Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air

Réunion du 23 juin 2015 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • agglomération
  • air
  • montpellier

La réunion

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Photo de Martial Bourquin

Nous recevons ce matin M. Patrick Martin Uzamugura, architecte, dans le cadre de la série d'auditions que nous consacrons aux solutions.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Patrick Martin Uzamugura prête serment.

Patrick Martin Uzamugura, architecte

Merci Monsieur le président. Je suis honoré de contribuer aux travaux de la commission.

Je suis à l'origine de « l'espace européen Montpellier », dit « l'espace », qui promeut une alternative au doublement de la portion de l'autoroute A9 qui traverse l'agglomération de Montpellier.

Depuis plusieurs années, je suis porté par l'ambition d'intégrer résolument les enjeux du développement durable dans mes conceptions afin de réaliser des ouvrages qui mettent en oeuvre une transition énergétique et écologique accessible et qui valorisent les ressources locales.

« L'espace » apporte la démonstration que la transition écologique et énergétique est possible, qu'il existe par exemple une audacieuse alternative à la déclaration d'utilité publique (DUP) de l'A9, qui est antédiluvienne, mortifère et financièrement irresponsable.

« L'espace » défend le développement économique des territoires dans l'intérêt de tous, en intégrant écologie industrielle, préservation des ressources, investissement social, création de richesses, développement de technologies et de services et création d'emplois. La question de la production d'énergie sans impact foncier est également centrale dans notre réflexion.

« L'espace » prévoit ainsi la construction d'une centrale solaire photovoltaïque (165 MWc) au coeur de l'agglomération de Montpellier et d'un parc éolien (168 MWc) intégré au bâti pour constituer près d'un tiers d'une centrale nucléaire (333 MWc) sans rejet de polluants lors de son fonctionnement.

La DUP de l'A9 consiste à doubler l'autoroute A9 qui traverse d'Est en Ouest l'agglomération de Montpellier sur 25 km. Cette DUP aggraverait les effets de la pollution de l'air par des aménagements irresponsables.

Évoqués par les commissaires enquêteurs en 2007, les effets de la pollution de l'air ont été oubliés, écartés ou volontairement occultés depuis lors.

Pourtant, l'engagement des décideurs publics permettrait d'atténuer considérablement les effets de la pollution de l'air et de l'eau des grandes voies de circulation par un projet amortissable, et ce sans solliciter les deniers du contribuable en période de crise budgétaire.

La mise en oeuvre des recommandations de « l'espace » permettrait d'atteindre l'autonomie énergétique du territoire, d'éviter plusieurs milliers de tonnes par an de rejets de CO2, de réduire la pollution de l'air et de l'eau et les nuisances sonores, de favoriser la construction de milliers de logements passifs et positifs et de créer des milliers d'emplois.

Elle se traduirait aussi par une forte économie environnementale, la réduction de 90 % des coûts d'entretien, un impact foncier nul et aucune dévalorisation patrimoniale ou foncière, l'aménagement de 40 à 80 hectares boisés au coeur de l'agglomération de Montpellier qui atténueront les « effets d'îlot de chaleur », la préservation des biotopes et de la biodiversité, le traitement autonome des eaux usées, la collecte et la gestion des eaux pluviales et, enfin, l'intégration d'un tramway rail-route pour une liaison transversale de l'agglomération en reliant toutes les villes mitoyennes au droit de la DUP.

À l'inverse, la DUP de l'A9 ne respecte pas le plan national d'adaptation au changement climatique, n'aurait aucune incidence sur les rejets de CO2, ne diminuerait pas la dispersion des particules cancérogènes, continuerait à propager les nuisances sonores et à dévaloriser le patrimoine des riverains, ne créerait aucun emploi pérenne et ne dégagerait aucune économie environnementale. Elle provoquerait l'augmentation des coûts d'entretien et donc des péages.

Elle conduirait à la destruction des biotopes, à l'affaiblissement de la biodiversité et des nappes phréatiques, elle nuirait aux exploitations agricoles et à l'emploi et elle aggraverait la pollution des cours d'eau et des bassins versants.

