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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes cherscollègues, notre groupe souhaite aujourd’hui remettre le droit pénalau cœur des débats de la Haute Assemblée, qui s’esttoujours montrée, comme chacun le sait et le reconnaît, à lapointe du combat pour les libertés publiques. Ce combat, nous le portons, aujourd’hui comme hier, en nous plaçant dans le sillon d’Albert Camus, qui écrivait : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. » Mes chers collègues, ce...
Comment penser prévenir la récidive si l’on ne donne pas de moyens pour la réinsertion ou la probation, si l’on oblige les magistrats à travailler dans des conditions ubuesques, à la limite de la sécurité sur leur propre lieu de travail ? Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la majorité de mon groupe attend aujourd’hui une refondation de notre politique pénale. Il y a urgence, près de dix-huit mois après le changement de majorité ! Il y a urgence, alors que le bruit de fond de la société est inquiétant et que de nombreux citoyens sont excédés par la délinquance quotidienne, preuve, s’il en fallait, de l’inefficacité de la politique pénale du tout-répressif ! Voilà pourquoi notre groupe a choisi de soumettre au Sénat, comme un préambule, cette proposit...
...anglo-saxonne ou, pis, du plea bargaining états-unien, qui fait dresser les cheveux sur nos têtes. En France, on ne plaide pas coupable, tout au plus se reconnaît-on coupable. La négociation sur la culpabilité et sur la peine s’opposait au primat que nous accordons à la présomption d’innocence et à la sanction en tant que fonction régalienne. Aux États-Unis, en revanche, le juge, même au pénal, n’est qu’une sorte d’arbitre tout au long du procès, lequel donne lieu à un marchandage, y compris de la part du ministère public. La fonction du juge consiste d’abord à constater l’accord ou le désaccord entre les parties et le ministère public : ceux-ci doivent s’entendre sur la peine, laquelle est calculée selon une grille des plus strictes et sans aucun souci d’individualisation en fonction ...
...résident, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, c’est la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, qui a créé ce que l’on appelle parfois, à mon avis à tort, la procédure du « plaider-coupable ». Ce texte proposé par notre collègue Jacques Mézard vise, selon son intitulé, à « réformer » ce mode de poursuites pénales. En réalité, dans la version initiale du texte, il ne s’agissait pas tant de réformer que de rendre quasiment inutilisable la CRPC... La remise en cause profonde de la CRPC était d’ailleurs à peine voilée puisqu’on pouvait lire dans l’exposé des motifs : « La CRPC va à l’encontre des grands principes de la procédure pénale présents à l’article préliminaire du code de procédure pénale et à l’ar...
...à l’encontre du CRPC, lesquels figurent d’ailleurs dans l’exposé des motifs du texte dont nous discutons aujourd’hui ; le rapport en fait également état. D’une part, il est reproché à cette procédure de laisser de trop larges pouvoirs au procureur, un magistrat dont l’indépendance est aujourd’hui plus que jamais contestée, et par ailleurs d’aller à l’encontre des grands principes de la procédure pénale, en particulier celui de la séparation de l’autorité de poursuite et de l’autorité de jugement. D’autre part, la place donnée à l’aveu sollicité grâce à la menace d’une sanction pénale plus lourde est dénoncée. La détermination de la peine constitue une sorte de « marchandage » entre le parquet et la personne qui reconnaît sa culpabilité en présence d’un avocat, lequel n’a finalement que très p...
... rappelé plusieurs fois. La peine encourue ne changera pas non plus, et là je voudrais souligner – cela a fait un peu débat au sein de la commission – que, si le quantum de peine encourue ne sera finalement pas modifié, restant bien à cinq ans et non à trois ans comme cela avait été initialement proposé, c’est sans doute dû à l’incohérence de notre échelle des peines figurant dans le code pénal, échelle qu’il faut très certainement revoir. Cette incohérence de l’échelle des peines est due à l’accumulation de lois sécuritaires et de lois « tout répressif » adoptées ces dernières années. Il y a donc là très certainement un travail de toilettage à faire…
… et j’ai eu le plaisir de convaincre mon groupe. Ce n’était pas évident, tant la CRPC nous paraissait totalement contraire à l’esprit même du droit pénal français. Comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, les écologistes étaient en effet très critiques, voire violemment opposés à cette procédure dérogatoire du droit commun au nom barbare de « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité », et au charmant diminutif de « CRPC ». Il suffit de lire l’exposé initial des motifs de cette proposition de loi pour se rendre compte de la v...
