Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 26 février 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • chef d'état-major
  • militaire
  • état-major des armées

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mon général, c'est avec un très grand plaisir que nous vous accueillons pour cette première audition devant notre commission. Vous êtes déjà un familier des arcanes parlementaires puisqu'en tant que Major général vous avez suivi de très près l'élaboration du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Nous avons eu maintes fois l'occasion de vous croiser à ces occasions et d'apprécier votre écoute et votre disponibilité et surtout le grand sens de l'Etat et du service de la République que vous manifestez.

Nous avons avec l'Etat-major des Armées des relations constantes et directes auxquelles je tiens particulièrement. Sachez que, comme avec vos prédécesseurs, nous sommes à l'écoute de l'EMA et des armées. Nous avons pour cela un outil auquel je suis attaché qui est l'officier qui est mis à la disposition de notre commission. Ce trait d'union est extrêmement utile. Nos relations reposent sur l'estime et le respect que nous portons à nos soldats dont je veux saluer une fois de plus l'extraordinaire dévouement au service de la Patrie.

Vous savez par expérience l'investissement de notre commission dans les questions de défense. Nous avons mis ces dernières années un accent particulier sur les réformes auxquelles, je le crois, nous avons pris toute notre part. Les armées, dont vous êtes désormais le chef d'état-major, savent qu'elles peuvent compter sur nous, tout comme nous comptons sur elles.

Nous sommes particulièrement conscients des difficultés auxquelles font face les hommes et les femmes de la défense. La réorganisation prévue par le Livre blanc et mise en oeuvre dans la loi de programmation militaire va demander aux personnels des efforts nouveaux qui viennent s'ajouter à un train ininterrompu de réformes depuis la professionnalisation. Nous comprenons le besoin de souffler et l'atteinte au moral que peuvent entraîner ces bouleversements.

Vous savez toute l'attention que nous apportons au respect des engagements pris. Je le disais encore une fois hier soir lors du débat sur la prolongation de l'opération Sangaris. Nous nous appuyons sur un engagement ferme du président de la République. La contribution de la défense au redressement entraîne déjà une contraction que nous espérons temporaire. Il est impératif que nous nous en tenions là et que la programmation triennale des finances publiques que nous attendons prochainement tienne totalement compte de la sanctuarisation du budget de la défense. Nous y serons particulièrement attentifs et la LPM nous a donné de nouveaux moyens de suivi et de contrôle que nous allons utiliser pleinement. Ce sera, je le sais, un combat de tous les instants, mais nous sommes là pour le mener avec vous et avec le ministre.

Je vous laisse la parole.

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées - Je voudrais en tout premier lieu vous remercier pour votre invitation. C'est pour moi un honneur et un plaisir de m'exprimer devant vous, moins de deux semaines après avoir pris mes fonctions de chef d'état-major des armées.

Je me réjouis de l'intérêt sans cesse renouvelé que votre commission porte aux questions de défense, ce dont témoigne la qualité des débats à l'occasion du vote de la loi de programmation militaire. J'attache une attention toute particulière à ces échanges avec la représentation nationale et je sais pouvoir compter au Sénat sur une réelle expertise dans votre commission sur les sujets de défense.

Je sais aussi pouvoir compter sur vous, Monsieur le Président, et vous l'avez montré par votre engagement personnel ces derniers mois lors de la rédaction du Livre blanc et de la loi de programmation militaire.

Au lendemain du vote de prolongation de l'opération « Sangaris » en République centrafricaine je ne suis pas venu vous parler d'opérations mais je veux tout de même saluer devant vous la mémoire du caporal Damien Dolet du RICM de Poitiers, décédé à Bouar dimanche dernier.

Si je devais résumer mon état d'esprit aujourd'hui, je le ferais en trois mots : fierté, lucidité et détermination.

Fierté.

Fierté de commander les hommes et les femmes de nos armées, des armées engagées en opération, des armées qui gagnent et qui protègent, des armées qui jouent un rôle moteur dans nos alliances et au sein de l'Union européenne.

A l'heure où je vous parle, 9 000 militaires français sont engagés dans 26 opérations extérieures, dans des missions variées, exigeantes et difficiles. Je pense, pour ne citer que deux d'entre elles, à Serval, qui prendra une nouvelle dimension avec la régionalisation de notre stratégie et de notre dispositif au Sahel. Je pense à Sangaris, mission sans ennemi déclaré autre que la violence quelle qu'elle soit, au sein des populations, sans doute la plus complexe qu'un soldat puisse réaliser. Je pars d'ailleurs dès ce soir au Mali, puis en Centrafrique.

Dans le même temps, en permanence, nos armées surveillent et protègent le territoire national, ses espaces aérien et maritime et leurs approches. En permanence, nos armées recueillent du renseignement, veillent des zones d'intérêt stratégique, se préparent aux engagements futurs. C'est dans ce cadre que le groupe aéronaval - auquel j'ai rendu visite peu avant son retour à Toulon - s'est déployé en océan Indien.

