle-même inspirée d'Augustin. Ce père de l'Église du IVe siècle jugeait les prostituées méprisables, mais il était convaincu que si on les supprimait, les passions bouleverseraient le monde. Cette réflexion d'ordre moral, qui guida l’action des auteurs de règlements, n'a pas cessé de hanter les esprits d'aujourd'hui.

Les auteurs de règlements avaient toutefois une autre hantise : la menace sanitaire, qui pesa de tout son poids pour la mise en place des maisons closes. C'est bien la fermeture de ces dernières, imposée par la loi du 13 avril 1946, dite loi « Marthe Richard », qui mit un terme à l'ère réglementariste.

L'histoire de la prostitution en France n'est pourtant pas seulement celle du réglementarisme. Fascination et rejet s'y renforcent mutuellement. Au début de la Troisième République, sous le gouvernement d'ordre moral d'Albert de Broglie, sous la présidence de Mac-Mahon, la question de la prostitution émerge d'une manière aiguë. Huysmans, Edmond de Goncourt, Zola publient des romans qui la prennent pour thème. Et quand les prostituées semblent nécessaires, on met la morale de côté. Pendant la Grande Guerre, l'afflux des prostituées dans les gares, venant à la rencontre des permissionnaires, paraît justifié. Sous l'Occupation, les responsables de l'armée allemande, pourtant obnubilés par l'impératif sanitaire, attendent encore de la prostitution qu'elle canalise les pulsions des soldats.

L’histoire politique de la vénalité sexuelle oscille ainsi entre le moral, le médical, le social et la considération du « mal nécessaire », comme le disait Augustin d’Hippone. Elle semble surtout soumise, pour reprendre les mots de l’historien Alain Corbin, « à la peur d’une triple dégradation : celle de la femme prostituée, celle de son partenaire, celle de l’argent et, par ce biais, celle de l’ordre social ». Plusieurs courants de pensée vont s’emparer par la suite du problème.

Le prohibitionnisme, né au sein du féminisme compassionnel et prédicateur anglais des années 1870, considère les femmes prostituées comme des victimes qu’il convient d’arracher à leur mauvaise vie. Face à lui, il y a alors, et il y a toujours, ceux que l’on appelle les « abolitionnistes libéraux » : le journaliste féministe du XIXe siècle Yves Guyot, Yvette Roudy, ministre des droits de la femme, qui envisage de dépénaliser les prostituées en 1981, ou encore, plus près de nous, Élisabeth Badinter.

C’est dans cette lignée-ci que, pour ma part, je tâche de m’inscrire ; une lignée qui, au nom de la dignité de la femme et de valeurs universelles, condamne à la fois le réglementarisme dégradant et le proxénétisme, mais pas forcément la prostitution.

Aujourd’hui plus que jamais, le débat reste vif. Ceux que l’on appelle désormais les « abolitionnistes » – que l’on aurait qualifiés, avant 1914, de « prohibitionnistes » – visent la disparition pure et simple de la prostitution, qui est pour eux avant tout une intolérable atteinte aux droits et à la dignité des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

D’autres jugent cette position illusoire, tels les signataires d’une tribune parue dans le Nouvel Observateur du 23 août 2012, où Élisabeth Badinter, l’historien du corps Georges Vigarello, la philosophe Élisabeth de Fontenay, le cinéaste Claude Lanzmann et quelques autres se déclaraient notamment contre une pénalisation des clients, parce qu’elle ferait de la personne prostituée une complice du délit et précariserait un peu plus sa condition, à l’instar du délit de racolage aujourd’hui.

L’idéologie « abolitionniste », si l’on en croit les signataires de ce texte paru dans le Nouvel Observateur, reposerait sur deux postulats : premièrement, la sexualité tarifée est une atteinte à la dignité des femmes ; deuxièmement, les prostituées sont toutes des victimes et leurs clients, tous des salauds.

Or la prostitution est une question bien plus complexe. Les prostituées n’exercent pas toutes sous la contrainte, et la prostitution ne concerne pas que les femmes. Les hommes aussi se prostituent. Par-delà les représentations littéraires – on songe à Carco, à Proust, à Gide, à Genet, à Sachs ou à Jouhandeau – et les constats alarmistes des spécialistes de l’enfance, la prostitution masculine est restée un impensé des pouvoirs publics. On oublie les Grands Boulevards à la Belle Époque, la place Blanche, Montmartre ou Pigalle dans l’entre-deux-guerres, Saint-Germain pendant les trente glorieuses, la rue Sainte-Anne dans les années soixante-dix : tous hauts lieux d’une prostitution masculine occultée, qui demeure un problème de société mal connu, pas même convenablement chiffré. Quant aux femmes qui font appel aux services sexuels de prostitués masculins, le sujet n’est pas moins tabou, comme celui des prostitués transgenres ou transsexuels.

Reconnaissons cette complexité du phénomène. La prostitution peut être aussi – mais elle n’est pas seulement – une atteinte à la dignité et aux corps des femmes. Nulle position de principe, si généreuse soit-elle, ne peut en épuiser la réalité. Il n’est pas jusqu’au statut juridique de la prostitution en France qui ne soit ambigu. La prostitution, chez nous, n’est pas illégale, mais elle est dans les faits seulement tolérée.

Ne sacrifions pas l’abrogation du délit de racolage public instauré par la loi de 2003, que j’appelle de mes vœux aujourd’hui et qui est souhaitée par les féministes de toutes sensibilités, sur l’autel de quelque idéologie que ce soit. Cette abrogation ne résoudra pas tous les problèmes, j’en conviens, elle n’est que le début du chemin. Mais pourquoi tarder à répondre à une véritable urgence ? Pourquoi ne pas stopper sans délai le harcèlement dont tant de personnes prostituées se disent victimes ? Les témoignages sont accablants de ces femmes arrêtées plusieurs dizaines de fois par an, en vain.

Certains policiers font certes valoir que, grâce à la garde à vue des personnes prostituées qu’autorise la répression du délit de racolage, ils réussissent à démanteler les réseaux de proxénètes. Pourtant, l’instauration de ce délit n’a pas rendu la traque des proxénètes plus efficace, comme en témoignent les chiffres issus de la Nouvelle chaîne pénale.

En revanche, tous les rapports disponibles, celui de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, qui vous a été remis, madame Vallaud-Belkacem, en décembre dernier, ou celui commandé par Médecins du Monde, qui vient de paraître, soulignent les méfaits induits par la loi de 2003 : dégradation de l’état de santé des prostituées et des conditions de pratique de la prostitution ; augmentation de l’isolement et de la clandestinité, elle-même propice à la multiplication des violences ; développement, de surcroît, de la prostitution « indoor », en appartement, dans les hôtels, les bars, les salons de massage, sur internet, facteur d’isolement et de vulnérabilité supplémentaires, et qui coupe les personnes prostituées des associations de prévention et d’aide. Tout cela, François Hollande le disait lui-même, dès le 19 mars 2012, dans un entretien donné au site Seronet.

Le délit à la racine de ces maux inutiles a une histoire complexe, que je ne retracerai pas. Sa définition paraît en outre bien fragile, et la frontière entre racolage actif et racolage passif bien floue. Ainsi, au regard de la jurisprudence, ne peut être qualifié de racolage actif le simple fait de déambuler sur la voie publique, dès lors que la tenue vestimentaire peut être considérée comme normale pour la période et que la personne n’a fait que répondre à des automobilistes arrêtés à sa hauteur : je vous renvoie à l’arrêt n° 726 de 1996 de la Cour de cassation. Il en va de même pour le racolage passif, la Cour de cassation ayant considéré, le 25 mai 2005, que le délit n’est pas constitué par le fait de stationner légèrement vêtue la nuit, au mois de juillet, sur le trottoir et de répondre à un client. Tant de souffrances vaines, donc, sur de telles bases ? Pour punir qui ? Souvent les plus pauvres, les plus précaires, qui ne font « cela » que pour avoir de quoi manger et où dormir.

Tel est le constat, mesdames les ministres, mes chers collègues, qui justifie la proposition de loi que je porte, avec le groupe écologiste. Parce que je suis femme et féministe, cette souffrance vaine de tant d’autres femmes m’est insupportable. Parce que je suis d’origine immigrée, je ne puis accepter l’horreur du lot quotidien des personnes prostituées étrangères. Parce que je suis enseignante, je ne puis tolérer que des étudiants et des étudiantes se prostituent pour subvenir à leurs besoins. Parce que je suis humaniste, je ne puis croire que la pénalisation soit la voie de la rédemption sociale, surtout lorsqu’elle prend comme cible les plus vulnérables des personnes prostituées, pas les escort girls, par exemple, qui ne sont nullement touchées par le délit de racolage, de même que leurs clients aisés ne seraient pas touchés par la pénalisation du client.

L’abrogation du délit de racolage public créera-t-elle un vide juridique gênant ? Je ne le crois pas. Faut-il revenir à la situation d’avant 2003, et sanctionner le racolage actif par une contravention de cinquième classe, à supposer que l’on puisse clairement préciser ce qu’il est ? Faut-il à tout prix qu’une personne prostituée soit punie du seul fait qu’elle se prostitue, qu’elle paie pour qu’elle comprenne qu’elle « pèche » ? Comment soutenir, d’un côté, que les prostituées sont des « victimes », et, de l’autre, les sanctionner ?

Mesdames les ministres, mes chers collègues, mettons sur pied une grande loi de prévention, d’insertion sociale et professionnelle, de prise en charge de la santé des personnes prostituées.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Si nous voulons sortir les personnes prostituées étrangères de la prostitution, inspirons-nous des dispositions en vigueur en Italie, où, depuis 1998, si elles sortent du réseau, un permis de séjour de six mois, renouvelable pour un an si elles trouvent un emploi, leur est accordé. L’Italie est le seul pays disposant d’une législation globale permettant aux victimes, qu’elles collaborent ou non avec la police pour dénoncer leurs proxénètes, de recevoir le soutien et l’aide nécessaires.

De même, permettons aux personnes transgenres de changer de prénom même lorsqu’elles n’ont pas subi une opération pour changer de sexe, opération de surcroît très coûteuse : un prénom sur les papiers d’identité qui corresponde au genre adopté, voilà qui aiderait à leur insertion dans un emploi ordinaire, et éviterait à certaines d’être acculées à la prostitution.

Quant aux étudiants et aux étudiantes, aux mères de famille en situation précaire, aux jeunes sans emploi ou à l’emploi précaire, prostitués occasionnels, donnons-leur les moyens de vivre, et de vivre mieux.

Songeons enfin aux associations de prévention et d’aide aux prostituées, qui ont vu malheureusement, ces dernières années, leurs subventions diminuer, ce qui rend leur travail encore plus difficile.

Quant à la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme, elle est assurément une priorité absolue. Donnons-nous les moyens de mener cette lutte, mais sans que la loi vienne encore ajouter à la souffrance et à la stigmatisation des victimes.

Rien de tout cela n’a à voir avec le souci de la vertu ou de la morale. Il est d’abord question de justice et de protection des plus faibles. En abrogeant sans contrepartie le délit instauré par la loi de 2003, c’est bien œuvre de justice et de protection que nous ferons. Le législateur est là pour cela aussi : pas seulement pour surveiller et punir, pour reprendre le titre d’un célèbre livre de Michel Foucault. §

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d’un texte ne comprenant que huit mots : « L’article 225-10-1 du code pénal est abrogé. » Mais quel poids ont ces huit mots ! Quelle attente recouvrent-ils pour les quelque 30 000 personnes prostituées de notre pays, essentiellement des femmes, dont tout le monde a reconnu, lors de nos auditions, qu’elles étaient d’abord des victimes !

Cet article 225-10-1 du code pénal les a confortées dans cette place de victimes, les a vulnérabilisées, fragilisées, stigmatisées encore davantage aux yeux du reste de la société, comme si elles ne l’étaient pas déjà assez. Il les a éloignées des soins, du droit, de la possibilité, via les associations, de s’en sortir, de faire autre chose.

Pourtant, le droit français protège toujours les plus vulnérables, alourdit les sanctions lorsque les actes incriminés sont commis contre eux. Or, en 2003, le droit français a aggravé la vulnérabilité des personnes prostituées, au motif de les contraindre à dénoncer leurs tortionnaires et de lutter contre les réseaux de proxénétisme.

Tout le monde s’accorde sur ces objectifs, mais le moyen mis en œuvre n’était-il pas injuste ? N’avons-nous pas le devoir aujourd'hui de revenir sur la disposition adoptée en 2003 et de mettre en place un autre outil, permettant véritablement d’aider les prostituées et de lutter contre les réseaux de proxénétisme ? Alors pourquoi ne le faisons-nous pas à l’occasion de l’élaboration de ce texte ? Si cela était simple, ce serait fait depuis longtemps ; si cela était facile et évident, nombre d’autres pays l’auraient déjà fait. Mais cela ne l’est pas, parce qu’on se situe là au cœur de contradictions humaines, parce qu’on touche là au plus intime, à la pauvreté, à la précarité, à un milieu, celui du proxénétisme, en lien, nous le savons tous, avec les mafias, la drogue, le travail clandestin, l’argent sale.

Pour autant, fallait-il accentuer encore la confusion, dans l’esprit de nos concitoyens, à l’égard des femmes et des hommes prostitués ? Était-il nécessaire de créer un outil dont les policiers s’accordent aujourd'hui à dire qu’il n’est finalement pas très efficace ? S’ils ne souhaitent pas sa suppression, c’est parce qu’ils ont l’impression de ne pas en avoir d’autres à leur disposition, alors qu’il est par exemple possible d’entendre les prostituées sous le statut de témoin assisté, ce qui permet d’obtenir les mêmes informations qu’en les plaçant en garde à vue. Dans les deux cas, elles ne disent rien : on peut cependant fouiller leur sac, et c’est la puce de leur téléphone qui permet de remonter vers les proxénètes. Je rends d’ailleurs hommage au travail de fourmi des services de police, qui s’attachent à démanteler les réseaux. Les policiers eux-mêmes nous l’ont dit : il est exceptionnel qu’un réseau soit démantelé grâce aux informations données par des prostituées. Comment s’imaginer qu’elles puissent parler, quand on sait que même l’interprète refuse d’entrer dans le bureau d’un inspecteur de police parce que s’y trouve la photo du proxénète ? Tous sont persuadés que, s’ils parlent, c’est leur famille restée au pays qui sera victime des sorts jetés par celui-ci ! De telles croyances sont enracinées dans l’esprit de ces femmes nigérianes qui parlent à peine français ! Jamais elles ne donneront de leur plein gré aux policiers des informations vraiment utiles.

Ces informations, la police est obligée d’aller les chercher, mais elle aura les moyens de le faire même si le délit de racolage est abrogé, en entendant les personnes prostituées sous le statut de témoin assisté. C’est l’honneur du législateur que d’élaborer un droit clair, transparent et lisible, sans inventer un délit pour contraindre des personnes à porter plainte et à raconter ce que leurs tortionnaires leur ont fait subir.

Permettez-moi un parallèle que vous trouverez peut-être osé : serait-il venu à l’idée d’un seul d’entre nous de fabriquer un délit pour forcer les femmes victimes de violences conjugales à venir dénoncer leur tortionnaire à la gendarmerie ? Non ! Elles sont victimes, et uniquement victimes. Même s’il n’est pas facile de lutter contre les violences conjugales, il ne nous est jamais venu à l’esprit de fabriquer un délit pour mieux mener cette lutte.

Alors pourquoi cet amalgame, ces confusions s’agissant de la prostitution ? Sans doute parce que, avec la prostitution, nous sommes dans un clair-obscur : parmi les clients, on trouve sans doute des monsieur-tout-le-monde, et pas seulement des pervers, heureusement d’ailleurs pour les prostituées ! Peut-être est-ce la raison pour laquelle nous avons laissé subsister, dans notre droit et dans l’esprit de nos concitoyens, une confusion en faisant du racolage un délit, tandis que la prostitution n’est pas illégale en France.

Lorsque je dis qu’il faut abroger le délit de racolage, on me répond qu’il faut bien réprimer la commission d’actes sexuels sur la voie publique. Or de tels faits relèvent du délit d’exhibition sexuelle sur la voie publique, que l’acte soit tarifé ou non ! De même, l’outil juridique existe déjà pour lutter contre le tapage nocturne. Rien n’empêche les maires de prendre des arrêtés municipaux en conséquence. Il n’était donc pas nécessaire de transformer les prostituées en délinquantes pour préserver la tranquillité publique. Tout est déjà dans le code pénal !

Créer des outils de toutes pièces a parfois des inconvénients. En l’espèce, outre les associations, qui font un travail extraordinaire sur le terrain mais à qui certains reprocheront leur militantisme, c’est aussi le milieu médical qui appelle l’attention sur les problèmes de santé publique, de paupérisation qu’entraîne cette pénalisation. Les personnes prostituées se trouvent contraintes de travailler dans des conditions mettant leur vie en danger. Elles n’ont plus accès au droit, aux associations d’aide, aux soins.

Malgré la création du délit de racolage, la prostitution est toujours présente sur la voie publique, sur internet, sans que personne ne s’en émeuve. Personne ne proteste non plus contre certaines publicités qui jouent sur des allusions transparentes à la prostitution. Peut-être pourrait-on se concentrer également sur ces aspects ? Peut-être pourrait-on affecter plus de moyens à la lutte contre les réseaux de proxénétisme ?

Trouvez-vous normal, mes chers collègues, qu’une Chinoise travaillant dans un atelier clandestin afin de rembourser l’emprunt contracté pour payer son voyage en France soit tellement exploitée qu’elle finisse par se prostituer, au bénéfice d’un réseau de proxénétisme ? Non, ce n’est pas normal ! Il faut aussi lutter contre les réseaux de travail clandestin.

On le voit, le problème est immense, le chantier gigantesque. Commençons par regarder les choses en face si nous voulons faire du droit correctement. Le premier geste à faire est de tendre la main aux prostituées, en affirmant que la prostitution n’est pas interdite dans notre pays, que le racolage n’est pas un délit : là est l’urgence, même si ce n’est pas suffisant.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont mis en place des missions sur ce sujet, les ministères concernés y travaillent également. Nous sommes capables d’œuvrer ensemble, avec le même objectif, à l’élaboration d’un grand texte permettant de donner vraiment aux services de police et de gendarmerie les moyens de démanteler les réseaux de proxénétisme.

Dans l’immédiat, redonnons aux prostituées l’accès aux soins, aux associations, à des mécanismes d’insertion qu’il faut sans doute améliorer, consolider. Donnons-leur la possibilité de porter plainte contre leurs tortionnaires, si elles le souhaitent, sans devoir craindre pour leur sécurité.

Le Sénat attend avec une grande impatience de pouvoir travailler avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale à ce grand texte visant à lutter contre le proxénétisme et à aider les prostituées. Pour l’heure, la commission des lois émet un avis favorable sur la présente proposition de loi. Je tiens à préciser qu’il n’y a eu aucune voix contre, les quelques réticences qui se sont exprimées tenant au regret de ne pas pouvoir encore débattre d’un texte de plus grande ampleur. Quoi qu’il en soit, l’urgence nous commande aujourd'hui de rétablir les prostituées dans leur statut de victimes et de réaffirmer qu’elles ne sont pas des délinquantes. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comment ne pas souscrire aux plaidoyers sincères d’Esther Benbassa et de Virginie Klès ? Comment ne pas partager leurs propos sur l’exploitation, le désarroi et la souffrance des victimes que sont les personnes prostituées ? Comment ne pas dire, aussi, que nous devons prendre ce texte pour ce qu’il est : un premier pas ? Si nous décidons de faire ensemble ce premier pas, cela n’aura de sens que si les suivants interviennent dans un délai raisonnable.

