J'ai le vif plaisir de vous présenter à tous mes meilleurs voeux 2014 pour vous-mêmes et les vôtres, pour vos projets, en ayant une pensée toute particulière pour ceux qui sont concernés par les multiples échéances électorales qui s'annoncent.
Cette année 2014 commence de manière relativement spectaculaire pour l'Office avec, au cours du mois de janvier, l'examen de trois projets de rapports :
- le premier aujourd'hui sur « La diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle », présenté par Mme Maud Olivier, députée, et M. Jean-Pierre Leleux, sénateur ;
- un autre, la semaine prochaine, soit le 15 janvier, au Sénat, sur « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques », présenté par M. Denis Baupin, député et Mme Fabienne Keller, sénatrice ;
- et, enfin, un dernier projet de rapport le 21 janvier, à l'Assemblée nationale à nouveau, sur « Les enjeux scientifiques, technologiques et éthiques de la médecine personnalisée », présenté par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés.
Pour ces trois rapports, comme déjà annoncé, nous continuons à organiser une plage de consultation réservée aux membres de l'Office, comme nous l'avons fait à la fin de l'année 2013 pour le rapport sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique, puis pour le rapport sur la filière hydrogène.
Cette méthode permet à chacun de prendre connaissance, dans de bonnes conditions, de travaux complexes afin de ne pas les découvrir seulement au début de notre réunion d'examen du rapport.
Par ailleurs, je vous signale que l'Office a déjà été saisi, officiellement ou encore officieusement, de nouveaux thèmes d'investigation s'inscrivant assez harmonieusement dans les problématiques prioritaires dont nous avons eu l'occasion de débattre à l'occasion de la réunion du Conseil scientifique en octobre 2013.
Toutefois, en dépit de l'excellente réputation des travaux de l'Office qui nous vaut un certain succès dans les demandes de saisine, nous risquons de buter, de plus en plus fréquemment, sur une difficulté d'ordre technique, à savoir le faible effectif des fonctionnaires affectés à notre délégation au Sénat.
Cette introduction n'a pas été, je l'espère, trop longue car je sais que le Premier vice-président est également impatient de vous présenter ses voeux ; je vais immédiatement lui céder la parole.
Je la donnerai ensuite à nos deux rapporteurs pour nous présenter leurs travaux sur la culture scientifique, technique et industrielle, thème qui est particulièrement cher à l'Office puisqu'il recoupe des préoccupations exprimées dans quasiment chacun de ses rapports.
Quelques mots seulement pour souhaiter une excellente année 2014 à nos collègues, et bon vent à l'Office pour la poursuite de ses travaux.
Comme M. Jean-Yves Le Déaut l'avait précisé lors de l'audition publique que nous avons organisée le 13 juin 2013 sur les perspectives de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), notre rapport répond bien à une attente même si de très nombreuses études l'ont précédé au cours ces trente dernières années.
En effet, la question de la diffusion de la CSTI est confrontée à un paradoxe récurrent. D'un côté, elle apparaît comme une idée neuve notamment chez certains scientifiques que nous avons rencontrés.
De l'autre côté - et c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles persiste l'impression de l'absence de progrès -, si la diffusion de la CSTI est certes considérée comme un enjeu de politique publique, qu'illustre par exemple l'inscription d'une dotation de 100 millions d'euros dans le programme des investissements d'avenir, cet enjeu ne semble toujours pas considéré à la hauteur de ce qu'il devrait être, à savoir une priorité nationale.
Or, certains faits - tels que les résultats des élèves français révélés par la dernière enquête PISA - mettent en évidence les défaillances de notre système éducatif, censé pourtant être l'un des principaux acteurs de la diffusion de la CSTI.
Devant ces constats, auxquels nous avons été confrontés tout au long de nos travaux, notre démarche, tout en étant modeste, a souhaité être efficace. Modeste, parce que, par souci de pragmatisme, nous proposons des recommandations pouvant s'inscrire dans un budget que nous savons contraint, tant pour l'État, les collectivités territoriales que pour tous les acteurs publics et privés impliqués dans la CSTI. Pour autant, nous n'avons pas renoncé à exprimer nos convictions et à formuler des propositions qui soient les plus concrètes possibles.
La première de ces convictions est qu'il importe désormais de parler au pluriel des cultures scientifique, technique et industrielle, à la fois pour marquer leurs spécificités respectives et mieux mettre en évidence qu'elles sont des composantes à part entière de la culture et non plus seulement des appendices des cultures littéraire et artistique.