La posture de dissuasion est tenue, sans faille, par les Forces aériennes stratégiques et la Force océanique stratégique. J'étais à Taverny le 18 février lors d'un exercice nucléaire « Poker » ; j'ai pu constater l'excellence des FAS, du centre de commandement aux équipages des Mirage et des Rafale.

Fierté donc de commander des hommes et des femmes dévoués et professionnels, animés par la passion de leur métier et par la passion de servir.

Fierté personnelle, fierté partagée, que j'ai mesurée en visitant nos blessés à Percy le jour même de ma prise de fonction. Leur courage et leur dignité sont édifiants. Les soutenir est un devoir moral, le premier.

Lucidité, ensuite.

Pour avoir conduit la réforme ces quatre dernières années en qualité de major-général des armées, je connais la situation et les tensions qui pèsent sur nos armées. Dans tous les domaines - le personnel, le matériel, l'infrastructure, le fonctionnement, l'activité, le soutien -, il existe aujourd'hui des fragilités, qui sont autant de points de vigilance - vous les connaissez, je n'insiste pas. J'ai parlé de « vigilance », mais sans catastrophisme car je suis optimiste, de nature.

Vous savez, ces dernières semaines, j'ai reçu de nombreuses félicitations mais quasiment toutes étaient accompagnées d'un « bon courage, ça va pas être facile » avec un air de commisération...je reste donc lucide. Mais aussi déterminé et c'est mon troisième mot :

La détermination.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons et compte tenu des fragilités évoquées, garantir au Pays les armées dont il a besoin est un véritable défi, qui ne peut être relevé qu'avec une ferme volonté de réussir. C'est, pour ma part, ce à quoi je m'engage, avec une détermination à la mesure de l'enjeu.

Vous m'avez demandé aujourd'hui de vous présenter la réforme des armées.

Depuis 1996 et la professionnalisation, les réformes s'enchaînent, voire se superposent. Le Livre blanc de 2008, la RGPP ont imposé aux armées un ensemble de réformes d'une ampleur considérable. À titre d'exemple, depuis 2001, l'armée de terre a perdu 43% de ses effectifs.

Aujourd'hui, c'est le Livre blanc de 2013 et la LPM 2014-2019 qui imposent d'autres réformes. Sans avoir l'ampleur du train précédent, l'effet successif, voire cumulatif les rend particulièrement sensibles. C'est bien de ces nouvelles réformes dont je veux vous parler maintenant.

À cet égard, permettez-moi de partager avec vous trois convictions fortes.

La première est que ces réformes - que l'on peut considérer comme une nouvelle étape de LA réforme des armées - sont incontournables : avec les contraintes très importantes qui pèsent sur nos capacités, leur réussite conditionne le succès futur de nos armes.

Deuxième conviction : il faut, dans l'écheveau des réformes en cours ou à venir, rétablir une cohérence. Autrement dit, il faut aux hommes et aux femmes qui servent dans nos armées un projet fédérateur, un projet d'ensemble qui décline les grandes orientations politiques en actions concrètes et les replace dans une même perspective.

Ma troisième conviction est qu'il faut un état d'esprit adapté à la situation et aux défis que nous avons à relever. Nous devrons être innovants et déterminés : la transformation est un état de fait, c'est aussi un état d'esprit.

Ces trois convictions, le caractère incontournable de la réforme, la nécessité d'un projet fédérateur, un état d'esprit mobilisateur constituent le plan de mon intervention.

Premier point, donc : la nécessité de cette nouvelle étape de la réforme.

En premier lieu, c'est le contexte qui l'impose.

Deux éléments de contexte.

D'abord, un nouveau Livre blanc, dans lequel le Président de la République, chef des armées, a fait le choix de conserver un niveau d'ambition élevé, qui se décline en trois grandes missions : la protection des Français et du territoire national, la dissuasion nucléaire, l'intervention extérieure.

Il a également fait le choix de maintenir un modèle d'armées complet nous permettant d'assurer ces missions, et cohérent avec les scénarios prévisibles d'engagement, tout en conservant une autonomie d'appréciation et d'action, dans tous les domaines.

Il a par ailleurs décidé d'accroître l'effort dans des domaines d'avenir, domaines qui sont souvent ceux qui permettent de mieux peser en coalition : renseignement, spatial, cyber, drones, frappes à distance et forces spéciales.

Enfin, le besoin de disposer de soldats bien équipés, bien entraînés, maîtrisant l'emploi de la force a été réaffirmé. La préparation opérationnelle et donc l'entretien programmé des matériels constituent une priorité de notre ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian.

En somme, il s'agit de maintenir le cap dans certains domaines, et même de faire mieux dans d'autres.

Deuxième élément de contexte, la situation de nos finances publiques.

La réduction des déficits publics et la résorption de la dette contribuent à notre autonomie stratégique et à la souveraineté nationale, fondements de notre politique de défense. Vous connaissez la problématique, je n'insiste pas.

Dans ce cadre, l'affirmation d'une telle ambition pour nos armées est un défi.