... de précisions. L’hostilité de certaines organisations professionnelles de magistrats – il serait plus juste de dire la totalité ! – lors de l’élaboration de la loi de 2004 semble, à la lumière des auditions conduites par M. le rapporteur, démontrer l’utilité et la pertinence de cette procédure, employée par les parquets avec mesure, comme étant très adaptée à certaines catégories de contentieux pénal. Même la loi du 13 décembre 2011, qui suivait les recommandations du rapport Guinchard, a étendu la CRPC à tous les délits, sous réserve de ceux qui sont visés aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal punis d’une peine de plus de cinq ans d’emprisonnement. Cette restriction a d’ailleurs été apportée grâce à l’adoption d’un amendement d’Yves Détraigne et ne pose pas de problème particulier. Vo...
Or on s’aperçoit que les tribunaux n’en utilisent que 300 ou 400. Là encore, on peut s’interroger sur l’efficacité du droit pénal, mais c’est une autre question. L’examen de la proposition de loi est néanmoins l’occasion – et c’est heureux – de faire le bilan d’application de la CRPC. Après tout, cela fait dix ans que la loi a été adoptée. Nous constatons qu’elle est très utilisée et représente environ 15 % des poursuites à partir de 2009, avec un taux d’homologation d’environ 12 % par le tribunal correctionnel. Je relève ...
...lle des peines. Cela pose un véritable problème aujourd’hui, car, eu égard aux faits commis, mais aussi à l’évolution de la société, nos concitoyens ne peuvent pas comprendre la nature des peines prononcées et les différences qui existent entre elles. Quand un avocat explique à son client que, pour telle infraction, il risque sept ans ou dix ans de prison – c’est vrai, c’est inscrit dans le Code pénal –, il nous répond que le système est complètement fou ! C’est ce que les avocats entendent tous. En revanche, certaines infractions ont connu des évolutions dans le sens contraire. Comme d’autres avant moi, monsieur le ministre, je constate que, depuis quelques d’années, il existe une volonté d’écarter des audiences un certain nombre d’infractions économiques. Pour certaines d’entre elles, cela ...
...é est une procédure qui, lors de son introduction dans notre droit en 2004, soulevait beaucoup de doutes et d’interrogations, voire d’oppositions, qui ont parfois été vives. Ces doutes émanaient aussi bien des magistrats et des avocats que de nombreux parlementaires. En effet, dans l’esprit de bien des personnes, cette procédure s’éloignait fortement de la conception qui est la nôtre d’un procès pénal équitable. Néanmoins, au gré des différentes modifications législatives et, surtout, de la pratique des magistrats, force est de reconnaître que cette procédure a finalement convaincu très largement. Ce n’est pas encore entièrement le cas de notre collègue Jacques Mézard, semble-t-il, mais beaucoup ont su faire évoluer leur position. Il est vrai que la CRPC s’est révélée utile pour juger les no...
Monsieur le ministre, j’en suis mortifié, mais je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement. L’argument que vous venez d’exposer vaut pour toutes les procédures, quelles qu’elles soient : la peine mentionnée dans le code pénal est toujours supérieure à celle que risque réellement le prévenu. Par conséquent, pourquoi votre critique se limite-t-elle à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? Je voudrais vous expliquer la logique de notre raisonnement, qui ne repose pas sur des a priori. Qu'on le veuille ou non, la cheville ouvrière du dispositif, c’est le procureur. Cela peut ne p...