La deuxième conviction est qu'à la notion traditionnelle de diffusion - qui renvoie à un mode de transmission verticale des connaissances des sachants vers les non-sachants - il convient de substituer celle, plus appropriée, de partage, laquelle figure d'ailleurs dans la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche et a été reprise par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il y a là une exigence politique de démocratisation du savoir et un objectif de cohésion sociale.
Dans la première partie de notre rapport, nous montrons que cette exigence et cet objectif ont inspiré les actions des différents protagonistes.
Dans une seconde partie, nous insistons sur l'urgence qu'il y a à donner une nouvelle impulsion aux politiques de CSTI.
Tant en France que dans les pays étrangers, les politiques de CSTI ont souhaité répondre à une double exigence : l'une qui vise à faciliter l'accès du plus grand nombre au savoir ; l'autre érige la CSTI en instrument de politique économique et sociale, et même en levier de la compétitivité, à l'exemple du rapport Gallois.
L'accès du plus grand nombre au savoir mobilise différentes catégories d'acteurs et de dispositifs, dont le rôle a été profondément modifié par la révolution numérique.
Il s'agit d'abord des acteurs de l'éducation dite informelle, c'est-à-dire celle dispensée en dehors des institutions scolaires et universitaires.
Malgré les difficultés financières auxquelles ces acteurs sont confrontés, notamment du fait du désengagement progressif de l'État, ils font néanmoins preuve d'une réelle vitalité et diversifient leurs sources de financement.
S'agissant des musées, qui sont les acteurs les plus anciens de la CSTI, le directeur du Musée d'histoire naturelle de Toulouse a souligné, lors de l'audition publique, que les musées avaient parfaitement su moderniser leur offre culturelle en y intégrant les problématiques d'actualité, telles que la biodiversité ou les changements climatiques.
Quant aux associations, le très dense maillage territorial que les plus grandes d'entre elles - comme les Petits Débrouillards, Planète Sciences ou le CIRASTI - sont parvenues à tisser, leur a permis de s'imposer comme des acteurs majeurs de la diffusion des CSTI. Ne se bornant pas à apporter un complément à l'éducation formelle, elles ont aussi contribué à la cohésion sociale, par exemple, en intervenant dans les quartiers défavorisés.
Enfin, les médias, qui constituent des outils de diffusion du savoir, sont sûrement sous-mobilisés, les cultures scientifique, technique et industrielle faisant souvent défaut à la formation des journalistes. D'où, comme les rapporteurs l'ont constaté lors de leurs auditions, la tendance à la frilosité à consacrer du temps aux sciences dans les médias, et la tentation du sensationnalisme.
Parmi les acteurs, les centres de culture scientifique, technique et industrielle sont représentatifs de certaines particularités qui ont marqué le développement des cultures scientifique, technique et industrielle en France. Comme les associations, ces centres ont contribué à l'ancrage territorial de ces cultures grâce, dans plusieurs régions, aux efforts conjugués du monde académique et des collectivités territoriales. Pour autant, il existe d'importantes inégalités entre ces centres qui, malgré leurs efforts, restent parfois inconnus du public.
Dans ce contexte, la création d'Universcience a été un facteur supplémentaire de déséquilibre et de tiraillements entre cette entité et les autres centres régionaux. Né de la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l'Industrie, décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, Universcience, par ses missions, est un acteur essentiel, en lien avec les acteurs de terrain, les systèmes éducatif et universitaire, la recherche, les médias et le monde industriel. Malgré certains résultats flatteurs - Universcience est le premier centre de science européen -, son statut et son rôle dans la gouvernance des CSTI ont été critiqués par plusieurs personnalités que vos rapporteurs ont auditionnées, notamment parce que, en tant que Centre de science et distributeur des crédits, la structure était considérée comme juge et partie. Au demeurant, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche met fin à ce malentendu en transférant désormais aux régions la gestion de ces crédits, qui s'élèvent à 3,6 millions d'euros.
La révolution numérique a bouleversé le cadre dans lequel ces différents acteurs agissaient jusqu'à présent aux plans quantitatif et qualitatif.
Grâce à Internet, le public n'a jamais disposé d'autant d'informations aussi rapidement et gratuitement, à tel point que certains sociologues parlent d'un déluge informationnel.