Au bilan, nos contrats opérationnels sont exigeants, mais ajustés à nos opérations les plus prévisibles.

Le format des armées se réduit ; la modernisation des capacités se poursuit, à un rythme moindre. Il est clair cependant que si ces réductions de format, de personnel, d'équipements et ces étalements des livraisons de matériel sont douloureux, ils sont la seule voie pour entretenir un outil de défense conforme aux grands objectifs du Livre blanc. Ce qui implique une remise en cause profonde de notre manière de penser et d'agir.

Vous l'avez compris, ces éléments de contexte nous amènent à une nouvelle étape de la réforme au sein du ministère, et donc des armées.

31 chantiers de transformation ont été lancés au niveau du ministère, dans une logique d'efficience : ressources humaines, finances, soutien, service de santé, communication, etc...

Partout, autant que possible, la recherche d'une meilleure efficience impose de diminuer les effectifs et donc de revoir le partage des tâches. Le commandement des armées est naturellement impacté, à l'échelon interarmées, mais aussi au niveau de chaque armée, direction ou service interarmées.

Je donnerai d'ailleurs l'exemple dans ce domaine. Pour sa part, l'état-major des armées se concentre en effet sur les responsabilités du CEMA : la planification et la conduite des opérations, la programmation militaire et la réalisation des capacités, le soutien interarmées sans oublier la dimension internationale, transverse, en particulier dans l'appui aux opérations, le soutien aux capacités, les relations militaires bilatérales.

Nous nous dirigeons donc vers un état-major des armées dont les effectifs diminuent de 30%, avec un format resserré de 600 personnes au lieu de 930, alors que les états-majors d'armée descendront à un niveau compris chacun entre 150 et 200 personnes. Tout cela pour commander les trois armées et les soutiens interarmées, soit de l'ordre de 230 000 personnes en 2015 !

Nous serons alors installés à Balard, et la réforme du commandement des armées sera terminée. Elle laissera aux trois armées le plus de marge de manoeuvre possible dans l'exercice de leurs responsabilités organiques. C'est une nécessité fonctionnelle, mais aussi une nécessité « culturelle » : la culture d'armée est une réalité, j'y crois profondément !

Dernière raison nous imposant de poursuivre la réforme : la primauté de l'opérationnel.

Nous touchons ici à la finalité de la réforme, qui doit rester guidée par l'opérationnel. L'histoire ancienne et le retour d'expérience récent montrent en effet que la cohérence globale entre les forces combattantes et les moyens concourants est une condition essentielle du succès opérationnel.

Ma responsabilité de CEMA est non seulement d'identifier les capacités nécessaires aux armées, mais aussi de garantir cette cohérence globale dans ses différents volets : ressources humaines, équipements, organisation, soutiens, préparation, concepts et doctrines. En cela, je suis responsable des travaux de planification des capacités militaires, de l'élaboration de la programmation militaire et de son actualisation.

C'est donc bien pour garantir le respect des contrats opérationnels fixés par le Livre blanc et pour pouvoir toujours remplir nos missions que nous devons poursuivre notre transformation. En conséquence, l'effort de déflation du personnel sera porté en priorité sur l'environnement et le soutien des forces.

Voilà ce que je voulais vous dire du contexte et de la nécessité de cette nouvelle étape de la transformation.

J'en viens donc à ma deuxième conviction : une réforme de cette ampleur ne se réalise qu'avec un projet fédérateur.

Ce projet, nous l'avons, c'est un projet commun aux armées, directions et services interarmées, que j'ai baptisé CAP 2020.

CAP 2020 s'inscrit dans le cadre fixé par le Livre blanc et la LPM et en découle. Il définit pour chaque armée, direction ou service le chemin de sa transformation, en répondant à un objectif clair : disposer dans la durée d'un outil militaire complet et cohérent, apte à garantir nos intérêts de défense dans le cadre de l'ambition stratégique de la France.

La feuille de route, c'est l'ordre aux armées, directions et services que j'ai signé le 15 février dernier, le jour même de ma prise de fonction. Il est conçu selon trois lignes d'opération.

La première ligne d'opération concerne l'optimisation des moyens au profit des capacités opérationnelles. Elle implique :

- La déclinaison des contrats opérationnels du Livre blanc en termes de disponibilité et de préparation des forces ;

- La définition de priorités dans les activités et la préparation opérationnelles, en lien avec les opérations en cours ;

- Le maintien de notre niveau de qualification opérationnelle, en insistant sur la complémentarité interarmées ;

- L'adaptation et la modernisation de nos capacités, pour être prêts à faire face aux engagements futurs ;

- La réforme des dispositifs des forces de souveraineté et de présence, en réorganisant les points d'appui et en diminuant nos effectifs.

Deuxième ligne d'opération : améliorer notre modèle de ressources humaines.

C'est le volet majeur de la réforme : 23 500 postes sont à supprimer d'ici à 2019, en plus des 10 000 restants de la réforme précédente, soit de l'ordre de 34 000 d'ici à 2019. Il s'agit de conduire ces déflations avec le plus de souplesse possible, pour assurer la continuité de nos missions.

