La commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier rapporteur général, sur le projet de décret d'avance, relatif au financement de dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission du 18 novembre 2014, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Nous sommes saisis d'un projet de décret d'avance notifié le 18 novembre 2014, portant ouverture et annulation de 1 733 857 266 euros en autorisations d'engagement et de 1 268 961 883 euros en crédits de paiement.
Le projet de décret d'avance a pour objet le financement des opérations extérieures du ministère de la défense, des dépenses d'intervention liées principalement à l'hébergement d'urgence et, de façon moins habituelle, des dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale et d'autres ministères.
La condition d'urgence semble avérée pour les opérations extérieures, l'hébergement d'urgence, les contrats aidés et le paiement des personnels de l'État. Ces ouvertures de crédits sont bien gagées par des annulations de même montant. On peut toutefois relever le fait que plus des deux tiers du total des crédits ouverts ne sont pas gagés par des annulations de crédits au sein de la même mission, comme le prévoit le principe d'auto-assurance. Par ailleurs, on constate que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours. Les conditions de régularité du recours au décret d'avance sont donc réunies.
Si les conditions formelles sont respectées, ce projet de décret d'avance n'est cependant pas exempt de toute critique. Tout d'abord, le caractère urgent de ces dépenses ne signifie pas qu'elles fussent imprévisibles. Je souhaite souligner ici la sur-exécution systématique de certaines dépenses. Chaque année, il manque de l'argent pour l'hébergement d'urgence et les opérations extérieures. En particulier, pour la défense, il y a déjà eu ouverture de crédits par décret d'avance en 2012 et 2013. Pour 2014, le surcoût relatif aux opérations extérieures constitue près de la moitié des crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance. Différents dispositifs de solidarité sont également sous-budgétisés et leur dynamique n'est pas maîtrisée.
En tenant compte du projet de loi de finances rectificative pour 2014 en cours d'examen par le Parlement, ce sont plus de 2,1 milliards d'euros qui sont nécessaires pour assurer la fin de gestion 2014.
On peut également critiquer les hypothèses de budgétisation relatives à la masse salariale au titre de l'enseignement scolaire, qui se sont révélées trop favorables en 2014. Ce risque avait déjà été souligné par la Cour des comptes.
Tout ceci conduit à s'interroger sur la sincérité de la budgétisation initiale des dépenses contraintes. Nous invitons donc le Gouvernement a engager des réformes permettant de maîtriser l'évolution de ces dépenses à moyen terme, en revenant sur le principe de stabilité des effectifs de l'État et en engageant des travaux sur les critères et les modalités d'attribution des prestations précitées, afin d'en réduire le coût.
Sous le bénéfice de ces observations, il vous est proposé d'émettre un avis favorable au présent projet de décret d'avance.
Concernant les insuffisances de crédits pour les opérations extérieures, je pense qu'il serait honnête d'admettre qu'elles ne remontent pas à 2012. Un mouvement avait été entamé il y a quelques années pour rapprocher progressivement le montant inscrit en loi de finances initiale du montant de dépenses réellement constatées. Il s'est interrompu, ce qui est critiquable. Un autre problème est relatif au fait que ces ouvertures sont gagées, une nouvelle fois, par des annulations massives sur les investissements. Eu égard à la faiblesse des dépenses d'investissement, cela mérite d'être souligné.
Je partage les observations de Michel Bouvard. Chaque année, les mêmes postes sont concernés par des ouvertures de crédits en fin d'exécution. Je suis certain que nous aurons les mêmes problèmes en 2015. On peut difficilement émettre un avis défavorable à ce projet de décret d'avance qui concerne des dépenses urgentes. Mais je suis tout à fait d'accord avec l'observation du rapporteur général concernant le manque de sincérité de la budgétisation initiale.
Ces ouvertures de crédits sont gagées par des annulations qui concernent, une fois de plus, la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cela soulève beaucoup d'interrogations. La recherche et l'enseignement supérieur constituent des investissements d'avenir. Les multiples annulations de crédits en matière de recherche et d'enseignement supérieur ne sont pas raisonnables. Je n'exprime pas cet avis uniquement en mon nom personnel.
Les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur avaient été présentés comme « sanctuarisés ». Or on constate que des annulations importantes sont proposées pour 2014. Je crains que le même cas de figure ne se reproduise en 2015. Il y a peut-être des marges de manoeuvre dans le fonctionnement des universités mais je suis très inquiet concernant les investissements en matière de recherche.
Je partage tout à fait les observations de mes collègues. À chaque fois que le Gouvernement doit ajuster le budget, les crédits de l'enseignement supérieur, et plus particulièrement de la recherche, sont en ligne de mire. Nous avons eu l'occasion de le constater il y a quelques jours, lorsqu'il a fallu équilibrer le projet de loi de finances pour 2015 à l'Assemblée nationale, avec un « coup de rabot » de 135 millions d'euros sur l'enseignement supérieur et la recherche. On constate que Bercy a une propension très grande à réduire les crédits qui sont censés faire l'objet d'une sanctuarisation. Le président de la République a beau déclarer la sanctuarisation, mois après mois on s'aperçoit que l'on rogne sur les crédits de ce ministère. C'est la raison pour laquelle, il me paraissait nécessaire, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Enseignement supérieur et recherche », de formuler cette remarque.