Quant aux Massive Online Open Courses - cours en ligne ouverts et massifs, dits MOOCs qui permettent de mettre gratuitement à disposition sur Internet les cours des meilleures universités, l'un de leurs principaux avantages est de toucher plusieurs centaines de milliers, et même des millions, d'étudiants.
Sur le plan qualitatif, les exemples de Wikipédia ou de la biologie de garage montrent que, grâce à la révolution numérique, le public a la possibilité et le sentiment de participer à l'élaboration du savoir. Pour autant, cette révolution s'accompagne de fractures générationnelle, sociale et culturelle, lesquelles font obstacle à l'accès à ces ressources.
Pour ce qui est du système d'éducation formelle, la révolution numérique n'a pas manqué de bouleverser les rapports pédagogiques traditionnels en érodant le monopole du savoir que détenaient les enseignants, même si la valeur cognitive des technologies numériques s'avère limitée
En ce qui concerne les MOOCs, la première plateforme de cours en ligne (France Université numérique) est ouverte depuis fin octobre 2013 et les cours commenceront au début de l'année 2014.
L'institution d'un service public du numérique éducatif par la loi sur la refondation de l'école est un des aspects de l'adaptation du système éducatif à la révolution numérique.
Si celle-ci lui a imposé de l'extérieur des mutations, l'Éducation nationale a également procédé à une rénovation interne concernant l'apprentissage des sciences à travers l'expérimentation - dont La Main à la Pâte a été l'exemple emblématique -, et le développement du goût des sciences et de la technologie. L'éducation nationale s'est ainsi ouverte davantage sur l'extérieur à travers des partenariats en direction du milieu de la recherche, des industriels mais aussi des acteurs de terrain de la CSTI.
La démocratisation du savoir passe enfin par l'instauration d'un dialogue entre la science et la société, en vue de débats publics sereins. Même si cet objectif est loin d'être atteint, il n'en demeure pas moins la clé de la réussite du partage des savoirs, comme l'illustrent, au cours de ces dernières années, le développement par les instituts de recherche de leur communication sur leurs activités ou encore la multiplication des interfaces entre la science et la société, allant de la création de l'OPECST à celle du Haut conseil des biotechnologies, à l'instauration des conférences de citoyens ou encore au développement des sciences dites participatives, qu'encourage la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Le deuxième objectif majeur que se fixent les CSTI est celui de l'efficacité du système éducatif et de recherche, objectif devenu presque obsessionnel dans le contexte de concurrence exacerbée de la mondialisation.
Cet objectif vise d'abord à lutter contre l'échec scolaire et la promotion de la formation tout au long de la vie, dans un souci de cohésion sociale En second lieu, les systèmes éducatifs et les organismes de recherche ont visé à rechercher l'excellence, en raison du rôle joué par les classements internationaux et par l'Union européenne.
Le Programme international de suivi des acquis (PISA) dirigé par l'OCDE, pour ce qui est de l'enseignement scolaire, et le classement de Shanghai, pour l'enseignement supérieur, sont deux des classements les plus connus.
Les résultats à ces classements sont devenus, dans certains États, des éléments du débat public sur l'efficacité de leur système éducatif.
Aussi l'Allemagne a-t-elle connu ce que l'on y a appelé le Pisa Schock qui a incité les Länder à entreprendre des réformes et en particulier à envisager un assouplissement du système de sélection de l'entrée au lycée.
En ce qui concerne la France, Pisa a suscité des critiques, notamment sur la pertinence du classement et des tests utilisés. Mais, comme en Allemagne, les mauvais résultats enregistrés par la France depuis plusieurs années déjà donnent lieu à un large débat public, qui a d'ailleurs été pris en compte par l'annexe de la loi sur la refondation de l'école.
Pour ce qui est du classement de Shanghai, il suscite également des critiques, notamment parce qu'il ne prend pas en considération l'enseignement dispensé et les débouchés professionnels, ce qui a conduit Mme Geneviève Fioraso à encourager l'Europe à se doter de son propre système de classement appelé U-Multirank. Ce dispositif, dont la première édition interviendra au printemps 2014, reposera sur des critères relatifs à l'enseignement, aux formations à la recherche et à l'innovation.
Les États membres - la France avec les investissements d'avenir - ont pris diverses mesures pour développer la compétitivité de leur système de recherche. Pour sa part, dans la ligne de la stratégie de Lisbonne lancée en 2000, l'Union européenne renforce une telle orientation dans le programme appelé Horizon 2020. Couvrant la période 2013-2020, ce programme - doté de 70 milliards d'euros - a notamment pour objectif de renforcer l'excellence scientifique de l'Europe.