La maîtrise de la masse salariale nous impose par ailleurs de prendre en compte le contingentement des effectifs, le dépyramidage, la gestion des hauts potentiels, la promotion au mérite, la simplification du dispositif indemnitaire des militaires et donc, au bilan, les parcours que nous offrons au personnel des armées.

L'objectif est d'obtenir une meilleure corrélation entre les grades, les emplois, les responsabilités et la rémunération, ce qui implique de mieux gérer les flux d'entrée et de sortie du personnel.

Notre modèle RH évoluera donc, et il devra évoluer le plus rapidement possible. Nous avons commencé les travaux en ce sens avec les armées.

In fine, nous aurons une pyramide des grades plus aiguë avec une population plus jeune. La rénovation de notre dispositif de reconversion sera centrale pour redynamiser la gestion du personnel dans cette optique. Tout ceci évidemment sera conduit en étroite cohérence avec la baisse des effectifs dans les états-majors et le chantier mené sur la formation.

Adapter la gestion du personnel, c'est aussi pouvoir compter sur un système de paiement de rémunérations fiable et sécurisé. Après tant de péripéties aux conséquences sociales et humaines souvent dramatiques pour les militaires et leurs familles, y compris pour les militaires en opérations, je me réjouis de la mise en place d'un « plan B » Louvois, annoncé par notre ministre M. Jean-Yves Le Drian. Et je me réjouis qu'il soit conduit sous la forme d'un programme d'armement, avec la rigueur que cela implique en termes de responsabilités et de procédures. Le retour à une situation totalement normalisée va toutefois nous conduire à souffrir encore pendant deux ans.

Dernier axe d'effort s'agissant des ressources humaines : l'amélioration de la condition du personnel, juste compensation des contraintes statutaires imposées aux militaires du fait de leur finalité opérationnelle. Nous travaillons actuellement au sein du ministère à la réalisation d'un plan dans ce domaine. Il comprendra notamment la simplification du dispositif indemnitaire - 174 primes aujourd'hui - et améliorera la prise en compte des notions de mérite et de responsabilité.

Il y a donc fort à faire dans le domaine des ressources humaines ; c'est un travail en profondeur, qui nécessitera de faire évoluer les mentalités, et donc qui demandera du temps. C'est un sujet essentiel, sensible, qui doit être conduit dans le respect de notre finalité opérationnelle, des spécificités d'armées et du statut général des militaires.

Troisième et dernière ligne d'opération : adapter notre organisation.

Une armée qui adapte son organisation sous contrainte, c'est - je l'ai évoqué - une armée dont l'administration est plus agile, plus resserrée : c'est une armée qui réduit les effectifs des états-majors et des organismes centraux.

C'est également une armée qui densifie ses emprises territoriales, pour dépenser mieux et moins. Nous devons chercher en permanence la mise en adéquation du contrat opérationnel, des ressources humaines, des équipements, des ressources financières et du stationnement. D'autres restructurations territoriales sont inéluctables. C'est un sujet complexe et très délicat, aux impacts multiples - vous êtes bien placés pour le savoir -, mais un sujet sur lequel nous devons avancer. Il faut un maximum de visibilité, pour cadencer la « manoeuvre RH » et donner le plus de perspectives au personnel. Nous ferons des propositions au ministre sur ce plan dans les mois qui viennent.

Une armée qui adapte son organisation sous contrainte, c'est enfin une armée qui accroît la performance de ses soutiens. La chaîne des soutiens connaît une véritable révolution depuis une dizaine d'années, avec l'interarmisation des fonctions, la création des bases de défense et la mise en place d'un pilotage centralisé au niveau de l'état-major des armées. Compte tenu des inévitables défauts de jeunesse et des contraintes nouvelles, cette chaîne s'adaptera encore. Le principe d'une administration générale et de soutiens communs sous une autorité unique, le Service du commissariat des armées, et le renforcement du pouvoir des commandants de base de défense constituent deux axes importants dans ce domaine. La responsabilité de commandant de base de défense sera confiée le plus souvent possible aux officiers assumant déjà des responsabilités locales, comme par exemple un commandant d'école, à Draguignan. C'est ce que, dans notre jargon, nous appelons le « double casquettage » : le dialogue est facilité entre le soutenant et le soutenu quand c'est le même homme ! De la même façon, nous renforcerons les « marquants d'armée », c'est-à-dire le lien d'une base de défense avec une armée, comme c'est déjà le cas à Toulon ou à Brest pour la marine, à Mourmelon pour l'armée de terre et à Evreux pour l'armée de l'air.

J'en viens maintenant à ma troisième et dernière conviction : l'état d'esprit dans lequel nous engageons cette adaptation.

C'est à nous, ici à Paris, au sommet des armées, de susciter l'adhésion et la confiance en cette nouvelle période qui s'ouvre, avec vérité et simplicité. Ma priorité, en tant que chef d'état-major des armées, sera donc de rassembler, de fédérer les énergies, dans une dynamique d'innovation et d'imagination. Il s'agit, pour les armées comme pour tout le ministère, d'agir « ensemble, autrement, au mieux ».