Je me souviens des propos qui ont pu être tenus ici même, par un certain nombre d’entre nous, lorsque le délit de racolage public fut instauré par la loi du 18 mars 2003. Une fois encore, il s’agissait seulement de frapper l’opinion. De telles lois, combien y en a-t-il eu ? Qu’un drame, un fait divers ignoble survienne, et l’on annonçait, depuis le perron d’un lieu sacré de la République, l’élaboration d’une loi… Comme si la loi avait le pouvoir magique de régler tous les problèmes !

Une loi sans moyens ne sert à rien. Nous avions dit, à l’époque du vote de la loi du 18 mars 2003, que non seulement celle-ci ne règlerait pas le problème, mais qu’elle aurait pour conséquence, comme cela a été si bien dit par Virginie Klès et Esther Benbassa, de transformer les victimes en coupables. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Nous avions donc voté contre cette loi, que nous proposons aujourd’hui d’abroger.

Dans le même esprit, je vis très mal le fait que les lois de notre République prévoient toujours des peines planchers. Pour beaucoup d’entre nous ici, les peines planchers portent atteinte à l’indépendance des juges. On pourrait les abolir, madame la garde des sceaux, mais ce qui importe, c’est la nouvelle politique pénale que nous allons mettre en œuvre à la suite de la conférence de consensus, laquelle a représenté une innovation considérable dans nos pratiques, contrastant avec les annonces éclairs de textes éclairs destinés à donner l’illusion que l’on règle les problèmes.

J’en appelle à la modestie et à l’engagement. Si, comme j’en suis tout à fait partisan, nous votons la présente proposition de loi, il ne faudra pas donner à croire que cela permettra de faire davantage que réparer une erreur. Cela ne saurait nous dispenser de préparer un texte important sur la question de la prostitution.

Je veux saluer, madame Vallaud-Belkacem, votre souci d’écouter l’ensemble des personnes qui ont quelque chose à dire sur ce sujet, afin de préparer cette grande loi si attendue, sans précédent récent dans l’histoire de la République. Je sais le travail que vous accomplissez aussi au plan international, le problème considéré se posant à cette échelle. J’espère que nous aboutirons dans les mois qui viennent. Si tel ne devait pas être le cas, ce serait notre faute à tous : voter la présente proposition de loi ne suffit pas, je le dis clairement.

De la même manière, je veux dire à cette tribune que certaines mesures qui peuvent frapper les esprits n’ont, bien souvent, pas d’effet ou ne font que déplacer le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si l’on interdit par arrêté municipal la prostitution en tel ou tel lieu, on peut être sûr qu’elle va réapparaître ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le maire de la commune voisine verra ses concitoyens lui demander pourquoi il ne prend pas le même type d’arrêté et, de proche en proche, la prostitution se trouvera reléguée dans les forêts, les faubourgs, les zones commerciales, sans que rien ne soit réglé au fond. C’est une fausse solution, qui vise seulement à donner le change.

La création du délit de racolage public a-t-elle fait reculer la prostitution ? La réponse est non. A-t-elle permis aux personnes prostituées qui le souhaitent de se réinsérer ? La réponse est non. A-t-elle permis de lutter efficacement contre les réseaux de proxénétisme ? La réponse est non.

Il nous faut donc, dès aujourd’hui, commencer à travailler sur une loi plus globale, qui devra comprendre au moins deux volets.

Premièrement, il faut aider les personnes prostituées qui le veulent à se réinsérer. Nous connaissons l’action menée par les associations dans ce domaine. Leur travail est toujours plus difficile. Pour parvenir à proposer une insertion professionnelle et sociale aux personnes prostituées qui le souhaitent, nous devrons mettre en place des moyens : les belles paroles n’y suffiront pas.

Deuxièmement, il faut enfin prendre des mesures pour lutter contre les réseaux de proxénétisme. Concrètement, cela signifie qu’il faudra affecter à cette tâche des personnels de police spécialisés et des moyens, donc faire des choix. Sinon, nous en resterons aux paroles.

Mes chers collègues, le respect dû aux personnes prostituées, qui sont souvent des victimes, nous commande de voter la présente proposition de loi avec modestie, en prenant publiquement aujourd’hui l’engagement d’aller plus loin. §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Vous avez eu raison, monsieur le président de la commission des lois, de saluer les analyses extrêmement roboratives de l’auteur de la proposition de loi, Esther Benbassa, et de la rapporteur, Virginie Klès. Elles ont dépeint de manière éloquente la réalité de la situation douloureuse, difficile et complexe des personnes prostituées.

Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait pris l’engagement très clair d’abroger le délit de racolage public, qui recouvre en fait l’ancienne incrimination de racolage actif et l’ancienne contravention de troisième classe de racolage passif, abrogée en 1994.

Dix ans après la loi du 18 mars 2003, nous avons l’occasion de proclamer que les personnes prostituées sont, dans la très grande majorité des cas, des victimes, soumises aux violences, à la traite d’êtres humains, à l’exploitation. Telle est la réalité.

Pourquoi faut-il abroger l’incrimination dite de racolage public ? Tout d’abord, parce qu’elle frappe des personnes fragiles, vulnérables économiquement, socialement et juridiquement. Ensuite, parce que la création de ce délit a relégué les personnes prostituées dans des lieux isolés – forêts, parkings, terrains vagues –, où elles sont encore plus exposées à la violence, hors de portée des associations leur venant en aide et privées de tout accès à des soins, avec les conséquences que cela implique pour leur santé individuelle et pour la santé publique. Le rapport de l’IGAS, les analyses de Médecins du monde et les statistiques montrent comment les personnes prostituées échappent à l’intervention des associations et des structures médicales.

Il est nécessaire de rappeler que ces personnes sont, pour la plupart, des victimes, même si nous entendons bien que certaines d’entre elles affirment que la prostitution est un métier, qu’elles ont choisi librement. Notre responsabilité politique, cependant, est de nous donner les moyens de vérifier la liberté de ce choix.

En tout état de cause, la plupart des personnes prostituées sont bien des victimes, qui relèvent à ce titre de dispositifs d’accompagnement à caractère social, en matière par exemple de formation professionnelle, et non pas, bien entendu, de mesures de pénalisation.

Du point de vue du droit, il nous faut également nous pencher sur la manière dont s’applique la définition de ce délit. Pour qu’il y ait délit, il faut d’abord qu’il soit constitué, c’est-à-dire que les éléments permettant de caractériser une infraction soient réunis : en l’espèce, les enquêteurs doivent être en mesure de démontrer qu’il y a eu incitation à une relation sexuelle tarifée, par un comportement, une attitude, une tenue vestimentaire. Je ne connais pas d’éléments plus subjectifs pour constituer une incrimination !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous l’avez rappelé, madame Benbassa, la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur ce sujet, notamment en 2005, s’agissant d’une personne à la tenue vestimentaire considérée comme « légère », interpellée sur la voie publique dans un lieu réputé être une zone de prostitution : la Cour de cassation a alors estimé que c’était le client qui avait pris l’initiative et que le délit de racolage passif n’était donc pas constitué.

L’exposé des motifs de la loi de 2003 est éclairant sur l’esprit dans lequel ce texte a été soumis au législateur de l’époque : le placement en garde à vue des personnes prostituées devait permettre d’obtenir des éléments d'information susceptibles de déboucher sur l’ouverture d’enquêtes sur les proxénètes. L’objectif explicitement affiché de la création du délit de racolage public était donc la lutte contre le proxénétisme.

Si un tel objectif est louable, on peut avoir des doutes sur les moyens mis en œuvre, qui conduisent à faire de victimes – comme par hasard, il s'agit principalement de femmes – des auxiliaires de police, des indicatrices, des leurres, des appâts pour remonter jusqu’aux proxénètes.

Madame la rapporteur, vous avez rappelé à juste titre qu'il existe d'autres moyens que le placement en garde à vue de victimes pour obtenir de tels renseignements, qui sont en effet essentiels dans la lutte contre le proxénétisme. Par exemple, la loi permet de les entendre comme témoins sous contrainte pendant quatre heures. D'ailleurs, la circulaire du 3 juin 2003 de présentation des dispositions de droit pénal de la loi enjoignait aux procureurs de donner pour instruction aux enquêteurs d’interroger systématiquement les personnes prostituées sur leur proxénète. Mais les magistrats nous disent très clairement que les témoignages recueillis lors de ces interrogatoires sont stéréotypés et ne permettent pas d’identifier les réseaux de proxénétisme.

En matière de lutte contre le proxénétisme, quels ont été les résultats ? Le nombre des affaires de proxénétisme élucidées a certes augmenté, passant de 347 en 2000 à 565 en 2011. Cela signifie-t-il pour autant que les placements en garde à vue de personnes prostituées ont contribué de façon déterminante à l'amélioration du taux d'élucidation de ces affaires ? Cela n’est pas établi, et l’on peut même considérer qu’il existe une corrélation négative, dans la mesure où le nombre de placements en garde à vue de personnes prostituées a diminué ces dernières années, passant de près de 5 000 en 2004 à un peu plus de 2 000 en 2008, puis à 1 595 en 2011. Il est donc évident qu'il n’existe aucune relation directe entre l'amélioration du taux d’élucidation des affaires impliquant des proxénètes et le placement en garde à vue des victimes. Nous sommes là confrontés à un vrai problème de principe : la finalité de la loi de 2003 et la procédure ont été détournées, sans efficacité prouvée de surcroît.

La question est aujourd'hui de savoir quels objectifs et quelles exigences, du point de vue du droit et des devoirs de la puissance publique, nous nous assignons.

La loi de 2003 ayant transformé en délit, passible d’une peine d’emprisonnement, ce qui était auparavant une simple contravention, passible d’une amende, on est en droit de penser que l'intention du législateur était d'aggraver les sanctions, de renforcer la répression. Or, qu'en est-il en réalité ? Les sept plus importantes juridictions parisiennes ont recouru aux mesures alternatives aux poursuites dans 72 % des cas en 2006, et dans 93 % des affaires en 2011. Huit fois sur dix, ces mesures alternatives aux poursuites ont consisté en des rappels à la loi. Qu'est-ce que cela signifie ? Certains, empruntant leurs raccourcis habituels, prétendront que les juges sont laxistes. En réalité, le dispositif de la loi de 2003 ne permet pas aux enquêteurs d'apporter des preuves de nature à constituer le délit. Nous avons vu sur quels éléments reposait la caractérisation de l'incrimination de racolage public : le comportement, l'attitude, la tenue vestimentaire… Les plus âgés d’entre nous se souviennent des débats sur les minijupes §: la tenue vestimentaire est-elle un élément objectif permettant de caractériser l'infraction de racolage passif ?

Tout cela illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les enquêteurs pour apporter des preuves. En 2011, 194 condamnations ont été prononcées, dans la plupart des cas à des amendes d'un montant d’environ 300 euros. Six peines d'emprisonnement ont été prononcées, dont cinq à Béziers, allez savoir pourquoi !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous avons l'obligation morale d'aller au-delà pour lutter efficacement contre les réseaux de traite et contre le proxénétisme. Nous devons nous en donner les moyens. À cet égard, la législation en vigueur nous offre d’ores et déjà un certain nombre de possibilités. Le proxénétisme et la traite des êtres humains sont punis par des sanctions correctionnelles lourdes, et peuvent même être criminalisés en cas de circonstances aggravantes, lorsque les faits concernent des mineurs, sont commis en bande organisée ou s’accompagnent d’actes de torture : ils sont alors passibles de vingt ans d’emprisonnement, voire de la réclusion criminelle à perpétuité, et d’amendes allant de 3, 5 millions à 4 millions d'euros. Nous devons donc rendre effective l'application des dispositions juridiques déjà inscrites dans notre droit.

Pour lutter contre le proxénétisme et les réseaux de traite, nous avons renforcé, à l’échelon national, les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, qui luttent contre la criminalité en bande organisée. Nous avons sensibilisé les parquets à la nécessité de retenir les qualifications les plus élevées, notamment celle de traite des êtres humains. Puisqu’il s’agit d’une criminalité organisée et transnationale, nous travaillons au renforcement du cadre normatif de la coopération internationale et développons à cet effet les outils juridiques et judiciaires appropriés, à savoir l’entraide pénale internationale, le mandat d'arrêt européen, les équipes communes d'enquête. Nous orientons également les procédures selon les angles financier et patrimonial et procédons au repérage systématique des circuits de blanchiment d'argent.

En outre, nous entendons donner une dynamique nouvelle aux modes particuliers de traitement en considérant différemment les victimes, d’abord en leur reconnaissant le statut de victimes, ensuite en veillant à rendre effectives les dispositions qui sont déjà inscrites dans notre droit, en particulier celles qui permettent de les protéger. Demander aux victimes, lors de leur garde à vue, de donner le nom de leurs proxénètes, c’est les exposer, sans contrepartie, à des représailles, à des actes de violence. Il importe donc de les protéger, et la loi contient déjà des dispositions à cette fin. Ainsi, l'article 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permet de protéger les victimes des réseaux de traite de nationalité étrangère : il faut le mettre en œuvre. Des dispositions équivalentes à celles qui sont en vigueur en Italie figurent déjà dans notre droit, madame Benbassa, mais je dois reconnaître que, pour l’heure, elles ne sont guère appliquées.

Nous entendons également travailler sur le statut du repenti, créé par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. À ce jour, ce dispositif n’est pas opérationnel, le décret d’application nécessaire n’ayant pas été pris.

Qu’est-ce que le statut du repenti ? Cette notion suscite en chacun d'entre nous un haut-le-cœur. En réalité, c'est un outil d'investigation et de procédure qui permet « d’inciter les individus ayant participé à la préparation d’une infraction, ou en ayant été les auteurs, ou ayant eu connaissance d’éléments permettant d’empêcher la commission d’une autre infraction, ou d’identifier ses coauteurs ou complices, à communiquer ces informations aux autorités administratives ou judiciaires ».

Ce statut, extrêmement compliqué à élaborer et coûteux, est à l’étude. Nous y travaillons depuis plusieurs mois avec le ministère de l'intérieur. Il devrait normalement être finalisé au mois d'avril. Dès lors, nous pourrons mobiliser deux outils pour lutter contre la traite des êtres humains et le proxénétisme : les réductions et exemptions de peines au profit des repentis, d’une part, déjà expressément prévues par la loi dans le cadre de la lutte contre criminalité organisée ; les mesures de protection et de réinsertion, d’autre part. Il est nécessaire, pour cela, de prendre un décret en Conseil d’État, qui manque depuis 2004 : l’achèvement des travaux que nous conduisons avec le ministère de l’intérieur nous permettra de soumettre prochainement un projet de décret.

Voilà sur quelles bases nous allons renforcer la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, qui doit être sans merci.

Par ailleurs, d’autres chantiers ont été ouverts.

En avril sera présenté devant le Parlement un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, visant notamment à transposer une directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.

De même, nous entendons mettre en œuvre l’article 29 de la convention du Conseil de l’Europe du 16 mai 2005, tendant notamment à la désignation d’un « rapporteur national » en matière de traite des êtres humains et repris par l’article 19 de la directive du 5 avril 2011. Je désignerai prochainement le rapporteur français.

Enfin, nous travaillons à un projet de décret portant création d’une mission interministérielle de coordination pour la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes.

En conclusion, il est nécessaire d’abroger le délit de racolage public, mais en considérant que, pour une plus grande efficacité, cette abrogation s’inscrira dans le dispositif d’un texte plus global qui sera soumis au Parlement dans les prochains mois par la ministre des droits des femmes. J’ai comme vous la conviction que nous ne pouvons pas nous satisfaire que des personnes qui sont objectivement des victimes puissent être traitées comme des délinquantes. Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement émet un avis de sagesse favorable sur cette proposition de loi, en mettant l’accent sur la nécessité de mettre en place une action plus globale ; Mme Vallaud-Belkacem y travaille d'arrache-pied.

Nous disposons déjà d’un arsenal judiciaire. Nous devons nous donner les moyens, par la mise en place d’une politique publique adéquate, de le rendre applicable de façon à bien faire savoir à ceux qui pratiquent la traite des êtres humains, le proxénétisme, qui s’enrichissent par le travail, l’exploitation et la domination de personnes vulnérables que la puissance publique sera à leur égard sans pitié. §

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem

Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun des chantiers ouverts par le ministère des droits des femmes, qu’il concerne l’école, le monde du travail ou la lutte contre les violences, qu’il touche à l’espace public ou à l’intimité familiale, nous impose de regarder en face une réalité désagréable, encore trop présente dans notre société : les inégalités entre les sexes, et les violences qu’elles peuvent engendrer dans les cas extrêmes, sont partout.

Mesdames, messieurs les sénateurs, souvenons-nous des échanges que nous avons eus ici même, voilà dix mois, lors de la discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel, ce drame social trop négligé. Notre parole collective a finalement rétabli la triste réalité, celle d’un délit destructeur pour les victimes.

Au commencement des violences faites aux femmes, il y a souvent l’insulte, avec sa charge haineuse : « pute ». Excusez-moi de prononcer ce mot dans cette enceinte. Il est choquant, certes, mais il l’est moins, au fond, que les réalités qu’il recouvre. Il est choquant parce qu’il est devenu le mot qui concentre l’oppression ordinaire subie par les femmes. C’est une insulte que les enfants s’envoient à la figure dans les cours d’école, sans même en connaître le sens ; une simple insulte qui peut être lancée, comme par « réflexe », au détour d’une phrase, au coin d’une rue, de la fenêtre d’une voiture ; une insulte que les hommes violents utilisent toujours comme une arme pour mieux humilier leur victime.

Traiter une femme de « pute » – excusez-moi encore une fois d’employer ce terme, mais il est des circonstances où il convient de dire et de nommer les dérives que l’on veut combattre –, c’est nier son identité, c’est la réduire à un objet destiné à la satisfaction d’autrui, c’est projeter à sa figure des millénaires d’oppression et d’asservissement.

Partout, on prononce ce mot ouvertement, mais l’on tait la réalité qu’il désigne. Ce paradoxe nous renvoie à une constante de la condition féminine : on tait les violences que les femmes subissent et, ce faisant, on se prive des moyens de les en protéger. La prostitution n’est rien d’autre que l’exacerbation au quotidien de ces violences.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans tous les combats pour les droits des femmes, nous devons lutter inlassablement contre cette prétendue fatalité qui imprime les comportements de nos concitoyens : aucune loi de la nature ne les impose ; l’antériorité et la longévité des inégalités entre les femmes et les hommes n’en font pas une fatalité.

Le meilleur allié de ces inégalités, c’est la manière dont on les minimise, dont on les enjolive. Autrefois, on parlait de « filles de noce », de « filles de joie », de « filles publiques », ou encore « d’enjôleuses », pour mieux cacher une réalité qui avait envahi tout le corps social, autrement plus violente que cette forme de gaieté pudique.

Comme vous l’avez rappelé dans votre propos, madame Benbassa, après avoir été poursuivies et exécutées pendant la Terreur, les prostituées furent de nouveau tolérées au xixe siècle, époque où les maisons closes étaient surveillées par la police et contrôlées par les dispensaires dans des conditions sanitaires déplorables.

La Première Guerre mondiale a engendré son lot de bordels militaires de campagne, qui « fournissaient », en quelque sorte, des femmes, des corps, pour satisfaire les besoins d’hommes détruits par les combats et les horreurs quotidiennes.

Cet argument du besoin irrépressible des hommes n’a d’ailleurs pas tout à fait disparu. Il m’arrive encore souvent de l’entendre pour justifier une réalité qu’il faudrait tolérer au nom d’une histoire que l’on croit écrite d’avance ; je ne crois pas aux histoires écrites d’avance.

Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, nous avons su tourner la page de cette prostitution de masse. La France a fait valoir sa position abolitionniste, dans le prolongement de la loi Marthe Richard. Nous avons mis fin au fatalisme, non parce que la prostitution nuisait aux bonnes mœurs, comme on le dit parfois, mais parce qu’elle portait atteinte aux droits des prostituées.