La seconde partie du rapport expose les motifs des recommandations et les cadres d'actions que nous avons souhaité proposer en vue, d'une part, d'améliorer le partage des savoirs et, d'autre part, de promouvoir une meilleure gouvernance des CSTI, tout en rappelant les dispositions concernant les CSTI contenues dans les lois sur la refondation de l'école et sur l'enseignement supérieur et la recherche.
Le premier point de nos recommandations vise à inscrire, de façon systématique et transversale, le partage des CSTI dans le système éducatif.
Ainsi, s'agissant de la formation des enseignants, clé de la réussite d'une pédagogie basée sur la promotion des CSTI, nous avons jugé nécessaire de l'inscrire dans leur formation initiale et continue en particulier dans celle des enseignants formés dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), qui ont été ouvertes lors de la rentrée de septembre 2013.
De même serait-il souhaitable qu'à tous les niveaux d'enseignement - de la maternelle à l'enseignement supérieur - le goût des sciences et de la technologie soit développé et entretenu à travers la systématisation de l'expérimentation, comme la pratiquent les Schülerlabor allemands, par exemple, et que les propositions de l'Académie des sciences concernant le développement de l'informatique soient mises en application.
Mais, dans un pays confronté au défi de la ré-industrialisation, il est également essentiel que les élèves soient sensibilisés au volet industriel des CSTI, à travers notamment l'instauration d'un module au collège et au lycée.
Améliorer le partage des savoirs, c'est aussi le rendre plus accessible au plus grand nombre. Or, notre système éducatif a connu, selon les termes des spécialistes, une démocratisation ségrégative ce qui vaut à la France d'être taxée de championne des inégalités dans les derniers résultats de Pisa. On peut également rappeler les chiffres de la Cour des comptes : en 2010, 18 % des élèves issus d'une classe défavorisée obtenaient un bac général contre 78 % des élèves issus d'une classe sociale favorisée.
Dans ce contexte doivent être menés le chantier de la lutte contre les inégalités sociales et les inégalités entre femmes et hommes.
Concernant la correction des inégalités sociales, nous émettons plusieurs propositions sur la sélectivité et le manque de porosité des filières au collège et au lycée, mais aussi sur l'orientation professionnelle : les filières techniques et professionnelles doivent être valorisées et les cultures scientifique, technique et industriel de tous les élèves renforcées.
Quant aux inégalités entre les femmes et les hommes, force est de noter que, malgré des avancées non négligeables qui ont permis la réussite scolaire des filles et des femmes, leur accès aux carrières scientifiques et techniques demeure limité. Alors que, selon l'OCDE, dans de nombreux pays, la majorité des diplômés de l'université sont des jeunes femmes, ce sont les hommes qui dominent largement la production scientifique dans la plupart des pays, et notamment dans les pays les plus influents et les plus prolifiques en science. L'étude publiée par Nature, le 11 décembre 2013, qui se penche sur l'ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes dans la recherche, conclut que « Chaque pays devrait attentivement identifier les micro-mécanismes qui contribuent à reproduire ce schéma ancien. Aucun pays ne peut se permettre de négliger les contributions intellectuelles de la moitié de sa population ». C'est pourquoi nous recommandons aux acteurs d'intéresser davantage les filles aux CSTI, d'introduire dans le cahier des charges des éditeurs de manuels l'obligation de s'abstenir de clichés sur les femmes et les hommes ou encore de conditionner une partie de la dotation aux universités et aux organes de recherche à la prise de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes les universités et les organes de recherche devant, à cette fin, présenter un rapport annuel.
Améliorer le partage des savoirs passe ensuite par le développement d'une culture du dialogue apaisé sur la science, la technologie et l'industrie, responsabilité que doivent assumer ceux qui détiennent le pouvoir - décideurs, médiateurs de la science et industriels - mais aussi les citoyens. À cette fin, les actions de médiation doivent obtenir une reconnaissance institutionnelle dans la carrière des chercheurs. Par ailleurs, nous proposons d'impliquer davantage les doctorants dans la médiation scientifique ou encore d'assortir toute subvention versée à un établissement d'enseignement supérieur et de recherche de l'obligation d'en affecter une fraction au financement de telles actions.