Ensemble.

Ce sont les femmes et les hommes des armées qui sont au coeur des adaptations à venir. Il leur est encore beaucoup demandé : un engagement opérationnel sans faille, et de nouveaux efforts au quotidien. L'adhésion de tous est la condition du succès, c'est clair !

Elle doit se matérialiser à tous les niveaux, et d'abord entre les armées. Je veux constituer une vraie équipe de commandement avec les trois chefs d'état-major : le général d'armée Bertrand Ract-Madoux, l'amiral Bernard Rogel et le général d'armée aérienne Denis Mercier. Cette adhésion doit ensuite se manifester au niveau du ministère, par une bonne coordination des réflexions entre les grands responsables. Le C4, comité de cohérence pour la conduite du changement qui réunit le SGA, le DGA et le major général des armées, en est un exemple.

Nous devons donc faire ensemble. Logiquement, nous devons également faire autrement.

Je l'ai déjà dit mais j'insiste, nous ne pourrons réaliser le nouveau modèle d'armée qu'en revoyant nos organisations et nos modes de fonctionnement. Le modèle de 96 est arrivé au bout de ses possibilités et nous sommes déjà en ordre de marche pour ces travaux.

Parfois, nous avons eu cette mauvaise habitude de créer une mission à chaque tâche nouvelle et, ainsi, de générer des « mammouths » administratifs peu lisibles, peu réactifs et peu manoeuvrants. Nous n'en avons plus ni les moyens, ni le temps. Nous devons donc encore simplifier les démarches administratives, de façon volontariste, en prenant en compte les initiatives locales : les vraies solutions aux problèmes locaux ne se trouvent pas à Paris. Une démarche spécifique est en cours au sein du ministère et singulièrement des armées. 66 mesures de simplification ont été validées. Certaines sont déjà engagées, d'autres sont à l'étude. Un exemple ? Une plateforme d'échange pour la simplification sera mise en oeuvre sur le réseau interne défense, pour recueillir les propositions du terrain et en informer l'ensemble du personnel. Cette plateforme interactive sera opérationnelle début mars.

Faire autrement, c'est enfin se tourner vers l'extérieur, vers l'international. Ce sont, potentiellement, autant d'opportunités à explorer avec pragmatisme. C'est le cas, par exemple, du concept CJEF que nous développons avec nos amis Britanniques, ou de l'emploi de la BFA au Mali avec nos voisins Allemands. Il va de soi que réalisme rime avec pragmatisme. Ne rêvons pas, les coopérations multinationales ne résoudront pas tous nos problèmes : en période de tension budgétaire, beaucoup de nos partenaires sont tentés par le repli. Et pourtant, dans l'intérêt de tous et de chacun, je ne vois pas d'autre solution que d'avancer ensemble : à des échelles différentes, nous sommes tous logés à la même enseigne !

Faire ensemble, faire autrement. Faire au mieux.

Nous ne ferons pas mieux avec moins, nous continuerons à faire au mieux !

Le dire, ce n'est pas manquer d'ambition, c'est être lucide et honnête, vis-à-vis de nous-mêmes et de nos personnels militaires et civils : il faut dire la vérité.

Faire au mieux, c'est définir plus clairement nos priorités et remettre cent fois l'ouvrage sur le métier, afin de les réorienter aussi vite et aussi souvent que nécessaire. Je pense au maintien en condition opérationnelle des équipements, déterminant pour nos capacités, qui, en plus d'un effort budgétaire sensible porté par la LPM, fait l'objet de plans d'action spécifiques.

Nous devrons donc anticiper davantage, afin de limiter les conséquences des risques et des fragilités que nous avons identifiées, parmi lesquels :

Le vieillissement assumé de certains équipements, conséquence des décalages de livraison de ceux qui doivent les remplacer ;

La « soutenabilité » de notre équilibre en matière de ressources humaines ;

Des difficultés quotidiennes dans l'exercice de notre métier et touchant aux conditions de vie dans nos bases, régiments et ports, notamment en ce qui concerne l'infrastructure ;

Le risque de décrochage du personnel par rapport à la réforme, alors même que son adhésion est une condition de la réussite de la manoeuvre.

En conclusion, je veux dire que nous avons un engagement politique fort devant la Nation à travers le Livre blanc et la LPM. Il doit nous accompagner vers le nouveau modèle d'armée, le modèle 2025.

Aujourd'hui, chef d'état-major des armées, je suis pleinement conscient des enjeux de ces réformes et convaincu de leur nécessaire poursuite. Nous avons un projet pour conduire cette nouvelle étape de la transformation et vous pouvez compter sur ma totale loyauté.

J'ai pu mesurer ces quatre dernières années, en tant que major-général des armées, les limites de l'élasticité de notre système. Je connais également parfaitement les difficultés et les défis qui sont les nôtres aujourd'hui. C'est, à terme, la pérennité d'un outil de défense complet et cohérent qui est en jeu.