Dans un rapport sur l'évaluation de l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine dans la zone de Montpellier, publié en avril 2005, l'Institut de veille sanitaire relevait que, chaque année, la pollution atmosphérique, augmentée par l'accroissement de la circulation, était à l'origine dans cette agglomération de 34 décès, 79 admissions hospitalières pour motif cardio-vasculaire, 15 admissions pour motif cardiaque et 13 admissions pour motif respiratoire chez les plus de 15 ans.

En outre, l'urbanisation importante de certaines zones de l'agglomération montpelliéraine provoque une augmentation locale des températures moyennes, comme l'atteste la fréquence croissante des plans d'alerte sécheresse et canicule en Languedoc-Roussillon.

Dans un autre rapport, paru en janvier 2013 et portant sur l'évaluation de l'impact sanitaire, à court et long termes, de la pollution atmosphérique en Languedoc-Roussillon, l'Institut de veille sanitaire estimait que la diminution des concentrations annuelles des PM2,5 de 5 ìg/m3 dans l'unité urbaine de Montpellier permettrait d'éviter chaque année cent décès anticipés, soit quatre mois de vie perdus, ce qui correspondrait à une économie de 170 millions d'euros par an.

Or, le dédoublement de l'A9 va à l'encontre de ces préconisations. Par exemple, les élèves du lycée Pierre Mendès France, situé à proximité de la route, seront encore plus exposés aux pathologies liées à la pollution de l'air.

Plus fort encore, l'absurde et l'inconscience vont conduire les services techniques de l'agglomération de Montpellier à envisager plusieurs milliers de logements de bureaux, soit 400 000 m² entre ces deux autoroutes parallèles distantes au plus large d'environ 600 m !

Cette DUP de l'A9 ne protège ni les terres arables, ni la biodiversité -plus de 125 hectares de biotope seront détruits. Elle va décupler la pollution atmosphérique et sonore dans toute l'agglomération et augmenter « l'effet d'îlot de chaleur » qui contribue à l'aggravation des effets du dioxyde d'azote. Elle aura des conséquences sur la santé publique des riverains, sur la dépréciation de leurs patrimoines fonciers et immobiliers et sur les rendements agricoles.

De plus, le financement du projet repose sur un appel de fonds d'État et des augmentations de péages dans une période de difficultés budgétaires.

Enfin, la préfecture de l'Hérault vient de reconsidérer la carte des risques majeurs liés aux inondations, notamment sur le littoral. Or, le projet de dédoublement de l'A9 accroît les risques de ruissellement des eaux de pluie.

S'agissant du coût global, la solution que nous proposons, sans augmentation d'impôts, sans péage, s'avèrera près de deux fois moins onéreuse, sans compter les externalités positives, que celle de la DUP de l'A9, qui coûtera environ 60 millions d'euros par km.

L'énergie électrique renouvelable produite sera utilisée sur le site.

Notre projet ne ressemble pas à un tunnel : les parois latérales sont ventilées et amovibles instantanément en cas d'urgence et l'ensemble du dispositif, sur 25 km, est équipé de plusieurs extracteurs alimentés par les énergies renouvelables produites sur site qui forceront l'air à suivre un cheminement par lequel il sera reconditionné.

L'encapsulation intégrale des voies offre donc la possibilité de filtrer les polluants. Cette solution permettra de réduire de 50 à 75 % la pollution de l'air par la collecte des polluants.

Les surplus d'électricité d'origine renouvelable seront transformés en hydrogène par électrolyse de l'eau. Cet hydrogène sera ensuite injecté directement dans le réseau de gaz naturel en l'état, ou après une étape de méthanisation.

En collectant les eaux pluviales pour les besoins en eau de l'agglomération, cette alternative remédiera, en outre, aux effets de l'imperméabilisation de l'A9 et évitera la pollution de 2 500 000 m3 par an, issue des eaux de ruissellement sur cette portion d'autoroute.