Concernant les médias, nous préconisons qu'un lieu ressource puisse être développé pour faire le lien entre les journalistes et les chercheurs, par exemple dans le cadre de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST). Par ailleurs, un portail Internet spécialisé regroupant l'ensemble des émissions scientifiques diffusées par les chaînes publiques pourrait par exemple être créé. Il serait également nécessaire que les futurs journalistes soient mieux formés aux spécificités des CSTI, et que dans cette perspective des modules de méthodologie et d'histoire des sciences et des techniques puissent être intégrés aux cursus des écoles de journalisme.
Il nous apparaît également important de réfléchir à ce que l'OPECST réitère et développe son expérience d'organisation des conférences de citoyens. Pour la participation du public, le niveau régional nous semble être un bon échelon. Nous proposons d'inciter les régions à instituer un lieu de débat permanent et un observatoire des sciences et des technologies.
S'agissant de la gouvernance, il importe de renforcer la coordination des politiques au plan national notamment en conférant désormais un rôle pilote au ministère en charge de la recherche, conformément au souhait - exprimé par de nombreux acteurs - de voir s'affirmer un État stratège. Par ailleurs, ce dernier doit s'appuyer sur les ressources et besoins locaux. Pour cela, nous proposons qu'une conférence annuelle rassemble l'Etat et les acteurs locaux afin de débattre des questions touchant à la stratégie des CSTI et d'échanger sur les bonnes pratiques.
Il faut également simplifier la gouvernance en séparant la présidence du Conseil national de la CSTI de la présidence d'Universcience et prévoir au sein de ce conseil une représentation plus importante des régions, des musées et du monde associatif. Il nous semble également important de conforter financièrement les têtes de réseaux, notamment dans leur rôle de coordination des acteurs et de mutualisation de leurs actions.
Par nos recommandations, nous avons tenté de répondre à la demande des acteurs d'une gouvernance nationale forte qui respecte leur autonomie et leur diversité, mais qui favorise la cohérence de leurs actions en leur permettant de mutualiser leur travail.
Nous avons aussi voulu insister sur le fait que faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle constituait un objectif politique majeur, dont on ne pourra faire l' économie sous peine de vider la notion de société de la connaissance de toute substance et de prendre le risque de mettre en péril l'impératif de cohésion sociale en creusant davantage le fossé entre sachants et non-sachants.
Vous avez résumé un sujet très vaste dans votre rapport que je trouve très intéressant, car ce dont il traite est au coeur de la démocratie et de l'égal accès de tous au savoir.
Je souhaiterais évoquer, d'une part, la portée de la révolution numérique et, d'autre part, celle des classements internationaux.
La révolution numérique n'a-t-elle pas apporté autre chose qu'un vernis à ceux qui n'ont pu bénéficier du système d'éducation formelle ? Ces personnes peuvent-elles avoir accès à l'éducation formelle ?
S'agissant des classements internationaux, on peut y réagir de deux façons. Soit comme les Allemands, on les prend en compte en vue de procéder à des réformes. Soit, comme en France, on en invente d'autres. Mais est-ce la bonne méthode pour améliorer la diffusion de la CSTI par ceux qui sont en charge de l'éducation informelle, par exemple les journalistes qui ont pour mission de transmettre ? Tout en me demandant si ces professionnels ont tous une formation leur permettant de traiter des sujets scientifiques, je constate qu'ils parlent parfois à charge au sujet de certaines questions, telles que les OGM ou le gaz de schiste. Dès lors, se pose la question de savoir comment améliorer l'accès du plus grand nombre aux CSTI, dans des sociétés qui progressent à grande vitesse grâce aux sciences et aux technologies. À cet égard, je dois souligner que vous avez raison d'employer le pluriel en évoquant ces diverses cultures.
J'ai pu apprécier tout l'intérêt du rapport quant à la méthode et au fond. Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, la composition du groupe d'experts auprès des rapporteurs est-elle presque paritaire, tandis que sa problématique - transverse - intègre les questions sociales et les inégalités de genre, qui sont un sujet majeur.
L'analyse du rapport est fine et convaincante. Les propositions sont toutes positives et peuvent être mises en oeuvre, posant la question de fond du rôle essentiel des régions : se saisiront-elles de cet enjeu ?
Je souhaiterais que les rapporteurs puissent être auditionnés par la commission de la Culture du Sénat, qui travaille beaucoup sur les questions de CSTI et par la commission d'enquête sur les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE).
En tout état de cause, il faut que ce rapport soit diffusé, valorisé et serve d'outil de communication de l'OPECST.