La Loi de programmation militaire vient d'être promulguée. Sa mise en oeuvre représente un effort important pour les armées, dont le costume est déjà taillé au plus juste. Toute encoche sur les ressources prévues entamerait inévitablement la cohérence du modèle, compromettrait le succès de la réforme et s'exercerait au détriment de la finalité opérationnelle.

L'exécution conforme de la LPM est donc primordiale. Elle l'est pour l'efficacité de nos armées. Elle l'est aussi - tout est lié - pour le moral du personnel, qui y voit une juste reconnaissance de son engagement pour la Nation.

Votre soutien sera déterminant et je l'appelle avec force de mes voeux.

Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Permettez-moi de vous féliciter à mon tour. Je forme des voeux pour le succès de votre mission qui nécessite courage et détermination. Vous n'avez pas parlé de la réserve : avez-vous des projets en ce domaine ? Le rapport d'information que j'ai rédigé il y a quelques années avec Michel Boutant au nom de notre commission sur ce sujet a montré toute l'utilité de la réserve, notamment en cas de crise majeure. Le Livre blanc de 2013 y consacre d'ailleurs quelques intéressants passages. Des pratiques innovantes existent, je pense en particulier à ce que le Général Rouby fait à Bruxelles (à l'OTAN et à l'UE) en matière de réserve citoyenne. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées - Merci pour votre question sur un sujet qui m'est cher et sur lequel nous n'avons pas fait de réforme suffisamment profonde depuis 1996. Le pendant d'une armée professionnelle est en effet une réserve bien organisée, distinguant clairement réserve citoyenne et réserve opérationnelle. Je crois fermement à la réserve citoyenne au titre du lien armée-Nation. Elle peut être très utile dans des domaines très diversifiés et constitue un relais potentiel pour les forces armées. Il faut mieux l'organiser et clarifier son statut, en réglant des questions telles que la prise en charge des frais de déplacement ou le port de la tenue... La réserve opérationnelle est un chantier à ouvrir, qui est d'ailleurs ébauché dans le Livre blanc. La commission du Livre blanc était unanime sur ce sujet, même si elle n'a pas débouché sur un plan formalisé et concret. Le budget annuel de la réserve est de 70 millions d'euros sur un total de 31 milliards d'euros pour la défense. Peut-être pourrions-nous faire mieux ? Je vois trois pistes à explorer :

- mieux utiliser individuellement et collectivement la réserve, en particulier pour les spécialités rares, où des professionnels à temps partiel peuvent apporter un regard extérieur novateur ;

- simplifier le cheminement administratif des réservistes, qui est aujourd'hui décourageant ;

- améliorer l'attractivité de la réserve au sein des entreprises et les administrations, en s'inspirant, notamment, de l'exemple britannique.

C'est un vrai projet à construire. Je suis frappé par les gens exceptionnellement volontaires qui forment la réserve et qui sont, qui plus est, ancrés dans leurs territoires là où nos forces sont de moins en moins présentes. Ces atouts doivent être exploités, d'abord par la définition d'une stratégie, puis par l'octroi de moyens adaptés.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je m'associe aux félicitations qui ont été exprimées et je salue en vous l'homme présenté comme proche du terrain, qui fait son footing avec les hommes du rang. Vous me semblez illustrer l'adage « Tout vient à point à qui sait attendre ». Au regard des expériences malienne et centrafricaine, quelle est votre approche de l'Europe de la défense : y croyez-vous ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées - Football et footing sont de bons « antivirus » parisiens... Je partage la vision très pragmatique de l'Europe de la défense qui est celle du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian : je suis persuadé qu'il faudra des coopérations multi ou bilatérales pour faire des économies. Faisons donc vivre toutes les coopérations possibles : OTAN, Union européenne, coopérations bilatérales. Depuis quatre ans en charge des relations franco-allemande et franco-britannique, je prône une approche concrète : coopération opérationnelle avec le Royaume-Uni, coopération en matière de santé, de formation ou de brigade franco-allemande avec l'Allemagne, ou encore coopération dans la défense antimissile avec l'OTAN. Au niveau européen, il faut soutenir toutes les initiatives concrètes : commandement européen de transport aérien EATC (European Air Transport Command), « club » des drones Reaper, avec l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre, voire filière européenne de drones pérenne... Nous devons soutenir tout ce qui peut marcher ; plus encore, nous devons continuer à susciter les initiatives de coopération, avec la patience, le pragmatisme mais aussi le réalisme que cela suppose.