Par la suite, notre droit n’est pas resté figé. La sanction des clients des prostitués mineurs est désormais prononcée, quel que soit le pays dans lequel l’acte a été commis. Notre droit s’est lentement construit, et l’édifice n’est pas achevé.

Aujourd’hui, au-delà de toutes les incertitudes en matière de chiffres, on constate que la prostitution a reculé et a profondément changé de visage. Si l’on confronte nos statistiques à celles du ministère de la famille allemand, on observe qu’il y a entre dix et vingt fois moins de prostituées en France qu’en Allemagne : on en compte entre 20 000 et 40 000 en France, contre 400 000 outre-Rhin.

Cette comparaison nous invite à penser que les choix différents que font les législateurs se traduisent sur le terrain par des réalités différentes. Comprenez-moi bien, la question n’est pas de savoir quelle est la doctrine gagnante, mais quelle est la réponse la plus efficace que l’on puisse apporter aux réalités d’aujourd’hui.

Nous le savons, il y a non pas « une » prostitution, mais de multiples phénomènes, qu’il faut prendre en compte dans leur diversité. Il serait illusoire d’apporter une réponse unique à des réalités sociales, cliniques, juridiques si différentes.

Il y a la prostitution visible, celle qui s’exerce dans la rue. Il y a la prostitution sur internet, qui se développe très rapidement et teste nos capacités d’investigation. Il y a la prostitution étudiante occasionnelle, dont l’ampleur est aujourd’hui très mal connue. Une étude sur ce sujet est menée par mes services en Languedoc-Roussillon : je vous en communiquerai les conclusions dès qu’elle sera achevée.

Nous devrons aussi nous interroger sur les réalités particulièrement dures, spectaculaires d’une prostitution qui commence au collège. Lorsque des jeunes, à l’âge où l’on découvre la sexualité, participent à la négociation d’une relation sexuelle tarifée, c’est qu’un échec est survenu dans l’apprentissage du respect d’autrui à l’école, d’où le travail que nous menons, avec le ministre de l’éducation nationale, pour le respect entre les filles et les garçons à l’école.

Mais ce qui fait masse, plus que toutes les formes de prostitution que je viens d’évoquer, c’est la prostitution systématisée, le trafic d’êtres humains, dont des organisations criminelles transnationales « fournissent » et « refournissent » nos trottoirs, occupant la place laissée vacante par les « milieux » traditionnels.

Très structurées, ces mafias recrutent leurs victimes dans leur pays d’origine, les conduisent en France, où elles n’ont pour la plupart aucune attache familiale. Elles ne parlent pas français. Elles vivent dans la peur, le plus souvent sans aucun titre de séjour. Elles doivent rembourser au réseau criminel le coût très élevé de leur immigration, qui peut atteindre 50 000 euros. Elles sont contraintes de se prostituer, à des tarifs extrêmement faibles et dans des conditions sanitaires déplorables. Je pense bien sûr aux jeunes Nigérianes, aux jeunes femmes issues de la communauté tzigane, aux jeunes Chinoises qui rapatrient l’ensemble des profits tirés de leur activité dans leurs pays respectifs, par mandats, par porteurs ou via un système de banquiers officieux œuvrant au sein de leur communauté.

Permettez-moi d’avoir une pensée, aujourd’hui, pour ces victimes qui souffrent et se trouvent ainsi emprisonnées dans des vies de misère et de violences. Les réseaux nous regardent. Ils suivent nos travaux. Ils guettent les failles de notre législation. Ils ne comprennent qu’un message, celui de la fermeté. C’est pourquoi nous devons tenir aujourd’hui un discours clair et veiller à mettre nos actes en cohérence avec nos paroles.

Du haut de cette tribune, je tiens à l’affirmer avec toute la clarté possible : la France n’est pas un pays d’accueil de la prostitution.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nos portes doivent rester fermées au vent mauvais de la traite et des trafics.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Je suis extrêmement sensible, à cet égard, aux arguments qui ont été présentés par Virginie Klès, dont je tiens à saluer le travail et le rapport, particulièrement bien informé.

Les pouvoirs publics ont longtemps été piégés dans leurs hésitations et leurs contradictions. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’hésitation : nous sommes portés par la conviction que la prostitution est une violence. Cela doit nous encourager à lutter contre l’entrée en prostitution, à protéger les personnes prostituées, à développer leur accompagnement sanitaire et social. Cela doit nous encourager à faciliter la sortie de la prostitution, par un travail d’insertion difficile, long, mais indispensable.

La France est abolitionniste, mais cette position ne nous rend ni aveugles ni angéliques : la prostitution existe encore dans notre pays. Nombre d’entre vous, en tant que maires, doivent, au quotidien, composer avec la sécurité des personnes prostituées et les attentes légitimes des riverains, qui sont aussi à prendre en considération.

Une politique abolitionniste repose sur deux piliers : la fermeté pénale et l’insertion sociale. Cela a des conséquences très concrètes, que nous devons aborder sans posture moralisante et avec pragmatisme.

La création en 2003 du délit de racolage passif a conduit, là où celui-ci a donné lieu à des poursuites, à des situations inacceptables. Avec ce délit, on marche sur la tête en punissant les victimes. Car ce sont bien les victimes qui ont subi les effets de son instauration, les violences se multipliant lorsque, pour échapper à la sanction, les personnes prostituées disparaissent dans les zones les plus reculées.

On ne règlera aucun problème en passant les menottes aux personnes prostituées. On provoque au contraire de nombreux drames en les éloignant des structures d’accompagnement.

Je sais les stratégies d’évitement, si préjudiciables à la santé publique, que le délit de racolage passif a créées. Toutes les associations de terrain les soulignent. J’ai pu constater leur réalité, voilà quelques jours, avec Médecins du monde. Le rapport que l’Inspection générale des affaires sociales m’a remis en décembre n’a fait que confirmer nos craintes. Nous devons cesser de faire payer aux plus vulnérables le prix de leurs souffrances.

Nous nous sommes engagés à abroger le délit de racolage passif : cet engagement sera bien sûr tenu. Cependant, cela ne signifie en aucun cas laisser le champ libre aux réseaux. Cela ne signifie en aucun cas admettre une quelconque forme d’impunité pour les proxénètes. C’est tout le contraire.

Cela nous a conduits à vouloir resituer ce débat dans un cadre plus large. Un travail est engagé à l’Assemblée nationale, autour de Catherine Coutelle, de Maud Olivier et de Guy Geoffroy, ainsi qu’au Sénat, autour de Jean-Pierre Godefroy et de Chantal Jouanno.

Je sais que les sénatrices et les sénateurs de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sont également très impliqués dans la réflexion sur ce sujet : je salue en particulier l’engagement de Brigitte Gonthier-Maurin ou de Christiane Demontès.

Ce travail, riche de ces diverses initiatives, permettra d’approfondir les questions et d’avoir le débat serein qui a cruellement fait défaut ces dernières années. Il conduira sans doute, monsieur Sueur, à l’élaboration de propositions de loi. C’est dans ce cadre que le Gouvernement déterminera définitivement ses positions. La présente proposition de loi ne peut être que le prélude de ce travail plus général.

Comme l’a souligné Mme la garde des sceaux, le cœur de notre politique pénale en matière de prostitution doit reposer sur la sanction du proxénétisme. Avec le ministre de l’intérieur, nous donnons les consignes les plus claires aux forces de l’ordre à cet effet. Je voudrais rendre ici hommage au travail de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’OCRETH, qui a intensifié son action contre les réseaux et a mobilisé davantage de groupes d’intervention régionaux sur ce sujet. C’est ainsi que, en 2012, 51 réseaux ont pu être démantelés – soit 30% de plus qu’il y a deux ans – et 572 proxénètes arrêtés. Ce sont de bons résultats, que nous voulons encore amplifier en renforçant la coopération internationale – sujet essentiel s’il en est –, notamment dans les zones transfrontalières.

Je pense par exemple à cette zone de tension particulière à proximité de La Jonquera, haut lieu du proxénétisme et de la traite aux fins d’exploitation sexuelle. Les différences entre les législations et la faiblesse des réponses de l’Union européenne en la matière font toujours des victimes.

Je pense, plus généralement, au-delà du cas des zones transfrontalières, aux réalités internationales. On parle un peu benoîtement de « tourisme sexuel » lorsqu’un client français se rend dans un pays pour y rencontrer des personnes prostituées. On parlera plus clairement de réseaux de traite des êtres humains lorsque, réciproquement, au rythme d’épisodes géopolitiques plus ou moins tragiques, des centaines ou des milliers de victimes étrangères, chinoises, nigérianes, rejoignent la France dans des conditions inhumaines, pour y être exploitées.

Dans toutes ces situations, nos marges de progrès restent considérables. J’ai rencontré ce matin la nouvelle présidente d’Interpol, avec qui nous allons travailler sur le sujet.

Ma collègue Christiane Taubira vous l’a dit, nous menons une action résolue contre la traite. Nous avons ouvert ce chantier dès notre arrivée en fonctions. Dans la circulaire du ministre de l’intérieur sur la naturalisation, nous avons rappelé les droits au séjour dont disposent les victimes de la traite, sujet sur lequel porte l’un de vos amendements.

Avec le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice au droit de l’Union européenne et aux engagements internationaux de la France, Mme la garde des sceaux vous proposera très prochainement d’élargir les conditions de qualification de l’infraction de traite des êtres humains.

Nous avons créé en janvier dernier, avec la contribution de mes collègues les ministres de la justice, de l’intérieur et des affaires sociales, la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains : il s’agit en fait de l’observatoire national des violences faites aux femmes dont nous avions évoqué la création lors de l’examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. Désormais, cette instance existe ; elle est chargée d’animer le travail du Gouvernement en la matière. Ainsi, nous présenterons à l’automne prochain un plan global contre la traite des êtres humains. Ce plan est conçu pour renforcer l’action répressive, la coopération internationale, mais aussi la formation des professionnels de police à cette infraction qui apporte des droits aux victimes et pourrait être beaucoup plus fréquemment utilisée qu’elle ne l’est aujourd’hui.

La fermeté est essentielle, mais le message pénal n’a de sens que s’il est accompagné d’une pédagogie. À ce propos, il faut s’interroger sur la pédagogie à l’égard du client, notamment celui de la traite des êtres humains.

Vous le savez, nous sommes attentifs à toutes les expériences internationales, celle de la Suède bien sûr, mais aussi celles du Royaume-Uni ou du Danemark. Gardons à l’esprit que, en France, les clients de prostituées mineures ou de femmes vulnérables sont d’ores et déjà sous le coup de la loi pénale. Ayons également conscience que, comme cela a été rappelé, certaines municipalités livrées à elles-mêmes agissent, en prenant des arrêtés municipaux, en dehors de tout cadre juridique. Certains amendements qui seront présentés aujourd’hui portent sur ce sujet : je les trouve tout à fait intéressants, mais ils sont sans doute prématurés. Nous devons mener une réflexion apaisée et mûrie avant de nous prononcer.

Enfin, la politique pénale ne couvre qu’une partie de notre sujet. Nous devons aussi aborder les questions d’éducation, de santé, d’insertion sociale et professionnelle. Nous devons élaborer un large plan pour l’inclusion sociale et professionnelle des personnes prostituées, qui puisse leur donner accès à des mesures de prévention efficaces et à des programmes d’insertion professionnelle adaptés.

L’IGAS a mis en évidence un accroissement très rapide des risques sanitaires, qui appelle de notre part des réponses tout aussi rapides. Elle rappelle que le taux de mortalité est deux fois plus élevé chez les femmes se prostituant dans la rue que chez les autres femmes du même âge. Comment ne pas être ébranlé par cette réalité insoutenable ?

Rien ne remplace, à cet égard, le travail des acteurs de terrain, notamment des associations qui vont à la rencontre des personnes prostituées et mettent en œuvre des actions de prévention s’intégrant à leur environnement. Opposer abolition et protection est un mauvais procès, dont je ne veux plus. D’ores et déjà, mon ministère a renforcé les moyens dévolus à l’accompagnement des personnes prostituées. En ces temps budgétaires contraints, j’ai voulu faire en sorte que les associations, quels que soient leurs positions ou leurs projets de société, puissent être soutenues, dès lors qu’elles viennent en aide aux personnes prostituées.

Je fais miennes les recommandations de l’IGAS sur la nécessité de consolider le rôle de ces associations et de simplifier leur financement. J’ai demandé à mes services de me soumettre rapidement des propositions sur la manière d’assurer une meilleure cohérence des financements, entre le niveau national et les collectivités locales en particulier.

Un travail spécifique est en cours avec les conseils généraux afin que les dispositifs de protection existant dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance soient également pleinement mobilisés pour protéger les prostituées mineures.

Enfin, accroître l’effort de prévention, notamment en le rendant plus effectif sur internet, est une priorité. Là aussi, la réflexion est engagée et je souhaite vous y associer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sur tous ces sujets, le pire danger qui guette les prostituées, c’est la division partisane, qui enferme les enjeux auxquels elles sont confrontées dans de vaines polémiques et enferme les victimes dans le silence.

En prenant parfois des postures moralisantes, nous avons trop longtemps esquivé, repoussé, abandonné le travail de fond indispensable sur la politique que nous voulons mettre en place. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, grâce à la somme de travail parlementaire qui a été accomplie à l’Assemblée nationale, à la fin de l’année 2011, autour de Guy Geoffroy et de Danielle Bousquet, auxquels je tiens à rendre hommage.

Parmi les phrases les plus définitives et les plus inutiles qui sont prononcées trop souvent dans les débats sur la prostitution, il en est une qui conduit à une profonde erreur d’analyse : « La prostitution est le plus vieux métier du monde. » En vérité, il n’y a rien d’ancien dans les formes de la prostitution que nous connaissons aujourd’hui ; elles n’ont rien en commun avec celles d’hier, elles se renouvellent et font sans cesse de nouvelles victimes.

La plus vieille histoire du monde, ce n’est pas celle d’un métier ; c’est celle que décrivait déjà Victor Hugo dans Les Misérables, en 1862, et qu’hélas je ne peux que rappeler aujourd’hui encore : « On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une erreur. Il existe toujours. Mais il ne pèse plus que sur la femme et il s’appelle prostitution. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons réussi à construire un consensus transpartisan extrêmement précieux autour de quelques valeurs et principes d’action simples. Sachez que je mesure toute la force de ce consensus ; vous pouvez compter sur ce gouvernement pour le faire fructifier. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, cela a été souligné par les orateurs qui m’ont précédée, notamment par Esther Benbassa, auteur de cette proposition de loi, et Virginie Klès, rapporteur : dix ans après son adoption, force est de constater l’échec de la loi pour la sécurité intérieure.

Lors de nos débats sur ce texte, en 2002, le groupe CRC avait dénoncé et rejeté la stigmatisation des prostituées par l’instauration du délit de racolage. Ainsi, ce sont les victimes qui sont criminalisées, et non les réseaux de prostitution.

Si l’objectif affiché était d’atteindre indirectement les proxénètes, l’objectif réel, dévoilé par M. Sarkozy, à l’époque ministre de l’intérieur, était de « faire cesser la prostitution qui envahit nos villes et nos boulevards », dans un souci d’assurer la tranquillité publique pour les riverains et de reconduire à la frontière les prostituées étrangères : peu importe le devenir de ces personnes dès lors qu’elles n’apparaissent plus sur les trottoirs. Quelle hypocrisie ! Je reprendrai la célèbre phrase du Tartuffe de Molière : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. »

Cette nouvelle mesure purement sécuritaire allait à l’encontre de l’engagement de la France, pays abolitionniste qui s’est déclaré comme tel, notamment grâce à l’action de nombreuses associations, tels le Mouvement du Nid et la fondation Scelles. Nous redisons donc avec force que, en pénalisant et en stigmatisant les personnes prostituées, le gouvernement de l’époque se trompait de cible.

Dix ans après l’adoption de cette loi, que constatons-nous ?

Menacées, les personnes prostituées sont contraintes de quitter les principaux boulevards, les centres-villes, mais elles sont toujours aussi nombreuses. Elles se trouvent reléguées dans des endroits isolés, à la périphérie des grandes agglomérations. Cet isolement, cette clandestinité leur font courir de très graves dangers, pouvant aller jusqu’à des violences mortelles, et les privent notamment de l’accès aux moyens de prévention des maladies sexuellement transmissibles et de tout accompagnement ou soutien.

Pour illustrer mon propos, je citerai quelques chiffres, issus du rapport qui vient d’être rendu public à la suite des travaux de la commission d’enquête conduite par la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, sur la situation des prostituées chinoises à Paris : 63 % des femmes ont été confrontées à des retraits de préservatif non consentis, 55 % ont été victimes de violences physiques, 38 % de viol, 23 % de séquestration, 17 % ont fait l’objet de menaces de mort. L’idée du libre choix de la prostitution vole en éclats !

Avec cette loi votée il y a dix ans, les personnes prostituées se trouvent toujours au cœur de multiples violences et privées, de fait, de leur statut de victimes.

Pourtant, il faut le dire et le redire avec force, on estime que de 85 % à 90 % – voire 95 % – d’entre elles sont sous le joug de proxénètes ou de réseaux de proxénétisme. C’est donc sur ces derniers, et non sur les prostituées, qu’il faut concentrer les efforts de répression. J’ai particulièrement apprécié les propos tenus par Mme la garde des sceaux sur ce point.

La culture du chiffre, que des syndicats des personnels de la police nationale dénoncent eux-mêmes en parlant de « course aux quotas de PV et de gardes à vue », empêche les forces de l’ordre de faire autre chose que de la répression.

Il est donc temps de sortir de cette approche répressive, dirigée seulement contre les victimes que sont les prostituées, pour rechercher et sanctionner en priorité les responsables de réseaux qui organisent la traite des êtres humains.

La suppression du délit de racolage, attendue par l’immense majorité des associations, a aussi fait l’objet d’une recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, selon laquelle « la convention de 2005 comme le droit pénal français prévoient que les victimes de traite ou d’exploitation doivent être exonérées de responsabilité pénale dès lors qu’elles ont adopté un comportement illicite sous la contrainte ». La CNCDH rappelle avec raison que « les victimes de traite ou d’exploitation contraintes à commettre des crimes ou des délits doivent être considérées avant tout comme des victimes de délinquance forcée et doivent être exonérées de responsabilité pénale pour avoir commis de tels faits », comme y invite d’ailleurs l’article 6 du protocole de Palerme.

La prostitution, parce qu’elle s’inscrit toujours dans un rapport de domination, le plus souvent masculine, de violences et d’humiliation, ne doit plus être considérée comme une question marginale.

Cette proposition de loi a le mérite de poser le problème, mais elle ne répond pas à l’urgence et à l’ampleur de la situation, comme l’a d’ailleurs rappelé Mme la rapporteur.

Les réponses à la prostitution doivent porter sur le fond, s’inscrire dans le cadre d’une loi globale comportant au moins trois volets, relatifs à la société, au client et à la personne prostituée.

Pour le groupe CRC, la prostitution est non pas un métier, mais une violence, et nous saluons le travail du Mouvement du Nid, qui non seulement agit sur le terrain, mais est aussi force de proposition.

Nous avions d’ailleurs déposé en 2010 une proposition de loi qui, outre la suppression du délit de racolage, prévoyait différentes mesures relatives à la sensibilisation et à la responsabilisation des clients, à l’éducation, à la prévention, ainsi que des mesures sociales en direction des personnes prostituées afin de les accompagner et de leur permettre de sortir de la prostitution.

On le voit, la prostitution mérite un grand débat, car la réponse que l’on y apporte, mes chers collègues, dit beaucoup sur le projet de société que l’on porte : un projet aliénant ou un projet émancipateur.