Je voudrais évoquer un système en vigueur dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, qui permet aux personnes âgées de 28 ans, non titulaires du baccalauréat mais passionnées de sciences et de technologies, de devenir ingénieur. À cette fin, ces personnes disposent d'une année de mise à niveau scientifique.
Un système analogue - appelé maths0 - existait aussi en France à l'Université d'Orsay, mais il était réservé uniquement aux personnes voulant suivre des études de médecine. Le modèle du CNAM ne répond pas, selon moi, à toutes les demandes de vocations scientifiques et technologiques tardives.
C'est pourquoi, il convient de trouver un système qui, grâce aux propositions des rapporteurs, permettrait aux vocations tardives de déboucher sur une profession.
agissant du vernis qu'apporteraient les technologies numériques à certaines personnes, on doit noter toutefois qu'il existe une envie de trouver et une curiosité qui permettent à des personnes n'ayant pu bénéficier de l'éducation formelle de se cultiver néanmoins. Au demeurant, des associations telles que le CIRASTI - collectif d'associations - mènent des actions d'éducation informelle dans les quartiers auprès de personnes qui ont été éloignées du système éducatif traditionnel, afin de les intéresser à la science de façon très expérimentale. Donc, il existe bien des moyens de raccrocher à l'éducation formelle des personnes qui ont pu en être éloignées.
Pour ce qui est des classements internationaux, je juge justifiées les remarques formulées par Mmes Fioraso et Pécresse sur le fait que le classement de Shanghai ne prend pas en compte les débouchés professionnels. Je trouve en effet dommageable qu'il se limite au nombre de publications, de médailles Fields et de prix Nobel.
En fait, ce classement a été créé pour permettre aux universités chinoises - en particulier, celle de Shanghai - de se comparer aux autres universités équivalentes, et non pour déterminer les conditions pour favoriser l'éducation à la science ou les vocations scientifiques.
Il convient de ne pas opposer éducation formelle et éducation informelle, car elles sont complémentaires dans le contexte actuel du développement du numérique, dont les enjeux sont transversaux dans les deux systèmes d'éducation.
Pour autant, faute d'expérience suffisante, les effets de cette mutation profonde du partage des connaissances ne seront visibles qu'au fil du temps. Nous soulignons dans le rapport qu'on ne peut se passer de l'éducation formelle. Car, aujourd'hui, le déluge informationnel suscité par Internet manque encore de repères et de régulation, qui permettraient à la bonne connaissance d'être diffusée.
En outre, la révolution numérique souffre d'un déficit de perception cognitive, de telle sorte qu'elle ne pourra jamais remplacer l'éducation formelle.
En ce qui concerne les médias, une grande partie du rapport traite du rôle que jouent les journalistes dans la diffusion des CSTI. Or, la grande ignorance des sujets chez une large majorité d'entre eux, favorise la tendance au sensationnalisme. Il en résulte que l'objectivité est absente de l'espace médiatique, sauf pour les rares exceptions de journalistes de revues spécialisées. C'est pourquoi, une de nos recommandations préconise la création d'une plate-forme-ressource entre monde scientifique et médias, pour favoriser progressivement une certaine prise de conscience de la nécessaire objectivité dans un monde mouvant et pour appeler les journalistes à la prudence lorsqu'ils traitent de polémiques.
Nous faisons une recommandation ouvrant la possibilité d'une « année blanche » en faveur des lycéens désireux de changer de filière. La proposition intéressante émise par Mme Corinne Bouchoux va toutefois au-delà.
Je voudrais également vous féliciter pour ce rapport très argumenté et documenté.
Je partage l'idée de substituer l'intitulé que vous proposez à celui, initial, de diffusion de CSTI.
Je souhaiterais évoquer cinq questions.
La première concerne le jugement - que je trouve diplomatique - que vous portez sur les rapports entre Universcience et les régions. Vous évoquez même leur amélioration, sans toutefois analyser les problèmes budgétaires, en particulier le montant des crédits accordés aux régions au regard du budget dont dispose Universcience. En effet, Universcience ne doit pas être uniquement une institution parisienne, mais aussi un acteur du développement des CSTI au niveau national. Grâce aux investissements d'avenir, des liens étroits ont pu se nouer entre Universcience et cinq autres centres régionaux. Estimez-vous que cette démarche expérimentale soit la seule voie qui permettrait l'amélioration des relations entre Universcience et les régions ou, que, au contraire, elle doit s'étendre à tous les centres régionaux ?