On construit, pas après pas, des coopérations européennes. La poussée politique est essentielle ; plus elle est forte et durable, plus l'outil militaire avance. Mes homologues allemands et anglais sont prêts à cela, mais il faut du carburant. J'ai de bons espoirs avec les Britanniques dans le cadre des accords de Lancaster House, avec les Allemands dans le cadre du groupe de coopération au sein duquel 60 projets sont examinés, et avec les autres pays européens aussi, sans exclusive. L'Europe de la défense qui a fonctionné ces dernières années, c'est celle à géométrie variable, pragmatique et concrète. Je me situe dans ce sillage-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Namy

J'ai apprécié, dans votre propos, votre sens de l'humain. En tant que président du conseil général d'un département, la Meuse, qui consacre un effort important au soutien et à l'accompagnement psychologique des militaires et des familles des militaires en OPEX, notamment au Mali, et aux militaires à leur retour, j'ai mesuré l'ampleur les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Comment faire pour vous aider en ce domaine ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées - C'est un sujet délicat que nous risquons de rencontrer également et de façon plus forte avec l'opération en R.C.A. Nous avons des systèmes d'accompagnement psychologiques et médicaux mais nous voyons bien que, dans la durée, ils atteignent leurs limites. Nous avons dans chaque régiment des cellules d'aide aux familles, bien organisées, qui les accompagnent. C'est ce qui fait notre spécificité, il n'y a pas pour nous le service et le « hors service ». Nous essayons de prendre en compte la dimension familiale et abordons la question dans sa globalité lors de la phase préparatoire au retour d'opérations. Ce n'est pas si facile dans un monde qui devient de plus en plus individualiste.

Le soutien des élus en ce domaine est très précieux parce que l'on peut donner des facilités à ces familles à titre temporaire ou dérogatoire en fonction de leurs difficultés.

D'une manière générale, je suis attentif au facteur humain qui sera la clef du succès de la réforme en cours. En effet, si l'on n'explique pas bien cette réforme et si nous ne suscitons pas d'adhésion, il y a un risque. En revanche, si on dépense un peu plus d'énergie pour expliquer, consulter, faire adhérer, je pense que nous réussirons. Et dans ce travail de conviction, il y a aussi l'environnement familial. C'est pourquoi des réponses doivent être apportées sur le plan de l'amélioration des conditions du personnel militaire qui accompagnera la transformation en matière de garde d'enfants, de logement, d'emploi du conjoint...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je me réjouis de l'esprit avec lequel vous abordez vos fonctions, votre lucidité, votre détermination et votre tonicité. Notre volonté est bien de solidifier au mieux ce qui a été décidé par le Livre blanc et la loi de programmation militaire. Nous aurons l'occasion de vous entendre dans le cadre de nos travaux sur les forces spéciales et sur le programme 146 que nous suivons avec une grande vigilance et nous nous sommes donnés les moyens dans la LPM de mieux contrôler sa mise en oeuvre. Je comprends que, dans vos fonctions, vous soyez attaché à développer de façon concrète la coopération européenne avec les moyens dont vous disposez, mais je considère pour ma part qu'à force de petits pas, nous n'avançons plus et qu'une impulsion politique est désormais nécessaire si nous voulons progresser de façon décisive. C'est l'idée que nous essayons de faire progresser et de partager avec nos partenaires parlementaires au sein des rencontres que nous organisons régulièrement avec les Britanniques, les Allemands, les Belges, les Polonais et peut-être d'autres demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

En m'associant également aux félicitations de mes collègues, je voudrais vous poser trois questions. Quelles sont vos idées pour développer la réserve citoyenne ? Il semble que l'armée de l'air y réussisse pleinement, la marine également, l'armée de terre semble avoir plus de difficultés. Nos collègues Gilbert Roger et André Dulait ont rédigé un rapport sur les bases de défense, d'où il ressortait que l'on était allé trop vite et trop loin. On a eu parfois l'impression que les unités opérationnelles ont été un peu sacrifiées dans les bases de défense et que la logistique a été perturbée. Vous avez émis quelques pistes de travail (« double casquettage », marqueurs d'armée...), pourriez-vous les développer ? Enfin, en tant que co-rapporteur du programme 146, quels sont pour chacune des armées, les programmes qui vous paraissent prioritaires ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées - Sur la réserve citoyenne, j'étais dubitatif sur le concept mais je l'ai expérimenté lors de mon commandement de brigade à Orléans et je suis désormais convaincu de son utilité. Il faut me semble-t-il désormais expliciter le concept et préparer un texte en amont qui formalise les choses. Il est vrai que l'armée de l'air a mené une action très volontariste, notamment sous l'impulsion du général Abrial lorsqu'il était chef d'état-major.