Photo de Leila Aïchi

Quelles résistances votre projet a-t-il rencontrées ?

Patrick Martin Uzamugura, architecte

Des considérations esthétiques nous ont été opposées. Mais l'ouvrage ne dépasse pas la lisière d'une forêt. On nous a aussi répondu qu'il était trop tard. Mais est-il jamais trop tard quand il s'agit de sauver des vies ?

Photo de Loïc Hervé

Quelle a été la réaction des concessionnaires autoroutiers ?

Patrick Martin Uzamugura, architecte

Le directeur des autoroutes du sud de la France (ASF) s'est montré intéressé, mais il nous a confié que la décision relevait du ministre compétent, lui-même.

Photo de Leila Aïchi

Les savoir-faire que vous mobilisez sont-ils français, européens ?

Patrick Martin Uzamugura, architecte

Nous ne faisons appel qu'à des savoir-faire français. Nos techniques ne sont pas si compliquées à mettre en oeuvre.

Photo de Louis Nègre

J'en reviens à la lutte contre les inondations. Dans votre système, la route est située au rez-de-chaussée ; il n'y a donc pas de barrage ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Aujourd'hui, l'A9 est imperméabilisée, ce qui entraîne le ruissellement de l'eau de pluie vers les champs et les vignes alentour. La responsabilité de cette infrastructure dans les inondations du secteur est établie. Doubler les voies aggravera le problème. Notre solution de superposition des axes permettra d'annuler les effets de l'imperméabilisation des routes et de recueillir l'eau de pluie sur les centrales photovoltaïques.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ma question portait sur l'existence ou non d'un barrage empêchant l'eau de s'écouler sur la chaussée.

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Cet aménagement n'existe pas aujourd'hui. Notre solution aurait au moins le mérite de ne pas empirer les choses en doublant les possibilités de ruissellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ma deuxième question portait sur la qualité de l'air. En encapsulant les voies, vous créez une sorte de tunnel. Que prévoyez-vous pour l'évacuation en cas d'accident ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Le projet tient compte de la nécessité des bandes d'arrêt d'urgence. En outre, à l'étage, des sorties tous les 3 ou 4 km devraient permettre l'intervention des secours.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ma question est plus précise. Comment faire si un incendie se déclare à la suite de l'accident d'un poids-lourd dont l'essence se répand sur la route, par exemple ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Des échelles de secours sont envisageables.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Un système de transports collectifs en site propre aurait-il un sens pour l'agglomération de Montpellier ? L'autorité organisatrice de transports, compétente, a-t-elle jugé cette idée intéressante ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Dans notre projet, la ligne de tramway serait construite sans infrastructure supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Votre proposition est originale. A-t-elle été évaluée par une structure comme le Conseil général de l'environnement et du développement durable ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Dans ce domaine, dès qu'une DUP a été adoptée, des portes se referment...

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Oui. La présentation du projet suscite l'enthousiasme mais, ensuite, les choses se gâtent... Une entreprise pourtant est prête à nous aider.

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

GDF Suez pourrait investir jusqu'à 60 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Avez-vous été approché par des entreprises étrangères, par d'autres pays ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Des Chinois, des Russes, des Marocains ont manifesté leur intérêt. On peut également citer le cas de Madagascar, pays au niveau élevé de pollution de l'air. Nous pourrions y apporter notre expertise au projet de périphérique de Tananarive. Ajoutons enfin à cette liste deux pays européens, la Belgique et la Pologne.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Quels leviers vous faudrait-il pour mettre en oeuvre vos solutions ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Nous ne rencontrons pas vraiment de résistance à l'étranger où se pose plutôt la question des moyens. En France, une prise de conscience politique paraît nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Ne devriez-vous pas distinguer votre projet du cas de l'A9 pour lui donner plus d'écho ?

Debut de section - Permalien
Patrick Martin Uzamugura, architecte

Nous avons choisi de privilégier un cas concret qui suscite de vraies questions de santé publique, liées par exemple à la proximité du lycée Pierre Mendès France.