...eur le ministre. C’est le rôle de l’avocat de rassurer le prévenu en amont de la convocation. Je partage l’interrogation de Jean-Jacques Hyest sur la nécessité ou non d’avertir le prévenu que son avocat doit intervenir ; il me semble préférable que le prévenu reçoive cette information. Il appartient à l’avocat d’expliquer à son client qu’il ne risque pas réellement la peine inscrite dans le code pénal. C’est le rôle de l’avocat, non celui du parquet. Quid de la victime ? La force de l’écrit est telle que, si elle voit qu’une proposition de peine est formulée d’entrée de jeu, elle aura l’impression que le jugement a été rendu avant même qu’elle n’ait été entendue.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec le travail effectué en commission. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, on ne peut pas, hélas, modifier le statut de la victime au sein de notre droit pénal, au détour d’une loi, même si j’ai vraiment conscience du problème posé par le statut de la victime. Contrairement à ce qu’a cru comprendre M. Kaltenbach, je n’ai pas du tout voulu dire que les victimes souhaitaient l’application de la loi du talion, qui constitue pourtant une avancée, je le répète, en ce que le désir de vengeance de la victime est satisfait par la réparation équitable du préjud...
Cet amendement vise à préciser le droit existant, puisque, comme je l’ai indiqué dans son objet, les spécialistes du droit pénal discutent du point de départ du délai mentionné à l’article 495-9 du code de procédure pénale, qui est l’un des éléments les plus importants. Il me paraissait nécessaire de profiter de l’examen de cette proposition de loi pour régler cette question. Par ailleurs, je souscris tout à fait au sous-amendement du Gouvernement, qui corrige une erreur matérielle affectant mon amendement, puisque le dél...
Cet amendement, que j’ai déjà évoqué lors de la discussion générale, vise à insérer un article additionnel après l’article 3 de la proposition de loi. Il est l’émanation de l’une des propositions du rapport d’information relatif à l’indemnisation des victimes d’infractions pénales, que j’ai rédigé avec Christophe Béchu. En effet, lors des auditions, nous avons constaté que, bien souvent, les victimes étaient mécontentes d’être écartées des procédures rapides de jugement qui se sont développées ces dernières années. S’agissant de la CRPC, la victime n’est invitée à faire valoir ses droits qu’au moment de l’audience de l’homologation, alors que l’essentiel a été décidé e...
Comme je l’ai expliqué tout à l’heure lors de la discussion générale, je suis tout à fait consciente de la nécessité de revoir, pas forcément dans un sens misérabiliste ou en fonction des gros titres des journaux, d'ailleurs, la place des victimes dans notre procédure pénale. Il faut revoir la place de toutes les victimes, quelles qu’elles soient. Celles-ci sont présentes à chaque étape de la marche de la justice. Certaines ne voient pas leur plainte aboutir. D’autres, jusque dans les procès d’assises, sont – heureusement ! – prises en compte et défendues, à côté de la société. Le problème de cet amendement, c’est qu’il tend à distinguer trois niveaux différents d...
Il y a un mois, lorsque nous avons commencé à étudier ce texte, j’avais songé à déposer un semblable amendement. J’ai ensuite examiné l’article 495-14 du code de procédure pénale, qui m’a paru satisfaisant dans la mesure où il indique que les procès-verbaux des CRPC ayant échoué ne peuvent être transmis à la juridiction, en précisant que ni le ministère public ni les parties ne peuvent en faire état devant cette juridiction. De fait, s’il n’accepte pas la reconnaissance préalable de culpabilité, un prévenu peut craindre que son choix soit connu au sein du tribunal, part...
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Madame Lipietz, permettez-moi de vous rappeler l’état du droit actuel, c’est-à-dire l’article 495-14 du code de procédure pénale, tel qu’il est aujourd’hui rédigé : « Lorsque la personne n’a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n’a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d’instruction ou du jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état de...
Monsieur le ministre, par cet amendement, je reprends textuellement l’article 495-14 du code de procédure pénale. Il n’y a donc aucun risque que l’on apprenne, a posteriori, la tenue d’une CRPC ! Le problème se pose simplement dans les deux cas suivants : d’une part, lorsque le prévenu n’a pas accepté la ou les peines proposées, de l’autre, lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué n’a pas accordé l’homologation. Lorsqu’une CRPC aboutit, elle est rendue publique et tout...