S'agissant des bases de défenses, nous allons progresser. D'abord, en réorganisant la fonction « administration générale du soutien commun », (alimentation, hébergement, finances, RH...) sous les ordres d'un seul chef, le directeur du service du commissariat des armées. Ensuite, en renforçant le rôle du commandant de base de défense qui aura des fonctions d'intégration, de coordination et d'arbitrage des soutiens, entre les différents organismes concourants qui sont organisés en tuyaux d'orgue et dépendent de directions et de services centraux différents ; nous rédigeons un texte en ce sens. Au deuxième niveau, la coordination sera effectuée par le CPCS (centre de pilotage et de conduite du soutien), en liaison avec les directeurs centraux des services... Nous souhaitons également organiser les bases autour d'un marquant d'armée plus fort et revoir à ce titre, mais avec souplesse et légèrement, le découpage. En effet, on a voulu de façon parfois artificielle faire de l'interarmées un principe absolu en mélangeant les personnels, on s'est privé de la sorte de la culture d'armée qui fonctionne efficacement. Enfin, il y a des regroupements de bon sens qui s'imposent, c'est pourquoi j'ai parlé de « double casquettage », le chef est celui qui est le plus gradé et doit assurer à la fois son commandement, celui de la base de défense, celui de la délégation militaire départementale. Il sera ainsi en mesure de faire efficacement les arbitrages soutenant-soutenu. C'est le système de la marine, c'est en partie celui des bases aériennes et il y a eu des expériences heureuses dans l'armée de terre, l'année dernière. Nous procéderons à leur extension sans nécessairement généraliser. Mais je souhaite, d'une manière générale, que nous prenions les bonnes « recettes » là où elles sont dans les bases de défense et que nous nous adaptions au terrain : il y a des situations qui ne sont pas comparables, ne serait-ce qu'en termes de taille entre les bases de défense.

S'agissant du programme 146 d'équipement des forces, -- je dirais, en simplifiant à l'extrême, que mes priorités sont les suivantes :

Pour l'armée de terre : Scorpion ; le missile moyenne portée (MMP), l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), le véhicule blindé multi-rôle (VMBR) et le programme « Contact » pour la radio ;

Pour l'armée de l'air : les ravitailleurs MRTT et l'avion de transport A400M ;

Pour la marine : le fait d'avoir un groupe aéronaval digne de ce nom, bien protégé par-dessus, par-dessous et en surface, ainsi que les moyens d'assurer l'action de l'Etat en mer sans oublier les forces sous-marines.

Je souhaiterais dans tous les cas éviter les ruptures temporaires de capacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Je m'associe aux félicitations de mes collègues concernant votre nomination. Dans le cadre de la LPM, nous allons nous efforcer, au Parlement et en particulier au Sénat, d'être les gardiens de la parole donnée. Ma question est la suivante : dans l'état actuel de nos forces, serions-nous capables de mener de front deux opérations comme le Mali ? Serions-nous capables de faire face à une montée en puissance de Sangaris et à une autre crise qui adviendrait ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées.- Vous connaissez les chiffres : nous avons 9 000 soldats en opérations extérieures et 21 000 en tout, hors métropole, si on additionne opérations extérieures, forces de présence et forces de souveraineté. Nous sommes loin du contrat opérationnel du Livre blanc. La réponse est donc « oui », sans aucune hésitation. Nous pourrions, s'il le fallait, renforcer Sangaris et faire face à un deuxième Mali. Nous avons les hommes et les équipements pour le faire. La question est : pour combien de temps ? Ce qui est compliqué, c'est la durée, qui plus est si nous devons conduire plusieurs opérations simultanément sur des théâtres éloignés les uns des autres et il y aurait aussi des tensions sur certaines capacités critiques telles que le ravitaillement aérien, le transport aérien, le renseignement (ISR) et les forces spéciales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Je m'associe aux félicitations de mes collègues et vous félicite également pour vos propos rafraichissants et enthousiastes. J'en ai retenu quelques formules telles que : « la réforme ne peut se réaliser qu'avec un projet fédérateur ». Et en effet, il vous faudra fédérer, dans toutes les armées, à tous les échelons et à tous les grades. Dans cette perspective, est-il envisageable d'avoir une progression de la « condition citoyenne » de nos militaires, c'est-à-dire une meilleure concertation entre les troupes et l'encadrement ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées.- La rénovation de la concertation fait partie intégrante de la manoeuvre RH. Cette manoeuvre comporte aussi la formation, la simplification des procédures administratives et le régime indemnitaire. Nous ne pourrons pas rester immobiles sur la concertation. Mais nous ne pourrons pas non plus accepter les syndicats au sens civil du terme. Le Président de la République a reçu trois fois le Conseil supérieur de la condition militaire. J'attends les propositions du groupe de liaison.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je m'associe aux félicitations pour votre nomination. Deux questions. La première : Balard 2015 - est-ce réaliste ? La seconde : vous commencerez la consultation de vos homologues chefs d'état-major par qui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Le groupe auquel j'appartiens vient de publier un Livre vert de la défense nationale. Nous y faisons un focus particulier sur la problématique énergétique et le démantèlement des équipements. Qu'en pensez-vous ?

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées.- Je n'ai pas d'inquiétude particulière sur le calendrier d'installation à Balard. Concernant le démantèlement, ayant eu à connaître le problème qui s'est posé pour la coque du Clemenceau, je peux vous dire que j'y suis extrêmement sensible. Nous devons mieux organiser nos filières de démantèlement. Concernant les équipements, nous sommes plutôt bons élèves dans l'armée, et nous efforçons désormais de prendre en compte le démantèlement dès la conception. Pour les infrastructures, c'est plus compliqué. Nous cherchons à faire mieux, en particulier en ayant recours aux énergies nouvelles.

La réunion est levée à 15 h 49.