La deuxième question touche aux crédits consacrés aux CSTI, secteur qui reste le parent pauvre de la culture. Leur gestion est soumise à une double tutelle, dont celle du ministère de la culture. Les crédits qui sont alloués à ce dernier sont en baisse. D'autre part, les CSTI sont à la périphérie de ses préoccupations. Dans ce contexte, n'y a-t-il pas un risque à maintenir les crédits des CSTI au sein de ce ministère ? Ne serait-il pas préférable, compte tenu des objectifs assignés aux CSTI - tels que le développement des vocations d'ingénieurs et de la diffusion de la science - de rattacher plutôt ces crédits au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont le budget augmente et échappe à la rigueur budgétaire ?
En second lieu, les investissements d'avenir ont permis de sauver ou de développer certains projets, comme les maisons des sciences. Celles-ci, avec l'aide des Petits Débrouillards, dispensent une pédagogie entièrement nouvelle et bien meilleure que la pédagogie traditionnelle, comme j'ai pu le constater dans ma région. Ne devrait-on pas généraliser cette expérience, même si je suis conscient des coûts budgétaires qui en résulteraient ?
La troisième question a trait à l'organisation du débat public que vous avez beaucoup évoquée. Les propos de certaines personnalités que vous citez sont pessimistes. D'autres indiquent qu'il n'existe pas de bon exemple de débat public, ce qui, selon moi, n'est pas vrai.
Je suis réservé quant à la recommandation sur la possibilité de confier à l'OPECST le soin d'organiser des conférences de citoyens. En effet, il s'agit d'une procédure lourde, même si je trouve que la conférence que l'Office a organisée sur les OGM en 1998 a très bien fonctionné.
En revanche, les débats publics organisés par la Commission nationale du débat public (CNDP), qui sont une procédure encore plus lourde, ont montré leurs limites sur certains sujets. Pour autant, c'est moins la CNDP qui est en cause, que le fait que, lors de certains débats, des intervenants ont tenté de faire prévaloir leur vérité et leurs certitudes. De fait, il est difficile d'organiser des débats, lorsqu'existent de tels clivages idéologiques.
Ma quatrième interrogation concerne les moyens d'élaborer des politiques de long terme, alors que la recherche et la science s'inscrivent dans des temps longs, à la différence des décisions politiques qui visent à l'obtention de résultats rapides.
Enfin, si les semaines d'évaluation et de contrôle de l'application des lois organisées dans les assemblées sont une très bonne chose, ne serait-il pas utile qu'une partie de ces séances soit organisée de façon systématique sur un thème abordé par l'OPECST, puisque l'évaluation fait partie de ses missions ?
Nous souhaitons qu'un décret du Premier ministre impartisse aux ministres l'obligation de désigner des référents pour les CSTI et que la tutelle de ces derniers soit assurée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, même si je ne suis pas sûre que de telles mesures puissent être mises en oeuvre.
Au moins, faudra-t-il poser la question budgétaire.
S'agissant des maisons des sciences, nous avons suggéré que les collectivités territoriales soient impliquées dans leur administration, de façon à créer une synergie avec les projets élaborés par les régions.
Sur l'évaluation, je souhaiterais savoir s'il serait possible que, en cas d'adoption des recommandations, celles-ci fassent l'objet d'une évaluation pour l'Office dans un an ?
J'envisage la même chose pour le rapport sur l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques que j'ai présenté il y a deux ans.
En ce qui concerne la dimension très parisienne d'Universcience, ce reproche a été fréquemment formulé lors de nos auditions et souligne la nécessité de revoir les conditions de son action. Quant aux crédits attribués aux régions, ils s'élèvent à 3,6 millions d'euros et ceux d'Universcience à près de 110 millions d'euros.
Il existe donc bien de très importants déséquilibres budgétaires, ce qui confirme mon jugement selon lequel votre approche a été empreinte de diplomatie.
Au cours de nos auditions, nous avons ressenti le besoin d'une plus grande visibilité de la stratégie de l'État. D'où le besoin d'un pilote, qui se substitue à une pluralité d'acteurs se trouvant en concurrence les uns avec les autres.
Quant au mouvement brownien du monde associatif, il révèle beaucoup d'énergie et de passion malgré de très faibles moyens. Cette différence avec Universcience - très critiqué du fait de son organisation et de sa captation d'une grande partie des crédits - rend nécessaire une nouvelle répartition des moyens. Vont dans ce sens certaines mesures telles que le transfert des crédits des CSTI.