Je note deux principales critiques. La première est, qu'en matière de défense, on annule des crédits d'équipement des forces pour financer les dépenses de fonctionnement. La deuxième concerne les annulations des investissements en matière de recherche.
J'ajouterais simplement un mot sur l'hébergement d'urgence. Aujourd'hui, des hôtels sont réquisitionnés, ce qui déstabilise certains équilibres locaux. Je souhaiterais, madame la présidente, qu'une mission soit mise en place sur ce sujet.
Je pense que nos collègues de la commission des affaires sociales sont également préoccupés par ce sujet. Peut-être faudrait-il mettre en place un groupe de travail qui ferait le point sur cette question.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information. Elle adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.
L'avis est ainsi rédigé :
La commission des finances,
Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ;
Vu le projet de décret d'avance notifié le 18 novembre 2014, portant ouverture et annulation de 1 733 857 266 euros en autorisations d'engagement et de 1 268 961 883 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général de la commission des finances ;
1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des opérations extérieures du ministère de la défense, des dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale et d'autres ministères ainsi que des dépenses d'intervention liées principalement à l'hébergement d'urgence ;
2. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée au regard de la nécessité d'assurer la continuité du paiement des personnels de l'État, de poursuivre les opérations extérieures dans lesquelles est engagée l'armée française, de faire face aux besoins de l'hébergement d'urgence et d'assurer le paiement des contrats aidés conclus ;
3. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant ;
4. Constate que plus des deux tiers du total des crédits ouverts ne sont pas gagés par des annulations de crédits au sein de la même mission, ne respectant donc que partiellement le principe d'auto-assurance posé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publique ;
5. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;
6. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont donc réunies ;
7. Considère cependant que le caractère urgent des ouvertures ne préjuge pas de leur imprévisibilité et note en particulier que les opérations extérieures, les dépenses de personnel de l'État et certaines dépenses dites « de guichet » font systématiquement l'objet d'une sur-exécution par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale ;
8. Relève que le surcoût relatif aux opérations extérieures de la Défense pour 2014 constitue près de la moitié des crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance, pesant principalement sur l'équipement des forces et conduisant à une augmentation des reports de charges paraissant difficilement soutenable pour le budget du ministère de la défense et pour ses fournisseurs ;
9. Observe qu'ont été annulés sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » 193,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 264,3 millions d'euros en crédits de paiement, alors même que ces crédits constituent un investissement en faveur de la croissance à long terme ;
10. Souligne que le présent projet de décret d'avance doit être analysé de façon conjointe au projet de loi de finances rectificative en cours d'examen par le Parlement ; qu'au total, ce sont plus de 2,1 milliards d'euros qui sont nécessaires pour assurer la fin de gestion 2014, dont 555 millions au titre de divers dispositifs de solidarité dont la dynamique n'est pas maîtrisée ;
11. Observe en particulier que les financements supplémentaires à hauteur de 56 millions d'euros au titre de l'hébergement d'urgence prévus par le décret d'avance du 22 septembre 2014 n'ont pas suffi à couvrir l'ensemble des besoins et qu'aux crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance s'ajoutent 103 millions d'euros supplémentaires prévus par le projet de loi de finances rectificative précité au titre de l'hébergement d'urgence, de l'hébergement des demandeurs d'asile et de l'allocation temporaire d'attente (ATA) ;
12. Relève que les hypothèses de budgétisation relatives à la masse salariale au titre de l'enseignement scolaire se sont révélées trop favorables en 2014, en particulier concernant le « glissement vieillesse technicité » (GVT), comme la Cour des comptes en avait souligné le risque dès son rapport de juin 2014 ; que ces hypothèses restent optimistes pour 2015, laissant craindre un nouveau dépassement ;
13. Observe que l'ampleur des ajustements apportés aux crédits des différentes missions en fin d'année traduit les difficultés de gestion résultant du dynamisme des dépenses de personnel et des prestations sociales dites « de guichet » et conduit à s'interroger sur la sincérité de la budgétisation initiale de ces dépenses contraintes ;
14. Invite le Gouvernement à engager des réformes permettant de maîtriser l'évolution de ces dépenses à moyen terme, en revenant sur le principe de stabilité des effectifs de l'État et en engageant des travaux sur les critères et les modalités d'attribution des prestations précitées, afin d'en réduire le coût ;
15. Émet, sous le bénéfice de ces observations, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.
J'ai une question concernant l'organisation des travaux du Sénat et l'ordre du jour de la séance publique. L'examen de la mission « Santé » était initialement prévu jeudi 27 novembre au soir ; il serait reporté le samedi 29 novembre dans l'après-midi. Il est compliqué de s'organiser dans ces conditions...
Nous avons en effet été avisés que l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 en nouvelle lecture pourrait se dérouler sur la journée entière. De ce fait, les missions concernées seront déplacées au samedi, conformément à la conférence des présidents relative au calendrier d'examen du projet de loi de finances pour 2015.
La réunion est levée à 20 h 07.