Tout cela plaide en faveur de l’élaboration d’une loi globale, appelée de leurs vœux par cinquante-trois associations regroupées au sein du collectif Abolition 2012. Pour elles, l’abrogation du délit de racolage ne suffit pas et n’effacera pas les logiques contradictoires, voire les approches divergentes, qui peuvent exister, sur la question de la prostitution, entre abolitionnistes et réglementaristes.

Il est terrible de constater que, en 2013, on justifie toujours la prostitution en la présentant comme un « mal nécessaire », un « rempart contre le viol », un remède à la misère sexuelle d’une certaine catégorie d’hommes. Mais, en réalité, l’existence de la prostitution ne fait pas baisser le nombre de viols, au contraire. Ainsi, le Nevada, qui a légalisé la prostitution, affiche le taux de viols le plus élevé des États-Unis. Cela démontre que « sacrifier » des personnes protégerait les autres est une idée reçue, une hypocrisie masquant une violence institutionnelle qu’il faut éradiquer.

Nous considérons cette proposition de loi comme une première étape, qui doit être suivie rapidement par l’élaboration d’une loi globale, afin de conforter les associations et de trouver des réponses aux situations vécues par celles et ceux que l’on prostitue.

Pour notre part, nous considérons comme une véritable référence le rapport d’information de nos collègues députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, qui se sont appuyés sur le travail d’associations de terrain, sur l’action reconnue d’organisations et d’élus, notamment communistes. Avec trente recommandations pour une politique globale, cohérente et respectueuse de l’engagement abolitionniste de la France, il y a matière à légiférer et à apporter une réponse globale à la prostitution. Les interventions de Mmes les ministres me semblent aller pleinement dans ce sens ; c’est un point extrêmement positif. §

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis clairement abolitionniste, et je le revendique : je suis favorable à l’éradication de toutes les règles permettant le maintien du système prostitutionnel.

Que n’ai-je entendu sur ce sujet ! « C’est le plus vieux métier du monde. Aucun pays n’a réussi à éradiquer la prostitution ! » Certes, nul n’exprime publiquement de telles opinions ; il s’agit plutôt de chuchotements discrets, au détour d’un couloir…

Je répondrai qu’aucun pays n’est parvenu à éradiquer les violences faites aux femmes ou la pédophilie : de tels agissements en deviennent-ils pour autant tolérables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

On entend aussi dire que la prostitution serait un « mal nécessaire ». Eh oui mesdames, il faut vous sacrifier pour assouvir l’irrépressible besoin sexuel de certains. Mais la violence sexuelle n’est pas un besoin, elle est une pathologie, et la prostitution est non pas un commerce, mais une exploitation sexuelle.

Selon un autre discours, nous devrions être libérales, laisser à celles qui le souhaitent la liberté d’être des travailleuses du sexe, et nous garder de la moralisation. Ce sont là des considérations théoriques, mais quelle est la réalité ? Tout au plus 10 % des prostituées choisissent librement cette vie ; pour 90 % d’entre elles, il s’agit d’une exploitation, s’accompagnant de violences et de viols.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Les rapports de l’IGAS et de Médecins du monde déjà cités par les précédents orateurs montrent très clairement qu’il s’agit d’un business mafieux, sans doute le plus rentable qui soit après le trafic d’armes.

Toutes ces réalités nous sont connues. Qu’en est-il des clients ? Ils sont nombreux : un Français sur cinq déclare avoir déjà eu au moins une relation sexuelle tarifée. Ces clients se bouchent le nez, ferment les yeux, peut-être parce que, dans 80 % à 90 % des cas, les prostitués sont des femmes immigrées en situation illégale, des homosexuels ou des transsexuels, bref des personnes qui, aux yeux de certains, n’ont pas le même droit que les autres à la dignité. Voilà ce qui me choque profondément !

Aujourd’hui, prenons bien garde à ne pas envoyer un mauvais signal. Je souscris au principe central du présent texte : abolir le délit de racolage passif institué en 2003. J’avais pourtant soutenu ce dispositif à l’époque, avec une entière sincérité, parce qu’il me paraissait théoriquement équilibré, des mesures de protection des prostituées qui dénonceraient leur proxénète étant prévues. Hélas, dans les faits, ces mesures sont le plus souvent restées lettre morte, pour des raisons diverses ne tenant nullement à une quelconque mauvaise volonté des services de police.

La création du délit de racolage public n’a pas permis d’accroître le nombre des procédures contre les proxénètes. En revanche, la situation des personnes prostituées s’est aggravée : elles ont dû s’éloigner des lieux fréquentés, tandis que les clients ont pu continuer à « faire leur marché » en toute bonne conscience.

Toutefois, comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, nous ne pouvons pas traiter isolément l’abolition de ce délit.

Mesdames les ministres, sur ce sujet, j’éprouve une immense crainte : une fois cette proposition de loi adoptée, que se passera-t-il ? Va-t-on en rester là ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Aura-t-on le courage d’aller jusqu’au bout ? Notre vote ne sera-t-il pas interprété par certains comme un allégement du dispositif de lutte contre le proxénétisme ? Dans ces conditions, pourquoi ne pas attendre le second semestre pour élaborer un texte global sur la base du rapport que M. Godefroy et moi-même préparons, des conclusions de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et de l’immense travail accompli, à l’Assemblée nationale, par M. Geoffroy et Mme Bousquet ?

Par ailleurs, il ne me semble absolument pas opportun de remplacer ce délit par une contravention, car cela reviendrait à continuer à traiter les victimes comme des coupables. §

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Sur ce point, la CNCDH est très claire : il ne faut pas de droit d’exception dans ce domaine, parce que la prostitution est une exploitation sexuelle. Finissons-en avec le mythe d’Adam et Ève ! Ce n’est pas parce qu’il y a des prostituées dans la rue que des clients se manifestent ; c’est plutôt l’inverse.

Surtout, ne relayons pas l’éternel message selon lequel le client de la prostitution serait un homme respectable, tandis que la victime, elle, serait en fait coupable. Si l’on veut réellement éradiquer les réseaux de prostitution, il faut s’appuyer sur la résolution qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en décembre 2011, appelant à la responsabilisation des clients et à la protection des prostituées. À cet égard, notre législation n’est pas aussi avancée que celle de l’Italie. J’ai déposé un certain nombre d’amendements portant sur ce sujet.

En vérité, il n’y a pas de divergences de fond entre nous sur cette question. N’envoyons pas un mauvais message à la société : une chose est certaine, les réseaux de proxénétisme nous observent très attentivement.

Aujourd’hui, on assiste au développement de la prostitution étudiante, du fait de la situation de précarité vécue par de nombreux jeunes. Il est aussi lié au fait que, pour certains, les rapports sexuels tarifés ne sont plus un problème. Cette évolution est extrêmement préoccupante, de même que l’essor de la prostitution sur internet.

Ne banalisons pas ce sujet : il s’agit non pas de moraliser la société, mais de lutter contre l’exploitation sexuelle, ni plus ni moins ! Quand une grande marque de luxe fait l’apologie de la prostitution pour vendre sa dernière collection, ce n’est pas anodin ! Il ne faut pas laisser passer un tel franchissement de la ligne rouge.

Si mes amendements ne sont pas adoptés, je m’abstiendrai sur le texte. En effet, à mon sens, se borner à abroger le délit de racolage public pourrait constituer un mauvais message. Je rappelle que, en décembre 2011, la proposition de résolution réaffirmant notre position abolitionniste et la responsabilité du client a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Nous avons les moyens d’agir, et nous devons être à la hauteur de notre conscience éthique. Mesdames les ministres, aurez-vous le courage d’aller jusqu’au bout, de renverser la charge de la preuve et de faire peser la culpabilité et la responsabilité non seulement sur les proxénètes, mais aussi sur les clients de la prostitution ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Mazars

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le 13 novembre 2002, le ministre de l’intérieur de l’époque, chargé de défendre le projet de loi pour la sécurité intérieure, déclarait dans cet hémicycle que la création du délit de racolage passif était destinée à protéger les personnes prostituées. « L’argument est lumineux dans sa simplicité », avait-il même ajouté.

Dix ans plus tard, nous ne pouvons que constater que les objectifs n’ont pas été atteints, bien au contraire.

Souvenons-nous que la loi du 18 mars 2003 avait été débattue dans un contexte particulier, où le sentiment d’insécurité – réelle ou ressentie – était invoqué pour justifier un durcissement de notre droit pénal, sans autre approche que la répression. Il s’agissait déjà d’appliquer une méthode qui, hélas ! a fait florès par la suite : répondre par une loi à un fait divers, ou encore légiférer sous l’influence non pas de la raison, mais de l’émotion.

Nous savons à quel point cette manière d’élaborer notre droit est inefficace, qu’il s’agisse de lutter contre les réseaux de prostitution ou contre tout autre type d’infractions.

La situation de la prostitution dans notre pays est complexe à appréhender, dans la mesure où les formes mêmes de la prostitution sont multiples, en particulier depuis l’explosion d’internet.

Le nombre de personnes prostituées est d’ailleurs sujet à débat : selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, notre pays compterait entre 18 000 et 20 000 personnes prostituées, cette estimation étant contestée par le Syndicat du travail sexuel, qui pour sa part avance le chiffre de 300 000 personnes concernées.

Quoi qu’il en soit, ces personnes, souvent d’origine étrangère, sont pour la plupart les victimes de réseaux criminels.

Le racolage passif a été incriminé par notre droit en 1939, avant d’être transformé en délit par la loi Marthe Richard de 1946. Ramené au rang de simple contravention en 1958, il fut supprimé en 1994, en raison de l’imprécision de ses éléments constitutifs, qui rendait, en pratique, sa poursuite impossible.

Le rétablissement de ce délit en 2003 n’a pas été assorti des outils juridiques permettant de lutter efficacement contre les réseaux mafieux de prostitution apparus au cours des années quatre-vingt-dix.

L’objectif était avant tout d’écarter de la voie publique les personnes prostituées affichant un comportement considéré alors comme outrancier ou dérangeant, afin de pouvoir faire comme si la prostitution, devenue invisible, avait été éradiquée.

Certes, la diminution de la visibilité de la prostitution sur la voie publique a été patente les deux premières années. Toutefois, la situation s’est rapidement inversée, dès lors que le nombre de personnes mises en causes et le taux de poursuites n’ont cessé de reculer.

Le nombre de condamnations pour racolage passif s’est effondré, passant de 1 000 en 2005 à 206 en 2009. La grande majorité des peines prononcées sont désormais des amendes. En 2009, une peine d’emprisonnement, dans la plupart des cas assortie de sursis, a été prononcée dans trente cas seulement.

Aujourd’hui, comme l’a relevé Mme la garde des sceaux, les parquets recourent presque systématiquement aux mesures alternatives aux poursuites pénales, comme le rappel à la loi.

Mes chers collègues, on ne résout pas un problème social comme celui du sort des personnes prostituées exploitées en se bornant à le placer hors de notre champ de vision !

Le rapport d’information sur la prostitution en France, remis en avril 2011 par notre collègue député Guy Geoffroy, pourtant membre de l’ancienne majorité, dresse un bilan accablant de la mise en œuvre du délit de racolage passif depuis sa création. À rebours de l’intention initiale du législateur, ce délit a engendré des effets pervers, qui globalement n’ont fait qu’aggraver la situation des personnes concernées.

Cela a déjà été dit, la répression du racolage passif n’a fait que déplacer les lieux de prostitution, sans avoir d’effet réel sur le niveau de l’activité prostitutionnelle, vers les zones périurbaines, où les personnes prostituées sont davantage exposées à des risques d’agression.

De surcroît, le statut de délinquants dont sont désormais affublées ces personnes les place en situation de fragilité et d’infériorité face aux clients ou aux proxénètes, qui exercent sur elles chantages et menaces.

En conséquence, l’effet le plus notable de l’application de cette mesure a été le renforcement de l’influence des réseaux de proxénétisme. En effet, la fragilisation des personnes prostituées, notamment de celles qui sont entrées clandestinement sur le territoire français, souvent en contractant une dette de passage, les oblige à se placer sous la dépendance de proxénètes.

Enfin, on ne peut naturellement passer sous silence les grandes difficultés en matière d’accès aux soins et les conditions d’hygiène dramatiques dont pâtissent ces personnes. À cet égard, je tiens à saluer le rôle des associations, qui œuvrent dans un contexte difficile pour diffuser des messages de prévention et assurer une indispensable prise en charge sanitaire et sociale.

Mesdames les ministres, vous avez annoncé la présentation prochaine d’un projet de loi relatif à la prostitution. Les membres de mon groupe s’en réjouissent, car c’est bien une politique publique globale qu’il convient de définir aujourd’hui, afin bien sûr de lutter contre les réseaux d’exploitation des personnes prostituées, mais aussi d’assurer une meilleure prise en charge sanitaire et sociale de ces dernières.

L’abrogation du délit de racolage passif, pour indispensable qu’elle soit, ne peut constituer une fin en soi. Nos débats l’ont montré.

Au reste, il est significatif que cinquante-trois associations de soutien aux personnes prostituées se soient prononcées contre le présent texte, estimant que la seule abrogation du délit de racolage ne suffira nullement à résoudre la question de la précarisation des personnes prostituées. Au contraire, selon ces associations, elle risquerait de fragiliser le travail visant à faire reconnaître la prostitution comme une violence.

La réflexion doit donc se poursuivre. Je songe en particulier à la délicate question de la pénalisation des clients, qu’il serait prématuré de trancher ici et maintenant.

Pour notre part, nous sommes conscients que l’immense majorité des personnes prostituées sont avant tout des victimes. Conformément aux positions que les radicaux de gauche avaient déjà exprimées en 2003 en s’opposant à l’instauration du délit de racolage passif, notre groupe votera ce texte, afin d’émettre dès maintenant un signal politique fort.

Cela étant, nous attendons surtout que le Gouvernement se mobilise sur cette question pour apporter une réponse globale, cohérente et plus protectrice de la dignité des personnes prostituées. Mesdames les ministres, vous pourrez compter sur la représentation nationale, comme nous savons pouvoir compter sur votre détermination. §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont Esther Benbassa est l’auteur n’a d’autre objectif que l’abrogation d’un délit inutile et inefficace, celui de racolage public.

Certains ont pu considérer que cette proposition de loi était examinée dans la précipitation, mais il nous semble au contraire que, dix années après sa création, il est possible de dresser le bilan du délit de racolage public. Les auditions menées par notre collègue Virginie Klès ont montré que, au-delà des considérations idéologiques ou politiques, un consensus existe sur la nécessité d’abroger ce délit. Je dirais même, mes chers collègues, qu’il y a urgence à le faire.

Le délit de racolage public a été instauré par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Sa création était sous-tendue par deux objectifs : répondre aux plaintes des riverains en matière de nuisances et lutter contre la traite et les réseaux de proxénétisme.

Il ne s’agit donc pas d’engager ici et maintenant le débat sur la prostitution en général ou de confronter les arguments des partisans de l’abolition à ceux des tenants de la réglementation.

On le sait, les écologistes, par nature, combattent la marchandisation du vivant, de l’humain et des corps. Notre position dans le débat de ce jour part d’un simple constat : loin d’atteindre les objectifs précités, la création du délit de racolage public a causé des ravages en termes de santé publique et de sécurité des personnes prostituées. Il s’agit d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

Les hommes et les femmes qui se prostituent dans notre pays sont en danger. Par peur de se voir arrêtées, placées en garde à vue et, pour nombre d’entre elles, reconduites à la frontière, les personnes prostituées se sont isolées et marginalisées de plus en plus. Chassées de leurs lieux habituels de prostitution, elles ont été contraintes d’exercer dans des conditions sanitaires et sécuritaires déplorables. L’effet réel de la loi de 2003 a été de rendre la prostitution invisible, en la déplaçant de l’espace public vers des lieux écartés, où elle est sur-précarisée et toujours plus associée à certaines pratiques criminelles : trafics en tout genre, violences physiques répétées, etc.

Je voudrais m’arrêter un instant sur cette question de l’invisibilité actuelle de la prostitution en France.

Les données quantitatives dont nous disposons sur ce sujet sont rares et peu fiables. Elles conduisent à sous-évaluer considérablement l’ampleur du phénomène de la prostitution dans notre pays. Le nombre des personnes prostituées y est ainsi estimé à environ 20 000, alors qu’il serait de 400 000 en Allemagne. Les clients de la prostitution seraient, selon les enquêtes réalisées par sondage sur base déclarative, environ 500 000 chaque année ! Notre pays serait donc particulièrement vertueux en la matière, à moins que nos concitoyens ne soient particulièrement honteux et peu sincères sur ce sujet… Je penche plutôt pour la seconde hypothèse !

Sur la base de ces chiffres, et en tablant sur une moyenne de trois actes sexuels tarifés par client et par an, les 20 000 personnes prostituées de notre pays n’effectueraient en moyenne guère plus de cinq actes sexuels tarifés par mois ! Le simple bon sens économique suffit à mettre en évidence le caractère absolument farfelu des données statistiques dont nous disposons…

Plus sérieusement, et surtout de manière plus dramatique, l’accroissement de l’isolement et de la marginalisation des personnes prostituées depuis 2003 a eu pour effet de les rendre plus vulnérables et moins à même de négocier le port du préservatif avec les clients. Il a également conduit nombre d’entre elles à exercer par le biais d’internet, dans un isolement souvent propice aux agressions.

Parallèlement, toutes les associations de terrain qui viennent en aide aux prostituées, et qui sont souvent le seul appui de celles et ceux qui veulent se réinsérer, ont constaté qu’elles avaient plus difficilement accès aux lieux de prostitution. Leur action s’en trouve largement entravée. Selon ces associations, le nombre de personnes infectées par le VIH ou atteintes par les autres infections sexuellement transmissibles aurait significativement augmenté depuis l’entrée en vigueur de la loi, qui a également eu un effet stigmatisant dévastateur. Alors que notre droit ne pénalise pas la prostitution, celles et ceux qui la pratiquent sont considérés comme des délinquants et peuvent être placés en garde à vue, dans des conditions souvent déplorables. Dès lors, on a peine à croire ceux qui soutiennent que cette disposition est un outil efficace de lutte contre la traite des êtres humains et les réseaux de proxénétisme. Selon le rapport de ma collègue Virginie Klès, les statistiques montrent l’absence de « lien entre la création du délit de racolage en 2003 et une augmentation du nombre de condamnations pour proxénétisme ».

Quant aux problèmes liés aux nuisances causées par la présence de nombreuses personnes prostituées dans certains quartiers, rappelons qu’il existe, dans notre droit, des contraventions pour exhibition sexuelle et trouble à l’ordre public. Cela devrait suffire.

Dix ans après l’adoption de la loi de 2003, le constat est donc sans appel : la création du délit de racolage public n’a aidé aucune personne prostituée, elle a échoué à protéger les victimes de la traite des êtres humains et elle n’a eu que très peu d’effet en matière de lutte contre les réseaux. Je veux le redire, avec cette proposition de loi, nous ne nous plaçons pas sur le terrain de l’idéologie, et nous nous réjouissons qu’un travail de réflexion plus large soit prochainement engagé sur la question. Tous les aspects devront être envisagés : la prévention, les soins, l’accès au droit, l’insertion… Ce travail permettra à tous de s’exprimer et d’être entendus. Chacun pourra faire valoir sa position et le débat promet d’être .passionnant.

Pour l’heure, devant l’urgence de la situation sanitaire et sociale, nous en sommes simplement, aujourd’hui, à chercher à « sauver les corps », pour paraphraser Albert Camus.

Madame la ministre des droits des femmes, je ne doute pas de votre engagement ; je sais que le travail a déjà commencé, mais la répression des personnes prostituées n’a que trop duré et il est nécessaire, aujourd’hui, d’y mettre un terme ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la prostitution a toujours pris des formes diverses. Elle est plus ou moins apparente, elle est plus ou moins consentie, mais elle tend toujours vers un même but : priver les individus de tout ce qui constitue leur humanité, pour faire de la victime un objet, et du client un consommateur.

Finalement, dans sa forme la plus structurée, la prostitution n’est rien d’autre que de l’esclavagisme, les prostitués hommes et femmes étant réduits à l’obéissance par des moyens divers : tromperie, corruption, violence, contrainte, menace, privation de liberté… Le seul objectif des proxénètes est de s’enrichir par l’exploitation mercantile des vices de notre société.

Par ailleurs, et comme ce fut le cas pour la traite des esclaves, nous faisons face à un réseau international tentaculaire, dont le « bétail » ― j’utilise ici à dessein le vocabulaire du « milieu », pour que l’on comprenne bien de quel marché crapuleux il s’agit ― provient d’Europe de l’Est, du Maghreb, d’Afrique noire.

Ainsi, nous avons tous conscience que la prostitution est une tragédie pour tous les défenseurs de la dignité humaine et que, par conséquent, chaque fois que les pouvoirs publics reculent dans ce domaine, c’est toute l’humanité qui régresse.

Le droit international fait d’ailleurs sien ce constat, puisque l’Organisation des Nations unies, par le biais de son assemblée générale, a adopté le 15 novembre 2000 une convention contre la criminalité transnationale qui condamne la traite des êtres humains et, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou autres formes d’exploitation sexuelle. Cette position est partagée par le Conseil de l’Europe, qui a adopté le 16 mai 2005 la convention sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Ainsi, madame Benbassa, je crois que nous portons le même diagnostic sur ce fléau. Malheureusement, nos réflexions empruntent deux chemins bien différents, au terme desquels nous aboutissons à des conclusions qui ne peuvent se rejoindre.

Sur le fond, voici ce qui nous oppose.

Vous souhaitez abroger le délit de racolage public parce que vous le jugez inefficace. En vous appuyant sur de « nombreux rapports », vous dites que « pour l’année 2009 […] 2 315 personnes ont été mises en cause pour racolage actif et passif. Seulement 465 personnes ont été mises en cause pour proxénétisme et proxénétisme aggravé et aucune d’entre elles n’a été condamnée. Quant au mécanisme prévoyant de régulariser des victimes du proxénétisme en échange de leur témoignage, ce sont seulement 79 personnes qui en ont bénéficié. » En conclusion, vous affirmez que « la législation actuelle a échoué, tant dans sa mission de protection des victimes du proxénétisme […] que dans la lutte menée contre les réseaux ».

Je ne reviens pas sur les conditions de garde à vue, que vous estimez problématiques. Depuis la loi du 14 avril 2011, de nombreuses réformes ont été adoptées afin d’améliorer et d’encadrer l’exécution de la procédure de garde à vue. Nous sommes, depuis lors, en parfait accord avec la Convention européenne des droits de l’homme sur ce point.

À partir des mêmes données que vous, je crois pouvoir établir d’autres conclusions, qui ne me semblent pas moins fondées que les vôtres.

La faiblesse du taux de mise en cause pour racolage passif ou actif signifie non pas que ce phénomène est marginal, mais qu’il est bien plus insidieux et difficile à identifier qu’on ne l’imagine.

Dans un dossier consacré à la prostitution du magazine L’Histoire de janvier 2013, nombre de prostitués hommes ou femmes expliquent ce qui les a conduits à s’adonner à cette pratique. Ainsi, un coursier de 17 ans déclarant gagner plus de 5 000 euros par semaine affirme que la prostitution représente pour lui, qui est fainéant, un moyen facile de gagner de l’argent.

Le Nouvel Observateur faisait d’ailleurs état de ce phénomène lorsqu’il évoquait, dans un article en date du 12 novembre 2012, les nouveaux visages de la prostitution des jeunes à Paris. Il constatait l’augmentation des phénomènes pré-prostitutionnels, qui poussent un nombre croissant de jeunes à échanger des faveurs sexuelles contre des moyens de subsistance – logement, alimentation, études ― ou de confort ― portables, vêtements, ordinateurs, etc.

En marge de la prostitution classique, on observe donc la généralisation de comportements qui donnent l’illusion que la prostitution est un processus classique de marchandisation. Or ce phénomène est d’autant plus grave qu’il est difficile à identifier et à réprimer, car les jeunes concernés ne pratiquent pas cette activité aux heures et dans les lieux habituels. De même, leur tenue vestimentaire, leur comportement n’évoquent pas le racolage tel qu’il est classiquement caractérisé, mais donnent l’illusion d’une relation viable et sentimentale.

C’était donc la force de notre dispositif que de s’appuyer sur ce qui était originellement vécu et visé comme « l’attitude indécente sur la voie publique » afin de marquer le refus, par les pouvoirs publics, de la marchandisation des corps.

Ainsi, l’objectif était justement de réprimer le phénomène prostitutionnel au-delà des apparences. Les arguments de ceux qui prétendent que l’application de l’article 225-10-1 du code pénal a conduit à des arrestations arbitraires par les forces de l’ordre sur des critères vestimentaires me font donc quelque peu sourire. Peut-être y a-t-il eu quelques cas…

Concernant l’inefficacité supposée de la loi en matière de lutte contre les réseaux de proxénétisme, vous affirmez, à propos du mécanisme prévoyant la régularisation des victimes du proxénétisme en échange de leur témoignage, que seules soixante-dix-neuf personnes en ont bénéficié. Certes, le chiffre est bas, mais l’on ne peut en conclure que la répression du racolage passif ne sert à rien : il faudrait peut-être plutôt la renforcer ou la modifier.

Ce qui est flagrant, c’est la complexité de l’emprise des proxénètes sur leurs victimes. Comment voulez-vous que les victimes témoignent alors que leurs « macs » les ont soumises à la dépendance en subtilisant leurs papiers d’identité, en menaçant leur famille, en les droguant ?

Certes, les craintes sont encore grandes, et il faut du temps et du courage pour que chacun réalise qu’en faisant tomber les proxénètes, certaines pourront retrouver leur liberté et subvenir à leur besoins par elle-même, pour elle-même et, il faut l’espérer, par d’autres moyens. Revenir sur ce dispositif, c’est faire le choix de l’abandon, alors qu’il faudrait miser, au contraire, sur l’espoir de trouver une issue à ce drame.

Venons-en maintenant à la stigmatisation et à la précarisation des personnes prostituées en matière d’accès aux soins, ainsi qu’à leur vulnérabilité face aux violences. Je ne vais pas nier cette précarisation, parce que je ne suis pas de ceux qui se dérobent devant leurs responsabilités. J’aimerais simplement aller au bout de l’analyse.

La loi de 2003, en ce qu’elle a étendu le racolage aux actes d’omission – le racolage passif –, n’est pas en elle-même responsable de ce phénomène de précarisation, car elle visait justement la prostitution dissimulée.

Au contraire, je crois que la précarisation, par l’isolement de la victime, résulte essentiellement de la volonté du proxénète d’accroître son emprise sur « sa marchandise », en contraignant ses déplacements et ses sorties, par l’enfermement dans des établissements spécifiques, mais permet également d’améliorer l’anonymat et le confort du client et de faire ainsi face à une concurrence croissante dans ce milieu.

Ainsi, si j’admets que les conditions de sécurité et d’hygiène des prostitués se sont fortement dégradées, je crois que rien ne nous permet d’affirmer que l’abrogation du racolage passif soit en quelconque rapport avec ce phénomène. Je considère donc qu’il serait plus pertinent, au contraire de ce que vous faites, de renforcer le dispositif, en prévoyant un volet social, notamment pour ce qui concerne la prévention en matière de santé publique, mais aussi en envisageant de renforcer les contrôles de certains établissements, afin d’organiser la disparition des maisons closes déguisées.

Enfin, je trouve très franchement lassant et méprisant la volonté de certains de rechercher systématiquement dans l’action du précédent gouvernement des positionnements racistes ou xénophobes.

Marques d’étonnement au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Quoi qu’il en soit, jamais le gouvernement de Nicolas Sarkozy n’avait caché sa volonté de prendre en compte le phénomène de fragilisation de notre système d’intégration, du fait notamment de flux migratoires, qui est en opposition complète avec l’économie de notre pays et en contradiction avec la situation de notre marché du travail.

Je me demande parfois si vous avez pris soin de lire tous les rapports sur le sujet. Vous auriez alors pris pleinement conscience de l’internationalisation des réseaux de proxénétisme, ce qui a inévitablement conduit à une augmentation du nombre de prostituées étrangères – 60 % à Paris, 63 % à Nice et 51 % à Strasbourg en 2000 – et donc, corrélativement, à une augmentation du nombre d’arrestations d’étrangers en situation irrégulière.

En conclusion, je veux dire que je suis extrêmement réservée quant à l’utilité de ce texte pour la société et pour la protection des prostituées elles-mêmes. Le dispositif sur le racolage passif est certainement insuffisant par rapport à l’ampleur et à la complexité du problème, mais il a au moins le mérite d’exister.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

À cet égard, je citerai les propos du commissaire de police, chargé de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a auditionné jeudi 14 mars : « Le texte sur le délit de racolage est un texte imparfait […]. Supprimons-le et dans trois ans nous serons revenus à la situation d’il y a dix ans. Et la population demandera aux élus que vous êtes de revenir sur cette suppression. » Il a ajouté : « Tout ce qui peut compliquer le travail des réseaux est donc le bienvenu, et le délit de racolage le complique énormément. »

Voilà pourquoi je ne voterai pas ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a profondément fait évoluer notre droit en matière de racolage.

Alors que seul le racolage le plus actif était passible en France d’une contravention de cinquième catégorie, M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, en a fait un délit passible d’une peine de prison et a introduit une définition particulièrement large en l’étendant aux attitudes « passives ». Ce nouveau concept étant particulièrement difficile à cerner, la Cour de cassation a elle-même reconnu avoir du mal à définir le côté passif du racolage.

Dix ans après cette loi, quel bilan peut-on dresser ? Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, cette loi n’a pas rempli son objectif, à savoir, officiellement, favoriser le démantèlement des réseaux par le biais de la garde à vue. Les chiffres sont éloquents : ils figurent dans le rapport de la commission, et Mme la garde des sceaux les a rappelés.

Dans le même temps, l’introduction de cette mesure aura eu pour principal effet d’aggraver la stigmatisation et la précarisation des personnes prostituées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Sarkozy avait choisi d’en faire des délinquantes. Elles sont pourtant avant tout des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Pour ma part, je demeure convaincu que la prostitution est subie par celles et ceux qui la pratiquent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Comme c’est souvent le cas dans le cadre de violences conjugales, la victime ne prend pas forcément tout de suite pleinement conscience de la violence qu’elle subit. Ce n’est qu’une fois qu’elle s’est dégagée de la situation dans laquelle elle se trouvait qu’elle prend toute la mesure de la souffrance qui a été la sienne, une souffrance dont il est ensuite très difficile de se détacher.

Pour ma part, je ne crois pas du tout à la fable de la prostitution par choix, libre et consenti, ni à la notion de travailleur du sexe. Au risque d’être qualifié de « moraliste » ou d’« idéologue », comme cela a pu être le cas ces derniers jours, je continuerai de considérer que la prostitution n’est pas, et ne sera jamais, une profession.

Comme l’a rappelé François Hollande, lors de la campagne électorale, dans un courrier adressé aux associations : « Si chacun est libre de disposer de son corps, les droits et la dignité humaine sont incompatibles avec le fait qu’une personne ait le droit de disposer librement du corps d’une autre personne au motif qu’elle a payé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

La position abolitionniste et le message de fermeté qui sont ceux de la France depuis l’après-guerre font que, comme l’a rappelé Mme la ministre des droits des femmes, il y a dix fois moins de personnes qui se prostituent dans notre pays qu’outre-Rhin. L’Allemagne est souvent citée en modèle, mais sûrement pas pour la prostitution. Peut-être faudrait-il plutôt considérer les cas de la Suède ou de la Grande-Bretagne.

Le 6 décembre 2011, l’Assemblée nationale a renouvelé ce message en adoptant à l’unanimité une proposition de résolution qualifiant « les violences inhérentes » à la prostitution et a fixé l’objectif d’atteindre « à terme, une société sans prostitution ». Mais revenons au texte qui nous intéresse aujourd'hui.

Il paraît indispensable au groupe socialiste d’abolir le dispositif introduit par M. Sarkozy, qui conduit à punir des victimes. Il repose sur une logique injuste de culpabilisation à outrance des victimes. Toutefois, il nous a fallu procéder à un arbitrage.

En effet, peut-on se contenter de supprimer simplement un dispositif sans être, dans le même temps, force de propositions ? La question pourrait d’ailleurs se poser pour d’autres mesures engagées par M. Sarkozy sur le plan pénal. Je pense non seulement aux peines plancher, auxquelles le président de la commission a fait référence, mais également à la rétention de sûreté ou encore aux tribunaux correctionnels pour mineurs. Le parti socialiste demande l’abrogation de ces dispositifs, et c’est ce que nous ferons, j’en suis convaincu, lors de l’examen du grand projet de loi pénale sur lequel travaille Mme la garde des sceaux.

Dans le cas présent, fallait-il inscrire cette abrogation dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’ensemble des politiques publiques à conduire en matière de prostitution ou fallait-il abolir cette disposition sans attendre ?

Le groupe écologiste a privilégié cette seconde option. Après discussion, les sénateurs socialistes ont choisi d’apporter leur soutien à cette démarche. Cependant, nous proposons d’amender cette proposition de loi ; notre collègue Jean-Pierre Godefroy défendra un amendement visant à réintroduire la contravention de cinquième classe afin de punir uniquement le racolage actif, dont le dispositif a été supprimé en 2003. En effet, l’adoption de la présente proposition de loi conduirait à un vide juridique, avec l’absence totale de condamnation du racolage, ce qui, dans un pays ouvertement abolitionniste, pourrait paraître pour le moins contradictoire.

Toutefois, nous ne voulons pas stigmatiser de nouveau les personnes prostituées qui sont et demeurent des victimes. Nous entendons avant tout envoyer un message à celles et à ceux qui se livrent au proxénétisme et qui pourraient interpréter cette absence de réglementation comme une forme d’incitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Il s’agit d’une nécessaire mesure d’ordre public dans l’attente d’une refonte globale des politiques que conduisent l’État, les collectivités et les associations en matière de prostitution. Il convient de mener cette refonte, que nous appelons de nos vœux, le plus rapidement possible.

Pour ce faire, il nous faut poursuivre une réflexion sereine, qui devra notamment s’appuyer sur les travaux qui sont actuellement en cours au sein des deux chambres du Parlement. Cette nouvelle loi devra prendre en compte l’inclusion sociale des prostitués, l’accès aux soins ou encore l’indispensable prévention des risques sanitaires.

La question de l’inversion de la charge pénale devra naturellement être également soulevée. Notre collègue Chantal Jouanno abordera ce sujet dans un amendement. Mais traiter de cette question aujourd'hui, c’est anticiper la discussion qui aura lieu lors de l’examen du texte de loi à venir.

Pour conclure, si vous me le permettez, je comparerai le texte que nous examinons aujourd'hui à un lièvre dans une course de fond : la grande loi sur la prostitution que nous souhaitons devra rattraper ce texte imparfait, car trop réducteur, l’avaler et le digérer dans le cadre d’un dispositif législatif plus large qui concernera autant l’accompagnement des personnes victimes de la prostitution que le renforcement de la lutte contre le proxénétisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Philippe Kaltenbach. Au-delà des clivages partisans, continuons, mes chers collègues, à travailler ensemble en vue d’abolir la prostitution dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le délai de quatre minutes qui m’a été imparti est très court.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est trop peu pour un homme de votre qualité !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il ne fait aucun doute pour moi que le délit de racolage passif instauré voilà maintenant dix ans doit être abrogé. Nous savons combien il a isolé les personnes prostituées, qui, contraintes de se retrancher dans des lieux cachés, sont moins accessibles aux associations leur venant en aide et plus exposées à tous types de violences et aux risques sanitaires, comme le montrent, notamment, les rapports de l’IGAS et de la Ligue des droits de l’homme. Cette disposition a-t-elle été opérante pour lutter contre les réseaux de proxénétisme ? Au vu des auditions auxquelles nous avons procédé, le bilan mérite, me semble-t-il, d’être nuancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

J’entends parfois des jugements hâtifs des deux côtés.

Pour ma part, je suis très réservé à l’idée d’une abrogation pure et simple, qui me semble aujourd’hui aussi insuffisante que périlleuse. En cela, je souscris pleinement à l’appel des cinquante-trois associations réunies au sein du collectif Abolition 2012.

Nous devons nous attacher à penser une véritable politique de lutte contre la prostitution imposée. En effet, il serait réducteur de se contenter de supprimer le délit de racolage, et cela ne répondrait pas au grave problème de société que nous vivons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’affranchit des différents travaux de fond en cours dans nos assemblées et dans vos ministères, mesdames les ministres. Aussi présente-t-elle, à mon sens, un caractère prématuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La question de la prostitution et la gravité du problème de la traite des êtres humains ne seront pas réglées par des mesures ponctuelles. Elles exigent beaucoup plus.

Oui, le délit de racolage passif doit être supprimé, car les personnes prostituées doivent être considérées par la loi non comme des délinquantes, mais bien, pour l’essentiel d’entre elles – là aussi, nuançons –, des victimes ! Mais cette abrogation doit se faire dans le cadre d’une politique publique transversale et cohérente, qui s’attachera à démanteler les réseaux, à poursuivre les auteurs de la traite d’êtres humains et à offrir à ces personnes un véritable accompagnement pour sortir de la prostitution : une protection effective, la sécurité non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi en termes de logement, de droit au séjour ou d’aide au retour au pays pour celles qui le souhaitent, 90 % d’entre elles étant étrangères.

Mes chers collègues, il y a non pas une prostitution, mais des prostitutions. La réponse que nous apporterons devra prendre en considération cet état de fait. Nous devrons formuler des réponses adaptées aux différentes formes prises par la prostitution : prostitution de rue, sur internet, escorting, prostitution dite traditionnelle, prostitution étudiante, celle des mineurs, et j’en oublie.

Aussi, la proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage public, si elle était adoptée en l’état, aurait pour effet de supprimer totalement de notre arsenal juridique toute notion de racolage public, qu’il soit « actif » ou « passif ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Dès lors, il n’existerait plus aucune disposition spécifique pour sanctionner le racolage et, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, les seules limites seraient à trouver dans les dispositions de droit commun. Or le délit d’exhibition sexuelle, tel qu’il est actuellement défini, est manifestement inadapté à la lutte contre le racolage, surtout contre certaines de ses formes.

La suppression de toute répression du racolage vaudrait bien sûr pour la prostitution de rue, mais également pour toutes les autres formes de racolage, notamment celles qui utilisent la presse, la publicité, le téléphone ou internet. Le racolage serait donc libre dans notre pays, où la prostitution n’est pas interdite. Je pense que cette situation serait en contradiction avec la position abolitionniste affirmée par la France depuis 1960.

Aussi est-ce avec la plus grande prudence que nous devons envisager l’abrogation seule de ce délit. En effet, nous ne reviendrons assurément pas à l’état antérieur des choses : dix ans ont passé depuis 2003, au cours desquels la prostitution et son organisation ont changé. Dans ces conditions, nous ne pouvons que redouter la façon dont les réseaux de prostitution pourraient exploiter la situation qui résulterait de cette abrogation décidée seule.

C’est pourquoi, mesdames les ministres, il me semble nécessaire, dans l’hypothèse où la proposition de loi serait adoptée, que des dispositions soient prises pour empêcher qu’un espace plus large soit ouvert aux réseaux de prostitution. Telle est la raison de l’amendement d’appel que j’ai déposé ; il a une petite histoire, que je vous raconterai dans quelques instants.

Mes chers collègues, vous aurez compris que l’abrogation prévue par la proposition de loi de Mme Benbassa m’inspire de l’inquiétude ; même si je l’approuve, il me semble que, présentée seule – j’insiste sur cette précision –, elle est incomplète, risquée et prématurée. Je souhaite vous convaincre que c’est par un profond sentiment d’humanisme que j’émets ces réserves et que je vous appelle à la plus grande vigilance : prenons garde que cette décision hâtive, si elle devait être adoptée par l’Assemblée nationale, ne déclenche un processus qui, au bout du compte, se retournerait une fois de plus contre les victimes que nous souhaitons protéger !

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la prostitution dite réglementée n’existe plus en France depuis que le Parlement a voté la loi du 13 avril 1946 tendant à la fermeture des maisons de tolérance et au renforcement de la lutte contre le proxénétisme, plus connue sous le nom de loi Marthe Richard.

Depuis lors, la prostitution a beaucoup évolué, dans ses effectifs comme dans son mode d’exercice ; son environnement juridique s’est également transformé, avec la pénalisation du racolage passif par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Dans notre pays, la situation légale de la prostitution est donc complexe : alors que la loi ne la sanctionne pas, la prostitution constitue la condition préalable du proxénétisme et du racolage, qui constituent jusqu’à ce jour des délits. Cette situation dans laquelle on cherche à réglementer sans punir tout en sanctionnant sans interdire est probablement à l’origine de l’évolution de la prostitution sur notre territoire. Aujourd’hui, ce phénomène pose de graves problèmes non seulement en termes de sécurité publique, mais également sur le plan sanitaire.

Nous ne devons pas non plus ignorer le respect de certaines valeurs morales auxquelles nombre de Français sont encore attachés, mais que notre société se charge de bousculer, voire de bafouer, sous le couvert d’un progrès social indispensable ou inhérent à l’évolution de notre société.

La prostitution d’aujourd’hui, qui n’est plus comparable à celle de l’après-guerre, concerne plus de 30 000 personnes – encore ce chiffre est-il probablement sous-estimé.

L’évolution concerne également son organisation. Nous savons que 90 % des professionnels du sexe sont recrutés par des réseaux mafieux, sans leur consentement et pour des raisons purement économiques : ces personnes cherchent à échapper à leur extrême pauvreté. Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer que l’immense majorité de ces travailleurs soient d’origine étrangère, venus essentiellement des pays de l’est et d’Afrique.

Très souvent aux mains de la criminalité organisée, nombre de prostituées sont victimes d’une forme d’esclavage et sont exposées aux maladies sexuellement transmissibles.

À côté de la prostitution de rue, qui est la plus répandue, la plus visible et donc la moins tolérable, il existe une prostitution fondée sur le recours à des professionnelles qui travaillent dans des milieux souvent plus aisés. Il y a également dans les grandes villes françaises certains salons de massage qui proposent implicitement des prestations s’apparentant à de la prostitution. N’oublions pas non plus la prostitution étudiante, qui conduit de jeunes femmes et, à une moindre échelle, de jeunes gens à financer leurs études en se prostituant par le biais de forums de rencontre.

Ainsi, la prostitution prend des formes variées, répondant aux besoins de consommateurs aux profils multiples ; elle s’exerce dans des lieux très différents et avec des modes opératoires modernes aussi bien que traditionnels.

Outre que les prostituées courent des dangers, qu’elles sont traitées avec une violence qui ne peut nous laisser indifférents et que des problèmes sanitaires se posent qui sont insuffisamment pris en compte, on ne peut pas faire abstraction de l’exaspération grandissante de nos concitoyens qui voient passer ou, pire encore, stationner sous leurs fenêtres des prostituées qui attendent leurs clients.

Dans ma ville, par exemple, des enfants sont témoins de relations sexuelles qui ont lieu dans des véhicules garés sur le parking du quartier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Ailleurs, des jeunes filles n’osent plus attendre le bus de crainte d’être importunées par des clients, car l’arrêt est investi par des prostituées. Ailleurs encore, le principal du collège se voit contraint d’annuler des activités sur une base de loisirs, car les professeurs d’EPS sont victimes de racolage.

Nous, élus, sommes régulièrement alertés par une population qui ne comprend pas l’absence de mobilisation des pouvoirs publics. Confronté à ce problème, j’ai alerté les services de l’État et le procureur de la République. Voici la réponse que j’ai reçue : « Pour ce qui concerne l’infraction de racolage, une action ciblée sur votre commune ne ferait que déplacer le problème sur la commune voisine ou d’autres et n’apporterait pas de solutions satisfaisantes ». Une réponse qui traduit finalement la volonté manifeste de ne pas lutter efficacement contre la prostitution.

En recevant cette réponse, il y a quelques mois, je n’imaginais pas que nous débattrions cet après-midi de la dépénalisation du racolage passif. Il est malheureusement fort à craindre que l’abrogation du racolage passif, à elle seule, ne suffise pas à apporter une réponse à ces problèmes. On ne peut que regretter le manque d’ambition du Gouvernement pour éradiquer la prostitution ; c’est pourtant, madame la ministre des droits des femmes, l’objectif que vous aviez annoncé en juin 2012, en vue de protéger l’immense majorité des prostituées qui sont d’abord des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

II est urgent de légiférer et, plus encore, d’agir. Toutefois, supprimer la pénalisation du racolage passif sans prévoir des mesures d’accompagnement, sans mettre à la disposition des prostituées d’autres moyens en matière de prévention et sans déployer des moyens supplémentaires pour lutter contre les réseaux mafieux et les démanteler ne permettra pas d’abolir la prostitution.

Je refuse de penser que cette abrogation répond uniquement aux revendications d’associations féministes ou qu’elle est seulement l’exécution d’une promesse de campagne du candidat François Hollande, aujourd’hui Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Néanmoins, devant l’absence de dispositions d’accompagnement, nous pouvons nous interroger sur les objectifs réellement poursuivis.

À considérer les politiques conduites par nos voisins européens pour lutter contre la prostitution, on s’aperçoit qu’elles sont souvent différentes d’un pays à l’autre, mais que toutes cherchent à lutter contre la prostitution subie, qui est la plus répandue et celle qui gangrène notre société.

Je vais probablement heurter certains esprits et certaines sensibilités, mais j’estime qu’il ne faut pas viser l’éradication de cette activité. En effet, une bonne partie des clients ont recours aux services d’une prostituée pour répondre à des besoins sexuels non satisfaits ou parce qu’ils sont en détresse sexuelle du fait d’une situation sociale ou physique qui les met en difficulté, voire dans l’incapacité de construire une relation amoureuse et sexuelle non tarifée

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

C’est la raison pour laquelle je fais partie de ceux qui privilégient l’institution de lieux de rencontre clairement identifiés, dans lesquels l’exercice de la prostitution serait autorisé, réglementé et sécurisé.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Parallèlement, il faut amplifier la lutte contre les réseaux mafieux de proxénétisme, qui, au mépris des droits fondamentaux de l’homme, font travailler des femmes et des hommes dans des conditions inacceptables et à la vue de tout le monde, tendant ainsi à banaliser une nouvelle forme d’esclavage, qui, pour être moderne, n’en est pas moins condamnable.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai pas cette proposition de loi, qui n’est pas autre chose que l’exécution d’une promesse de campagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

M. Michel Savin. Mesdames les ministres, je forme le vœu qu’un débat puisse rapidement avoir lieu qui conduise à l’adoption d’une loi réglementant l’exercice de la prostitution à défaut de l’abolir – objectif moins ambitieux peut-être, plus réaliste sûrement !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voterai la proposition de loi sans atermoiements.

La loi de 2003 est une mauvaise loi, fondée sur une mauvaise approche. Je ne me suis pas replongée dans le compte rendu des débats auxquels elle a donné lieu, mais je remercie notre collègue Savin de nous en avoir rappelé la substantifique moelle. Dans l’esprit des rédacteurs de cette loi, la prostitution et le racolage portent atteinte à l’ordre public ; il suffirait d’éloigner les filles de joie de la vue de « ces vaches de bourgeois », comme le chantait Georges Brassens, pour que la morale soit sauve.

Monsieur Savin, mon point de vue est diamétralement opposé au vôtre, qui sous-tend la loi de 2003. Je considère que les personnes prostituées sont des victimes. Victimes de la violence sociale, de la violence d’une sexualité sans désir et du mythe d’une sexualité masculine aux besoins irrépressibles ; elles sont victimes aussi de l’hypocrisie et de la complicité de nos sociétés, qui assignent à une fraction de l’humanité la tâche d’être l’exutoire de la sexualité d’une autre fraction de l’humanité. Comment admettre que des femmes seraient chargées, comme on l’a si souvent entendu, de réguler les déviants pour protéger la sécurité des autres femmes ?

Votre intervention concentre toute cette hypocrisie : éloignez la prostitution, je ne veux pas la voir ! Ces femmes dérangent. Les petits enfants verraient des choses qu’ils ne devraient pas voir ? Si vous saviez ce que les mêmes petits enfants voient sur internet !

Quand on a dit qu’il fallait les éloigner, vient l’argument du mal nécessaire : il faut bien des prostituées, mais, comme on ne veut pas les voir, il faut leur donner des lieux réglementés. Bref, rouvrons les maisons closes et la morale de « ces vaches de bourgeois » sera sauve !

Je ne crois pas non plus à la prostitution heureuse, libre et choisie ; c’est un mythe romanesque ou une extrapolation pervertie de la libération sexuelle. Je ne pense pas que la liberté de se prostituer, comme l’a dit Mme Badinter, s’inscrive dans les luttes des femmes pour le droit à disposer de leur corps. J’estime qu’elle relève à l’inverse du droit des hommes à disposer du corps des femmes ; un droit séculaire, appelé droit de cuissage, devoir conjugal ou repos du guerrier, dont les femmes n’ont toujours pas fini de s’émanciper.

Il faut se pencher sur les indicateurs sanitaires des personnes prostituées, comme l’ont fait de nombreux orateurs qui m’ont précédée : le recours aux substances psychotropes est quasi généralisé parmi elles et leur espérance de vie est proche de celle des SDF. Ces données témoignent de la violence que les personnes prostituées subissent au quotidien.

Cette violence n’est pas liée à la loi de 2003. Ce n’est pas simplement parce que les prostituées sont éloignées qu’elles connaissent la violence, mais parce que la prostitution est une activité violente.

Les victimes ne troublent pas l’ordre public ; en revanche, elles dérangent notre confort moral, notre paysage. La complaisance de notre société à l’égard de l’achat de services sexuels interroge, à mon sens, nos définitions de la dignité humaine et du respect de l’autre.

On me dira : c’est une position morale. Sans doute, mais je le revendique. Nous élevons nos enfants en leur expliquant qu’on ne vole pas à la boulangerie les bonbons qui sont à l’étalage et qu’on ne règle pas ses conflits à coups de poing dans la cour de récréation. Nous leur apprenons aussi le respect du corps de l’autre, du désir de l’autre, du consentement de l’autre. Nous leur apprenons que la sexualité, c’est l’intime, qu’il faut protéger son corps des effractions et ne pas commettre d’effractions sur le corps des autres. Nous ne voulons pas la prostitution pour nos enfants et nous ne voulons pas non plus que nos fils en soient des clients.

La complaisance à l’égard des achats de services sexuels nourrit des représentations incompatibles avec l’égalité entre les femmes et les hommes. Car c’est bien une affaire de femmes et d’hommes ! En effet, 90 % des personnes prostituées sont des femmes et les clients sont à 99, 9 % des hommes.

La soumission de la sexualité des femmes par la prostitution est inscrite dans l’histoire de la domination masculine. Permettez-moi de vous en donner une version littéraire, celle de Théophile Gautier, selon lequel « la prostitution est l’état ordinaire de la femme », et une version moins littéraire, qui tient en trois mots : « toutes des putes ». Une telle conception nourrit le harcèlement de rue, la déstabilisation quotidienne des femmes, le droit, pour tous les hommes, de voir en chacune de nous, y compris celles qui se sentent particulièrement protégées, potentiellement des putes.

Mes chers collègues, nous votons cette proposition de loi ensemble, mais le débat ne fait que commencer. Car nous avons besoin d’une loi globale ! La France devra choisir à l’avenir : soit la banalisation du commerce du sexe et l’accroissement de l’offre par la mise en place d’un statut de travailleur sexuel – que ce soit dans les rues ou les maisons closes que vous revendiquez, mon cher collègue, c’est, d’un certain point de vue, la même chose –, soit sa réduction.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je ne veux pas éradiquer la prostitution, les prostituées ne troublent pas « mon » ordre public ; je veux éradiquer le commerce du sexe, en agissant pour tarir la demande. Or ce n’est pas en ouvrant des maisons closes que nous progresserons en ce sens. Nos voisins allemands ont choisi cette voie : il y a aujourd’hui 400 000 personnes prostituées en Allemagne. L’institutionnalisation de la prostitution a engendré une inflation du business du sexe. Et derrière ce business, il y a toujours des proxénètes !

J’ai noté, au cours de la discussion générale, l’excellente intervention, comme toujours très érudite, de Mme Benbassa, mais aussi celles de Mme la rapporteur, de M. le président de la commission des lois, de Mmes les ministres, de ma collègue et complice sur ce sujet Chantal Jouanno et de Laurence Cohen, avec laquelle nous travaillons également. J’ai relevé des convergences importantes et nous allons œuvrer pour recueillir le consensus le plus large. Je souhaite que nous y parvenions, mais si tel n’est pas le cas, chacun, chacune, devra assumer ses convictions et ses responsabilités devant l’opinion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

L’article 225-10-1 du code pénal est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites au cours de la discussion générale, mais j’aimerais revenir sur certains points.

Bien sûr, l’abrogation du délit de racolage est une nécessité. L’objectif avoué de l’introduction de ce délit dans la loi de mars 2003 était double : outre le fait d’apporter une réponse aux préoccupations des riverains, notamment quant aux nuisances engendrées, il s’agissait de lutter plus efficacement contre les réseaux de proxénétisme. Il va sans dire, compte tenu de la situation actuelle, que la mise en œuvre de cette disposition est un échec, tous les intervenants, ou presque, l’ont mentionné.

En tout état de cause, comment peut-on considérer les personnes prostituées comme des délinquantes ? Ce sont avant tout des hommes et, la plupart du temps, des femmes que la société doit protéger, car elles sont souvent soumises à de puissants réseaux de proxénètes. À cet égard, lors du vote de la loi de 2003, le Conseil constitutionnel avait déjà émis une réserve d’interprétation, en invitant les juridictions à « prendre en compte, dans le prononcé de la peine, la circonstance que l’auteur a agi sous la menace ou par la contrainte ». Autrement dit, les prostituées sont un peu délinquantes et un peu victimes ! Dans ces conditions, je le répète, le délit de racolage doit être abrogé.

Mais – ce « mais » est essentiel – cette abrogation, seule disposition de la proposition de loi initiale, se suffit-elle à elle-même? Non ! Elle ne permettra pas d’éviter la précarisation des personnes prostituées.

Bien plus, sans les mesures d’accompagnement, préconisées non seulement dans le rapport transpartisan d’avril 2011 des députés Bousquet et Geoffroy, mais aussi dans celui de I’IGAS, remis en décembre, sur les enjeux sanitaires liés à la prostitution, il faut craindre un « appel d’air », favorable aux réseaux internationaux de proxénétisme. Ce n’est pas acceptable !

De surcroît, je ne peux m’empêcher d’envisager le message subliminal que l’adoption de cette disposition isolée pourrait envoyer : la France reviendrait-elle sur sa position abolitionniste, réitérée pourtant par l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution en décembre 2011 ?

La prostitution est une violence, dès lors qu’elle oblige à des rapports sexuels sans désir, contraints par un proxénète ou la précarité.

La prostitution est un obstacle fondamental à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle s’inscrit dans la tradition patriarcale de mise à disposition du corps des femmes – 90 % des prostitués sont des femmes –, au service de besoins supposés irrépressibles des hommes, qui constituent la grande majorité des clients.

La prostitution est aussi une atteinte à la dignité humaine, car elle place le corps humain dans le champ du marché et renforce la réification, déjà extrême, du corps de la femme.

La prostitution constitue donc une exploitation de toutes les inégalités que, en tant que parlementaire et citoyenne, je ne puis cautionner.

Or, pour satisfaire l’ambition abolitionniste de la France, il convient d’envisager un système global permettant de lutter contre l’achat de services sexuels, qui ne peut s’envisager, me semble-t-il, que par une responsabilisation du client et un accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Je souhaite que ce texte ne soit pas un pis-aller ou, pire, que son adoption ne signe pas la clôture des débats et travaux engagés depuis de longs mois, tant par les associations que par le Gouvernement et le Parlement. Je pense notamment aux deux rapports du Sénat et de l’Assemblée nationale, qui doivent être remis dans les prochains mois.

Cette proposition de loi doit donc s’inscrire dans une réflexion générale, afin que notre civilisation n’admette plus cette forme d’esclavage pesant essentiellement sur les femmes qu’est la prostitution, comme l’a écrit notre illustre prédécesseur Victor Hugo. Mais vous l’avez déjà dit, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je suis heureux que le Sénat examine la proposition de loi présentée par Mme Esther Benbassa. Je le suis d’autant plus que, au moins à trois reprises au cours de ces dernières années, j’ai défendu, lors de l’examen des différentes lois sécuritaires, un amendement visant à supprimer l’article 225-10-1 du code pénal, sans succès. Aujourd’hui, je vois enfin poindre un espoir à l’horizon.

Après avoir entendu le très beau et très émouvant plaidoyer de notre rapporteur, Virginie Klès, et les arguments développés par Mmes les ministres et M. le président de la commission des lois, je pense que tout a été dit. Reste que j’ai conscience que ce texte n’est pas suffisant. Il convient maintenant d’élaborer une loi sur la prostitution, pour mettre en œuvre une politique pragmatique, réaliste, débarrassée de toute idéologie moralisante, qui n’escamote pas les enjeux sociaux et sanitaires et qui permette d’avancer dans ce difficile débat sur la pénalisation du client et l’abolition.

En attendant, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constitue à mes yeux un progrès immédiat. Son adoption apportera un soulagement important aux personnes prostituées. C’est avec plaisir que je la voterai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, on ne peut passer sous silence le contexte sécuritaire dans lequel l’article 225-10-1 du code pénal a été modifié en 2003, faisant brusquement passer l’infraction de racolage public de la contravention au délit, en y incluant le racolage passif.

Cette modification est en contradiction avec la position abolitionniste de la France depuis 1946 et la loi Marthe Richard, en vertu de laquelle les personnes prostituées sont considérées comme les victimes d’un système.

La création de ce délit, c’est, en fait, dix ans de perdus dans la lutte contre le proxénétisme et les réseaux mafieux. Comme le pointe justement notre rapporteur, cela n’a pas vraiment permis à la police, au final, d’accroître le démantèlement des réseaux mafieux. En revanche, la situation des personnes prostituées sur la voie publique, qui étaient déjà en grande fragilité, s’est aggravée.

Je rappelle que cela s’est traduit pas des gardes à vue et, dans certains cas, des condamnations ou des expulsions de femmes étrangères. De fait, s’est mise en place une sorte d’engrenage qui a éloigné les personnes prostituées des lieux d’accueil et de santé portés par les associations, lesquelles, dans le même temps, voyaient diminuer leurs moyens et, donc, leurs capacités d’intervention et de prise en charge. Parallèlement, les réseaux mafieux démontraient leur grande capacité de réactivité et d’adaptation. Médecins du monde juge ainsi que la création de ce délit a ajouté de la violence à la violence.

Mais le racolage passif, c’est aussi dix ans de perdus pour la réflexion, l’action et la mobilisation de moyens réels, afin de mener une véritable politique de lutte contre le proxénétisme et les réseaux mafieux et mettre en place un dispositif, nécessairement plus global pour être efficace, permettant de faire refluer la prostitution et de réinsérer ces personnes.

Car que nous disent les associations qui accueillent et aident les personnes prostituées, en travaillant à leur réinsertion ? Elles mettent en avant la nécessité d’un traitement global, transversal, mobilisant dans un même effort institutions, associations de proximité, coopération et amélioration de la législation nationale et internationale.

Ces exigences sont des urgences. La réflexion doit se poursuivre, car bien des idées d’acceptation de la prostitution – on vient d’en avoir, hélas, une triste illustration – sont encore à déconstruire.

Par ailleurs, l’ensemble des mesures que pourrait comporter un véritable dispositif de lutte contre la prostitution et les réseaux mafieux, comme la pénalisation du client, ne font pas consensus.

Je crois que nous partageons ici un même constat : aucune mesure ne pourra être efficace si elle demeure isolée. On ne peut donc s’arrêter à l’étape que nous propose aujourd’hui Esther Benbassa. Elle est nécessaire, mais ne peut rester sans lendemain. Mesdames les ministres, n’attendons pas !

La délégation au droit des femmes du Sénat, en lien avec celle de l’Assemblée nationale, a engagé un travail visant à actualiser le rapport très informé réalisé par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, en vue de la discussion d’un projet ou d’une proposition de loi de portée plus large. Car nous ne pouvons apporter une réponse unique !

Mes chers collègues, l’abolitionnisme ne peut pas se concevoir comme un basculement. C’est un processus, un engagement, une mobilisation de toutes et tous, à chaque instant. Cela nécessite de donner des moyens non seulement aux associations et aux personnels de police, de justice et de santé, mais aussi à ceux qui interviennent en matière de formation, d’éducation et de réinsertion. Il faudra également agir pour déconstruire, dans la société, la tolérance à la prostitution.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Godefroy et Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement a une petite histoire que je vais vous conter rapidement.

Vous l’aurez compris en écoutant mon intervention au cours de la discussion générale, je m’inquiétais de la disparition totale de la notion de racolage en cas d’adoption de l’article 1er, ce que nous venons de faire. J’avais donc rédigé un amendement visant à demander au Gouvernement les mesures qu’il envisageait de prendre dans cette hypothèse.

À midi moins dix, soit dix minutes avant le délai limite pour le dépôt des amendements, on m’a indiqué qu’il n’était pas possible de faire une injonction au Gouvernement. Garde à vous ! Rien à dire !

Il m’a donc fallu trouver une solution pour ouvrir le débat. C’est pourquoi j’ai repris les dispositions en vigueur avant l’adoption de la loi de 2003. Apparemment, mon initiative a été très mal interprétée par certains ; je le regrette.

Quoi qu’il en soit, mes motifs d’inquiétude demeurent. Qu’arrivera-t-il si la proposition de loi est adoptée avant le vote de la grande loi sur la prostitution que Mmes les ministres nous ont annoncée ? Je serais évidemment rassuré s’il n’en allait pas ainsi. En revanche, dans le cas contraire, la suppression totale du délit de racolage me poserait un problème.

Tous les pays européens ont adopté des mesures contre le racolage, soit au plan national, soit en s’en remettant aux règlements communaux. Seule la Suède fait exception, en tout cas à l’échelon national ; j’ignore s’il existe des dispositions localement. Plus généralement, tous les pays, qu’ils soient abolitionnistes ou réglementaristes, ont pris de telles mesures.

On me dit qu’il est possible de s’en remettre aux arrêtés municipaux. Mais ce sera très difficile pour les maires ; ils ne pourront pas forcément faire ce qu’ils voudront. D’ailleurs, selon la jurisprudence du Conseil d'État et celle de la Cour de cassation, qui, je crois, sont toujours en vigueur, la prostitution sur la voie publique ne peut, sauf en cas de racolage actif, constituer en elle-même un trouble à l’ordre public pouvant justifier une mesure de police administrative. Autrement dit, en l’absence de racolage actif, la prostitution ne relève pas du trouble à l’ordre public, et les maires sont totalement désarmés.

Très honnêtement, nous prendrions un gros risque en adoptant cette proposition de loi dans une rédaction inchangée. Je souhaite donc m’adresser directement à Mmes les ministres : quelles solutions envisagez-vous en la matière ? Si la loi en préparation contient une disposition permettant de répondre au problème que je viens de soulever, je serais rassuré. Dans le cas contraire, je serais dans l’embarras…

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Après avoir longuement débattu – de nombreux exemples ont été évoqués à cette occasion –, la commission a considéré que le dispositif proposé serait inefficace dans la lutte contre le racolage, tant sur internet que sur la voie publique.

Prenons le cas de prostituées faisant du racolage à proximité d’un internat pour jeunes adolescents. Si ces jeunes sont tentés d’aller voir les prostituées, il y a effectivement un souci, mais qui renvoie avant tout – plusieurs intervenants l’ont souligné – à un problème d’éducation. Le respect entre les hommes et les femmes, le respect entre les sexes, cela doit s’apprendre très tôt. Ce n’est tout de même pas la faute des prostituées s’il y a eu des carences dans l’éducation des adolescents !

D’autres ont également évoqué le cas des jeunes filles qui se font aborder dans la rue sur le thème : « C’est combien ? ». Mais ce ne sont pas les prostituées qui les abordent, ce sont des « clients » potentiels. Faut-il contraventionnaliser les prostituées parce que des hommes se croient autorisés à aborder et à mettre mal à l’aise n’importe quelle jeune fille dans la rue ?

L’adoption d’un tel amendement rétablirait, me semble-t-il, la confusion que nous cherchons à combattre. Alors que la prostituée est une victime, nous créerions un dispositif tendant à en faire l’auteur d’une infraction et à la « punir ». Je rappelle que l’exercice de la prostitution n’est pas illégal aujourd'hui.

En revanche, je persiste et signe : l’acte sexuel sur la voie publique n’est pas autorisé ; c’est donc sur cette base que peuvent intervenir les forces de sécurité et la justice.

Toutefois, l’instauration d’une contravention relevant du pouvoir réglementaire, la commission n’a pas souhaité se prononcer sur cet amendement, même si j’y suis défavorable à titre personnel. Elle souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement. Dans notre esprit, cela signifie en l’occurrence lui demander solennellement de prendre un engagement pour aller plus loin et avancer réellement sur le texte que nous attendons tous contre le proxénétisme et la traite des êtres humains.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Monsieur le sénateur, l’amendement que vous avez déposé nous met tous un peu mal à l’aise. Je comprends votre inquiétude et, pour être franche, je la partage – c’est précisément pourquoi je prendrai tout à l’heure un engagement –, mais votre disposition n’est pas cohérente avec notre souci de considérer les prostituées non plus comme des coupables, mais comme des victimes.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Dans le cadre de cette conception philosophique, il n’est pas souhaitable d’instaurer une amende, à l’instar de ce qui prévalait jusqu’en 2003, pour remplacer la mesure qui vient d’être supprimée.

Même si le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur votre amendement, il soutient l’abrogation du délit de racolage passif, comme il s’y était engagé. Cette position nous oblige donc à présenter le plus rapidement possible un projet de loi global que tous les membres de la Haute Assemblée appellent de leurs vœux et auquel je suis extrêmement attachée.

Je sais que vous-même et Mme Jouanno êtes chargés de préparer un rapport sur la situation sociale des personnes prostituées dans le cadre d’une mission d’information sénatoriale. Aujourd'hui, vous comprendrez qu’il me semble prématuré d’avancer sur des sujets autres que l’abrogation du délit de racolage passif. En tout cas, sachez que nous serons extrêmement ouverts, attentifs, à l’écoute et que nous espérons aboutir à un texte global sur la lutte contre la prostitution d’ici à l’automne prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je constate que Mme la ministre partage mon inquiétude. Mon objectif n’était évidemment pas de faire des personnes prostituées des coupables. Simplement, la verbalisation du racolage n’ayant jamais été mise en cause depuis 1939, il risque d’y avoir un vide juridique.

Par ailleurs, je n’ai pas encore exprimé ma position sur la pénalisation ou la verbalisation du client, mais je considère que toutes ces mesures doivent former un tout.

Cela étant, compte tenu des assurances qui viennent de m’être données – je n’ai aucune raison de ne pas vous faire confiance, mesdames les ministres –, je retire mon amendement, tout en réitérant le souhait que la présente proposition de loi ne soit pas adoptée avant le vote de la grande loi en préparation.

I. – A l’article 225-25 du code pénal, les mots : «, à l’exception de celle prévue par l’article 225-10-1, » sont supprimés.

II. – Au 5° de l’article 398-1 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 10, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…– Au 2° du I de l’article 225-20 du code pénal, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d’un amendement n° 11, présenté par Mme Virginie Klès, au nom de la commission des lois, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 10.

Vous avez la parole pour le défendre, madame la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cet amendement, très technique, vise à réparer un oubli de la commission des lois.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je salue la réactivité de Mme la rapporteur. Il est effectivement souhaitable que cet amendement de coordination soit adopté.

Lorsque nous élaborons des textes législatifs, nous devons souvent tirer les conséquences des décisions que nous prenons sur d’autres dispositions de notre droit. En l’espèce, grâce à la vigilance de M. Courteau, la Haute Assemblée va pouvoir se prononcer sur un article relatif aux peines complémentaires dans lequel figure une référence au racolage passif, au moment où elle semble sur le point d’abroger une telle incrimination.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Du recours à la prostitution » ;

2° L’article 225-12-1 est ainsi rédigé :

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’un avantage ou d’une promesse de rémunération, de la part d’autrui des contacts physiques ou des relations de nature sexuelle, de quelque nature qu’ils soient, est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende lorsque les contacts physiques ou les relations sexuelles, de quelque nature qu’ils soient, sont sollicitées, acceptées ou obtenues de la part d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. » ;

3° À l’article 225-12-3, les mots : « par les articles 225-12-1 et » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et à l’article ».

II. – Au sixième alinéa de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les mots : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».

III. - Les dispositions du I et II entrent en vigueur six mois après promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je ne vais pas vous mentir, c’est un plagiat revendiqué de la proposition de loi Geoffroy-Bousquet, qui est elle-même la transcription fidèle des recommandations contenues dans le rapport de nos deux collègues députés sur l’abolition de la prostitution et la reprise de la proposition de résolution votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en ce sens.

Il s’agit de mettre en place un système de pénalisation du client, avec une peine pouvant aller jusqu’à deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Bien évidemment, il y a une disposition aggravante en cas de recours à la prostitution d’un mineur.

Nous proposons que ce dispositif n’entre en vigueur que six mois après la promulgation de la loi, afin de permettre une sensibilisation et une information des clients potentiels. L’objectif est bien de rappeler le principe de non-patrimonialité du corps.

Nous parlons d’une mesure de pénalisation avec peine d’emprisonnement. Nous pourrons discuter d’autres types de dispositions, comme celles qui ont été adoptées au Royaume-Uni ; nous avons le choix entre la Suède et le Royaume-Uni.

Je ne doute pas du grand succès de cet amendement au sein de cet hémicycle… Pourtant, la proposition de résolution avait été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, je reviens à la question que j’ai déjà posée : ira-t-on jusqu’au bout sur le sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

La commission a examiné cet amendement avec beaucoup d’attention et elle l’a trouvé extrêmement intéressant sur le fond. Néanmoins, la réflexion est toujours la même : de telles dispositions doivent-elles être insérées dans la présente proposition de loi ? Je rappelle que la commission n’a procédé à aucune audition sur le sujet.

Soyez assurée que nous partageons votre volonté d’aller jusqu’au bout. Reste que ces propositions seraient plus à leur place, me semble-t-il, dans le texte à venir, qui abordera l’ensemble des problématiques – la répression, la réinsertion, la prévention, etc. – en matière de proxénétisme et de prostitution.

Pour des raisons à la fois de calendrier et de nécessité d’appréhender le sujet dans sa globalité, la commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, un certain nombre de dispositions existent déjà, même si elles sont méconnues : le client tombe sous le coup de la loi pénale lorsqu’il a recours à une prostituée mineure ou à une prostituée vulnérable. Au demeurant, il serait intéressant que la Haute Assemblée, dans le cadre de ses travaux, mène une réflexion sur la définition exacte de la notion de « vulnérabilité ». C’est une discussion que nous avons déjà eue ici lors de l’examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. Je pense que le Sénat serait bien placé pour s’y atteler.

En tout état de cause, je partage votre avis, madame la sénatrice, sur le fait que nous devons à tout le moins sensibiliser et responsabiliser les clients. Leur ignorance ou leur indifférence face aux réalités de la prostitution et des violences qui l’accompagnent souvent constituent un problème en soi. C’est encore plus inacceptable lorsqu’il s’agit de la traite et des réseaux que nous décrivions précédemment.

Je vous renvoie de nouveau au rapport de l’IGAS, qui a mis en lumière un certain nombre de pratiques locales intéressantes de ce point de vue. Un premier pas a été réalisé en matière de prévention du VIH ou de sensibilisation au port du préservatif. Comment aller vers une responsabilisation plus large ? Devons-nous passer par le code pénal ? Le travail qu’est en train d’accomplir la mission d’information sénatoriale, tout comme celui que réalisent en ce moment même les députés doivent s’inscrire dans une future loi plus globale.

Dans la mesure où il me paraît quelque peu prématuré de nous prononcer aujourd'hui, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je comprends votre gêne, madame la ministre, mais je maintiens cet amendement, quitte à être la seule à le voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Il n’est pas toujours facile de voter contre un amendement, surtout lorsqu’on n’y est pas opposé sur le fond.

Un texte de loi sur la prostitution viendra en discussion à l’automne, ce qui nous permettra d’aborder ce sujet sous tous ses aspects. S’il n’y a plus de délit de racolage, il nous faudra peut-être envisager une pénalisation du client. C’est ce que prévoit de mettre en place l’amendement n° 3 rectifié. Beaucoup de socialistes ne sont pas défavorables à cette proposition.

En attendant l’utile débat que nous aurons à l’automne, et compte tenu du délai qui nous est imparti pour l’examen de cette proposition de loi, qui ne vise qu’à supprimer le délit de racolage, nous voterons contre l’amendement, tout en souhaitant que la discussion rebondisse dans les prochains mois. Nous pourrons alors examiner cette mesure dans de meilleures conditions, grâce au travail accompli au sein des différentes missions, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Comme je l’ai dit dans la discussion générale, il est important que nous avancions vers l’abolition de la prostitution en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

En pénalisant les victimes, nous l’avons dit tout au long du débat, on marcherait sur la tête. C’est pourquoi tous les groupes du Sénat se sont interrogés sur la pénalisation des clients. En 2010, je l’ai rappelé, le groupe communiste républicain et citoyen avait d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à sensibiliser les clients.

Cela étant, nous ne voterons pas cet amendement pour deux raisons.

Premièrement, nos discussions de cet après-midi l’ont montré, le problème doit être considéré dans sa globalité. Or le Gouvernement a pris l’engagement qu’un texte serait présenté.

Deuxièmement, je ne suis absolument pas convaincue par l’échelle des peines que vous proposez, madame Jouanno. Il est important de sensibiliser le client, mais le groupe CRC ne pense pas qu’il faille recourir à l’emprisonnement pour ce genre d’infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le débat que nous abordons à l’occasion de la présentation de cet amendement n’a pas encore eu lieu au sein du groupe de travail. Il sera certainement souhaitable que nous en discutions.

Mme Jouanno a évoqué la Suède, que nous citons toujours en exemple, et le Royaume-Uni, vers lequel nous devrions davantage nous tourner. Dans ce pays, le client est pénalisé, mais uniquement si une contrainte est exercée par un tiers sur la personne qui se prostitue. Plutôt que de statuer dans l’urgence, pourquoi ne pas regarder ce qui se pratique ailleurs ?

Il me semble que notre collègue a transcrit directement pour le client les peines qui étaient encourues par la prostituée puisque l’échelle des peines – deux mois de prison et 3 750 euros d’amende – est la même. Le délit de racolage passif pour les prostituées, délit dont nous venons de voter la suppression, serait donc aussitôt transféré sur le client.

Dans la mesure où le client risque une peine de prison, il pourra être mis en garde à vue. Or je me pose la question de l’utilité de cette garde à vue. Permettra-t-elle aux services de police d’obtenir des renseignements sur les réseaux de proxénétisme ? Je ne le crois pas. En revanche, le client devra s’expliquer une fois rentré chez lui et dire où il était passé, mais c’est une autre histoire…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Au-delà de cette petite plaisanterie, mes chers collègues, il me paraît prématuré de délibérer aujourd’hui sur la pénalisation ou sur la verbalisation du client. Pourquoi ne pas imaginer un système qui mixerait les deux solutions et qui ne serait pas obligatoirement assorti d’une condamnation pénale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Les rapports consacrés à la pénalisation du client montrent que cette solution aboutit à des résultats assez négatifs.

Je me suis rendue à Stockholm avec Mme la ministre où nous avons entendu des satisfecit sur la disparition de la prostitution de rue à la suite de la pénalisation du client. La réalité est tout autre !

En lisant quelques travaux scientifiques traduits du suédois à l’anglais qu’une personne m’a transmis, je me suis aperçue que la pénalisation des clients a conduit à la création de « bordels flottants » afin de transgresser la réglementation interdisant le recours à des actes sexués tarifés. Sur ces bateaux où la prostitution fleurit, on achète également de l’alcool sans payer de taxes…

En Suède, la pénalisation des clients a également fait basculer la prostitution de la rue vers internet où les méfaits liés au délit de racolage sont toujours les mêmes. Il n’y a pas de raison que les choses soient différentes en France.

En Norvège, le gouvernement a remis un rapport négatif sur la pénalisation des clients : cette mesure n’a pas empêché la prostitution et elle a donné naissance à une haine de la femme, comme en atteste la presse.

Pourquoi discourir longuement de toutes ces questions alors que la pénalisation des clients n’est pas l’objet du texte que j’ai présenté ? Ce dernier concerne simplement l’abrogation du délit de racolage public.

Je ne suis pas tout à fait en phase avec Mme Jouanno, même si je partage nombre de ses idées, et je ne suis pas favorable à la pénalisation du client. Mais ne pourrions-nous pas plutôt réfléchir à cette question dans le cadre de la future grande loi sur la prostitution ?

Pour vous donner un dernier exemple, chers collègues, j’ai trouvé une histoire amusante dans un article sur la pénalisation des clients en Suède. Une radio locale a proposé de mettre en rapport ses auditeurs avec des prostituées : il suffisait de téléphoner au standard. D’autres radios locales ont repris cette idée. Malgré la pénalisation, plus de mille personnes ont appelé !

Comment se fait-il que les jeunes aient encore recours à la prostitution alors que le gouvernement met en place une éducation spécifique, leur a-t-on demandé ? La réponse a été simple : ce n’est pas parce que c’est interdit qu’on va se priver d’aller voir des prostituées. C’est comme pour la limitation de vitesse : on n’a pas le droit de rouler à 180 kilomètres à l’heure, mais on le fait quand même !

Soyons donc très prudents sur cette question et réfléchissons bien avant de prendre une décision.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Auriez-vous des regrets, chère collègue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Absolument aucun, madame la présidente, je souhaite uniquement rappeler quelques réalités.

Deux positions de fond radicalement divergentes s’opposent. Nous les assumons, parce que nous sommes des personnes de conviction.

Je suis clairement abolitionniste. Je souhaite non seulement abolir le délit de racolage, mais également inverser la charge de la preuve et la culpabilité.

L’expérience menée en Suède montre très clairement que la prostitution a fortement baissé au départ, même si les chiffres sont repartis à la hausse ensuite. Quoi qu’il en soit, ils restent à des niveaux très inférieurs à ceux des pays voisins, notamment des pays réglementaristes.

Quant au recours de la prostitution sur internet, les offices centraux nous ont clairement indiqué hier qu’ils n’avaient aucune idée des chiffres, qu’il s’agisse de la France, de la Suède ou de la plupart des autres pays. Tout ce que l’on sait, c’est qu’a priori ils sont en augmentation, y compris en France où les clients peuvent surfer en toute tranquillité.

Dernier élément, en inversant la charge de la preuve, et donc celle de la responsabilité, on permet à la personne prostituée d’inverser également le rapport de force dans l’intimité. Car la violence ne se situe généralement pas dans la rue ; elle s’exprime plutôt à l’occasion du rapport, dans l’intimité de la chambre. Or si c’est le client et non plus la prostituée qui est coupable, la donne change, même entre les quatre murs d’une chambre bien fermée ! C’est aussi cette réalité qu’il faut prendre en compte aujourd’hui.

Voilà pourquoi je n’ai aucun regret. Nous visons le même objectif, qui est d’éviter que les personnes prostituées ne soient des victimes d’une manière ou d’une autre. Seules nos convictions sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cette fin divergent.

Je ne suis pas du tout réglementariste. Même le maire-adjoint d’Amsterdam a reconnu que cela avait été une erreur nationale : le résultat est que des femmes issues de réseaux de prostitution européens ou nigérians se retrouvent dans ces maisons closes.

Je le redis, même si je suis la seule, je voterai mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : «, un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution » ;

2° Après l’article 225-20, il est inséré un article 225-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 225-20-1 . – Les personnes physiques coupables des infractions prévues à la section 2 bis du présent chapitre encourent également l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, selon les modalités prévues à l’article 131-35-1. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : «, d’un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution ».

2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution. »

3° Après le premier alinéa du II de l’article 495, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :

« 1° A Le délit de recours à la prostitution prévu au premier alinéa de l’article 225-12-1 du code pénal ; ».

III. - les dispositions du I et II entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Il s’agit, une fois de plus, d’un « copier-coller » de la proposition de loi de Mme Bousquet et de M. Geoffroy. Ce n’est pas une disposition recopiée de la pénalisation des prostituées.

Cet amendement vise à créer une peine complémentaire pour que les clients aient l’obligation de suivre des stages de sensibilisation, sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière.

Il est proposé que cette peine complémentaire soit une mesure susceptible de constituer une alternative aux poursuites et d’être prononcée dans le cadre d’une composition pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Sur le fond, l’idée est extrêmement intéressante. J’invite les associations, si elles en ont les moyens, à s’en inspirer. Néanmoins, dans la mesure où cette disposition est totalement tributaire de la création du délit de recours à la prostitution, la commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Il s’agit effectivement d’une très bonne idée. Je ne peux que vous inviter, madame Jouanno, à creuser davantage le sillon dans l’optique du futur texte de loi que nous examinerons prochainement.

Des questions de méthode restent encore à trancher puisque les approches sociales ou psychologiques du sujet divergent. Plusieurs propositions sont faites.

Néanmoins, comme Mme Klès, dans la mesure où le sujet est lié au précédent, sur lequel nous avons émis un avis défavorable, je persiste à penser qu’une telle disposition est prématurée.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;

2° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « définitive » est supprimé ;

b) Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” peut être délivrée, après avis d’une commission départementale, à l’étranger pour qui il existe des motifs raisonnables de croire qu’il pourrait avoir été victime de traite des êtres humains ou de proxénétisme. La condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

« Sauf si leur présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” peut également être délivrée aux membres de la famille des personnes mentionnées au premier alinéa, lorsque leur plainte ou leur témoignage est susceptible d’entraîner des menaces graves pour leur sécurité. »

II. – À la dernière phrase de l’article L. 316-2 du même code, le mot : « alinéa » est remplacé par les mots : «, troisième et quatrième alinéas ».

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Cet amendement et les amendements n° 7 rectifié, 8 rectifié et 9 rectifié, qui suivent, sont indissociables les uns des autres.

L’amendement n° 5 rectifié vise à faciliter l’accès à un titre de séjour pour les personnes étrangères victimes de traite des êtres humains, notamment parce que ce document est indispensable pour permettre une insertion professionnelle des personnes prostituées.

Le 1° de cet amendement prévoit que le titre de séjour puisse être octroyé aux personnes qui témoignent ou portent plainte pour les infractions de traite et surtout que celui-ci soit renouvelé de plein droit jusqu’à la fin de la procédure.

Le 2° facilite la délivrance d’une carte de résident lorsque l’auteur des faits a été condamné par la justice. En effet, actuellement, il faut que la condamnation soit définitive. Il est donc proposé que cette exigence d’une condamnation définitive soit levée.

Le 3° ouvre deux nouveaux cas de délivrance d’un titre de séjour « vie privée et familiale ». Le premier concerne les personnes pour qui il existe des « motifs raisonnables de croire » qu’elles pourraient avoir été victimes de traite. Il est nécessaire de prévoir une procédure de délivrance d’un titre de séjour le temps que ces personnes révèlent les auteurs de leur traite, ce qu’elles tardent parfois à faire, notamment par crainte de représailles. Le second cas de délivrance vise très logiquement les membres de la famille des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa du 2° de l’article 706-3 du code de procédure pénale, après la référence : « 225-4-5 », sont insérées les références : «, 225-5 à 225-10 ».

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Cet amendement vise à ouvrir aux victimes de proxénétisme la possibilité d’obtenir réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail. Cette possibilité existe d’ores et déjà pour les victimes de la traite des êtres humains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 2-21, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. .. . – Toute association reconnue d'utilité publique ayant pour objet statutaire la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-9 et aux articles 225-5 à 225-12-2 du code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. » ;

2° Au troisième alinéa de l’article 306, après le mot : « viol », sont insérés les mots : «, de traite aggravée des êtres humains, de proxénétisme aggravé » ;

3° Le deuxième alinéa de l’article 400 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les poursuites sont exercées du chef de traite des êtres humains ou de proxénétisme, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande. »

II. – La loi n° 75-229 du 9 avril 1975 habilitant les associations constituées pour la lutte contre le proxénétisme à exercer l’action civile est abrogée.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

L’amendement vise à permettre aux associations de se constituer partie civile. Il ouvre en outre le droit, pour les victimes parties civiles, au huis clos lors du procès, aspect qui, je le sais, ne fait pas l’unanimité.

En tout cas, il est extrêmement important que les associations puissent se porter partie civile. En général, les victimes de proxénétisme ne se présentent pas au procès ou ont beaucoup de difficulté à témoigner elles-mêmes parce qu’elles se mettent alors en danger de mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi dix-huit mois après sa promulgation.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Cet amendement reprend une idée très familière aux parlementaires, puisqu’il tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’application de la loi dix-huit mois après sa promulgation. Une telle disposition avait tout son sens dans la logique de la pénalisation du client, mais je ne doute pas que, d’ici à dix-huit mois, nous aurons voté une grande loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Nous ne sommes pas hostiles au principe qui sous-tend l’amendement n° 5 rectifié, qui vise à modifier le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cependant, je le souligne là encore, aucune étude d’impact ni aucune audition n’ayant été menées, nous n’avons pas pu approfondir notre réflexion.

Cela étant, l’adoption de cet amendement pourrait avoir un effet paradoxal : compte tenu du lien qui existe entre le proxénétisme et les filières d’immigration clandestine, on risquerait d’ouvrir une véritable porte aux réseaux en leur permettant de régulariser leurs victimes par le biais de la dénonciation d’un concurrent. Nous nous engagerions ainsi dans un processus qu’il serait impossible de maîtriser.

L’amendement n° 7 rectifié, qui tend à ouvrir la possibilité d’une indemnisation aux victimes du proxénétisme, au même titre que les victimes de la traite, nous paraît très intéressant. Néanmoins, une mission relative à l’indemnisation des victimes d’infractions pénales est actuellement menée par Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu, que nous avons interrogés. Il a semblé préférable à nos collègues d’attendre avant de se prononcer sur une telle proposition, mais ils l’ont bien évidemment intégrée dans leurs préoccupations et elle figurera dans leur rapport. Dans cette attente, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 8 rectifié, la commission partage votre souci, madame Jouanno, de permettre aux associations de se constituer partie civile. En revanche, il paraît là encore souhaitable d’évaluer de façon plus précise l’opportunité du huis clos et de déterminer quels en seraient les avantages ou les inconvénients. Il faut donc interroger les magistrats, ce qui n’a pas été fait.

En conséquence, si vous acceptez de rectifier votre amendement en supprimant, au paragraphe I, les 1°, 2° et 3°, la commission émettra un avis favorable.

L’amendement n° 9 rectifié vise à proposer un dispositif sur lequel la commission des lois a une position constante : nous avons suffisamment de moyens pour contrôler l’action du Gouvernement. Il n’est pas donc nécessaire de demander un rapport supplémentaire, qui pourrait d’ailleurs de ne pas être remis à temps. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

L’amendement n° 5 rectifié soulève une question intéressante, ce qui est d'ailleurs une constante dans vos amendements, madame Jouanno.

La situation irrégulière sur le territoire français est souvent un élément déterminant des parcours de prostitution. On doit donc regarder cette question en face. Cependant, comme Mme la rapporteur, je trouve que la rédaction proposée est un peu large et que les conséquences d’un tel dispositif ne sont, en l’état actuel des choses, pas suffisamment évaluées. On pourrait craindre les comportements opportunistes d’un certain nombre de réseaux qui utiliseraient ce type de mesure pour instrumentaliser plus encore les prostituées.

J’ajoute que, dans la circulaire du ministère de l’intérieur sur la naturalisation, les droits au séjour dont disposent les victimes de la traite ont été véritablement réaffirmés. La piste qui me semble la plus intéressante à suivre pour le moment, c’est que ce droit soit concrètement mis en œuvre et que les victimes de la traite des êtres humains voient leur statut reconnu.

Par ailleurs, dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice que Christiane Taubira et moi-même avons tour à tour évoqué, nous élargissons la définition de la traite, ce qui va permettre de prendre en compte un nombre plus important de victimes et de leur voir appliquer ce droit aux papiers.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement, auquel, sinon, il donnera un avis défavorable.

M’étant exprimée sur l'amendement n° 5 rectifié, je laisse maintenant la parole à Mme Taubira sur les deux amendements suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme la garde des sceaux pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 7 rectifié et 8 rectifié.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’amendement n° 7 rectifié concerne les victimes de proxénétisme et leur indemnisation par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, la CIVI.

Je souligne que le Gouvernement est extrêmement attentif à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes. J’ai d’ailleurs, la semaine dernière, à la tribune de l’Assemblée nationale, à l’occasion d’un débat sur le rapport d’information de M. Dominique Raimbourg, exposé les actions que nous mettons en place avec les associations de victimes et les associations d’aide aux victimes, avec l’INAVEM, l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, qui est la fédération nationale de toutes les associations d’aides aux victimes, ainsi que le CNAV, le Conseil national de l’aide aux victimes. Nous faisons un travail de fond depuis le mois de juin dernier qui est assez peu connu. Je viendrai devant le Sénat exposer l’ensemble des grandes orientations et des décisions que nous avons déjà prises.

Sur le principe, madame Jouanno, j’approuve votre amendement, et je suis tout à fait disposée à considérer la possibilité que les victimes du proxénétisme soient prises en charge par les CIVI.

Cela étant, je rappelle que l’article 706-3 du code de procédure pénale prévoit déjà deux possibilités d’indemnisation.

La première, c’est ce qu’on appelle le droit commun, suppose que la victime puisse démontrer un préjudice avec une incapacité totale de travail d’au moins un mois ou une incapacité permanente.

La seconde possibilité d’indemnisation, qu’on appelle le cas d’exception, concerne les victimes de viol, d’agression sexuelle ou de traite des êtres humains.

Votre amendement vise à élargir le droit à indemnisation aux victimes de proxénétisme. Il est vrai que la prostitution est souvent accompagnée de violences et, dans ce cas, on peut considérer que ces victimes sont dans la même situation que des victimes de viol. Cependant, nous avons là le risque d’une rupture d’égalité par rapport à d’autres victimes.

Par parenthèse, je suis surprise que cet amendement ait passé le filtre de l’article 40, dont l’application est, me semble-t-il, moins sévère au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Je ne peux que m’en réjouir ayant pour ma part vécu des années de frustration en tant que parlementaire à cause du couperet de l’article 40. J’ai toujours considéré que les parlementaires devaient conserver leur liberté d’amender un texte sans se voir opposer l’argument d’autorité de l’article 40.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il y a toutefois un risque de rupture d’égalité, disais-je, si ces victimes n’ont aucune preuve à apporter, alors que l’incapacité permanente psychologique à 1 %, par exemple, peut déjà être prise en compte. Par conséquent, permettre l’accès aux CIVI sans avoir à faire la moindre démonstration d’incapacité poserait un problème par rapport à d’autres victimes.

On connaît la violence intrinsèque du proxénétisme et de la traite des êtres humains, mais il faut aussi que les commissions soient en mesure de faire face à ces demandes. Elles risquent d’être mises en demeure de prendre en considération toutes les autres victimes sans qu’elles aient à apporter la preuve d’un préjudice ou d’une incapacité totale de travail.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Sur l’amendement n° 8 rectifié, dès lors que vous acceptez de le rectifier dans le sens souhaité par Mme la rapporteur en supprimant la partie concernant le huis clos, le Gouvernement émettra un avis favorable.

Seule subsisterait la première partie qui permet aux associations de se porter partie civile. Par cette disposition, que je trouve tout à fait utile, vous améliorez la codification de la loi de 1975 dans le code de procédure pénale. En outre, vous précisez les conditions dans lesquelles les associations peuvent se porter partie civile puisque les incriminations – la traite des êtres humains et le proxénétisme – sont indiquées et qu’il est rappelé que la victime elle-même doit avoir engagé l’action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L’amendement a passé le filtre de l’article 40 tout simplement parce que le fonds est alimenté par une taxe sur les contrats d’assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme la ministre pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 9 rectifié.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Le Gouvernement ne voit pas d’inconvénient à la remise d’un rapport d’évaluation comme vous le suggérez, madame la sénatrice. Cela étant, il s’en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote sur l'amendement n° 7 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

J’ai été désigné, avec notre collègue Béchu, corapporteur d’une mission d’information de la commission des lois sur l’indemnisation des victimes. Nous avons commencé à procéder à des auditions, à faire des déplacements dans les juridictions et à aller à la rencontre des associations.

La question de l’indemnisation se pose pour les victimes du proxénétisme, car elles ne sont pas concernées par l’article 706-3 du code de procédure pénale, qui ne vise que les victimes de la traite. Or les deux sont souvent liées. Malheureusement, la justice a tendance à ne retenir que l’incrimination de proxénétisme, ce qui prive les victimes de l’indemnisation très favorable prévue à l’article susmentionné.

Nous avons abordé ce point dans le cadre de la mission d’information. Sans déflorer nos travaux, je puis vous dire que nous allons certainement recommander l’élargissement du périmètre de l’article 706-3, qui est relativement restreint pour d’évidentes raisons financières, à d’autres délits. Le proxénétisme pourrait en faire partie.

Il serait donc préférable d’attendre que notre mission d’information ait achevé ses travaux, d’ici à quelques mois. C'est la raison pour laquelle je préférerais que Mme Jouanno retire son amendement ; sinon, je voterai contre.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Jouanno, s’agissant de l’amendement n° 8 rectifié, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je rectifie mon amendement dans le sens suggéré par la commission, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d’un amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Dini et M. Guerriau, et qui est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. .. . – Toute association reconnue d'utilité publique ayant pour objet statutaire la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-9 et aux articles 225-5 à 225-12-2 du code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. » ;

II. – La loi n° 75-229 du 9 avril 1975 habilitant les associations constituées pour la lutte contre le proxénétisme à exercer l’action civile est abrogée.

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 9 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je suis quelque peu étonné, madame la ministre, que vous ayez donné un avis favorable à cet amendement aux termes duquel « le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi dix-huit mois après sa promulgation ».

Vous avez pris l’engagement qu’un texte de loi global nous serait proposé dans peu de temps. C'est contradictoire avec le texte de l’amendement ! Si elle en est d’accord, ma collègue Chantal Jouanno devrait, me semble-t-il, retirer son amendement, faute de quoi nous préjugerions que la proposition de loi, en dépit de toutes les observations que nous avons faites, serait appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Mme Chantal Jouanno. Je veux bien retirer mon amendement si le Gouvernement s’engage à présenter un texte de loi avant la fin de l’année.

Ah ! sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Monsieur Godefroy, je tiens à préciser que j’ai rendu sur cet amendement un avis de sagesse, et non un avis favorable. Nous demander un rapport d’évaluation après l’engagement que nous avons pris de travailler à l’élaboration d’un texte de loi plus global me semble être plutôt de bon esprit. Cependant, Mme Jouanno a retiré son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Elle attend que vous preniez un engagement !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Je croyais pourtant avoir été suffisamment claire pendant le débat quant à ma volonté d’avancer de façon constructive et rapide dans la préparation d’un texte de loi. Vous dire s’il prendra la forme d’un projet de loi ou d’une proposition de loi est en revanche prématuré. Pour être tout à fait honnête, compte tenu des travaux déjà engagés au Sénat et à l'Assemblée nationale, auxquels je souscris pleinement, il me semble que le texte sera plutôt une proposition de loi, à la préparation de laquelle je participerai avec plaisir.

Cette proposition de loi pourrait être déposée…

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

… d’ici à l’automne prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je retire mon amendement, madame la présidente.

La présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Le président Sueur a indiqué que nos débats prendraient fin à vingt heures quinze. Je me permets de lui signaler aimablement que cette décision dépendait plutôt du groupe écologiste. En effet, nos travaux ont débuté à seize heures trente et auraient dû s’achever à vingt heures trente.

Cependant, nous avons tous la même préoccupation, celle d’écouter l’intervention que doit faire le Président de la République à vingt heures quinze. Nous renonçons donc aujourd’hui à notre question orale avec débat, mais j’espère que les vingt minutes restantes seront ajoutées au temps dont nous disposons dans notre espace réservé de la semaine prochaine.

Madame la présidente, je profite également de cet instant pour remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à la discussion de notre proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Au nom du groupe écologiste, M. Jean-Vincent Placé demande le retrait de l’ordre du jour de la question orale avec débat sur les droits sanitaires et sociaux des détenus.

Acte est donné de cette demande de retrait.

Cette question orale avec débat sera appelée dans le prochain espace réservé au groupe écologiste, le mercredi 3 avril, à quatorze heures trente. Mes chers collègues, je vous propose d’ajouter à cet espace réservé le temps que nous n’avons pas utilisé aujourd’hui, soit vingt minutes.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé, étant entendu que cette décision a un caractère exceptionnel et ne saurait valoir précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du jeudi 28 mars 2013, deux décisions du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant, d’une part, sur l’article 1600 du code général des impôts (n° 2013-298 QPC) et, d’autre part, sur l’article L. 1235-10 du code du travail (n° 2013-299 QPC).

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 avril 2013 :

À quatorze heures trente :

1. Débat sur l’action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire.

À vingt et une heures trente :

2. Texte de la commission des affaires sociales (n° 450, 2012-2013) sur les propositions de loi :

-présentée par M. Paul Vergès, relative aux bas salaires outre-mer (Procédure accélérée) (n° 414, 2012-2013) ;

-présentée par M. Michel Vergoz, visant à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer (à l’exception de Mayotte), à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy (Procédure accélérée) (n° 421, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures dix.