Nous n'apportons pas de réponse à la question de savoir s'il faut généraliser des expériences régionales ou s'il faut favoriser des régions pilotes. Compte tenu des inégalités que nous avons constatées, il importerait que des synergies soient déployées au niveau régional.
Pour ce qui est du réseau associatif, il est extrêmement actif et capillaire en matière d'information au niveau communal. Il convient de le privilégier, la labellisation que nous proposons devant permettre d'établir des relations de confiance entre les associations et les élus.
En ce qui concerne la discordance entre le temps de la science et celui de la décision politique, j'observe que la société évolue lentement et que le temps politique se déploie dans un horizon très court. Il faudrait dynamiser le temps sociétal et ralentir un peu le temps politique. Au demeurant, une recommandation prévoit progressivement la sensibilisation du monde politique aux CSTI.
Le rapport a l'immense mérite d'exister et d'être très complet. L'accent mis sur l'éducation est premier.
Pour autant la relation à l'expérimentation aurait mérité d'être plus développée dans la deuxième partie, en ce qui concerne en particulier les actions entreprises par les Petits Débrouillards et la Main à la Pâte, qui ne sont plus relayées aujourd'hui que par des militants associatifs ou pédagogiques tentant de survivre péniblement avec des moyens dérisoires.
Nous sommes un pays scientifique - ce qu'il importerait de réaffirmer - connu pour ses scientifiques, ses laboratoires et ses universités de très haut niveau. Or, je suis interpellée par le fait que, vingt ans après la révolution numérique, l'on en soit encore à se poser la question de la place de l'informatique dans l'enseignement. Que l'on en soit à user du terme américain de MOOCs conduit à se demander pourquoi le corps social français s'est aussi peu approprié économiquement, industriellement, politiquement la place de l'informatique et du langage binaire que nous utilisons quotidiennement dans le moindre de nos appareils. La France aurait dû le faire à la fin des années 1980, lors de l'apparition du Wifi.
Vous insistez beaucoup, dans vos premières recommandations, sur la place de l'informatique dans l'enseignement, comme si cet enseignement - celui d'un langage plus que d'une science - devenait une priorité. Ne s'agit-il pas plutôt de vivre que d'enseigner l'informatique ? Ne risque-t-on pas de créer dans la classe de quatrième un enseignement particulier qui serait séparé de l'enseignement des technologies ? Celui-ci étant dispensé par des professeurs qui parviennent à motiver les élèves, ne serait-il pas l'interface dont ont besoin les jeunes de 10 à 15 ans ?
C'est pourquoi, je suis assez réticente vis-à-vis de votre proposition visant à généraliser l'enseignement de l'informatique à tous les niveaux, de la maternelle aux classes préparatoires.
Le vrai sujet prioritaire n'est-il pas la capacité à mettre de la matière - ce que j'appellerai la pâte à la main - dès l'école maternelle ? À cet égard, la recommandation insistant sur la nécessité de juger les élèves des ESPE sur leur capacité à expérimenter est importante. Or, dans tous les programmes, l'intellect est privilégié, alors que, dans le passé, les concours et les examens comportaient des épreuves d'expérimentation. Il convient, dès lors, d'insister sur la capacité à expérimenter et d'éviter de donner l'impression que l'informatique serait une discipline particulière.
En revanche, j'apprécie le lien que vous établissez entre art, science et technique.
Il convient de mettre de nouveau en vigueur l'idée de projet des élèves - et ce, dès le collège - donnant lieu à une évaluation par des professeurs de disciplines différentes, une idée oubliée, alors qu'elle fait partie de notre tradition.
S'agissant de votre recommandation érigeant les CDI en référents des CSTI, elle posera, selon moi, un problème de recrutement.
Enfin, en ce qui concerne la Fête de la science, il importe de réaffirmer qu'elle est une politique publique de l'État non pas optionnelle mais obligatoire.
Pour conclure, ce rapport exprime tout ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent.
La formation tout au long de la vie, qui ne semble pas avoir connu beaucoup de succès, intègre-t-elle la CSTI ?
Nous le proposons dans une recommandation.
Je mets aux voix le nouvel intitulé du rapport : « Faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle ».
Il conviendrait d'ajouter in fine : un enjeu !
Il s'agit plus d'un impératif que d'un enjeu. C'est pourquoi je proposerais : « Un impératif : faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle ».